Abstracts
Résumé
Cet article s’intéresse à la relation entre la présence de mécanismes formels de participation citoyenne et la nature des relations État-société dans le contexte du processus de démocratisation mexicain, par le biais de l’étude des comités de participation citoyenne (COPACI) mise en place en 1996 par le Parti de la révolution démocratique (PRD) à Nezahualcóyotl, dans l’État du Mexique. S’inscrivant au coeur des débats théoriques actuels sur la démocratie participative et associative, il démontre que postuler de l’existence d’un lien direct et de facto entre innovation institutionnelle participative et démocratisation s’avère, dans les faits, problématique. Bien que l’existence de mécanismes institutionnels favorisant la participation citoyenne soit une condition nécessaire à la revitalisation de la société civile et de ses relations avec le pouvoir politique au niveau local, elle n’est pas suffisante pour la garantir en pratique, comme le suggère le cas de Nezahualcóyotl. L’analyse qualitative des dynamiques de mobilisation et de la nature de la participation citoyenne au sein des COPACI fait ressortir que, contrairement à l’idée véhiculée dans les discours officiels du PRD, l’impact de leur institution par le PRD sur les relations État-société et, plus largement, sur la qualité de la gouvernance démocratique municipale, n’a pas été à la hauteur des attentes. Alors que les COPACI devaient, en théorie, devenir des véhicules de démocratisation en permettant le développement d’une participation autonome des acteurs collectifs à la gouvernance municipale, l’expérience démontre qu’ils ont plutôt été utilisés par les leaders des différents partis et leurs alliés de manière informelle comme un outil de contrôle social, contribuant à alimenter et à réinventer les pratiques clientélistes et antidémocratiques héritées du régime du PRI et originellement dénoncées par le PRD.
Abstract
Looking at the case of the Citizen participation committees (COPACI), implemented in 1996 by the Democratic Revolutionary Party (PRD) of Nezahualcóyotl (state of Mexico), this article investigates the relationship between the existence of formal citizen participation mechanisms and the nature of state-society relationships in the Mexican democratization context. It demonstrates s that, contrary to certain assumptions of the participatory democracy literature, the existence of a de facto and direct relationship between participatory institutional innovation and democratization is, in fact, problematic. As the case of Nezahualcóyotl shows, if the implementation of institutional mechanisms fostering citizen participation can be a condition underlying the revitalization of civil society and of its relationship with the local political power, it is not sufficient to sustain democratic practices. The qualitative analysis of mobilization patterns and of the nature of citizen participation within the COPACIs proves that, contrary to the PRD’s official view, their impact on state-society relationships, and more largely on the quality of the municipal governance process, is limited. In theory, the COPACIs were supposed to allow the development of collective actors participating in an autonomous way to the municipal governance process and, as such, become the vehicles for further democratization. Experience shows, however, that these committees have rather been informally used by the political parties and their allies as social control tools, contributing to foster and reinvent clientelistic and antidemocratic practices.
Article body
Par comparaison avec ce que c’était sous le gouvernement du PRI, je dirais que la participation citoyenne s’est améliorée un peu aujourd’hui. Par contre, je dirais aussi que, pour le PRD, les comités de participation citoyenne sont une manière de contrôler les citoyens[2].
– Président, COPACI, Colonia El Sol, Ciudad Nezahualcóyotl
« La participation de la société civile a été et demeure fondamentale pour assurer le renforcement de la démocratie », disait le président mexicain Felipe Calderón dans un discours officiel prononcé le 20 juillet 2007. Bien qu’en apparence banale, cette simple phrase constitue toutefois un important changement dans le discours politique dominant au Mexique, traditionnellement gouverné de manière centralisée et hégémonique par le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) et par une élite politique peu encline à inclure les citoyens ordinaires dans le processus de prise de décision. Organisées à tous les niveaux de gouvernement afin de servir l’intérêt de la structure corporatiste sous-jacente à l’hégémonie du PRI, les relations État-société étaient généralement de type clientéliste et généraient l’exclusion sociale. Le modèle de gouvernance dominant assurait l’hégémonie du PRI en limitant non seulement la participation sociale, mais aussi l’accès des partis d’opposition aux postes élus à tous les niveaux de gouvernement et, finalement, l’autonomie des gouvernements municipaux et étatiques, alors que le gouvernement central, plus précisément son président, détenait la majorité des pouvoirs dans la fédération. Or, à partir du début des années 1980 et en réaction à la crise de légitimité politique du PRI et à la montée progressive des forces de l’opposition, un important changement dans le discours du PRI commence à se profiler. En effet, faisant face à de nombreuses critiques en raison notamment des ratés de sa politique économique, le PRI propose un processus de réforme constitutionnelle visant à décentraliser le pouvoir et les fonctions administratives du gouvernement fédéral vers les municipalités afin de réaffirmer sa légitimité (Rodriguez, 1997 ; Cabrero Mendoza, 1998 ; Ward et Rodriguez, 1998 ; Grindle, 2000, 2007 ; Mizrahi, 2004). Le processus de décentralisation politique et administrative amorcé par le PRI permettra aux partis d’opposition de commencer à s’organiser et à se faire élire au niveau local, puis, plus largement, aux municipalités d’acquérir une nouvelle autonomie politique et administrative et, enfin, jettera les bases de l’institutionnalisation éventuelle des mécanismes de participation citoyenne et ouvrira la porte à un possible renouveau du modèle de gouvernance municipale établi sous le PRI.
