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Introduction

Les organisations sont des terrains de recherche souvent bien clôturés, pentus et difficiles d’accès. Les personnes en recherche[1] doivent souvent cogner à de nombreuses portes avant d’atteindre le Saint des saints. L’ethnographie qui consiste à décrire les éléments de culture d’une organisation et de ses membres se heurte à des difficultés d’accès lorsqu’elle se déroule au sein d’organisations (Karra & Phillips, 2008). Cependant, il existe un sésame : si la personne en recherche est actuellement ou anciennement membre de l’organisation, les portes peuvent s’ouvrir plus facilement. Cet article présente l’auto-ethnographie collaborative organisationnelle (ACOR), soit une combinaison de plusieurs formes d’auto-ethnographies dans le but de coconstruire des récits d’une organisation. Cette méthode emprunte notamment une approche dialogique entre personnes en recherche et personnes issues de la pratique, un dialogue recommandé par Parmentier Cajaiba et Avenier (2013). La première utilisation de l’auto-ethnographie collaborative est très récente (Chang et al., 2013) et son application en recherche organisationnelle l’est encore plus (Bourguignon et al., 2021). Cependant, à ce jour, l’ACOR n’a pas encore été formellement documentée. Le but de cet article est justement de développer une épistémologie et une démarche recommandée de l’ACOR. L’article situera d’abord l’auto-ethnographie collaborative organisationnelle au sein de la famille de l’ethnographie. Afin de fournir un cas d’utilisation, une étude utilisant les grandes étapes de l’ACOR et portant sur le rôle de représentantes et représentants en vente sera présentée. Nous expliquerons ensuite comment l’ACOR résout certains défis en termes de rigueur scientifique, d’introspection, de rétrospection et d’éthique. En terminant, l’article explorera les autres domaines d’application de cette méthode.

Cet article offre un guide aux personnes en recherche qui souhaitent obtenir un meilleur accès aux données organisationnelles en faisant participer activement des membres de l’organisation, et ce, tout en s’adaptant à leur disponibilité parfois moindre.

De l’ethnographie à l’auto-ethnographie collaborative organisationnelle (ACOR)

Dans cette section, nous présentons les différentes facettes de plusieurs méthodes de la famille ethnographique, soit l’ethnographie, l’ethnographie collaborative, l’ethnographie de type organisationnelle, l’ethnographie collaborative organisationnelle, suivies des auto-ethnographies usant des mêmes déclinaisons que les ethnographies. La Figure 1 illustre le positionnement de ces différentes déclinaisons ethnographiques.

On peut retracer les origines francophones de l’ethnographie dans les écrits de l’anthropologue Marcel Mauss (1926). Il la définit comme une observation approfondie d’un groupe (l’anthropologue dira « tribu ») en prenant des notes dans un journal et même en réalisant des entretiens. L’ethnographie consiste à rendre compte de la culture partagée par les membres d’une communauté particulière (Pepin, 2011). La méthode ethnographique aboutit généralement à la production d’un texte donnant une voix aux membres du groupe qui partagent une même culture (Fetterman, 2009). Mais les cinquante dernières années ont vu une telle expansion des méthodes ethnographiques qu’il serait aujourd’hui difficile d’en donner une définition plus exhaustive sans se heurter à des oppositions ontologiques et épistémologiques (Hammersley, 2018).

L’ethnographie devient collaborative lorsque les participants et participantes contribuent à la cueillette des données et, en plus, produisent des textes ethnographiques (Lassiter, 2005). Elle permet de rétablir le pouvoir entre les personnes participantes qui, sinon, se feraient dépouiller de leurs histoires au profit d’académiciennes et académiciens qui en bénéficient pour leur propre avancement professionnel (Slutskaya et al., 2018). L’implication des participantes et participants dans la recherche permet de développer la confiance et de produire des récits plus riches et de plus grande qualité (Slutskaya et al., 2018). L’ethnographie collaborative permet de faire entendre plusieurs voix, constituant ainsi une polyphonie ou une plurivocalité.

L’ethnographie de type organisationnelle tire son origine de l’ethnographie anthropologique et sociologique. La « tribu » en anthropologie s’avère être, en ethnographie organisationnelle, un groupe de membres d’une organisation. John van Maanen (1979), qui a fortement contribué à populariser l’ethnographie organisationnelle, remarque que cette méthode permet de rendre compte de ce que les gens font « ensemble de manière observable et répétitive » (p. 539) dans les organisations. Cette méthode consiste en une immersion relativement longue au sein d’une organisation et parmi ses membres (Jensen et al., 2020) afin d’en étudier sa culture (Côté-Boileau et al., 2020). Pendant cette immersion, les données sont collectées à l’aide de prises de notes d’observation, lors d’entretiens et en passant par l’analyse de textes produits par les membres de l’organisation (Jensen et al., 2020). Comme l’observation est dite « participante », elle nécessite le développement d’un climat de confiance entre les personnes qui y participent et les personnes en recherche (Côté-Boileau et al., 2020). Or, il est souvent difficile pour un chercheur ou une chercheuse externe de rapidement obtenir la confiance des participantes et participants, ce qui peut prolonger l’immersion au-delà du temps alloué pour un projet et diminuer ses chances de succès.

