Abstracts
Résumé
Cet article démontre que quatre dessins animés satiriques américains, The Simpsons, South Park, American Dad ! et Family Guy, sont plus que de simples objets de divertissement et contiennent des discours éminemment politiques sur l’immigration non documentée et la construction d’un mur à la frontière des États-Unis et du Mexique. Nous inspirant d’une catégorisation des courants de pensée sur les politiques d’immigration développée par Daniel Tichenor, nous procédons à l’analyse qualitative de contenu et de discours d’un corpus d’épisodes des dessins animés étudiés pour illustrer comment ils offrent un espace discursif aux principaux courants de pensée sur les enjeux susmentionnés. Nous démontrons aussi que The Simpsons, American Dad ! et Family Guy contiennent un discours satirique dirigé contre les positions conservatrices et qui valorise les positions progressistes sur ces mêmes enjeux, mais que South Park n’inclut pas un biais aussi évident pour l’un ou l’autre des courants de pensée sur l’immigration et la construction du mur américano-mexicain.
Abstract
This article shows that four American animated television series, The Simpsons, Family Guy, South Park and American Dad!, are more than mere entertainment and contain political discourses on undocumented immigration and the building of a fence along the US-Mexico border. Relying on Daniel Tichenor’s categorization of the main US currents of thought on immigration, we proceed to a qualitative content and discourse analysis of a selected corpus of episodes of the aforementioned animated television series to show that they offer a discursive space to each of the main currents of thought identified by Tichenor. The article also shows that The Simpsons, American Dad! and Family Guy contain a satirical discourse that aims to discredit conservative positions and valorize liberal views on immigration, but that South Park does not include a similar bias nor a bias for any of the currents of thought on immigration or the building of a fence between the US and Mexico.
Article body
There are too many minorities (minorities)
At my water park (my water park).
This was our land, our dream (our dream),
and they’ve taken it all away […]
There are Mexicans all around me […]
And the instructions are in Spanish on the Zip Line ride !
– Eric Cartman dans l’épisode « Pee » de South Park
Homer Simpson : What can we do to keep a group of people away from another group of people ?
[…]
Maire Quimby : That’s it. We’ll build a fence !
Habitants de Springfield, à l’unisson : Fence ! Fence ! Fence !
– Épisode « Coming to Homerica » de The Simpsons
Alors que l’on fêtait en 2009 le 20e anniversaire de la chute du mur de Berlin, l’émission culte américaine The Simpsons célébrait elle aussi ses deux décennies d’existence. Que ce soit par hasard ou calcul précis, les auteurs de The Simpsons ont terminé leur 20e saison le 17 mai 2009 avec un épisode sur la construction du mur de séparation à la frontière américano-mexicaine. Véritable icône de la culture populaire américaine[1], cette émission a entre autres été nommée la meilleure série télévisée du siècle dernier par le Time Magazine et la définition du patois préféré d’Homer – le légendaire « D’oh » – a été ajoutée au dictionnaire Oxford en 2001. The Simpsons a aussi été étudiée par plusieurs politologues, sociologues et philosophes intéressés par la manière dont l’émission dépeint les Américains et les enjeux qui les animent. Certains se sont ainsi penchés sur la représentation, dans The Simpsons, de l’homosexualité, des stéréotypes ethniques, de l’anti-intellectualisme ou encore de l’institution familiale (Cantor, 2001 : 160-178 ; Skoble, 2001 : 25-33 ; Beard, 2004 : 273-291 ; Henry, 2004 : 255-243), alors que d’autres ont expliqué comment les créateurs de l’émission s’appuient sur l’humour, en particulier la satire et la parodie, pour véhiculer des messages politiques (Matheson, 2001 : 108-125 ; Gray, 2006 : 202 ; Gray et al., 2009).
Malgré ces contributions, on ne s’est pas encore intéressé à la manière dont The Simpsons a dépeint les problématiques de l’immigration non documentée aux États-Unis et de la sécurité à la frontière américano-mexicaine. Cet enjeu a pourtant été l’une des priorités des Américains ces dernières années, et ce, surtout depuis le 11 septembre 2001. Durant la présidence de George W. Bush, les difficultés économiques ainsi que les préoccupations sécuritaires des Américains ont, par exemple, contribué à la popularité de discours conservateurs sur cet enjeu. Ainsi, des journalistes comme Lou Dobbs, ancien animateur vedette de CNN, ou encore des hommes politiques comme l’ancien législateur Tom Tancredo (R-Colorado) et le représentant James Sensenbrenner (R-Wisconsin), ont milité avec succès pour un renforcement des mesures de contrôle à la frontière américano-mexicaine.
Établissant des ponts entre les champs d’études de la politique américaine (American politics) et des études américaines (American studies) et prolongeant l’analyse des chercheurs intéressés à la représentation du politique dans la culture populaire, cet article vise à contribuer à la connaissance du débat sur la construction du mur à la frontière sud des États-Unis et sur l’immigration non documentée latino-américaine grâce à une étude de leur représentation dans les dessins animés américains. Notre but est de démontrer que des émissions populaires comme The Simpsons (1989–) sont plus que de simples objets de divertissement. En effet, il s’agit d’illustrer comment The Simpsons ainsi que trois autres dessins animés satiriques destinés à un auditoire adulte, c’est-à-dire American Dad ! (2005–), Family Guy (1999–) et South Park (1997–), véhiculent des idées éminemment politiques à propos des grands enjeux de l’heure aux États-Unis. Dans la foulée des travaux de Rachel Rubin et Jeffrey Melnick sur les liens entre l’immigration et la culture populaire, nous nous demandons donc de quelles manières le phénomène de l’immigration « illégale » est dépeint dans ces dessins animés (2007).
Pour atteindre les objectifs de cet article, nous employons la méthode de l’étude de cas, c’est-à-dire que nous avons consulté les listes complètes des épisodes de The Simpsons, Family Guy, American Dad ! et South Park pour identifier ceux qui avaient pour thème principal l’immigration non documentée et la question du mur à la frontière américano-mexicaine. Deux critères ont guidé notre sélection d’épisodes. Premièrement, nous avons écarté les épisodes dont la trame narrative ne portait pas principalement sur les enjeux susmentionnés. Par exemple, plusieurs épisodes contiennent quelques répliques ou scènes de quelques secondes à propos de la frontière des États-Unis et du Mexique, des Mexicains vivant aux États-Unis, de l’influence de la culture latino-américaine sur les États-Unis ou encore de l’immigration non documentée en provenance des pays latino-américains. C’est notamment le cas de l’épisode « It’s Chrismas in Canada » de South Park, qui porte sur la décision des parents biologiques de Ike, le frère de Kyle Broflovski, de le reprendre et de le ramener au Canada. Dans une scène de cet épisode, on peut voir Herbert Garrison y aller du commentaire suivant à propos des immigrants mexicains : « How about, we get rid of all the Mexicans ? » Si cette réplique illustre comment South Park dépeint les courants de pensée conservateurs sur la question de l’immigration, nous avons décidé d’écarter de tels épisodes pour nous concentrer uniquement sur ceux qui avaient pour thème principal l’immigration non documentée ou la frontière américano-mexicaine. La raison qui explique notre décision est simple : les quelques répliques retrouvées ici et là dans les épisodes non retenus ne contredisaient pas notre propos et n’ajoutaient généralement rien de plus à l’analyse que nous pouvions déjà faire des épisodes choisis[2]. Le deuxième critère qui a guidé notre sélection d’épisodes est le suivant : nous jugions utile de retenir les épisodes qui abordent l’enjeu de l’immigration latino-américaine ou du mur entre les États-Unis et le Mexique de manière indirecte et par analogie. Comme on le sait, les histoires racontées dans les Simpsons, Family Guy, American Dad ! et South Park sont basées à la fois sur des éléments calqués sur la réalité et des éléments fictifs. À titre indicatif, des personnalités publiques ou politiques sont souvent dépeintes dans ces dessins animés (Saddam Hussein dans South Park, le groupe rock The Who dans les Simpsons, la commentatrice conservatrice Ann Coulter dans Family Guy, Barack Obama dans American Dad !, etc.). Cependant, les histoires qu’on y raconte n’ont pas toujours de lien net avec la réalité. En sélectionnant les épisodes étudiés, nous en avons donc retenu quelques-uns qui, même s’ils n’abordent pas de manière évidente les enjeux qui nous intéressent, racontent des histoires fictives qui s’apparentent au « vrai » débat sur l’immigration latino-américaine et le mur entre les États-Unis et le Mexique. À titre indicatif, les épisodes « A Tale of Two Sprinfields » des Simpsons et « Child Abduction Is Not Funny » de South Park racontent la construction de murs à l’intérieur des villes américaines et non entre les États-Unis et le Mexique. Cela dit, on retrouve dans ces épisodes des discours qui ressemblent à maints égards à ceux qui animent les acteurs du débat sur le mur entre les États-Unis et le Mexique, d’où l’intérêt de les retenir. En somme, nos critères de sélection ont permis de constituer un corpus de recherche bien défini qui inclut onze épisodes (voir tableau 1).