C’est dans ce contexte que le Parti de la révolution démocratique (PRD) émerge dans les années 1980, issu d’une division au sein du PRI et proposant un programme plus à gauche de l’échiquier politique. Dès ses premiers pas sous la direction de Cuauhtémoc Cardenas en 1987, s’inscrivant en faux contre la tradition corporatiste et hautement centralisée du PRI, le discours du PRD se fait en effet le promoteur de la participation citoyenne comme vecteur central du changement politique proposé par le parti d’opposition et, plus largement, du processus de démocratisation (Bruhn, 1997). Cette idée est d’ailleurs au premier plan de la déclaration de principes du PRD qui stipule que, dans l’esprit de construire une démocratie de qualité au Mexique, le parti « fait la promotion de la participation citoyenne et des outils de participation directe dans la planification des tâches et du budget du gouvernement » (PRD, 2009 : 7). Profitant de l’accession au pouvoir de plusieurs de ses leaders locaux au niveau municipal, le PRD propose donc une redéfinition du modèle de gouvernance traditionnel axée sur la participation active et directe des citoyens aux processus décisionnels locaux. Le modèle de gouvernance démocratique proposé est principalement articulé à l’échelon municipal et vise à inclure les citoyens « ordinaires » et traditionnellement exclus dans le processus de planification urbaine par le biais de l’introduction de mécanismes participatifs. Allant dans le sens des postulats théoriques sous-jacents à l’idée de la démocratie participative[3], ce modèle se veut donc l’outil privilégié par le parti afin de permettre une profonde réorganisation des relations – traditionnellement clientélistes – entre le pouvoir politique et les citoyens, nécessaire à l’approfondissement des pratiques de gouvernance démocratique.
Après quelques années de l’implantation de tels mécanismes dans plusieurs municipalités gouvernées par le PRD, un bilan s’impose. Quel est l’impact de l’introduction de ces mécanismes participatifs sur les pratiques démocratiques de gouvernance locale ? Au-delà de l’augmentation quantitative de la participation des citoyens, assiste-t-on à un changement qualitatif des pratiques participatives et à une transformation des liens traditionnellement clientélistes entre l’État et la société ? Cet article se propose de répondre à ces questions générales à la lumière de l’étude du cas de Nezahualcóyotl, une des plus grandes villes de l’État du Mexique avec une population de plus de un million. Souvent citée par le PRD comme exemple d’innovation institutionnelle locale s’inscrivant dans le sens du discours de promotion de la démocratie dite participative, la ville de Nezahualcóyotl avec ses comités de participation citoyenne (COPACI) constitue un cas exemplaire aux fins de cette étude. Bastion du PRD au Mexique, d’où ont notamment émergé plusieurs de ses leaders nationaux, Nezahualcóyotl représente en effet un cas type de réforme institutionnelle participative menée dans un contexte traditionnellement dominé par le PRI. Implantés en 1996 par le gouvernement nouvellement élu du PRD, les COPACI sont aujourd’hui le noyau central du processus de gouvernance locale, permettant aux citoyens « ordinaires » de participer directement et sur une base régulière à la formulation de priorités de développement urbain et de politiques publiques municipales, ainsi que de les transmettre par un mécanisme formel aux autorités municipales qui, en retour, doivent en rendre compte dans le processus de prise de décision.
S’inscrivant au coeur des débats théoriques actuels sur la démocratie participative et associative, le présent article démontre que postuler de l’existence d’un lien direct et de facto entre innovation institutionnelle participative et démocratisation s’avère, dans les faits, problématique. En effet, bien que l’existence de mécanismes institutionnels favorisant la participation citoyenne soit une condition nécessaire à la revitalisation de la société civile et de ses relations avec le pouvoir politique au niveau local, elle n’est pas suffisante pour la garantir en pratique. En réalité, il s’impose de tenir compte de l’importance des institutions et des pratiques informelles des acteurs qui, bien ancrées dans les comportements et les interactions, peuvent constituer un obstacle à la mise en place de processus pleinement démocratiques. Définies comme « les règles socialement partagées, généralement non écrites, qui sont créées, communiquées et mises en application en dehors des canaux officiellement sanctionnés » (Helmke et Levitsky, 2004 : 727), ce sont en effet ces pratiques qui sont au coeur des processus de gouvernance et des relations État-société qui s’y rattachent. Bien que l’étude des dynamiques formelles de participation au sein de ces mécanismes soit nécessaire, elle doit être accompagnée de l’étude systématique et approfondie des pratiques informelles qui leur sont associées, une tâche que cet article se propose d’accomplir. L’analyse qualitative des dynamiques de mobilisation et de la nature de la participation citoyenne engendrées par ces mécanismes formels à Nezahualcóyotl démontre que, contrairement à l’idée véhiculée dans les discours officiels du parti, l’impact de leur introduction par le PRD sur les relations État-société et, plus largement, sur la qualité de la gouvernance démocratique municipale, n’a pas été à la hauteur des attentes générées. Alors que les COPACI devaient, en théorie, devenir des véhicules de démocratisation en permettant le développement d’une participation autonome des acteurs collectifs à la gouvernance municipale, l’expérience démontre une réalité tout autre. On constate en effet qu’ils ont plutôt été utilisés par les leaders des différents partis et leurs alliés comme un outil de contrôle social, contribuant à alimenter et à réinventer les pratiques clientélistes et antidémocratiques originellement dénoncées par le PRD.