Figure 1

L’apport de certaines stratégies ethnographiques dans la construction de l’ACOR

L’apport de certaines stratégies ethnographiques dans la construction de l’ACOR

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La collaboration en ethnographie organisationnelle peut atténuer ce manque de confiance. Lorsque l’ethnographie organisationnelle devient collaborative, elle peut prendre trois formes, soit la collaboration lors de la cueillette de données sur le terrain, lors d’une recherche-action ou encore lors de la création de textes (Visconti, 2010).

L’auto-ethnographie, quant à elle, consiste à « décrire et analyser systématiquement l’expérience personnelle afin de comprendre l’expérience culturelle » (Ellis et al., 2010). Dans ce cas-ci, l’auto-ethnographe se trouve être l’objet de son analyse où ses propres expériences culturelles sont à la fois une condition et une caractéristique de la démarche auto-ethnographique (Hamilton et al., 2008). Si l’ethnographie est considérée comme une observation participante, l’auto-ethnographie est considérée comme une participation observante, en ce sens que la participation prend le pas sur l’observation (Alvesson, 2003). De plus, si, en ethnographie, la personne en recherche tente de réduire la distance avec son objet de recherche, en auto-ethnographie, elle tente de créer une distance objectivée parce que l’objet de recherche est son expérience personnelle et subjective (Alvesson, 2003). Par ailleurs, l’auto-ethnographie requiert un équilibre entre le récit autobiographique, qui est une expérience personnelle, et la recherche ethnographique qui est une expérience culturelle (Winkler, 2018).

L’auto-ethnographie individuelle soulève des problèmes éthiques lorsque la personne en recherche prend la parole à la place des acteurs et actrices qui font partie de son récit (Lapadat, 2017). Inclure la voix des autres dans les récits, comme le fait l’auto-ethnographie collaborative, transforme un processus subjectif en processus intersubjectif. Cette écriture en solitaire qu’est l’auto-ethnographie devient alors collaborative. Jusqu’à récemment, l’auto-ethnographie s’écrivait seule, mais de plus en plus de personnes en recherche adoptent maintenant une forme ou l’autre de collaboration (Winkler, 2018), surtout dans des domaines comme la santé et l’éducation. Parmi ces nouvelles formes de collaboration, on retrouve Albert et Couture (2013), qui présentent un modèle d’auto-ethnographie incluant la présence d’une cochercheuse pour développer une compréhension commune du récit. Il serait aussi possible de qualifier de collaboratives les auto-ethnographies de Ellis et Bochner (2000, 2006) souvent présentées sous forme de conversation. Ce processus d’écriture en binôme a pris le nom, entre autres, d’auto-ethnographie collaborative dialoguée (Martinez & Andreatta, 2015), d’autobiographie collaborative (Lapadat, 2017) ou encore d’auto-ethnographie relationnelle (Ellis & Rawicki, 2013). Chang et al. (2013) ont nommé auto-ethnographie collaborative le travail de plusieurs auto-ethnographes partageant une expérience commune; ils et elles peuvent commencer l’écriture de leur expérience individuellement, chacun et chacune de leur côté, après avoir choisi les expériences dont il sera question. Cette méthode facilite la collecte de points de vue différents sur un même événement (Martinez & Merlino, 2014). Elle consiste à inclure de multiples perspectives individuelles en un seul récit de façon à mieux décrire une expérience collective, et ce, en utilisant l’intersubjectivité et la multivocalité (Hernandez et al., 2017). Comme l’expliquent Hernandez et al. (2017), l’auto-ethnographie collaborative requiert une gestion particulière de la logistique, des relations et de l’éthique. En effet, du point de vue logistique, il est plus complexe d’organiser des rencontres et des discussions de cocréation lorsque le groupe prend de l’ampleur. En ce qui concerne les relations entre les différents auto-ethnographes, il peut arriver qu’en triant les récits ou en les organisant, la voix, l’expérience et la subjectivité d’une personne soient laissées de côté. Il est nécessaire de ne pas accueillir trop rapidement un consensus qui se serait créé pour préserver les relations. Finalement, l’auto-ethnographie collaborative, qui se veut plus éthique que l’auto-ethnographie individuelle, car elle inclut la voix de plus d’acteurs et actrices, ne peut cependant toutes les inclure. Par conséquent, la vigilance est de mise lorsque les récits incluent des acteurs et actrices qui ne participent pas à la recherche.

