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Le 7 février 2002, le gouvernement du Québec et les Cris du Québec concluaient une entente de nation à nation qui marquait une nouvelle ère dans les relations entre le Québec et les Cris et dans le développement de la région du Nord-du-Québec. Aussi connue sous le nom de « Paix des Braves », l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec vise à concrétiser une volonté commune de faire une gestion harmonisée des ressources du nord du Québec tout en favorisant une plus grande autonomie et une prise en charge par les Cris de leur propre développement.

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Une entente unique et historique

Dans la foulée du développement hydroélectrique de la région de la baie James au début des années 1970, les Cris du Québec ont amorcé les négociations qui devaient mener en 1975 à la signature de la Convention de la Baie James et du Nord québécois (CBJNQ). Depuis, des différends liés à l’interprétation et à la mise en oeuvre de cette convention ont mené à des relations difficiles, particulièrement en ce qui concerne l’exploitation de la forêt. Dans les années 1990, les Cris revendiquent le respect de la Convention et entament des poursuites judiciaires contre le gouvernement et l’entreprise privée. Le dossier de l’exploitation de la forêt est alors au coeur des différends entre les parties. En décembre 2000, des négociations sont entreprises, qui aboutiront, en février 2002, à la signature d’une entente de cinquante ans comportant des dispositions liées à la foresterie, aux mines, au développement hydroélectrique et au développement économique et communautaire des Cris, tout en demeurant fondée sur les engagements respectifs des parties en vertu de la CBJNQ.

Volet foresterie

Le chapitre 3 de l’Entente est entièrement consacré à la foresterie. Des modalités y sont établies pour adapter le régime forestier québécois, afin de permettre une meilleure prise en charge du mode de vie traditionnel des Cris, une intégration accrue des préoccupations de développement durable et une participation réelle et significative des Cris aux différents processus de planification et de gestion des activités d’aménagement forestier.

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Le régime forestier adapté du chapitre 3 fixe des règles et procédures particulières dans la poursuite des objectifs d’une prise en charge améliorée des activités de chasse, de pêche et de piégeage des Cris et une harmonisation accrue des activités forestières avec ces activités. Des mesures telles que des unités d’aménagement forestier formées de terrains de piégeage, l’identification et la protection des sites d’intérêts pour les Cris, le maintien d’un couvert forestier sur chaque terrain de piégeage, la protection des forêts adjacentes aux cours d’eau et aux lacs, le développement du réseau d’accès routier en concertation avec les maîtres de trappe, des directives sur la protection et la mise en valeur des habitats fauniques, une stratégie sur les peuplements mélangés ainsi que l’attribution de 350 000 m3 sous forme de Contrat d’aménagement forestier (CAF), figurent au nombre des modalités spécifiques à cette partie de l’Entente.

Les organismes de mise en oeuvre du chapitre 3 de l’Entente

Deux principaux mécanismes sont prévus afin d’assurer la mise en oeuvre du régime forestier adapté : les groupes de travail conjoints (GTC) et le Conseil Cris-Québec sur la foresterie. Les GTC ont été mis en place dans chacune des cinq communautés cries spécifiquement concernées par la foresterie, soit Waswanipi, Mistissini, Oujé-Bougoumou, Waskaganish et Nemaska. Chaque groupe est composé en parts égales de membres de sa propre communauté et de représentants du ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF) [4 ou 6 membres par GTC]. Ces groupes sont à la base même de l’intégration et de l’application des modalités forestières convenues au régime forestier adapté. Ils ont pour mandat d’établir les mesures d’harmonisation nécessaires, d’analyser les conflits d’usage pour leur trouver une solution acceptable, de voir à la mise en place des processus d’élaboration, de consultation et de suivi des plans d’aménagement forestier, de convenir des modalités de fonctionnement interne du groupe, d’assurer le partage de l’information pertinente et disponible liée à la foresterie et de discuter de toute question de nature technique. Depuis déjà sept ans, ils travaillent à la mise en oeuvre du régime forestier adapté.

Les interrelations entre les GTC et le Conseil Cris-Québec sur la foresterie lequel a vu le jour en septembre 2003, constituent l’assise principale de l’évolution du régime forestier adapté découlant de la Paix des Braves. Le Conseil agit à un niveau stratégique ayant pour mandat de suivre et d’évaluer l’application de l’Entente, ainsi que des processus de planification et de gestion des activités forestières sur le territoire, d’aviser le ministre des Ressources naturelles et de la Faune concernant toute modification aux règlements et lois relatifs à la forêt ainsi que d’aviser et de recommander aux parties des modifications au régime actuel afin de l’adapter à l’esprit de l’Entente.

Le Conseil est un organisme autonome composé de onze membres, dont cinq sont désignés par le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) et cinq autres, nommés par le gouvernement du Québec. Le Conseil oeuvre sous la gouverne d’un président nommé pour un mandat de trois ans par le gouvernement du Québec, après consultation avec la partie crie.

Depuis sa création et conformément à son mandat, le Conseil a produit plusieurs avis sur divers sujets, dont les reports du dépôt des plans généraux d’aménagement forestier et de la révision du calcul de la possibilité forestière, les modifications à la Loi sur les Forêts, les objectifs de protection et de mise en valeur du milieu forestier et de prévention des feux de forêts[1].