L’ouverture démocratique et la montée de la gauche : héritages, défis et transformations de la gouvernance
En 1996, une alliance de groupes et de partis de gauche réunis sous la bannière du PRD remporte l’élection municipale à Nezahualcóyotl, au terme de près de 40 ans d’hégémonie des élites du PRI sur les sphères politiques et sociales de la municipalité. L’élection perdue de Cuauhtémoc Cardenas en 1988[4], premier candidat officiel du PRD à la présidence du pays, donna en effet lieu à une importante vague de mobilisation des forces de la gauche à Nezahualcóyotl, utilisant le PRD comme véhicule partisan rassemblant les plus importants groupes opposés au PRI et autrefois profondément divisés entre eux[5]. Alors sous la direction de Valentín González Bautista, la coalition menée par le PRD remporte l’élection municipale, ce qui ouvre la porte aux nombreux changements dans le modèle de gouvernance promis par le parti lors de la campagne électorale dans le but de « combattre » l’héritage du PRI. Plus précisément, ce changement de garde permet de viser à inclure la population dans le processus de planification urbaine, dorénavant orchestré par le gouvernement municipal en collaboration avec les citoyens grâce à leur participation directe au sein d’un nouveau mécanisme formel : les COPACI.
L’héritage du PRI : clientélisme et exclusion sociale
Avant d’étudier de plus près le programme participatif proposé par le PRD en 1996 et en vigueur depuis lors, il importe de s’attarder brièvement au contexte historique dans lequel ce discours s’est développé et ces mécanismes se sont implantés. En effet, l’organisation sociopolitique et les défis actuels de la gouvernance à Nezahualcóyotl tiennent pour beaucoup au contexte dans lequel la ville fut fondée et aménagée sous le PRI, contexte marqué par la présence d’organismes luttant avec les résidents pour l’accès à la propriété et aux services de base et pour l’urbanisation des quartiers ad hoc du district de Texcoco, mais aussi par l’impact du clientélisme privilégié par le PRI sur la capacité de ces groupements à se structurer collectivement. Comme nous le verrons, en raison de la prédominance du clientélisme comme mode d’interaction entre les autorités locales et les résidents pour la redistribution des biens publics sous le PRI, le PRD hérite d’une ville empreinte de profondes inégalités sociales, aux besoins criants et disposant de ressources limitées.
Le clientélisme, comme modèle de relations État-société fondamentalement inégales, a été l’un des piliers de la stabilité du PRI et de son régime de parti unique dans le Mexique postrévolutionnaire. Défini comme un mode d’interaction, une forme d’échange entre patrons (politiciens) et clients (citoyens), le clientélisme implique un échange inégal basé sur le pouvoir et les ressources, reposant sur l’existence de bénéfices mutuels (par exemple, l’offre d’appui et de loyauté politique en échange de l’obtention de bénéfices matériels ou symboliques directs) (Lemarchand, 1981 : 15 ; Roniger, 1994) et, en conséquence, résulte en une forme de redistribution des ressources collectives inégale, exclusive et basée sur l’existence de privilèges accordés de manière discrétionnaire. Le clientélisme a joué un rôle important au regard de la viabilité du système corporatiste à la base du régime de parti unique, devenant un outil privilégié par ses leaders pour assurer la loyauté des différents groupes sociaux qui en faisaient partie. L’hégémonie du PRI, rendue possible par la structure fédérative très centralisée du pays et un présidentialisme fort, s’est établie grâce à la solide constitution corporatiste du parti, organisée autour de trois groupes sociaux affiliés : 1) les travailleurs, par leur engagement syndical envers la Confédération des travailleurs mexicains (CTM) ; 2) les paysans, mobilisés au sein de la Confédération paysanne nationale (CNC) ; et 3) les secteurs populaires, rassemblés sous la bannière de la Confédération nationale des organisations populaires (CNOP). Cette structure, implantée au niveau fédéral, se déployait par ailleurs à tous les paliers de gouvernement, y compris les municipalités où le lien entre les membres du parti et les leaders sociaux était tout aussi direct et exclusif.