Si l’ethnographie organisationnelle pose un problème de confiance entre les personnes participantes et les personnes en recherche, l’auto-ethnographie organisationnelle répond en partie à cette nécessaire confiance, puisque la personne en recherche est ou était membre de l’organisation et décrit sa propre expérience au sein de l’organisation en produisant souvent du contenu riche et parfois émotionnel (Sambrook & Herrmann, 2018). Cette méthode suggère de s’observer soi-même au sein de l’organisation plutôt que l’ensemble de ses membres, comme le ferait l’ethnographie (Boyle & Parry, 2007). Cette méthode de personne en recherche interne à l’organisation peut être particulièrement utile lorsqu’il est difficile d’avoir accès aux données à l’intérieur des organisations. La démarche auto-ethnographique organisationnelle est donc un exercice de réflexivité (Rondeau, 2011) d’un ou d’une des membres ou ex-membres de l’organisation étudiée (Anderson, 2006).

L’auto-ethnographie collaborative devient organisationnelle (ACOR) lorsque la culture étudiée est celle d’une organisation. Il arrive souvent que dans un tel environnement, les personnes participantes ne soient pas formées aux méthodes de recherche et à l’auto-ethnographie. Elles deviendront alors des auto-ethnographes ad hoc, par opposition à la personne en recherche principale, définie non pas ici au sens hiérarchique du terme, mais plutôt au sens de personne responsable du projet de recherche. Les auto-ethnographes ad hoc doivent être guidés par la personne auto-ethnographe principale qui doit trouver un équilibre entre son rôle d’auto-ethnographe racontant ses propres histoires et celui de collaborateur ou collaboratrice qui cherche à inclure la voix des autres dans les récits. Cela suppose de témoigner d’une ouverture envers les perspectives des auto-ethnographes ad hoc et sa propre perspective de personne auto-ethnographe principale. Cet équilibre ne peut être atteint que si l’auto-ethnographe principal ou principale inclut une démarche réflexive sur sa propre démarche et/ou s’il ou elle peut s’appuyer sur une personne en recherche externe qui pratique un scepticisme intentionnel (Schouten & McAlexander, 1995). Les membres d’une organisation ne sont pas tous et toutes disponibles ou même intéressés et intéressées à écrire leurs récits; les récits oraux deviennent une alternative intéressante pour la cueillette de données. C’est à cette étape que la personne auto-ethnographe principale doit d’abord veiller à laisser émerger les expériences des personnes participantes et ensuite à les confronter à sa propre expérience pour générer une collaboration. Pour ce faire, elle peut suivre les recommandations de personnes en recherche narrative :

En adoptant une position d’écoute ouverte et en prêtant attention aux réponses inattendues et inhabituelles des participants, ils peuvent contribuer à faire en sorte que la voix du participant soit entendue et que le texte ne soit pas principalement la création de l’intervieweur. La tâche de l’intervieweur est d’habiliter les participants en reconnaissant qu’ils sont les seuls à avoir accès au sens de leur expérience

Polkinghorne, 2007, p. 482

Le choix final des expériences retenues le sera en procédant à un échantillonnage théorique afin de répondre à la question de recherche. La personne auto-ethnographe principale dispose d’un certain pouvoir sur les auto-ethnographes ad hoc. Si elle en abuse, une perte de confiance marquera la relation entre les collaborateurs et collaboratrices et pourrait faire échouer la recherche. Pour maintenir la confiance, la personne en recherche devra accepter de perdre une partie du contrôle de sa recherche au bénéfice des autres.

La Figure 1 présente l’apport de certaines stratégies ethnographiques dans la construction de l’ACOR. Elle combine la démarche ethnographique organisationnelle à la fois de type auto-ethnographique (individuelle) et collaborative. Elle profite des avantages de chacune de ces méthodes tout en compensant plusieurs de leurs lacunes.

Les quatre étapes de base de la méthode de l’ACOR

Les quatre étapes de l’ACOR sont : 1) la première collecte de données auprès de la personne auto-ethnographe principale; 2) l’identification des auto-ethnographes ad hoc (l’échantillonnage); 3) la collecte de données auprès des auto-ethnographes ad hoc; 4) l’analyse des récits. Nous illustrons ces étapes à partir d’une recherche qui visait à identifier les comportements de représentants et représentantes de vente lorsque surviennent des événements critiques (Bourguignon et al., 2021). Si les étapes sont présentées dans un certain ordre, la démarche est plutôt itérative. Le déroulement de l’analyse et de la rédaction des récits en plusieurs étapes favorise un processus herméneutique qui permet d’osciller entre la micro-compréhension et la macro-compréhension d’un phénomène. Il est aussi important de noter que l’ampleur de la collaboration varie d’une équipe de recherche à une autre : alors que dans certaines circonstances, les auto-ethnographes collaborent à toutes les étapes, dans d’autres, ils ou elles collaborent seulement à certaines étapes (Ngunjiri et al., 2010).