Une fois ce corpus constitué, nous avons recouru à la méthode de l’analyse qualitative de contenu et de discours de Vit Sisler (2008 : 206)[3] : nous avons visionné les épisodes en relevant les éléments visuels importants aux fins de notre démonstration et en analysant les idées, les valeurs et les discours qui y sont véhiculés. Par exemple, nous nous sommes intéressés à la manière dont des personnages comme Lisa Simpson (The Simpsons), Peter Griffin (Family Guy) ou encore Stan Smith (South Park) définissent la problématique du mur et de l’immigration non documentée.
Alors que les deux premières parties de cet article servent respectivement à situer nos recherches dans la littérature théorique pertinente et à décrire brièvement les récents débats sur l’immigration « illégale » aux États-Unis, les troisième et quatrième permettent d’étayer nos deux principales thèses. D’une part, à l’aide d’un cadre d’analyse emprunté à Daniel Tichenor (2002), politologue américain et spécialiste des politiques d’immigration aux États-Unis, nous démontrons que les dessins animés étudiés tendent à refléter les discussions qui animent la société américaine à propos de la problématique de l’immigration et du mur. Ainsi, les principaux courants de pensée sur cette question sont tous représentés dans The Simpsons, Family Guy, American Dad ! et South Park, qui sont en quelque sorte un miroir de la société américaine et de ses préoccupations ; un microcosme des débats qui animent les Américains. D’autre part, notre article démontre néanmoins que ces dessins animés sont loin d’offrir un discours neutre sur la problématique du mur et de l’immigration latino-américaine. Comme l’illustre la partie quatre, à l’exception de South Park, les trois autres émissions, The Simpsons, Family Guy et American Dad !, invitent clairement les téléspectateurs à choisir leur camp dans le débat. On y décèle, entre autres, un discours satirique qui valorise les idées progressistes et discrédite le programme conservateur sur les questions de sécurité frontalière et d’immigration.
Première partie : Les dessins animés, quelle importance ?
Pour plusieurs spécialistes des États-Unis, il peut paraître futile d’étudier les dessins animés ou, de manière générale, la culture populaire, pour comprendre les débats politiques qui animent les Américains. Plusieurs arguments permettent pourtant de croire à la pertinence de réaliser de telles analyses. D’entrée de jeu, même s’il ne s’agit pas ici de faire une analyse de réception des dessins animés étudiés[4], il peut être utile de noter que les discours véhiculés dans des émissions comme The Simpsons sont souvent entendus par un plus grand nombre d’Américains que ceux des principaux acteurs politiques (membres du Congrès, activistes des groupes d’intérêts, etc.). Par exemple, Meet the Press, une émission d’information hebdomadaire diffusée sur le réseau MSNBC le dimanche matin, permet aux Américains de prendre connaissance des positions des politiciens de l’heure (représentants, sénateurs, président, etc.), mais elle est regardée par seulement 4 millions de téléspectateurs chaque semaine (Shea, 2009). De leur côté, The Simpsons, Family Guy et American Dad ! comptent chacune sur deux fois plus de fidèles hebdomadairement : par exemple, le 27 septembre 2009, 8,21 millions ont regardé l’épisode de The Simpsons, 10,17 millions celui de Family Guy et 7,12 celui d’American Dad ! (Sans auteur, 2009). Moins regardée que ces trois premières émissions, South Park comptait tout de même sur 3,7 millions de téléspectateurs lors du premier épisode de la saison 2010 (Hibberd, 2010). Ces chiffres sont toutefois loin d’être exhaustifs puisque Comedy Central, le réseau qui diffuse South Park, offre également la possibilité de visionner gratuitement en ligne les seize saisons de l’émission aux États-Unis. Bien entendu, les dessins animés étudiés ne sont pas regardés par le même type d’individus que les émissions d’affaires publiques comme Meet the Press. Alors que cette émission vise un auditoire instruit et fortement intéressé par l’actualité politique et les enjeux de l’heure à Washington (DC), les dessins animés à l’étude sont destinés à un auditoire beaucoup plus large. Par exemple, leur caractère ludique attire l’attention des adolescents et même des enfants dans le cas de The Simpsons, qui ne contient pas la même vulgarité que les trois autres dessins animés analysés (blasphèmes, scènes de sexualité, etc.). Cela dit, le principal auditoire visé par ces dessins animés est bel et bien les adultes. D’abord, les producteurs de The Simpsons, Family Guy, American Dad ! et South Park ont choisi de diffuser en soirée et non en matinée ou en après-midi, ce qui révèle leur sentiment que les émissions correspondent moins aux attentes des enfants que les dessins animés habituels. Ensuite, même si la nature politique des dessins animés n’est pas aussi palpable que celle d’une émission comme Meet the Press, leurs créateurs traitent volontairement de thèmes politiques et d’enjeux de société qui interpellent avant tout les adultes. Dan Korte écrit d’ailleurs ceci à propos de Matt Groening, créateur des Simpsons :
One of Matt Groening’s intentions in creating The Simpsons was to make the audience forget they are watching a cartoon by portraying a fuller range of human emotion than that presented in most live-action sit-coms, emphasizing individual responses to moral dilemmas and specific character traits. In doing so, he is able to convey his own politics through the Simpsons’ daily activities.
Korte, 1997
La volonté des créateurs de South Park, Trey Parker et Matt Stone, ainsi que de celui de Family Guy et American Dad !, Seth Macfarlane, de véhiculer des messages politiques est tout aussi évidente. Pour Parker et Stone, South Park vise à se moquer de tous ceux qui le méritent, qu’ils soient conservateurs ou libéraux (Leo, 2010). Macfarlane est pour sa part un démocrate convaincu qui a appuyé Barack Obama lors de la présidentielle de 2008 et qui ridiculise souvent le Parti républicain dans ses dessins animés. À titre indicatif, dans un épisode de Family Guy diffusé quelques semaines avant l’élection de 2008, il n’hésitait pas à discréditer le ticket John McCain / Sarah Palin en suggérant que les nazis des années 1930 et 1940 auraient voté pour eux (Barnes, 2008).
Ainsi, même si le principal objectif de cet article n’est pas de procéder à une analyse de production des dessins animés étudiés, c’est-à-dire une étude qui consisterait par exemple à évaluer si les valeurs véhiculées dans les dessins animés sont le reflet des valeurs de leurs créateurs[5], il apparaît pertinent de choisir les Simpsons, American Dad !, Family Guy et South Park comme cas d’études, car il s’agit bien là de produits de la culture populaire qui ont pour but de divertir, mais aussi d’inciter les consommateurs à réfléchir sur les grands enjeux sociaux et politiques[6].
Le but de cet article est donc d’illustrer de quelles manières ces dessins animés peuvent contribuer à la « compétition d’idées » à propos de l’immigration non documentée et du mur à la frontière américano-mexicaine. Notre conception de la « compétition d’idées » rejoint celle du « marché des idées » de Donald Abelson (2006 : 111), qui explique que les acteurs politiques américains – les think tanks dans son étude – sont en éternelle concurrence pour « capturer l’imaginaire politique » et influencer l’opinion des Américains[7]. Notre but dans ce texte n’est évidemment pas d’affirmer que les dessins animés ont une influence aussi directe sur les politiques américaines que les membres du Congrès ou le président des États-Unis. En effet, Lisa Simpson ne peut introduire une loi à la Chambre des représentants ou encore déployer 40 000 nouvelles troupes en Afghanistan. Mais, nous inspirant d’auteurs poststructuralistes comme David Campbell (1998 : 9), nous postulons que le sens donné aux enjeux politiques est en partie construit à travers les discours véhiculés par divers acteurs sociaux et politiques ou à l’intérieur de produits culturels comme ceux qui nous intéressent ici[8]. En lien avec cette idée, nous portons donc une attention aux discours véhiculés dans The Simpsons, Family Guy, American Dad ! et South Park en cherchant à relier ceux-ci aux principaux courants de pensée sur l’immigration au sein de la société américaine, mais aussi en tentant de voir s’ils prescrivent aux Américains un certain code de conduite. Dès lors, après avoir brossé un portrait du débat sur l’immigration latino-américaine et la construction du mur à la frontière américano-mexicaine dans la partie qui suit, la troisième partie illustrera que The Simpsons, Family Guy, American Dad ! et South Park offrent un espace discursif à la plupart des principaux courants de pensée que l’on retrouve aux États-Unis sur ces enjeux. Cela dit, nous démontrerons par la suite que les dessins animés invitent les Américains à croire que certains de ces courants de pensée sont moralement plus acceptables que d’autres.