Plusieurs observateurs de la scène politique locale mexicaine et de Nezahualcóyotl au cours de la période d’hégémonie du PRI (Alba Muñiz, 1976 ; Duhau et Schteingart, 2001 ; Azaluz Solano, 2002 ; Selee, 2011) ont identifié l’utilisation du clientélisme et du patronage comme étant les principaux mécanismes du contrôle politique et de la domination exercée par le parti sur l’État, la société et leurs interactions. Les fraccionadores, nom donné aux propriétaires terriens et aux promoteurs immobiliers qui ont été parmi les principaux acteurs de l’urbanisation de la région de l’ex-Lago de Texcoco depuis le début du vingtième siècle, étaient l’une des sources de support local les plus importantes pour les leaders locaux du PRI. En effet, Nezahualcóyotl est une ville jeune où l’accès aux services municipaux de base faisait grandement défaut en raison du monopole exercé sur le processus d’urbanisation par les fraccionadores non imputables et bénéficiant d’une certaine immunité en raison de leur relation privilégiée avec les élites du PRI[6]. Cette tendance au développement de liens corporatistes avec les fraccionadores était par ailleurs renforcée par la dépendance marquée des leaders municipaux du PRI à l’égard du gouvernement de l’État et de la structure partisane. Ainsi, comme l’a observé Andrew D. Selee (2011), les leaders de la section étatique du PRI utilisèrent les postes politiques nouvellement créés au sein de l’administration locale à des fins de patronage en y plaçant plusieurs politiciens du parti provenant de l’extérieur de la ville, mettant dès lors la ville en position de faiblesse vis-à-vis de l’État et du parti, ses leaders étant en situation de dépendance envers les autorités supérieures. Dans une telle situation, et vu la rareté des ressources, les citoyens étaient tenus captifs du système clientéliste de redistribution des ressources profondément enracinées dans la manière dont les élites étatiques redistribuaient les ressources et le pouvoir aux élus municipaux et instituaient une dynamique d’exclusion sociale basée sur l’existence de privilèges et de préférences politiques. La structure locale du parti et ses politiciens pouvaient aussi compter sur une base d’alliances avec les principales organisations sociales actives auprès de la population locale, à la fois manifestation concrète et conséquence du mode d’organisation corporatiste établi par le PRI. Alors que le secteur des travailleurs était un important allié du PRI dans plusieurs municipalités mexicaines, à Nezahualcóyotl, le secteur populaire, organisé au sein d’une section locale de la CNOP, était celui qui avait le plus de poids dans l’organisation corporatiste locale, rassemblant l’ensemble des organisations sociales agissant à titre d’agents de développement municipal par l’entremise de la distribution de ressources et de services de base à la population[7]. Comme le suggèrent Emilio Duhau et Martha Steingart (2001 : 186), l’importance des organisations sociales locales membres de la CNOP pour la stabilité de l’organisation partisane vient du fait qu’elles « étaient connectées à la vie quotidienne de la population dans ses aspects sociaux, économiques et urbains, mais aussi qu’elles constituaient les canaux de support pour les leaders occupant le poste de maire, les sièges au conseil et aux autres postes politiques importants au sein de la municipalité pendant plusieurs décennies ».
La conséquence directe de la dynamique corporatiste instituée par le PRI fut d’affaiblir la société civile organisée et de limiter l’autonomie de ses quelques organisations actives. Comme le souligne Claudio A. Holzner (2006 : 79), sous le régime du PRI, « les organisations indépendantes de la société civile étaient peu nombreuses, faisaient face à un manque chronique de ressources et luttaient contre la répression et la cooptation ». Nezahualcóyotl ne faisait pas figure d’exception[8], le parti excluant toute forme de collaboration avec les organisations qui ne lui étaient pas loyales et utilisant des stratégies de répression et de cooptation afin d’éviter l’émergence d’organisations indépendantes et potentiellement contestataires (Iglesias, 1978). Néanmoins, certains espaces de participation citoyenne directe existaient formellement sous la direction du PRI, se manifestant sous différentes formes plus ou moins organisées. La loi prévoyait déjà à cette époque l’existence de comités de participation citoyenne organisés à l’échelle des différents quartiers dans les municipalités dont l’objectif était d’offrir aux citoyens un canal formel pour formuler des demandes auprès des autorités municipales. Bien qu’implantés dans la structure gouvernementale locale, ces conseils demeuraient toutefois généralement inactifs. Plutôt que de permettre aux citoyens de formuler librement leurs préférences en matière de politiques et de canaliser des demandes collectives à l’intention de l’État, les comités étaient généralement utilisés comme espace politique visant à distribuer bénéfices et privilèges parmi les partisans et les organisateurs locaux du PRI. Comme un conseiller municipal du PRD (Premier conseiller, 2007) le soulignait en entrevue, témoignant de la situation qui prévalait dans la municipalité avant l’élection des premiers conseillers de l’opposition : « Avant, ces institutions [participatives] servaient comme décorations et le vote était acheté par le gouvernement local à travers les dépenses publiques. Après l’élection, personne n’entendait plus parler des représentants et de leur travail. En conséquence, les services publics étaient vraiment déficients. » Bien que cette interprétation reflète fort probablement quelque biais partisan, elle trouve un certain écho dans les récits des citoyens et des leaders des COPACI rencontrés. En effet, l’un d’entre eux expliquait que, sous le PRI, et bien que la loi organique le prévoyait, il n’y avait ni COPACI ni aucune autre structure participative considéré dans le processus de prise de décision concernant les politiques publiques municipales (Présidente, COPACI 1, 2007). Les demandes des citoyens étaient plutôt formulées et canalisées par l’entremise des « chefs [jefes] locaux qui ne représentaient ni une rue ni un quartier en particulier et n’avaient aucun lien avec les besoins des différents quartiers » (Président, COPACI 3, 2007), ainsi que par le biais des organisations sociales locales affiliées au PRI à travers la CNOP et offrant des services de base aux citoyens.
On peut donc affirmer que, sous le régime du PRI, la participation citoyenne à Nezahualcóyotl est demeurée dépendante des liens corporatistes tissés entre les organisations sociales « officielles » et le parti ainsi que des stratégies clientélistes déployées par ses leaders afin d’assurer la loyauté de sa base populaire, limitant leur portée et, par le fait même, l’influence des citoyens « ordinaires » dans la gouvernance locale. Plutôt que de permettre l’organisation autonome des citoyens autour de l’intérêt collectif, le PRI avait en fait établi dans la ville un système de médiation des intérêts particularistes organisé autour de quelques individus de pouvoir qui, agissant comme représentants des citoyens, étaient étroitement liés à la structure partisane par l’intermédiaire de ses réseaux corporatistes et des relations personnelles et privilégiées entretenues avec les politiciens. Ce système, caractérisé par le recours au clientélisme comme mode d’interaction entre l’État et la société, fut l’un des plus grands défis auxquels les forces montantes de la gauche firent face à leurs débuts. Émergeant comme alternative au PRI dans les années 1980, ces forces proposèrent donc un discours démocratisant, mettant notamment de l’avant le besoin de transformer les relations État-société et de ramener les citoyens au coeur du processus de gouvernance locale.