En 2005, le Conseil s’est acquitté d’une tâche cruciale que les parties lui avaient confiée à la signature de l’Entente : l’élaboration d’un projet de directives visant à intégrer au processus de planification de l’aménagement forestier des stratégies qui tiennent compte de la protection et de l’aménagement des habitats fauniques. Ces directives devaient permettre de traduire en termes concrets les demandes des Cris, tant dans les directives que dans les processus de consultation et de planification, garantissant ainsi leur participation à la prise de décisions relatives à l’élaboration des plans d’aménagement forestier.

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Le Conseil a notamment réalisé un projet pilote afin d’expérimenter certains aspects des directives proposées. L’exercice a nécessité de multiples rencontres avec des trappeurs cris, des représentants des communautés cries, du gouvernement, du milieu de la recherche et de l’industrie forestière. Cette expérience a démontré que la disponibilité des informations propres aux habitats fauniques est un aspect critique de l’harmonisation des objectifs fauniques et forestiers lors du processus d’élaboration des plans d’aménagement forestier. C’est en ce sens qu’il a été établi qu’une participation de premier plan des maîtres de trappe cris dès le début et tout au long du processus de planification forestière conduit à une meilleure compréhension des préoccupations fauniques des Cris.

Une participation a priori

Le 1er avril 2008, l’entrée en vigueur d’une nouvelle génération de plans généraux d’aménagement forestier (PGAF) a marqué une étape charnière de la mise en oeuvre complète du régime forestier adapté sur le territoire du chapitre 3 de l’Entente. L’élaboration des PGAF couvrant la période 2008-2013 a offert une occasion privilégiée aux deux parties signataires d’intégrer de façon concrète, tant les objectifs de développement durable, les processus de participation des maîtres de trappe, que les modalités du régime forestier adapté.

L’Entente prévoit que, tout au long du processus de préparation des planifications forestières, les bénéficiaires et les maîtres de trappe se concerteront afin, entre autres, de tenir compte des sites d’intérêt pour les Cris, de convenir de mesures d’harmonisation et de prévenir les conflits d’usage.

Afin de favoriser la mise en oeuvre de cette obligation, un important exercice visant à documenter les connaissances et préoccupations des maîtres de trappe du territoire a été réalisé au cours du printemps et de l’été 2007. Cette information a par la suite été traduite en des cartes d’aide à la planification qui ont été développées à l’intention des planificateurs forestiers. Ces nouveaux outils, jumelés à des rencontres de participation avec les maîtres de trappe, ont été d’une grande utilité pour la reconnaissance du mode de vie traditionnel des Cris, lors de l’élaboration des plans.

Les défis demeurent

En lien avec son mandat, le Conseil Cris-Québec sur la foresterie a été appelé à analyser les PGAF qui ont été déposés au printemps 2008. Lors de la révision, une attention particulière a été portée sur la participation des maîtres de trappe cris et sur l’intégration de leurs préoccupations aux planifications forestières, le tout dans le respect des instructions délivrées aux bénéficiaires par le MRNF.

Le Conseil a observé quelques bons coups mais aussi des lacunes dans la mise en oeuvre du processus de planification de l’Entente. Bien sûr, c’était une première expérience et il est apparu évident qu’un renforcement de certains mécanismes était souhaitable et qu’un meilleur arrimage était nécessaire avec les processus du MRNF. Les intervenants concernés ont quant à eux démontré une volonté concrète de mettre en oeuvre une dynamique d’amélioration continue en ce sens.

Ceux-ci furent rapidement interpellés alors que le Forestier en chef, responsable d’assurer le calcul des possibilités annuelles de coupe pour le Québec, a repris complètement le calcul pour le territoire de la Paix des Braves dans le but d’intégrer des particularités à référence spatiale spécifiques au régime forestier adapté de l’Entente. Tout l’exercice de planification a été repris en 2009 à la lumière de ce nouveau calcul.

Lors de la révision des PGAF modifiés, le Conseil a observé une certaine progression de la mise en oeuvre du processus de planification, tant en matière de participation des Cris que de la prise en charge de leurs préoccupations. Il reste néanmoins beaucoup à faire pour renforcer les processus, optimiser la création des synergies et assurer un aménagement forestier durable du territoire.

Parallèlement, le Conseil a aussi réalisé un bilan des six premières années de la mise en oeuvre de l’Entente. L’emphase a porté sur l’évaluation de la mise en oeuvre de chacune des dispositions forestières de l’Entente et sur la satisfaction des principaux intervenants touchés par le régime forestier adapté.

Alors que les résultats de cet exercice sont toujours à l’étude, le Conseil peut d’ores et déjà conclure en un succès de mise en oeuvre. Les parties ont fait preuve de souplesse et d’initiative lorsque requis. Elles ont travaillé à mettre en place un nouveau régime forestier ainsi qu’à le faire fonctionner, quitte à adapter ses modalités, en lien avec l’esprit de l’Entente. Bien que les intervenants rencontrés fassent part de certaines incompréhensions et insatisfactions, ils se considèrent néanmoins comme partie intégrante de la solution et proposent des pistes à emprunter en ce sens.

Dans un contexte de refonte du régime forestier québécois, le Conseil compte s’inspirer de ce bilan pour alimenter les échanges entre les parties afin de s’assurer que le modèle de gestion forestière appliqué sur le territoire de la Paix des Braves soit mis en oeuvre et évolue dans un environnement qui soit durable, tant sur le plan de la protection des écosystèmes forestiers, du respect du mode de vie traditionnel des Cris que de la concrétisation des avantages économiques tirés de l’utilisation de la forêt.

Secrétariat du Conseil Cris-Québec sur la foresterie

16 juillet 2009