Deuxième partie : Le débat aux États-Unis sur l’immigration et la construction du mur à la frontière américano-mexicaine
L’histoire américaine abonde de débats sur les nouvelles vagues d’immigration et leurs potentielles conséquences économiques, sociales, culturelles et sécuritaires. De Benjamin Franklin, inquiet de l’immigration allemande, en passant par Calvin Coolidge, qui signe la loi d’immigration Johnson-Reed imposant des quotas sévères sur la nationalité des nouveaux arrivants, l’enjeu de l’immigration a souvent marqué l’actualité politique américaine. D’un côté, des Américains célèbrent haut et fort le fait de faire partie d’une « nation d’immigrants[9] » alors que, de l’autre, certains craignent de devenir les « réceptacles » du monde (sugar daddies) en matière d’immigration[10]. En raison de cette ambivalence constante, il a souvent été difficile pour les décideurs politiques de forger des consensus sur les questions d’immigration.
George W. Bush a pu le constater durant sa présidence, qui a été marquée par l’une des plus virulentes confrontations sur les politiques d’immigration depuis l’adoption de l’Immigration Reform and Control Act en 1986 (Vagnoux, 2007 : 44). Aux yeux de plusieurs élus à Washington (DC), il était urgent d’adopter une réforme de l’immigration, car le nombre d’immigrants clandestins aux États-Unis était passé de cinq à douze millions en dix ans (Sans auteur, 2006 : 84). Provenant en grande majorité du Mexique et des autres pays d’Amérique latine, les immigrants clandestins sont, tout spécialement depuis les attentats du 11 septembre 2001, au coeur d’un débat qui entremêle les questions de migration, de terrorisme et de crime organisé. Aux yeux de plusieurs, la frontière américano-mexicaine devient l’espace géopolitique à sécuriser et il est nécessaire de construire une barrière de séparation entre les États-Unis et le Mexique pour contrer cette « invasion ».
Même si George W. Bush était partisan d’une réforme complète de l’immigration et a émis des réserves quant à la construction du mur, il s’est rapidement heurté à un Congrès divisé sur la question[11]. En effet, à partir de 2003 et particulièrement durant son deuxième mandat à la présidence, les membres du Congrès ont proposé l’adoption de plusieurs projets de loi différents, mais sans succès[12]. En plus des querelles entre les partis démocrate et républicain sur cet enjeu, il existait des désaccords sur les modalités de la réforme entre la Chambre des représentants et le Sénat. Le Sénat souhaitait une réforme complète de l’immigration incluant notamment le renforcement de la sécurité aux frontières et l’accès à la citoyenneté américaine pour de nombreux immigrants non documentés. À l’opposé, la Chambre des représentants proposait des politiques de contrôle plus strictes (Enforcement first) telle la construction d’une barrière de séparation à la frontière des États-Unis et du Mexique. À l’image du Congrès, la population américaine était également préoccupée, mais déchirée quant à la marche à suivre : d’un côté, les sondages indiquaient que l’immigration non documentée figurait au deuxième rang des priorités après la guerre en Irak (Saad, 2007) ; de l’autre, les Américains étaient indécis quant à l’adoption de nouvelles lois. En effet, 46 % des personnes sondées souhaitaient faire respecter plus sévèrement les présentes lois sur l’immigration alors que 50 % désiraient en adopter de nouvelles (Caroll, 2007).
Avec un Congrès et un public divisés, les mouvements sociaux et les groupes d’intérêts s’activèrent pour influencer les discussions. Les craintes liées au phénomène de l’immigration non documentée et les tentatives infructueuses de George W. Bush de garantir l’adoption d’une réforme incitèrent plusieurs organisations à mener des campagnes pour des politiques d’immigration progressistes (ex. : We Are America Alliance et National Immigration Project) ou conservatrices (Federation for American Immigration Reform et Number USA). Le fossé entre les différentes visions était tel qu’une réconciliation entre les partis démocrate et républicain était difficilement envisageable. Néanmoins, les pourparlers ont finalement mené à une entente à quelques jours des élections législatives de novembre 2006. Il s’agissait de la signature du Secure Fence Act of 2006 (H.R.6061), une loi autorisant la construction de 1100 kilomètres de barrières doubles additionnelles et une augmentation des patrouilles frontalières et des installations sécuritaires technologiques à la frontière des États-Unis et du Mexique.
Les courants de pensée sur les politiques d’immigration
Cet affrontement politique révélait une fois de plus la pluralité des acteurs intéressés par l’enjeu de l’immigration. Le politologue Daniel Tichenor a longuement décrit cette pluralité ainsi que la diversité des points de vue des Américains sur l’immigration dans son ouvrage Dividing Lines : The Politics of Immigration Control in America (2002). Pour illustrer cette pluralité, Tichenor a tenté de catégoriser les principaux courants de pensée sur les politiques d’immigration. Il conclut que, depuis la fin du dix-neuvième siècle, chaque tentative de réforme a opposé au moins quatre grandes coalitions politiques : cosmopolite, expansionniste de libre marché, nationaliste égalitariste et restrictive classique. Ces idéaux types sont basés sur les valeurs et les intérêts politiques liés à deux dimensions : l’admission des étrangers et les droits des étrangers (voir le tableau 2). Comme toute catégorisation, celle-ci n’est pas parfaite et passe sous silence d’autres positions, notamment la position anarchiste qui consisterait à affirmer que les frontières devraient tout simplement être abolies. Cela dit, le modèle de Tichenor permet de mettre en lumière les positions les plus répandues aux États-Unis. Qui plus est, la clarté et la précision du modèle sont utiles pour guider le recueil de données qualitatives à propos des discours véhiculés dans les dessins animés choisis.
Position cosmopolite
Comme l’explique Tichenor, les tenants de la position cosmopolite militent pour l’augmentation du nombre d’immigrants et souhaitent donner à ces derniers les mêmes droits qu’aux citoyens américains. Ce groupe célèbre la tradition pluraliste des États-Unis et partage l’idée selon laquelle les immigrants contribuent positivement au sort de la société américaine. De manière générale, ils appuient la régularisation du statut des immigrants non documentés, s’opposent aux programmes de travailleurs étrangers temporaires et s’indignent contre la construction d’un mur à la frontière américano-mexicaine. Le défunt législateur Edward Kennedy (D-Massachussetts) représente bien l’essence de la position cosmopolite. Responsable de plusieurs projets de loi favorisant une réforme complète de l’immigration, il fut notamment un des leaders de l’Immigration and Nationality Act, une loi adoptée en 1965 pour abolir le système de quotas basés sur la nationalité.
Position nationaliste égalitariste
Tout en respectant les droits des immigrants déjà admis, les tenants de la position nationaliste égalitariste désirent restreindre l’arrivée de nouveaux étrangers aux États-Unis. Selon eux, des frontières perméables portent atteinte aux droits des citoyens et minent la justice sociale, économique et politique. Les partisans de cette position s’opposent donc viscéralement à toute forme d’immigration non documentée puisqu’elle contrevient à la primauté du droit. Ils appuient également des politiques strictes de sécurité frontalière telle la construction de la barrière de séparation. L’ancienne représentante du Texas, Barbara Jordan (D-Texas), incarne cette position, car elle prônait la réduction de l’immigration pour améliorer les opportunités économiques de la classe américaine la plus pauvre, et ce, tout en défendant la diversité culturelle et les droits des immigrants déjà admis.
Position expansionniste de libre marché
Les tenants de la position expansionniste de libre marché sont en faveur de l’augmentation du nombre d’immigrants, mais contre l’augmentation de leurs droits. Cette position consiste à affirmer que l’immigration est la clé de la prospérité économique et que les politiques s’y rattachant devraient être conçues en fonction du principe de l’offre et de la demande. La plupart des expansionnistes de libre marché – dont la ligne éditoriale du Wall Street Journal – encouragent les programmes à l’intention des travailleurs étrangers temporaires et le droit des compagnies américaines d’avoir un accès illimité aux travailleurs étrangers. Les origines de cette position remontent aux écrits d’Alexander Hamilton en 1791 qui, dans un document intitulé Report on Manufactures, décrivait les bienfaits de l’immigration massive pour la prospérité économique des États-Unis.