La première étape consiste à réaliser la première collecte de données auprès de la personne auto-ethnographe principale en procédant avec la rédaction initiale des récits où, comme souvent en recherche inductive, il s’agit de permettre l’émergence d’un contenu riche, original et non « contaminé » par une revue de littérature extensive ou un cadre académique restrictif. L’introspection sur une expérience spécifique de la personne en recherche, membre à part entière de l’organisation, commence à répondre à cette question de recherche, mais peut aussi conduire à la modifier. Le point de départ d’une ACOR est donc d’écrire et de décrire sa propre expérience au sein de son groupe. Le « je » constitue la première étape de rédaction afin de cristalliser les expériences vécues. Dans notre étude, la question de recherche initiale cherchait à identifier ce qui se passait lorsque surviennent des événements critiques dans les relations avec les clients et clientes. Petit à petit, au fil des découvertes qui émergeaient des récits de l’auto-ethnographe principal, la question de recherche s’est précisée pour s’attarder aux stratégies de l’équipe de vente en contexte d’événements critiques.

Les récits recueillis par la personne auto-ethnographe principale impliquent d’autres personnes, ce qui peut contrevenir à l’éthique si l’on raconte leurs récits sans leur consentement. Ces autres personnes sont donc conviées à développer leur propre auto-ethnographie. La deuxième étape consiste à procéder à un échantillonnage théorique, c’est-à-dire à identifier les auto-ethnographes ad hoc présentes ou présents dans les récits de la personne auto-ethnographe principale, mais aussi les autres membres de l’équipe de recherche qui contribueront à l’atteinte d’une plus grande rigueur scientifique. Par exemple, lors de notre étude, le groupe constitué de l’auto-ethnographe principal et des auto-ethnographes ad hoc s’est enrichi d’un chercheur externe à l’organisation, un non-auto-ethnographe qui servait de caisse de résonance à chacune des étapes. Ce rôle a permis de favoriser la réflexivité et de créer une distance entre l’auto-ethnographe principal et ses propres histoires.

La troisième étape consiste en une nouvelle cueillette de données, cette fois auprès des auto-ethnographes ad hoc. Une première approche consiste à leur demander d’écrire individuellement leur propre version des récits choisis. La personne auto-ethnographe principale réconcilie ensuite les deux versions. Une autre approche est de collecter les données oralement tout en réconciliant les deux (ou les multiples) versions du récit pendant la collecte. Pour éviter que les auto-ethnographes ad hoc acquiescent simplement aux récits de la personne auto-ethnographe principale, cette dernière leur demande de faire leur propre introspection et de raconter le récit à leur manière. Ceci permet de dégager les ressemblances et les différences entre la perspective des auto-ethnographes ad hoc et celle de l’auto-ethnographe principal. Une grille d’entretien semi-structurée peut permettre de circonscrire l’ensemble des éléments identifiés dans le récit initial de la personne auto-ethnographe principale. Puis, en dialoguant lors des entretiens, les auto-ethnographes procèdent à une démarche réflexive. Par exemple, cette démarche peut s’amorcer en posant des questions comme : « est-ce que les événements se sont bien déroulés ainsi? »; « Mon rôle et ton rôle ont-ils bien été ceux que nous décrivons? » Les histoires se coconstruisent à partir de la confrontation des idées, ce qui aide à réduire certains biais induits par le travail de rétrospection en utilisant une forme de triangulation des données. Les échanges entre la personne auto-ethnographe principale et les auto-ethnographes ad hoc sont ensuite retranscrits. Le verbatim de l’échange dialogique constitue la matière brute qui servira à documenter les récits et transposera la mémoire immatérielle sur un support écrit. Durant cette étape, le « nous » apparaît dans la rédaction des récits communs qui incorporent la plurivocalité des auto-ethnographes. La collaboration suppose de négocier la perspective qui sera prépondérante dans le récit. Lors de notre étude, nous avons privilégié la deuxième approche au travers d’entretiens dialogiques pour permettre un échange entre des auto-ethnographes occupant des positions hiérarchiques différentes lors des événements. Ce type d’échange a ravivé des souvenirs, plus mémorables chez certains que chez d’autres, et a permis de réconcilier la perspective de l’auto-ethnographe principal, jadis à la direction de l’équipe de vente, avec celle de ses représentants et de sa représentante agissant maintenant comme auto-ethnographes ad hoc. La majorité des détails concordaient, mais il arrivait qu’un désaccord survienne entre les versions des auto-ethnographes. Par exemple, Nataly a exprimé un point de vue différent de l’auto-ethnographe principal au cours d’un échange sur les stratégies de leur employeur. Il est rapidement apparu raisonnable de privilégier les perspectives des auto-ethnographes ad hoc, incluant celle de Nataly, parce qu’en leur qualité de représentants et de représentante, ils et elles avaient vécu le récit de première main et avaient été impliqués dans toutes les interactions. Une autre approche possible serait de présenter plusieurs points de vue d’un même récit, mais alors il s’agirait de multiples auto-ethnographies et non plus d’une auto-ethnographie collaborative.