La voie « démocratique » du PRD : les COPACI et l’institutionnalisation de la participation citoyenne
Dans un contexte sociopolitique comme celui dans lequel le PRD prend le pouvoir à Nezahualcóyotl, où la société civile est peu organisée et mobilisée autour des canaux partisans, les défis de la gouvernance démocratique sont nombreux. L’un des plus importants d’entre eux, d’ailleurs mis de l’avant par le PRD pendant la campagne électorale de 1996, est directement lié à la primauté traditionnelle du clientélisme comme mode d’interaction principal entre l’État et la société, puisqu’il constitue l’un des principaux obstacles à l’amélioration de la qualité de la démocratie. En effet, comme l’indiquaient les leaders de l’opposition, bien que les bénéfices issus d’une telle relation soient mutuels, ils donnent lieu à une relation fondamentalement inégale : les clients (citoyens) sont dépendants des patrons (État), puisque ce sont ces derniers qui contrôlent la répartition des ressources et l’accès au statut de citoyenneté. La relation de dépendance des clients envers les patrons se répercute généralement sous diverses formes d’exclusion sociale, créant des classes de citoyens inégaux : ceux qui participent à la communauté politique comme clients captifs et bénéficient donc du statut de citoyenneté et de l’accès aux droits qui s’y rattachent et les autres, qui, ne participant pas à titre de clients, sont exclus du statut de citoyenneté. La nature exclusive et la dimension de contrôle social que comprend le clientélisme constituent donc un frein au développement d’une société civile organisée et inclusive capable d’agir dans l’intérêt collectif à titre de partenaire de l’État, dimension centrale de l’approfondissement de la démocratie.
Dès son élection en 1996, le PRD se propose de travailler avec les citoyens afin de combattre les héritages du PRI, entendant les impliquer directement et de manière indépendante des intérêts partisans dans le processus de gouvernance, duquel ils ont traditionnellement été exclus. Plus précisément, le PRD promeut une importante réforme institutionnelle dans le but de redonner la place centrale au citoyen dans le processus décisionnel et la planification urbaine en instituant un mécanisme formel de participation citoyenne organisé au niveau des différents quartiers de la ville qui deviendra le principal canal de formulation de demandes et d’organisation collective pour la population locale. Depuis 1994, la loi organique de l’État du Mexique (Congreso del Estado de México, 2002 : art. 64) prévoit qu’une administration municipale peut créer des organes citoyens afin de l’aider à remplir son mandat. Comme la réglementation municipale adoptée en 1994 le stipulait, vont exister dans la ville « des comités de participation citoyenne […] afin d’effectuer des consultations, des évaluations, des promotions et de l’administration sociale » (H. Ayuntamiento, 1994). Or, nous l’avons mentionné, le gouvernement local du PRI était peu enclin à susciter un tel type de participation citoyenne à l’extérieur des structures corporatistes du parti. En conséquence, les présidents et les membres des comités de participation citoyenne n’étaient pas élus au sein de la population, mais sélectionnés parmi les leaders locaux sur la base de leur loyauté et maintenus étroitement liés à la structure partisane par le biais de relations de nature clientéliste (Duhau et Schteingart, 2001 ; Arzaluz Solano, 2002 ; Selee, 2011), limitant de ce fait leur capacité à agir comme canal de transmission des demandes entre les citoyens et les élus municipaux. Sous le PRI, les conseils citoyens étaient plus souvent utilisés « pour assurer le succès personnel du maire » (Vásquez Hernández, 1999 : 332 ; Duhau et Schteingart, 2001). L’élection d’un gouvernement du PRD en 1996 est donc souvent qualifiée par les différents acteurs locaux de moment charnière dans l’organisation de la participation citoyenne à Nezahualcóyotl, de fenêtre d’opportunité pour le changement dans l’organisation de la gouvernance locale. En effet, comme nous l’avons observé, l’organisation locale du PRD a mené une campagne électorale axée non seulement sur la « fraude électorale » que représentait le PRI aux yeux de l’opposition, mais plus largement sur le désir de changement profond senti dans la population mexicaine et exprimé par les grands thèmes de la démocratisation et de la participation citoyenne. En entrevue dans Proceso, le premier maire élu du PRD, Valentín González Bautista, exprimait ses intentions clairement à cet égard : « Je vais gouverner avec la société et avec honnêteté » (Monge, 1996), disait-il. Après la victoire électorale du PRD en 1996, et en phase avec le discours démocratisant ayant présidé à son élection, le nouveau gouvernement municipal procède donc à une importante refonte du mandat, du fonctionnement et de la visibilité des institutions participatives de la municipalité, plaçant les COPACI au centre du nouveau modèle de gouvernance locale axé sur la participation sociale et les citoyens.