Position restrictive classique
Probablement la plus conservatrice des positions décrites par Tichenor, la position restrictive classique consiste à condamner toute politique prévoyant une augmentation du nombre d’immigrants et à refuser de donner davantage de droits aux nouveaux étrangers. Voyant l’immigration comme une menace pour la société américaine, les membres de ce groupe soutiennent cette position pour des raisons culturelles, raciales, religieuses, éthiques ou encore environnementales. Ils militent pour des politiques d’immigration strictes, dont le développement d’infrastructures de sécurité et le déploiement de patrouilles frontalières additionnelles à la frontière. Le Minuteman Project est une véritable icône du mouvement restrictif classique. Cette patrouille civile frontalière suggère l’envoi des militaires à la frontière américano-mexicaine et l’érection d’une barrière entre les États-Unis et le Mexique. Ils recommandent également l’ajout de 35 000 nouveaux agents frontaliers et la sécurisation des ports et de la frontière avec le Canada (Gilchrist et Corsi, 2006).
Troisième partie : Les dessins animés comme miroir de la société américaine
En analysant le contenu des dessins animés à l’étude à la lumière du cadre d’analyse développé par Tichenor, nous pouvons conclure qu’ils sont le reflet de la diversité des courants de pensée sur les politiques d’immigration. En effet, les positions cosmopolite, nationaliste égalitariste, expansionniste de libre marché et restrictive classique y sont toutes représentées par divers personnages (voir le tableau 3). Ainsi, au-delà des qualificatifs que l’on utilise parfois pour décrire l’idéologie de ces dessins animés, ceux-ci exposent la complexité des débats sociaux actuels aux États-Unis et offrent un espace discursif aux principaux points de vue des Américains. Les prochains paragraphes reprennent les quatre positions décrites précédemment pour illustrer la diversité et la présence des courants de pensée dans les dessins animés de notre étude. Notons au passage que les points de vue des personnages, au même titre que ceux des différents acteurs du débat sur les politiques d’immigration, se situent parfois à mi-chemin entre deux ou plusieurs catégories et peuvent évoluer dans le temps (ou, ici, en cours d’épisode). Dans cette section, nous faisons état des positions initiales des principaux personnages, c’est-à-dire celles qu’ils défendent au début des épisodes.
Position cosmopolite
La position cosmopolite est incarnée par Lisa et Marge Simpson (The Simpsons), Brian Griffin (Family Guy), Randy Marsh (South Park), ainsi que Hayley Smith (American Dad !). Fiers de la diversité culturelle des États-Unis, ces personnages croient que l’immigration contribue positivement à la société. Par exemple, dans l’épisode « Coming to Homerica », Lisa Simpson, reconnue pour ses positions progressistes sur divers enjeux sociaux (elle est pour la défense des animaux, de l’environnement, du droit des femmes et est partisane du mouvement d’indépendance tibétain), rappelle que l’immigration est l’une des pierres angulaires de la société américaine et que tout Américain a un jour été « immigrant ». Par ailleurs, le premier réflexe de Marge est de remettre en question son mari, Homer, lorsqu’il lui apprend que Springfield construira un mur de séparation à sa frontière avec Ogdenville. Elle lui demande : « Homie, I don’t think we should build a fence. Haven’t we always taught the children to make friends with those who are a little different ? » Dans South Park, Randy Marsh est généralement reconnu comme un personnage progressiste en raison de sa position sur plusieurs enjeux politiques, dont la guerre en Irak et l’élection du président Obama. Sur la question de l’immigration, ses propos peuvent paraître contradictoires, puisqu’il est cosmopolite dans un épisode et nationaliste égalitariste dans l’autre (ce qui explique qu’il se positionne entre les deux catégories dans le tableau 3). Dans l’épisode « Goobacks », il personnifie le courant de pensée cosmopolite alors qu’il accuse son fils Stan d’être intolérant à l’égard des immigrants. Quant au chien Brian dans Family Guy, il explique à son maître Peter Griffin que les immigrants sont un aspect vital de la société américaine. Fréquentant un Mexicain non documenté, Hayley est également très ouverte sur la question dans American Dad ! et juge que ces individus ont le droit d’être aux États-Unis.
Position nationaliste égalitariste
La position nationaliste égalitariste est représentée par l’ensemble des parents de South Park dans « Child Abduction Is Not Funny ». Cet épisode se moque de ce que Stanley Cohen appelle les « paniques morales », c’est-à-dire des périodes de frayeur et d’angoisse qui surviennent quand un événement ou encore des personnes menacent les valeurs et les intérêts d’une société (2002). Alors que les médias exagèrent la menace que représentent les ravisseurs d’enfants pour la ville de South Park, les parents s’inquiètent de la sécurité de leur progéniture. Afin de contrer « l’invasion » des kidnappeurs, Sheila, la mère de confession juive, propose de construire une barrière de sécurité autour de la ville. A priori, cet épisode n’est pas directement en lien avec la problématique de l’immigration latino-américaine aux États-Unis. Néanmoins, il a pour sous-thème la construction d’un mur de sécurité comme moyen de se protéger des « autres ». Qui plus est, les parents de South Park y défendent la position nationaliste égalitariste dans la mesure où ils ne souhaitent chasser personne de la ville, mais désirent tout de même empêcher l’arrivée de tout nouvel étranger en construisant une barrière de sécurité autour de South Park.
Position expansionniste de libre marché
La position expansionniste de libre marché est partagée par Homer Simpson (The Simpsons), Stan et Francine Smith (American Dad !) et Eric Cartman, Stan Marsh et Kyle Broflovski (surtout dans l’épisode « D-Yikes » de South Park). Motivés par l’appât du gain économique, ces personnages apprécient les immigrants non documentés parce qu’ils peuvent les aider à prospérer ou à réaliser des tâches ingrates, et ce, à moindre coût. Dans l’épisode « Coming to Homerica », Homer embauche des immigrants non documentés pour réparer le toit de sa demeure familiale, leur offre gentiment une limonade et les remercie d’exister. Francine Smith suit une logique similaire dans American Dad ! et embauche des ménagères pour pouvoir se reposer, alors que Cartman et ses amis de South Park trouvent utile d’employer des Mexicains pour faire les devoirs scolaires à leur place dans « D-Yikes ». Pour sa part, après avoir qualifié les immigrants illégaux de « parasites », Stan Smith d’American Dad ! prend conscience de leur utilité et en embauche plusieurs à bas salaire pour travailler à la confection d’ours en peluche qui connaissent un retentissant succès sur le marché et qui lui permettent de faire fortune. En somme, ces personnages constatent les bienfaits économiques de l’immigration, mais ne jugent pas nécessaire d’offrir aux immigrants les mêmes bénéfices ou les mêmes droits qu’aux citoyens américains. Dans « Coming to America », Homer dénonce par exemple le fait que les immigrants engorgent le système de santé de Springfield.
Position restrictive classique
La position restrictive classique est incarnée par Stan Smith (American Dad !), Peter Griffin (Family Guy), Eric Cartman, Stan Marsh et Kyle Broflovski (dans les épisodes de South Park « Pee », « Goobacks », « Pandemic 1 » et « Pandemic 2 : The Startling ») et Homer Simpson (The Simpsons). Ces personnages représentent les Américains moyens adhérant à des valeurs conservatrices. Souvent patriotes et mus par une passion sans borne pour les États-Unis, ils véhiculent l’idée selon laquelle les immigrants non documentés imposent un fardeau économique et culturel à la société américaine. Par exemple, Stan Marsh devient un restrictif classique parce qu’il voit sa petite entreprise de déneigement affectée par l’arrivée massive d’immigrants du futur dans la ville de South Park. Dans l’épisode « Goobacks », des hommes venus de l’an 3045 débarquent effectivement dans la ville pour trouver un emploi. Leur époque étant surpeuplée, ils reviennent dans le passé pour travailler à des salaires dérisoires et épargner assez d’argent pour subvenir aux besoins de leur famille dans le futur. Convaincu comme plusieurs que les immigrants du futur « volent les emplois », Stan est considéré comme un time-cist, c’est-à-dire qu’il fait preuve de racisme envers les immigrants du futur. Stan ira même jusqu’à qualifier les nouveaux arrivants de Goobacks en raison de la matière gluante qui se loge sur leur peau lorsqu’ils traversent le temps. L’expression Goobacks rappelle celle de Wetbacks, un terme péjoratif parfois employé dans le jargon américain pour décrire les immigrants mexicains à leur arrivée aux États-Unis après la traversée du Rio Grande. Dans les épisodes « Pandemic 1 » et « Pee », Stan et ses amis Eric et Kyle dénoncent cette fois la trop grande présence d’immigrants latino-américains aux États-Unis sous prétexte qu’ils engorgent leurs parcs d’attractions préférés ou encore parce qu’ils jouent de la musique agressante partout dans South Park pour recueillir de l’argent.