La quatrième étape est l’analyse des récits. Lorsque plusieurs récits différents constituent la matière brute d’une seule recherche, il est impératif de les analyser afin de pouvoir les comparer pour faire ressortir les différences et les ressemblances. Pour faciliter l’analyse, il est recommandé de codifier les textes. À cette étape, trois options se présentent. Dans la première, seule la personne auto-ethnographe principale effectue cette analyse parce qu’elle est la seule à posséder une expérience commune à tous les récits et peut-être aussi, parce qu’en recherche organisationnelle, les auto-ethnographes ad hoc ont peu d’intérêt ou encore ont peu de temps à y accorder. Afin d’améliorer la rigueur scientifique, une personne en recherche externe à l’organisation pourrait aussi contribuer à l’analyse. En usant de scepticisme intentionnel (Schembri, 2009), son apport augmenterait la distance, et donc l’objectivité de la personne en recherche interne à l’organisation par rapport à son objet, et ajouterait une fiabilité intercodeurs. La seconde option consiste à pleinement impliquer les auto-ethnographes ad hoc dans l’analyse et s’oppose ainsi à la première sur le continuum collaboratif. Cette implication peut prendre plusieurs formes comme des groupes de discussion ou même des séances d’analyse conjointe qui tiennent compte du fait que les personnes auto-ethnographes ad hoc ne sont probablement pas formées à la recherche. La troisième option est mitoyenne, en ce sens que ces dernières sont invitées à confirmer les résultats et l’analyse, ce qui permet de « valider » la compréhension de la personne en recherche principale (« member check »). Dans notre étude, nous avons privilégié la première option parce que les représentants et la représentante avaient peu de temps à consacrer au projet.

Solutions de l’ACOR aux défis de l’auto-ethnographie organisationnelle

Puisque l’ACOR ajoute la dimension de la collaboration à l’auto-ethnographie organisationnelle, il est nécessaire d’examiner en quoi l’aspect collaboratif est bénéfique. Nous verrons que l’ACOR offre des solutions pour surmonter quatre défis pratiques et éthiques de l’auto-ethnographie individuelle identifiés au fil des ans (Winkler, 2018), soit la rigueur scientifique, l’introspection, la rétrospection et l’éthique.

Rigueur scientifique

Au tout début de mon doctorat, H., mon directeur de thèse, me demande de rédiger des récits basés sur mon expérience récente de vice-président des ventes. Je suis perplexe. Quel est le rapport entre mon passé professionnel et mon nouveau rôle de chercheur? Je serai nécessairement biaisé si j’écris sur mon expérience de vice-président des ventes. Ne suis-je pas censé conduire une recherche libre de tout biais?

B.

Mon étudiant, B., comprenait mal ce que je cherchais à obtenir. Je voulais recueillir des données de sa riche expérience avant qu’il ne soit « contaminé » par le cadre académique. Tout chercheur est nécessairement biaisé

H.

Gohier (2004) compare la rigueur en recherche qualitative à la validité scientifique des sciences de la nature où l’on retrouve les critères de fiabilité, de validité et de généralisation. En auto-ethnographie, Ellis et al. (2010) expliquent que la fiabilité repose essentiellement sur la crédibilité de la personne en recherche, à savoir si elle exprime vraiment sa version des récits ou si elle a pris une liberté littéraire. Ces mêmes auteurs expriment la validité par la vérisimilitude, c’est-à-dire que les récits sont vraisemblables et cohérents. Finalement, Ellis et al. (2010) proposent que la généralisation ou sa transférabilité se déploient des personnes participantes vers les personnes lectrices pour que ces dernières puissent se reconnaître au travers des récits présentés.

Les attentes en ce qui a trait à la rigueur des récits auto-ethnographiques diffèrent selon les paradigmes considérés. Le paradigme positiviste cherche la précision dans ces récits afin de correspondre au modèle rationnel de prise de décision (Weick et al., 2005) et de « contrôler » le passé (Wolfram Cox & Hassard, 2005) pour éviter notamment les biais ou la volonté de bien paraître (Golden, 1992). Le paradigme constructiviste favorise davantage la rédaction de narratifs plausibles, et non pas nécessairement précis, qui participent à la création de sens (Weick et al., 2005), car « ce ne sont pas les événements en eux-mêmes qui font l’expérience, mais bien le sens donné à ces événements » (Albert & Couture, 2013, p. 192), autrement dit, la compréhension que l’on en a dans le présent.