Comme mécanisme de participation citoyenne communautaire créé suivant une initiative gouvernementale plutôt que résultant de pressions en provenance des milieux sociaux, les COPACI ont généralement été décrits comme « des organismes autonomes auxiliaires de l’administration municipale établis par le gouvernement municipal dans les différents quartiers selon les dispositions prévues par les articles 72-76 de la loi organique de l’État du Mexique » (H. Ayuntamiento, 1997 : art. 3) et dont l’élection et la coordination sont assurées par les administrateurs de la Coordination de la participation citoyenne de la ville. Selon la réglementation étatique, leurs responsabilités comprennent la promotion de la participation citoyenne à la réalisation des programmes municipaux. Dans cette optique, ils doivent donc contribuer à la mise en oeuvre efficace des plans et des programmes municipaux approuvés, proposer des actions pour réaliser ou modifier ces programmes et ces plans, participer à la supervision de la distribution de services publics et informer leurs électeurs et l’administration de leurs activités (Congreso del Estado de México, 2002 : art. 74). Bien que leurs fonctions demeurent pratiquement les mêmes sous le gouvernement du PRD qu’elles l’étaient originellement, la nature des activités des COPACI change profondément en 1996, à la suite de leur réactivation par le nouveau gouvernement municipal. Dès les premiers mois de son mandat à la mairie de la ville, González Bautista convoque des assemblées électorales dans chaque quartier de la ville afin d’élire les représentants des citoyens au suffrage universel, brisant avec la tradition priiste de nommer les membres des COPACI parmi les loyaux partisans du parti. Ce faisant, le statut officiel des postes au sein des COPACI devient tout autre : plutôt que d’être des postes politiques utilisés pour récompenser la loyauté et maintenir un contrôle sur les leaders sociaux, ils deviennent des responsabilités d’élus forts d’un mandat démocratique et populaire pour mobiliser les résidents et représenter les intérêts de leur communauté auprès des autorités municipales.
La municipalité de Nezahualcóyotl est divisée administrativement en 82 quartiers, dont 18 se trouvent dans la Zona Norte et 64 dans la Zona Centro. Un COPACI est élu dans chaque quartier et chacun d’entre eux est composé de cinq membres élus (et de leurs remplaçants respectifs) agissant à titre bénévole : un président, un secrétaire, un trésorier et deux représentants (vocales). Les membres des COPACI, qui doivent résider dans le quartier où ils font campagne, sont élus pour un mandat non renouvelable de trois ans, commençant le 1er décembre de l’année suivant l’élection du conseil municipal, dont la composition est renouvelée tous les trois ans. Les citoyens désirant soumettre leur candidature doivent présenter une liste électorale attestant du soutien d’au moins 100 membres de leur communauté (H. Ayuntamiento, 2006). Officiellement, les listes électorales ont un statut apolitique, ce qui implique qu’en bout de piste les conseils sont supposés demeurer une forme indépendante de participation citoyenne, extérieure aux structures partisanes locales existantes et actives dans les différents quartiers de la ville. Bien que le statut non partisan des COPACI semble être compris par la plupart des administrateurs et des participants interviewés, tel que défini dans l’avis de convocation officiel et le règlement interne des conseils, les documents publiés par le gouvernement municipal en vue de l’élection des COPACI de 2006 ne font jamais mention de ce statut (H. Ayuntamiento, 2006). La fonction principale des COPACI est donc d’assurer le lien entre les citoyens qu’ils représentent et l’administration municipale, acheminant les demandes citoyennes par le biais de la Coordination de participation citoyenne et, bien souvent, directement au maire, qui demeure l’acteur central impliqué dans la formulation des programmes et des politiques qui seront soumis à l’approbation du conseil municipal. Comme l’illustre le graphique 1, le processus participatif normal implique une série d’étapes à travers lesquelles les comités élus peuvent consulter leurs concitoyens afin de formuler des demandes officielles au gouvernement local portant sur des projets de travaux publics, les services publics ou les infrastructures municipales. Ils servent par ailleurs de courroie de transmission entre le gouvernement local et les citoyens, car ils sont souvent l’intermédiaire utilisé par les élus municipaux et l’administration publique pour transmettre à la population l’information à propos des programmes et des politiques en vigueur dans la municipalité.
Bien que le nombre de participants aux élections des COPACI n’ait généralement été que très limité, l’augmentation constante du taux de participation suggère que, depuis leur réactivation par le PRD, la population devient de plus en plus consciente de l’existence de ces comités participatifs, de leurs fonctions et de leurs activités. En effet, d’environ 25 000 en 1997, le nombre de participants aux élections des COPACI est passé à quelque 33 000 en 2000, à 66 957 en 2003 et à 64 638 en 2006[9]. De plus, dans le règlement municipal adopté en 2007, l’administration de Victor Bautista López fit changer la description des fonctions des conseils afin d’inclure l’idée selon laquelle ils sont « des organes de communication et de collaboration entre la communauté et le gouvernement municipal » (H. Ayuntamiento, 1997), mettant ainsi de l’avant leur fonction de relais au sein du processus de gouvernance locale. Selon les autorités municipales, les COPACI ont donc vocation d’amener les citoyens à participer à l’échelle de leur quartier, à s’organiser collectivement et à élire des porte-parole devenant le lien démocratique entre les citoyens et le gouvernement municipal.