Homer Simpson incarne également cette position dans l’épisode « Much Apu About Nothing ». Afin de diminuer les taxes municipales, le maire Quimby suggère l’adoption de la proposition 24, un projet de loi pour déporter tous les immigrants illégaux de la ville de Springfield. Partisan de cette loi, Homer défendra cette position jusqu’au jour où son ami Apu Nahasapeemapetilon lui avouera qu’il est un immigrant non documenté. Diffusé en mai 1996, cet épisode fait référence à la proposition 187 en Californie, qui visait à empêcher les immigrants illégaux d’avoir accès à divers services publics, dont les soins de santé et l’éducation. Finalement, Peter Griffin (Family Guy) et Stan Smith (American Dad !) sont si patriotes qu’ils voient tout ce qui est étranger comme une menace pour la sécurité nationale des États-Unis. Stan refuse que sa fille fréquente un immigrant mexicain non documenté qu’il traite ouvertement de parasite. Quant à Griffin, il confisque la vidéocassette préférée de Stewie, Speedy Gonzales, et patrouille à la frontière pour prévenir l’arrivée d’immigrants illégaux.
Que nous soyons transportés dans l’univers de South Park, Springfield, Quahog ou Langley Falls, ces villes peuvent toutes être vues comme des microcosmes de la société américaine. Bien sûr, la nature clownesque et le style d’animation rudimentaire de ces dessins animés permettent de brosser avec simplicité, voire avec simplisme, les querelles sur les politiques d’immigration aux États-Unis. Cela dit, les quatre principaux courants de pensée identifiés par Tichenor y sont bien représentés.
Quatrième partie : Les dessins animés comme critiques du programme conservateur
Les dessins animés étudiés ne sont pourtant pas le véhicule de discours totalement neutres. En effet, au fur et à mesure que les épisodes progressent, la majorité des personnages changent d’opinion et finissent par se rallier à la position cosmopolite. En l’espace de vingt minutes, un même personnage peut donc facilement défendre une ou deux positions avant d’être convaincu de la pertinence de la pensée cosmopolite. Qui plus est, la morale de la plupart des histoires racontées dans les épisodes étudiés est que la société américaine se porte mieux lorsque la position cosmopolite guide le comportement des Américains et des gouvernements. Ces observations s’appliquent à trois des quatre dessins animés à l’étude. Comme le démontre le tableau 4, tous les personnages principaux finissent par se rallier à la position cosmopolite en cours de route, sauf Stan et Randy Marsh ainsi que Kyle Broflovski, qui, dans l’épisode « Goobacks », conserveront avec plusieurs autres résidents de South Park la position restrictive classique. Eric Cartman fait également exception à la règle, lui qui ne démord jamais de la position restrictive classique dans « Goobacks », mais aussi dans « Pee ». Ce premier constat nous porte donc à croire qu’American Dad !, The Simpsons et Family Guy tendent à valoriser les idées progressistes sur les questions de sécurité frontalière et d’immigration. Par exemple, dans l’épisode « Coming to Homerica », les habitants de Springfield viennent à peine de terminer la construction du mur entre leur ville et celle d’Ogdenville lorsqu’ils constatent que les immigrants leur manquent. L’histoire se termine sur une scène glorifiant la position cosmopolite, les habitants de Springfield et d’Ogdenville se réunissant sur le territoire de Springfield pour chanter et danser ensemble sur une musique populaire d’Ogdenville. Ce biais des Simpsons, d’American Dad ! et de Family Guy pour la position cosmopolite devient encore plus évident lorsque l’on fait les deux autres constats suivants. D’une part, les discours contenus dans ces trois dessins animés tendent à valoriser cette position en la faisant véhiculer par des personnages à l’intelligence supérieure. D’autre part, ces mêmes dessins animés contiennent un discours satirique qui consiste à discréditer les trois autres positions décrites par Tichenor, tout particulièrement la position restrictive classique. Comme on le verra plus bas, certains épisodes de South Park, dont « Goobacks », représentent des contre-exemples qui illustrent le parti pris moins catégorique de ce dessin animé par rapport aux trois autres.
La hiérarchisation morale des discours sur l’immigration et le mur
Le visionnement des épisodes étudiés, d’une part, permet de constater que les discours véhiculés dans les Simpsons, American Dad ! et Family Guy visent à créer une hiérarchie morale entre le discours cosmopolite et les autres positions sur l’immigration et le mur. D’autre part, nous observons dans ces dessins animés diverses stratégies visant à marginaliser les positions nationaliste égalitariste, expansionniste de libre marché et restrictive classique et à les faire paraître comme absurdes et immorales. À l’opposé, les Simpsons, American Dad ! et Family Guy tentent de convaincre du caractère louable de la position cosmopolite. L’exemple le plus probant à cet égard est qu’il incombe aux personnages les plus « intelligents » de véhiculer la position cosmopolite. Par exemple, dans The Simpsons, c’est à Lisa que revient cette mission. Reconnue pour son intelligence supérieure et infiniment plus grande que celle de pratiquement tous les autres personnages de l’émission, Lisa a un quotient intellectuel de 156 et une culture générale qui lui permettent de disserter sur pratiquement tous les sujets (astronomie, zoologie, politique, etc.) (Gross, 2003). Cette intelligence ne lui est pas toujours d’une grande utilité, car à maintes reprises les personnages des Simpsons se moquent d’elle, l’ignorent ou ne sont pas assez brillants pour entretenir des discussions très profondes avec elle (Skoble, 2001 : 26). Cela dit, dans les discours des Simpsons, l’intelligence de Lisa permet de mettre en évidence l’ignorance d’autres personnages comme Bart et Homer. Plus important encore, elle permet de créer une hiérarchie morale entre les comportements de Lisa et ceux des autres membres de sa famille et des autres résidents de Springfield. Même si Lisa est parfois dépeinte comme une jeune fille étrange puisque préoccupée par des causes qui intéressent plutôt les adultes (protéger l’environnement, promouvoir les droits des animaux, etc.), sa volonté de conscientiser ses semblables et de faire des sacrifices personnels pour rendre le monde meilleur lui confère l’aura d’un personnage vertueux, responsable et lucide. Par rapport à elle, Bart et Homer apparaissent souvent comme des individus sots et superficiels, qui ne réfléchissent jamais réellement aux conséquences de leurs actes. Il se dégage ainsi de la mise en relation de Lisa et de personnages comme Bart et Homer une opposition binaire qui prend l’une ou l’autre des formes suivantes : Lisa intelligente / Bart et Homer idiots ; Lisa soucieuse de l’environnement, du droit des animaux, etc. / Bart et Homer insouciants de conséquences de leurs gestes ; Lisa conscientisée / Bart et Homer superficiels. En raison de cette opposition binaire, Lisa apparaît donc comme un personnage dont la clairvoyance, la lucidité et le jugement sont infiniment supérieurs à ceux de Bart et de Homer. Bien sûr, cela ne veut pas dire que les téléspectateurs préfèreront automatiquement Lisa, puisque plusieurs peuvent la trouver plus ennuyeuse que Bart et Homer, qui disent régulièrement des absurdités susceptibles de faire (sou)rire[13] (Turner, 2004 : 191). Cela dit, le fait que Lisa promeuve le courant de pensée cosmopolite révèle l’existence, dans les Simpsons, d’un discours qui s’appuie sur les oppositions binaires qui existent déjà entre les personnages pour accoler des étiquettes semblables aux discours sur l’immigration et le mur. En effet, lorsque Lisa défend la position cosmopolite et Homer la position expansionniste de libre marché, on peut être tenté de conclure que la position cosmopolite est défendue par des individus doués de raison et pensants, et la position expansionniste par des idiots insouciants.
Nous décelons un discours analogue dans American Dad ! et Family Guy. Ici encore, la position cosmopolite est défendue par des personnages plus intelligents que la moyenne, comme Hayley Smith (American Dad !), qui est présentée comme une fille plus intelligente que son père Stan. Dans Family Guy, la position cosmopolite est défendue par Brian Griffin, le chien de la famille, alors que Peter Griffin, le père, véhicule la position restrictive classique. Un peu à l’image de Lisa, Brian est dépeint comme un personnage sophistiqué et d’une intelligence supérieure à la moyenne. Ses aptitudes généralement réservées aux humains (il parle, écrit des romans, etc.) témoignent de ses incroyables attributs cérébraux. Plus important encore, l’intelligence de Brian n’a d’égal que l’ignorance et l’imbécillité légendaires de Peter, qui, d’un épisode à l’autre, n’hésite pas à avaler des centaines de pièces de monnaie dans l’espoir de voir son nom apparaître dans le livre Guinness des records, à affirmer que l’on peut avorter un bébé même après la naissance ou encore à croire que le simple fait de porter une moustache permet de parler parfaitement italien. Encore une fois ici, les dessins animés contiennent un discours qui tend à ébranler la crédibilité de certaines positions sur l’immigration en les attribuant à des personnages niais comme Peter Griffin.