Même si les méthodes autobiographiques en général, et auto-ethnographiques en particulier, adoptent une épistémologie constructiviste pragmatique (Albert & Couture, 2013), pour atteindre la plus grande rigueur souhaitée, l’auto-ethnographie peut reposer sur la richesse des descriptions, peut-être aussi sur la déconstruction des récits par un chercheur ou une chercheuse externe à l’organisation, et également sur la réflexivité. Malgré tout, certaines personnes lectrices pourraient demeurer sceptiques puisque les narratifs recueillis proviennent d’une seule source et sont souvent rétrospectifs, ce qui peut remettre en doute leur rigueur.

La collaboration en auto-ethnographie améliore la rigueur scientifique. Pour augmenter la validité en recherche qualitative, Creswell et Miller (2000) recensent neuf méthodes différentes. Parmi celles-ci, la collaboration entre les personnes participantes et les personnes en recherche est évoquée. L’auto-ethnographie collaborative permet aussi l’usage de deux méthodes additionnelles que l’auto-ethnographie individuelle ne permet pas, soit la triangulation et la vérification auprès des membres (« member check »). En employant les points de vue de plusieurs personnes en recherche et/ou de personnes participantes, la démarche collaborative est une occasion de convaincre davantage de personnes lectrices de la rigueur scientifique du projet que si l’auto-ethnographie individuelle était utilisée (Lapadat, 2017) et elle accroît en plus la crédibilité des narratifs (Hernandez et al., 2017).

Introspection

Mes premières lectures au doctorat m’ont rapidement fait prendre conscience de la difficulté de donner une aura de crédibilité à mes propres récits introspectifs. Je me disais qu’on me reprochera sûrement d’embellir la réalité ou de ne retenir que ce qui contribuerait à mon image de vice-président des ventes

B.

En tant que directeur de thèse, je comprenais les hésitations de B., mais je ne voulais pas perdre ces précieuses données tirées de l’expérience en entreprise alors qu’elles sont si difficiles à obtenir. En demandant sans cesse des précisions à mon étudiant sur le sens qu’il accordait à ces récits, je sentais que l’on se rapprochait véritablement d’une « réalité »

H.

L’introspection est essentiellement de « regarder en soi pour voir ce qui s’y passe […] afin d’en tirer des conclusions sur notre manière d’être, de penser, d’agir » (Schlanger, 2001, p. 528). Il s’agit d’une méthode subjective. L’introspection permet d’accéder à une source interne d’information parfois inaccessible aux chercheurs et chercheuses externes (Brown, 1998), mais son application reste assez limitée dans les recherches en organisation et est souvent considérée avec méfiance (Brown, 2012), notamment parce qu’on lui reproche son manque de rigueur (Schlanger, 2001). Wallendorf et Brucks (1993) distinguent différentes catégories d’introspection. La première s’apparente le plus à l’auto-ethnographie, en ce sens que la personne en recherche s’interroge sur elle-même. La deuxième catégorie, l’introspection guidée, représente les efforts d’introspection des participantes et participants demandés par la personne en recherche que l’on retrouve souvent en recherche ethnographique. La troisième catégorie, l’introspection interactive, qui s’apparente le plus à l’auto-ethnographie collaborative, est le partage d’expériences similaires vécues par la personne en recherche et les personnes participantes d’où émerge une expérience commune. La quatrième catégorie, l’introspection syncrétique, est un amalgame des catégories précédentes où la personne en recherche combine sa propre introspection à celle des personnes participantes, mais sans interagir avec elles. En faisant intervenir d’autres personnes participantes, l’introspection de la personne en recherche devient dialogique, ce qui permet de faire ressortir des impressions passagères, de rappeler des détails oubliés, banals ou même embarrassants (Burkart, 2018), enrichissant du coup les récits.

L’introspection personnelle de la personne en recherche, souvent utilisée en auto-ethnographie individuelle, devient une introspection de groupe dans l’ACOR. La personne en recherche et des membres de son organisation cocréent des récits ethnographiques à partir de leur introspection conjointe. La cocréation est d’une certaine manière enchâssée dans le principe même de la recherche qualitative alors que la production de connaissances émerge des personnes participantes, du chercheur ou de la chercheuse et de leur relation (Finlay, 2002). Conséquemment, pour Finlay, la production de connaissances doit dépasser l’introspection individuelle et inclure une intersubjectivité réflexive qui, en faisant davantage de place à la relation entre les personnes en recherche et les personnes participantes, favorise l’émergence d’une réflexivité collaborative. Lorsque l’auto-ethnographie devient collaborative, l’introspection devient extrospection alors que le point de mire est tourné non plus vers la personne en recherche, mais vers les autres acteurs et actrices des récits (Takhar-Lail & Chitakunye, 2015).