Du point de vue formel, la nouvelle structure de participation citoyenne mise en place par le gouvernement du PRD et visant à accompagner l’administration municipale dans le processus de gouvernance urbaine constitue une innovation institutionnelle importante par rapport au modèle de gouvernance centralisé et peu participatif du PRI. En se basant sur l’étude des documents officiels et des discours ayant présidé à la création des COPACI et encadrant leur fonctionnement, il serait tentant de conclure que cette initiative du PRD contribue à la démocratie locale par l’institution d’un modèle de gouvernance urbaine incluant formellement une dimension participative. Or, afin d’avoir un portrait précis de l’impact d’une telle réforme institutionnelle de la gouvernance sur l’approfondissement de la démocratie, une analyse qualitative des pratiques formelles et informelles des acteurs impliqués dans le processus à l’égard des stratégies de mobilisation et de participation s’avère nécessaire, puisque ce sont ces pratiques qui, dans les faits, définissent la nature démocratique (ou non) des relations et des interactions entre l’État et la société. L’apport à la démocratisation d’institutions participatives comme les COPACI repose sur leur prétendue capacité à transformer profondément les relations entre l’État et la société, à combattre les pratiques informelles de mobilisation individuelle et de participation contrôlée sous-jacentes au clientélisme traditionnel. Toutefois, nous le verrons, le cas de Nezahualcóyotl remet en question cette relation, présentant une rupture institutionnelle avec le passé qui n’a toutefois que peu de conséquences réelles sur la nature des relations État-société, dominées par l’informalité et le particularisme caractéristiques du clientélisme traditionnel, bien que réinventés au sein d’institutions locales à vocation « démocratique ».
Participation citoyenne institutionnalisée ou clientélisme réinventé ?
Dans la foulée de l’accession au pouvoir de la gauche et du discours « démocratique et participatif » qui lui est associé, plusieurs analystes de la scène locale ont suggéré que les citoyens de Nezahualcóyotl sont désormais mieux intégrés et inclus comme tels, notamment par le biais de l’institutionnalisation des COPACI comme élément central du processus de gouvernance « participative » proposé par le PRD (Arzaluz Solano, 2002). Bien que la participation sociale soit aujourd’hui une pratique formellement implantée au coeur de la gouvernance locale, encore peu d’études se sont attachées à en comprendre la nature, à observer comment les acteurs sociaux et politiques se sont, dans les faits, approprié cette institution. S’il est possible d’arguer que les taux de participation citoyenne au sein des COPACI ont augmenté à Nezahualcóyotl depuis 1996, peut-on en dire autant de la qualité de cette participation ? Peut-on affirmer que les COPACI ont permis de contrer la prédominance traditionnelle du clientélisme comme type de relations État-société dans la ville ? Est-ce que la présence de mécanismes institutionnels de participation permet de se démarquer des pratiques historiquement ancrées de contrôle politique exercé sur les organisations sociales et de contribuer au développement d’une société civile autonome ?
Allant au-delà des indicateurs quantitatifs généralement proposés dans la littérature sur la démocratie participative, notre analyse dresse un portrait qualitatif de l’impact de l’introduction des COPACI à Nezahualcóyotl, se proposant d’évaluer leur pouvoir « transformateur » sur deux dimensions définissant les relations entre l’État et la société au sein de ces mécanismes : les dynamiques de mobilisation et le niveau d’autonomie des participants. Dans un contexte historiquement caractérisé par la faible capacité de la société à se mobiliser sur une base collective et de manière autonome, comme celui de Nezahualcóyotl, le défi pour assurer le succès démocratisant des institutions participatives promis par le PRD est double. Premièrement, il consiste en leur capacité à permettre et à soutenir le développement de formes d’action collective, de mobilisation collective qui contribuent à renforcer la capacité organisationnelle de la société civile, puisque « l’organisation est la ressource de pouvoir la plus importante de ceux qui ne peuvent accéder au pouvoir » (Rueschemeyer, 1998 : 9), comme les groupes traditionnellement marginalisés visés par les COPACI. En effet, l’existence d’un intérêt collectif partagé au sein de la société civile ne va pas de soi : celui-ci est socialement construit, « défini par le processus d’organisation [collective], formé et consolidé dans le contexte de la participation à des groupes et à des organisations formels et informels » (id. : 11), ce qui en rend l’expression publique plus puissante. Deuxièmement, il consiste aussi en leur capacité à augmenter la participation des citoyens, mais surtout à améliorer la qualité de cette participation. Plus précisément, il s’agit pour les COPACI de se développer comme mécanisme de participation autonome, libre de contraintes et d’intérêts partisans et de toute forme de contrôle (formel ou informel) de la part des autorités municipales et des partis politiques. Or, nous le verrons, dans le cas de Nezahualcóyotl, ni les dynamiques de mobilisation ni les formes de participation générées par l’introduction de mécanismes participatifs ne sont unidimensionnelles et leur variation combinée peut avoir des effets différenciés sur les relations État-société observées. Dans le cas présent, l’analyse de ces deux dimensions témoigne d’une innovation institutionnelle qui, plutôt que de contribuer à transformer les schèmes traditionnels de mobilisation et de contrôle caractéristiques des relations État-société clientélistes sous le PRI, ont en fait contribué à les renforcer, limitant le potentiel démocratisant des COPACI.