La satire pour discréditer le discours conservateur
En plus de suggérer l’existence de hiérarchies morales entre les courants de pensée identifiés par Tichenor, les dessins animés étudiés contiennent un discours satirique dirigé contre les conservateurs sur les questions d’immigration et du mur entre les États-Unis et le Mexique. Comme le soulignent plusieurs auteurs qui se sont intéressés à l’humour, dont Sigmund Freud (1960) et Mikhail Bakhtine (1984), des formes d’humour comme la satire, l’ironie, le cynisme ou la parodie permettent de susciter la réflexion, l’analyse et la critique à l’égard des discours dominants ou de certaines normes.
South Park, American Dad !, The Simpsons et Family Guy sont des cas d’étude intéressants à cet égard, car on s’y moque régulièrement des positions de divers acteurs politiques, du caractère prétendument ridicule de leurs positions ou encore de l’absurdité de certains débats de société. Dans un ouvrage sur la satire politique dans des produits de la culture populaire comme The Daily Show, The Colbert Report et Saturday Night Live, Jonathan Gray, Jeffrey Jones et Ethan Thompson expliquent qu’elle est une forme d’humour et de communication qui permet de se confronter au pouvoir et de le remettre en question. Nous inspirant de leurs travaux, nous définissons la satire politique comme une forme d’agression verbale ou visuelle servant à exposer le caractère ridicule d’une réalité sociale ou d’un acteur politique, à porter un jugement sur ceux-ci et à promouvoir certaines normes sociales ou politiques (Gray et al., 2009 : 12).
En étudiant les discours véhiculés dans les dessins animés étudiés, nous constatons que la satire y sert principalement à discréditer les courants de pensée autres que la position cosmopolite. Les positions restrictive classique et expansionniste de libre marché sont particulièrement ciblées dans ces discours, comme en témoignent par exemple les épisodes « Coming to Homerica » de The Simpsons et « Padre de Familia » de Family Guy.
Xylophobie, multinationales et immigrants
Dans « Coming to Homerica », les résidents de Springfield, devenus en grande majorité des partisans du mouvement restrictif classique, organisent une assemblée extraordinaire à l’hôtel de ville pour trouver une solution au problème de l’immigration massive en provenance de leur ville voisine, Ogdenville. A priori, les habitants de Springfield étaient favorables à l’immigration, mais ils se sont vite rétractés lorsqu’ils ont constaté l’impact négatif de l’immigration sur leur société. À cette assemblée de citoyens, l’avocat aux cheveux bleus propose de fermer les frontières de la ville aux résidents d’Ogdenville. Homer se rallie à cette solution et affirme ouvertement partager sa « xylophobie ». Lisa reprend son père en lui apprenant qu’il confond les termes « xylophone » et « xénophobe ». En mêlant ces deux termes, Homer expose au grand jour son ignorance. Or, au final, le maire Quimby et les résidents de Springfield seront aussi ignares puisqu’ils banniront de leur ville les immigrants ET les xylophones ! Dans cette scène, The Simpsons se moque donc des tenants des idées restrictives classiques, qui sont dépeints comme des êtres dogmatiques qui prennent des décisions rapides et irrationnelles, des individus qui ne réfléchissent pas aux conséquences de leurs gestes. La scène suivante va encore plus loin : Clancy Wiggum, un chef de police dont l’incompétence et la stupidité sont les principaux traits de caractère, tente, sans succès, d’empêcher les immigrants de traverser la frontière en direction de Springfield. On peut ainsi voir un immigrant ramper lentement entre les jambes du policier sans que celui-ci s’en aperçoive, ce qui suggère que toute mesure de sécurité est finalement illusoire puisque possible à contourner. Ici encore, la position restrictive classique est la cible du discours satirique.
Dans l’épisode « Padre de Familia » de Family Guy, le discours satirique est cette fois mobilisé pour critiquer la position expansionniste de libre marché dans une scène mettant en vedette Peter Griffin et Fuad, un collègue de travail. Lorsque Fuad lui offre un café, Griffin confie à Angela, une autre collègue de travail, qu’il craint que Fuad soit un immigrant illégal. Haussant le ton, Peter s’insurge contre le fait que la compagnie pour laquelle il travaille embauche des illégaux. Il ajoute que sa compagnie devrait suivre l’exemple d’autres sociétés américaines, comme Nike, Microsoft, General Motors, Ford, Boeing, Coca-Cola ou Kellogg’s, qui ne profitent pas de la main-d’oeuvre non américaine. En entendant cette déclaration de Griffin, Fuad, à l’arrière-plan, éclate de rire, puisqu’il sait que ce que Peter dit est loin d’être vrai. Ici, le personnage de Fuad sert non seulement à mettre l’ignorance de Peter en relief, mais aussi à attaquer les multinationales qui emploient de la main-d’oeuvre étrangère à bon marché et qui n’a pas droit aux mêmes bénéfices que les travailleurs américains.
Cinquième partie : South Park, un dessin animé promouvant les valeurs conservatrices ?
En comparaison aux Simpsons, à Family Guy et à American Dad !, le parti pris de South Park pour la position cosmopolite n’est pas aussi évident. Bien entendu, les épisodes « Pandemic 2 : The Startling » et « D-Yikes » ressemblent à certains épisodes des trois autres dessins animés étudiés, car les principaux personnages qu’on peut y voir (Stan Marsh et Kyle Broflovski notamment) se rallient à la position cosmopolite à mesure que l’histoire progresse. Cependant, l’épisode « Goobacks » illustre que South Park, ridiculisant à la fois les positions restrictive classique et cosmopolite, n’inclut pas un biais idéologique aussi évident qu’American Dad !, The Simpsons et Family Guy.
Ridiculiser la position restrictive classique – éliminer le futur grâce à l’homosexualité
« Goobacks » illustre que South Park caricature le mouvement restrictif classique. Alors que la députée locale juge « inhumaine » l’option de « tuer tous les immigrants du futur qui traversent la frontière du temps », les partisans des politiques d’immigration strictes organisent une assemblée générale afin de trouver une autre solution au problème de l’immigration. Ils s’entendent sur le fait qu’ils doivent à tout prix détruire le futur de l’humanité. Pour ce faire, ils décident de changer leur orientation sexuelle pour devenir une communauté exclusivement homosexuelle. En devenant gaie, la race humaine ne pourra se reproduire et, conséquemment, cessera d’exister. En signe de protestation et dans le but d’attirer l’attention des médias et des décideurs politiques, les hommes de South Park organisent des orgies directement à la frontière du temps. Dans cet épisode, South Park se moque de l’irrationalité des acteurs du mouvement restrictif classique, qui sont dépeints comme des citoyens racistes, dénués de jugement et prêts à tout pour leur cause.
Ridiculiser la position cosmopolite – vouloir le bien de l’humanité est gai !
Les discours contenus dans « Goobacks » démontrent cependant que South Park se moque aussi de la position cosmopolite. Dégoûté par les orgies protestataires des restrictifs classiques, Stan Marsh devient cosmopolite en cours d’épisode et souligne que, d’un point de vue moral, les résidents de South Park ne devraient pas utiliser le terme péjoratif Goobacks pour décrire les immigrants du futur. Il affirme que ces immigrants cherchent une meilleure qualité de vie et devraient être respectés dans cette quête. Il suggère aussi de bâtir un monde meilleur dès à présent, ce qui améliorera les conditions de vie des gens du futur et, partant, leur permettra de prospérer chez eux au lieu de les forcer à immigrer vers South Park. Les résidents se laissent donc convaincre et décident d’adopter des comportements prétendument vertueux tout en chantant : « We got to work hard for the future, we got to join hands for tomorrow, recycle that can and plant that tree ’cause the future begins with you and me. » Même si la stratégie de Stan fonctionne à merveille, Kyle, Eric et lui somment rapidement les habitants de South Park d’arrêter de travailler, au prétexte que planter des arbres et recycler tout en fredonnant des chansons sereines est encore plus « gai » que de participer aux orgies homosexuelles organisées par les restrictifs classiques. Il s’excuse donc et ordonne à tout le monde de regagner le lieu où se déroulent les orgies et, par la même occasion, de rejoindre le camp des restrictifs classiques.