Rétrospection

B. était un nouveau chercheur avec une très riche et longue expérience organisationnelle. Je voulais que notre domaine de pratique bénéficie et s’enrichisse de son vécu que seul lui pouvait forcément posséder. Sa mission était simple : « Remémore-toi des moments les plus marquants de ta carrière. » Je me suis dit qu’on trouverait éventuellement une manière de ficeler toutes ses histoires ensemble avec la thématique principale qui en ressortirait

H.

Au début, j’éprouvais beaucoup de difficulté avec la question de recherche et j’ai aussi trouvé l’exercice auto-ethnographique fort déstabilisant. Lesquels de mes souvenirs devais-je choisir? Comment saurais-je si c’étaient les bons? Pour avancer, je devais laisser mes doutes de côté et me concentrer sur la mission pour guider mes choix

B.

« Se souvenir », une action de rétrospection, constitue également une démarche introspective (Gould, 2002). Pour Boyle et Parry (2007), l’auto-ethnographie organisationnelle est une recherche rétrospective qui favorise une compréhension approfondie des organisations, mais qui ne prétend pas à une quelconque validité prédictive. La plupart des recherches sur la prise de décision font aussi appel à des données rétrospectives parce qu’il est difficile d’obtenir des données lors du déroulement d’événements (Huber & Power, 1985). Les récits rétrospectifs soulèvent un défi de temporalité, car les entretiens avec les personnes participantes ne suivent pas nécessairement une chronologie mais plutôt une logique propre au locuteur ou à la locutrice (Demazière, 2007). La temporalité devient personnelle, car la personne interviewée, devenue narratrice, ordonne les événements vers un dénouement (Demazière, 2007) et leur attribue un sens (Burrick, 2010) et une cohérence (Bourdieu, 1986). Les opinions divergent sur l’utilité des récits rétrospectifs en recherche. Par exemple, Golden (1992) a découvert de nombreuses erreurs dans les récits rétrospectifs de dirigeants et dirigeantes d’entreprise, ce qui l’incite à remettre en question leur utilisation dans les études en management. Miller et al. (1997) ont contesté la méthodologie utilisée par Golden et ont conclu que les récits rétrospectifs peuvent continuer d’être utilisés en gestion. Malgré leurs divergences, Golden et Miller et al. recommandent de suivre certaines règles pour obtenir des récits rétrospectifs fiables et valides, comme de recourir à de multiples informateurs et informatrices et d’inviter les personnes participantes à raconter des faits plutôt que d’émettre des opinions.

Le défi des récits rétrospectifs est atténué lorsque les récits sont cocréés comme dans l’ACOR. Pour être fiables, les récits rétrospectifs doivent employer plusieurs répondants et répondantes pour multiplier les perspectives et diminuer les risques de biais (Eisenhardt & Graebner, 2007).

Éthique

Assez tôt dans la rédaction de récits autour de mon expérience de vice-président des ventes, je me suis interrogé sur la « propriété » de ces histoires. Comment puis-je raconter ces expériences de mon seul et unique point de vue puisque nous étions plusieurs à les avoir vécues? Serait-il possible de raconter une histoire qui pourrait réconcilier les perspectives?

B.

Lorsque B. a proposé d’obtenir la perspective d’autres acteurs pour enrichir ses propres récits, j’ai accepté sans hésiter. Bien que cette démarche ajoute une étape de collecte de données, il me semblait qu’elle rassurerait B. sur sa légitimité. En poursuivant notre réflexion, il nous est apparu que ces autres acteurs pourraient devenir auto-ethnographes ad hoc en partageant leur propre expérience au sein de ces récits

H.

L’auto-ethnographie pose deux problèmes éthiques importants. Le premier découle du fait que l’être humain est essentiellement un animal social. Une auto-ethnographie peut difficilement être l’histoire d’une seule personne sans aucune relation avec les autres. Forcément, le récit auto-ethnographique inclut des informations sur d’autres personnes qu’il pourrait être possible d’identifier puisque la personne qui a rédigé l’auto-ethnographie est connue (Edwards, 2021; Morse, 2002). Bien qu’en éthique de la recherche la notion de consentement est impérative, elle commence à peine à être soulevée en auto-ethnographie (Wall, 2016). En effet, jusqu’à récemment, le consentement des gens apparaissant dans une auto-ethnographie n’était souvent pas sollicité. Le deuxième problème éthique est celui de la propriété du récit, en d’autres termes, la personne en recherche peut-elle prioriser son point de vue au-delà de tout autre (Winkler, 2018)?

La collaboration résout ces deux problèmes. D’abord, les auto-ethnographes ad hoc doivent donner un consentement libre et éclairé en vertu des règles en vigueur dans les institutions d’enseignement et de recherche. Ensuite, comme il s’agit de récits cocréés, la personne en recherche n’en est plus l’unique propriétaire. En fait, c’est toute la notion de pouvoir qui est remise en jeu par la collaboration, car elle permet une médiation entre la communauté scientifique et la communauté professionnelle (Morrissette & Desgagné, 2009). En somme, l’auto-ethnographie collaborative s’inscrit dans une démarche de respect des personnes participantes et évite de s’approprier leurs récits (Royer et al., 2021) puisque ces personnes sont incluses dans l’équipe de recherche.