Cet épisode démontre clairement que South Park contient un double discours et se moque à la fois des positions cosmopolite et restrictive classique. Dans son livre South Park Conservatives : The Revolt Against Liberal Media Bias, Brian C. Anderson (2005) estime que la tendance de South Park à ridiculiser la gauche prouve que ce dessin animé fait la promotion d’idées conservatrices. Nos observations permettent cependant de nuancer cette thèse. En effet, South Park s’en prend peut-être aux idées de gauche, mais critique aussi la droite sur les questions d’immigration. Si, par souci de cohérence méthodologique, nous nous sommes limités à une analyse de discours des dessins animés étudiés, seule l’analyse de production de ces mêmes dessins animés permet de comprendre pourquoi South Park a plus tendance que les Simpsons, Family Guy et American Dad ! à critiquer autant les cosmopolites que la position restrictive classique. À cet égard, l’une des principales différences qui existent entre les créateurs de South Park (Trey Parker et Matt Stone) et ceux des autres dessins animés étudiés ici (Matt Groening pour les Simpsons et Seth Macfarlane pour Family Guy et American Dad !) est que Parker et Stone désirent ouvertement s’en prendre à n’importe quel acteur politique, peu importe son idéologie. Comme l’explique Stone dans un entretien accordé au magazine Times, « you could […] easily write a book called South Park Liberals, because we’ve attacked a lot of funny stuff that conservative people and institutions do in America. But we’re the only show that rips on Rob Reiner and antismoking laws and hippies, so we get that label [conservative] » (Poniewozik, 2006 : 8). Parker va dans le même sens que Stone quand il décrit ainsi l’inclination politique de South Park : « We find just as many things to rip on the left as we do on the right. People on the far-left and the far-right are the same exact person to us. » (Jacobs, 2011) Pour Parker et Stone, le but est donc de dénoncer à la fois le « jusqu’au-boutisme » de la droite et de la gauche et non, comme Groening et Macfarlane, d’inciter les Américains à choisir leur camp[14].
Conclusion
En somme, cette analyse visait à démontrer que The Simpsons, South Park, American Dad ! et Family Guy sont plus que de simples objets de divertissement et qu’ils contiennent des discours éminemment politiques sur l’immigration non documentée et la construction d’un mur à la frontière des États-Unis et du Mexique. Nous inspirant d’une catégorisation des courants de pensée sur les politiques d’immigration développée par Daniel Tichenor, nous avons démontré que les dessins animés étudiés offrent un espace discursif aux principaux courants de pensée sur les enjeux susmentionnés. Nous avons aussi fait la preuve que The Simpsons, American Dad ! et Family Guy comportent un biais pour la position cosmopolite, tandis que South Park contient un discours différent qui consiste à cibler autant la position cosmopolite que les positions plus conservatrices comme la position restrictive classique.
Même s’ils tendent à véhiculer un discours plus progressiste que celui retrouvé dans South Park, les trois autres dessins animés (The Simpsons, American Dad ! et Family Guy) pourraient tout de même faire l’objet de critiques de la part de ceux et celles qui, aux États-Unis, valorisent le multiculturalisme et déplorent les inégalités qui existent entre les Blancs et les représentants des autres communautés ethniques. En effet, ces trois dessins animés font peut-être l’apologie de la position cosmopolite, mais les villes qui y sont dépeintes (Springfield, Quahog et Langley Falls) ne sont pas toujours représentatives de la diversité culturelle que l’on retrouve aujourd’hui dans plusieurs villes américaines. Bien entendu, tout comme les « vraies » villes américaines, celles des dessins animés sont caractérisées par la prépondérance des Américains blancs (jaunes dans le cas de The Simpsons). Cela dit, les minorités ethniques y sont moins bien représentées que dans la réalité. Par exemple, dans le cas de The Simpsons, les Latino-Américains et les Afro-Américains sont seulement représentés par une poignée de personnages secondaires, comme Julius Hibbert (un médecin afro-américain), Carl Carlson (un Afro-Américain qui travaille à la même usine que Homer) et Pedro (l’homme abeille d’origine latino-américaine que la famille Simpson regarde régulièrement à la télévision). Il est pourtant connu que les minorités latino-américaine et afro-américaine comptent respectivement pour 16 % et 12 % de la population américaine (US Census Bureau, 2010) et que plusieurs Américains issus de ces groupes occupent une place prépondérante dans la société américaine, notamment Barack Obama (élu à présidence des États-Unis en 2008) et Marco Rubio (élu au Sénat des États-Unis en 2010). Ainsi, même si les dessins animés étudiés incluent souvent une critique des positions conservatrices sur l’immigration non documentée et le mur entre les États-Unis et le Mexique, on peut se demander s’ils ne cautionnent et ne reproduisent pas, dans une certaine mesure, le discours consistant à minimiser l’importance des minorités ethniques aux États-Unis et leur contribution au dynamisme de la société américaine.
Paradoxalement, South Park se démarque encore une fois à cet égard, car cette émission tend davantage à souligner les nombreux apports des minorités à la société américaine que The Simpsons, American Dad ! et Family Guy. Par exemple, le personnage afro-américain connu sous le nom de « Chef » joue un rôle primordial dans les neuf premières saisons, en servant de mentor à Kyle, Kenny, Stan et Cartman et en les conseillant sur pratiquement tous les sujets. Par ailleurs, plusieurs épisodes ainsi que le long métrage de South Park (intitulé Bigger, Longer and Uncut) comportent de vives critiques à l’égard de la discrimination des Noirs dans l’histoire des États-Unis. À titre indicatif, Bigger, Longer and Uncut critique la surreprésentation des Noirs dans l’armée américaine à l’aide d’une scène dans laquelle on apprend que le premier bataillon déployé par les États-Unis pour déclencher une guerre contre le Canada (!) sera uniquement composé d’hommes afro-américains !
Ainsi truffés de nombreux commentaires à propos des enjeux politiques de l’heure, des dessins animés comme The Simpsons, American Dad !, South Park et Family Guy occupent donc un double statut au sein de la société américaine. D’une part, ils sont le reflet des préoccupations des Américains et des principales positions politiques qu’ils défendent. D’autre part, ils tendent à prescrire aux Américains certaines lignes de conduite en les incitant à embrasser (ou à rejeter) certaines positions politiques. Dans une recherche ultérieure, il serait bienvenu de recourir à la méthode de l’analyse de réception pour évaluer la réelle influence de ces dessins animés sur l’opinion et les comportements politiques des Américains. Renforcent-ils les croyances des téléspectateurs ou les font-ils changer d’opinion sur des questions comme l’immigration et le mur ? Ou, plus important encore, les incitent-ils à s’intéresser davantage à ces enjeux, à se politiser ou à se mobiliser pour certaines causes ? Car si les épisodes étudiés ici ont bel et bien un contenu politique, cet article n’aura pas permis de savoir si les téléspectateurs décèlent effectivement les messages que nous avons mis en relief dans ces pages ou s’ils regardent avant tout les dessins animés pour se divertir. En d’autres termes, sont-ils davantage des Lisa Simpson, c’est-à-dire des individus fortement intéressés par la chose politique, ou des Bart Simpson, qui, contrairement à sa soeur, a peu d’appétit pour les grands débats de société et cherche avant tout à s’amuser ?
Appendices
Notes biographiques
Frédérick Gagnon est professeur de science politique à l’Université du Québec à Montréal. Directeur de l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand, il a été chercheur invité au Woodrow Wilson International Center for Scholars, à l’Université du Maryland et à l’Université Western Washington. Ses recherches portent sur la politique et la société aux États-Unis (élections, institutions politiques, conservatismes, culture populaire, etc.). Il est l’auteur, avec Claude Corbo, de l’ouvrage Les États-Unis d’Amérique. Les institutions politiques (Québec, Septentrion, 2011) et a publié l’un des rares ouvrages en français sur le Congrès des États-Unis (Le Congrès des États-Unis, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2006). Ses récents travaux sont parus dans Politique américaine, Études internationales, European Journal of American Studies et Canadian Review of American Studies.
Julie Dufort est doctorante en science politique à l’Université du Québec à Montréal. Ses recherches portent sur les représentations du politique dans la culture populaire américaine et plus précisément sur la façon dont l’humour est utilisé pour véhiculer des idées politiques. Chercheure à l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand et au sein du Groupe de recherche sur la caricature et la satire graphique à Montréal, ses publications récentes incluent un chapitre de livre sur le film Big Lebowski et l’ironie kierkegaardienne intitulé « In The Dude, I Abide : Being an Achiever at Lebowski Fest » (avec Roseline Lemire-Cadieux, dans The Big Lebowski and Philosophy, Malden, Blackwell Publishing, 2012).
Notes
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[1]
Nous définissons la culture populaire comme une forme de culture produite en masse et appréciée par un grand nombre, à l’opposé d’une culture qualifiée d’élitiste ou d’avant-gardiste qui ne toucherait qu’une partie aisée et instruite de la population. Aux États-Unis comme dans plusieurs autres démocraties occidentales, les principaux objets/véhicules de la culture populaire sont les films, les séries télévisées, les dessins animés, les jeux vidéo, etc. (Storey, 2006). Cette définition rejoint celles de David Manning White (1978 : 18) et de Bennett M. Berger (1978 : 22), qui écrivent respectivement : « it is mass entertainment – entertainment produced for a mass audience – that is a major factor in distinguishing modern popular culture from other […] forms of […] culture » ; « Popular culture embraces far more than the TV shows, movies, magazines, books, newspapers, recordings, sports, and other theatrical events that engage our time and attention. It also includes the games we play, the pictures on our walls, the clothes on our backs, the furniture in our homes, and the food we consume, from McDonald’s hamburgers to organically grown rice ».
-
[2]
Outre l’épisode « It’s Chrismas in Canada » de South Park, ce premier critère de sélection explique pourquoi nous n’avons pas retenu les épisodes suivants aux fins de notre analyse : 1) de South Park : « Casa Bonita » (Eric Cartman rêve d’aller dans un restaurant mexicain près de la ville de South Park, la Casa Bonita, mais ne se prononce jamais réellement sur l’immigration mexicaine aux États-Unis) ; « W.T.F. » (Eric Cartman et ses amis créent une fédération de catch (lutte professionnelle) et Kenny personnifie un lutteur mexicain sans toutefois que l’épisode aborde la question qui nous intéresse ici) ; « Cartman’s Silly Hate Crime » (Kenny et Eric Cartman, en tentant d’échapper aux forces policières de la ville de South Park, se rendent à la frontière du Mexique sans toutefois que l’épisode traite du débat sur cette frontière) ; « Fishsticks » (on se moque pendant quelques secondes de Carlos Mencia, l’humoriste américaine d’origine mexicaine, sans toutefois aborder le débat qui nous intéresse ici) ; « Free Willzyx » (Stan et Graig se rendent à la Mexicano Aeronáutica y Spacial Administración (MASA) au Mexique, l’équivalent de la NASA aux États-Unis, pour envoyer une orque sur la lune. On dit ici que le coût de la vie est moins élevé au Mexique qu’aux États-Unis sans toutefois aborder le débat sur l’immigration) ; « Pinewood Derby » (on se moque du président mexicain Philippe Calderón, sans toutefois aborder les enjeux qui retiennent notre attention) ; « Tsst » (on se moque de l’Américain d’origine mexicaine Cesar Millan, un expert de l’éducation des chiens qui a sa propre émission de télévision dans la réalité, sans jamais traiter des questions de l’immigration ou du mur) ; « Probably » (une courte scène de cet épisode se déroule au Mexique. Qui plus est, dans une réplique, Eric Cartman dévoile son dégoût pour l’espagnol en répandant la rumeur selon laquelle il s’agit de la langue que l’on parle en enfer. Or, l’épisode ne va pas plus loin sur cette question) ; 2) de Family Guy : « No Meals on Wheels » (cet épisode contient une courte scène dans laquelle on constate que la version mexicaine de Superman a loué un appartement aux États-Unis et invité des dizaines de superhéros mexicains – dont la version mexicaine de Batman – à loger chez lui) ; « Lois Kill Stewie » (on se moque du comédien et humoriste Rob Schneider en disant qu’il kidnappe et assassine des travailleurs mexicains) ; « Back to the Woods » (dans une courte scène, on peut voir un personnage nommé G.I. Jose, la version mexicaine du célèbre G.I. Joe, un soldat américain de fiction que l’on retrouve dans plusieurs bandes dessinées et dessins animés ou sous forme de figurines aux États-Unis) ; 3) d’American Dad ! : « I Can’t Stand You » (dans une courte scène de quelques secondes, on peut entendre Stan Smith dire qu’il a exigé la déportation d’immigrants illégaux) ; « Deacon Stan, Jesus Man » (Stan se rend au Mexique avec sa famille pour que son fils, qui porte un enfant, puisse se faire avorter) ; « Roy Rogers McFreely » (Rogers embauche des travailleurs mexicains pour détruire les bosquets de roses de Greg et Terry, mais la question de l’immigration n’est pas centrale dans cet épisode) ; 4) dans The Simpsons : « Kamp Krusty » (Krusty explique aux enfants déçus de son parc d’amusement que Tijuana au Mexique est l’endroit le plus merveilleux du monde) ; « The Bob Next Door » (Homer et sa famille se retrouvent au Mexique par erreur dans une courte scène qui ne traite pas de l’enjeu qui retient notre attention) ; « The Strong Arms of the Ma » (une amie de Marge explique qu’on la surnommait « Miss Mexican Mafia » lorsqu’elle était en prison) ; « Maximum Homerdrive » (à la fin de l’épisode, dans une courte scène, un superhéro d’origine mexicaine répare la sonnette de porte de la famille Simpson, mais a lui-même des problèmes avec son camion qui ne démarre pas).
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[3]
Précisons que nous avons déjà recouru à cette méthode pour étudier la culture populaire américaine (Gagnon, 2010).
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[4]
Comme l’explique T.V. Reed, l’analyse de réception de la culture populaire consiste à étudier comment un auditoire consomme cette culture populaire ou encore interprète les messages véhiculés dans celle-ci. Les analyses de réception de la culture populaire peuvent s’appuyer sur les sondages, les groupes de discussion (focus groups) ou encore l’observation participante. Elles permettent par exemple d’évaluer comment le genre, l’âge, l’appartenance religieuse, la race et autres influencent la consommation ou l’interprétation de la culture populaire. Pour plus de détails, lire Reed (2011).
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[5]
Pour des détails sur l’analyse de production de la culture populaire, lire Reed (2011).
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[6]
En mettant l’accent sur le caractère politique des dessins animés et les considérations politiques qui sous-tendent les histoires qu’on y raconte, notre but n’est pas d’affirmer que leurs créateurs sont uniquement motivés par des objectifs politiques. En effet, les considérations commerciales et la course aux cotes d’écoute poussent par exemple les créateurs à tenter de répondre aux attentes de leur auditoire. Cela dit, le but de notre article étant d’illustrer le caractère politique des dessins animés étudiés, il semble incontournable de souligner que leurs créateurs poursuivent entre autres l’objectif d’inciter les Américains à réfléchir sur les grands enjeux politiques.
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[7]
Précisons que nous avons déjà recouru à l’idée d’Abelson pour étudier la culture populaire (Gagnon, 2010).
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[8]
Nous avons déjà recouru à l’idée de Campbell pour étudier la culture populaire (Gagnon, 2010).
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[9]
L’expression « nation d’immigrants » a été rendue célèbre par John F. Kennedy (1958) dans son ouvrage du même titre.
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[10]
L’expression sugar daddies a été employée dans la Select Commission on Immigration and Refugee Policy (1981) pour qualifier les politiques d’immigration aux États-Unis (Tichenor, 2002 : 243).
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[11]
George W. Bush était parfaitement conscient de l’importance économique des échanges avec le Mexique et sensible au poids politique croissant de la communauté hispanique. Sa proposition de réforme incluait les quatre éléments suivants : 1) un nouveau programme pour les travailleurs étrangers temporaires, 2) une augmentation annuelle du nombre de visas, 3) des incitatifs économiques pour les travailleurs étrangers temporaires afin qu’ils retournent dans leur pays d’origine et 4) un renforcement des lois sur l’immigration, notamment sur les lieux de travail (voir de Castro et Rangel 2008 : 151).
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[12]
Citons notamment les projets de loi suivants : Border Protection, Antiterrorism, and Illegal Immigration Control Act de 2005 (H.R.4437), Secure America and Orderly Immigration Act de 2005 (S.1033, H.R. 2330), Comprehensive Enforcement and Immigration Reform Act de 2005 (S.1438) et Agricultural Jobs, Opportunities and Benefits Act de 2005 (S.359, H.R.884).
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[13]
Plusieurs sondages ont démontré que les téléspectateurs préfèrent souvent Homer et Bart à Lisa. Dans son ouvrage intitulé Planet Simpson : How a Cartoon Masterpiece Defined a Generation, Chris Turner cite l’exemple d’un sondage de 1998 qui illustre que Lisa est le quatrième personnage préféré des amateurs des Simpsons, derrière Homer, Bart et Ralph Wiggum. Tout comme Homer et Bart, Ralph Wiggum est reconnu pour son intelligence inférieure par rapport à celle de Lisa.
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[14]
Sur les intentions des créateurs de South Park, lire Ott (2008), Samuels (2008) et Thompson (2009).
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