Le Tableau 1 présente les ressemblances et les différences entre l’auto-ethnographie individuelle organisationnelle et l’ACOR à partir des quatre thèmes identifiés précédemment.

Limites de l’ACOR

Toute méthode a ses limites et l’ACOR n’y échappe pas. Premièrement, si l’auto-ethnographie collaborative bénéficie de la multivocalité en tenant compte de plusieurs points de vue, trop de points de vue risquent de générer une trop grande complexité dans la gestion des données (Roy & Uekusa, 2020). C’est la raison pour laquelle plusieurs personnes en recherche recommandent de limiter l’équipe de 3 à 5 membres (Chang et al., 2013; Roy & Uekusa, 2020). Deuxièmement, la confiance est un élément essentiel de l’auto-ethnographie collaborative pour obtenir des données précises (Chang et al., 2013). Cette confiance pourrait devenir un enjeu en recherche organisationnelle compte tenu des rapports de pouvoir entre les différents auto-ethnographes. Ainsi, des auto-ethnographes possédant moins de pouvoir pourraient ressentir une certaine pression à dévoiler des informations ou des sentiments ou d’accepter le consensus (Lapadat, 2017). Les enjeux de pouvoir devraient donc être examinés par les auto-ethnographes pour prévenir ce genre de situation. Troisièmement, puisque l’ACOR est une auto-ethnographie organisationnelle, cela limite son utilisation à des études où la personne en recherche est membre ou était membre d’une organisation. Quatrièmement, en raison de son côté collaboratif, afin d’assurer une bonne implication de tous les membres de l’équipe, l’utilisation de l’ACOR nécessite de choisir des thématiques qui intéressent tous les auto-ethnographes, ce qui rend encore plus important de porter une grande attention au choix des membres de l’équipe. Finalement, l’implication des auto-ethnographes ad hoc dans les révisions demandées par les évaluateurs et évaluatrices de revues scientifiques peut devenir problématique. Les personnes participantes devraient-elles être impliquées dans les corrections des textes requises par les éditeurs et éditrices et leurs évaluateurs et évaluatrices? Sinon, quelles sont les balises que les personnes en recherche doivent mettre en place pour conserver les perspectives des auto-ethnographes ad hoc sur les événements décrits lorsqu’ils doivent ré-écrire ces récits? Qu’arriverait-il si les personnes en recherche perdaient contact avec les auto-ethnographes ad hoc avant l’acceptation du texte dans une revue scientifique (Winkler, 2018)? La personne principale en recherche devrait alors être transparente et expliquer le contexte qui l’a amenée à une réécriture sans la participation des auto-ethnographes ad hoc.

Tableau 1

Comparaison entre l’auto-ethnographie individuelle et l’auto-ethnographie collaborative

Comparaison entre l’auto-ethnographie individuelle et l’auto-ethnographie collaborative

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Conclusion

L’auto-ethnographie collaborative organisationnelle se résume à ce qu’une personne principale en recherche produise une auto-ethnographie basée sur sa propre expérience dans une organisation, d’inciter ensuite d’autres membres de l’organisation à également produire leur auto-ethnographie puis de les combiner avant de l’analyser. Cette méthode s’appuie sur les avantages de l’auto-ethnographie, comme d’accéder plus rapidement aux données des organisations et d’en avoir une compréhension plus complète, tout en surmontant plusieurs de ses limites par l’ajout de la composante collaborative.

L’ACOR peut être utilisée dans de multiples formes d’organisations. Des professeurs et professeures peuvent produire une auto-ethnographie collaborative pour décrire le fonctionnement de leur département. Des étudiants et étudiantes de maîtrise ou de doctorat peuvent rapidement avoir accès à un premier terrain d’étude en revenant sur leur expérience organisationnelle. En santé, l’ACOR peut offrir une perspective nouvelle sur l’organisation du travail ou sur le rapport de pouvoir entre les personnes soignées et les personnes soignantes. La méthode peut aussi être particulièrement indiquée pour l’étude d’organisations autochtones dont les membres souhaitent une révolution épistémologique pour réduire l’ascendant des académiciens et académiciennes sur les savoirs autochtones (Tirel, 2016) et où la recherche ne porterait plus sur eux et sur elles, mais se ferait plutôt avec et même par les autochtones (Asselin & Basile, 2012). La cocréation de sens et de connaissances peut ainsi advenir par le partage des interprétations individuelles des histoires vécues collectivement (Ellis et al., 2010; Takhar-Lail & Chitakunye, 2015).