Stratégies de mobilisation sociale : individualisme et particularisme
Comme mécanismes démocratisants, le but officiel des COPACI tel qu’exprimé par le PRD est de promouvoir l’engagement social des citoyens et d’encourager l’action collective locale afin de redonner du pouvoir aux groupes traditionnellement marginalisés en leur offrant de nouvelles occasions de mobilisation. Or, les formes de mobilisation sociale ne sont pas unidimensionnelles : elles peuvent s’étaler sur un spectre allant de formes organisées et structurées d’action collective, où les individus s’organisent au sein de groupes représentant une variété d’intérêts, aux formes davantage fragmentées et individuelles de participation, impliquant des individus qui agissent de manière isolée dans la poursuite de leur intérêt particulier. Plus la mobilisation est individuelle, moins les mécanismes formels de participation citoyenne ont le potentiel de permettre aux participants de se définir comme acteurs collectifs partenaires de l’État dans le processus de gouvernance locale. À l’opposé, plus la mobilisation se fait sur une base collective, plus ces mécanismes peuvent devenir un espace pour le développement d’une société civile organisée et capable de représenter l’intérêt collectif et d’interagir en son nom auprès des autorités étatiques et avec elles dans un esprit de coopération, contribuant ainsi à transformer les manières de faire plus traditionnelles. Dans le cas de Nezahualcóyotl, un examen approfondi des pratiques suggère que les COPACI, contrairement au discours officiel, s’organisent généralement autour d’individus isolés les uns des autres et, en conséquence, tendent à générer un type de mobilisation individuelle et orientée vers des besoins particuliers. En fait, en excluant la période électorale précédant leur formation, le travail quotidien des comités de citoyens est généralement déconnecté de la population et souvent réalisé en vase clos dans chacun des quartiers sans mener au développement de collaborations et de stratégies d’action collective avec les réseaux citoyens existants ou les comités des autres quartiers.
Comme représentants de la population « ordinaire » résidant dans le quartier dont ils sont responsables, les membres élus des COPACI devraient, en théorie, aspirer à l’inclusion de leurs concitoyens dans les discussions menant à la définition des besoins et des priorités de leur quartier. En effet, leur rôle officiel est d’agir comme courroie de transmission entre les citoyens et le gouvernement local, transmettant les préoccupations collectives des citoyens et les priorités d’investissement aux autorités municipales, assurant par ailleurs l’existence d’un mécanisme social d’imputabilité gouvernementale. Pour ce faire, ils devraient organiser des assemblées de quartier et des processus de consultation afin de délibérer collectivement de ces priorités et d’informer la population sur les programmes et les décisions du gouvernement (voir graphique 1). Or, la réalité des interactions citoyennes quotidiennes est tout autre, puisque la pratique généralement admise par les COPACI est de gérer les demandes sur une base personnelle, directement avec les individus concernés, plutôt que d’organiser des assemblées publiques qui permettraient aux résidents de se mobiliser collectivement afin de discuter et de décider des priorités communes à l’ensemble du quartier. Décrivant le processus de consultation organisé dans son quartier, une présidente de COPACI de l’un des quartiers les plus marginalisés et toujours non reconnus de Nezahualcóyotl expliquait en entrevue que les membres actifs de son comité travaillaient généralement au cas par cas, recevant directement les demandes des citoyens et les transmettant aux autorités locales sans autre forme de délibération. Elle observe :
Quand il y a un problème dans une rue en particulier, seulement une personne vient me rencontrer pour s’assurer que je suis au courant du problème, mais je ne sais pas si les résidents de la rue ont fait une rencontre entre eux avant. Je leur demande seulement quels sont le problème, leur nom et leur rue pour m’assurer qu’ils puissent signer les formulaires une fois que j’aurai fait la requête officielle.
Présidente, COPACI 1, 2007
Bien que cela ne soit pas la norme, certains comités de quartiers plus actifs tiennent des consultations publiques sur une base plus ou moins régulière, organisant des réunions dans les rues afin d’informer les citoyens des initiatives gouvernementales ou de les consulter concernant leurs divers problèmes et le statut de leurs requêtes précédentes. À l’occasion, certains COPACI consultent par ailleurs leurs concitoyens directement, allant de porte en porte pour discuter de sujets ou de requêtes bien précis (Présidents, COPACI 2 et 3, 2007). Néanmoins, ces rencontres sporadiques ne mènent pas nécessairement à des formes plus durables de mobilisation collective au sein de ces communautés. En fait, comme le souligne le président d’un COPACI particulièrement actif de la Zona Centro, les gens qui sont affectés par un problème particulier dans leur propre rue ne participent qu’à l’occasion et autour de problèmes bien spécifiques. Par contre, ils le font toujours sur une base individuelle, et non sur la base d’une action collective organisée pour soutenir la défense d’intérêts et de questions de plus grande portée (Président, COPACI 3, 2007). Les résidents d’une rue peuvent se réunir une autre fois pour signer la requête officielle qui doit être envoyée aux autorités municipales par les membres du COPACI local. Leur entreprise collective est toutefois de courte portée : elle se limite à l’expression désorganisée et sporadique de leur appui (souvent intéressé) à une demande particulière plutôt que de contribuer plus largement au bien commun de la communauté à travers des délibérations entre ses membres.
Un deuxième indicateur de la continuité des processus de mobilisation individuelle dans les mécanismes participatifs de Nezahualcóyotl est le manque de délibération entre les résidents dans la définition des besoins collectifs du quartier, et ce, même dans les communautés où des consultations ad hoc ont lieu à l’occasion. La nature non délibérative du processus participatif, combinée au fait que peu de rencontres ont lieu au palier local, limite le potentiel des COPACI de contribuer au développement des capacités organisationnelles de la société civile, nécessaires aux communautés afin d’assurer leur aptitude à se mobiliser efficacement et à devenir des acteurs collectifs performants sur la scène publique. L’ordre de priorité des demandes qui seront transmises aux autorités par les COPACI une fois les consultations terminées n’est généralement pas discuté collectivement. Au contraire, ce sont le plus souvent les représentants élus des quartiers – et souvent seulement le président ou quelques membres plus actifs – qui, après avoir consulté la population de manière informelle, évaluent l’ensemble des demandes individuelles formulées et établissent un ordre de priorité derrière des portes closes, sans demander l’avis des résidents sur la question. Comme le suggèrent des leaders locaux interviewés, ce sont les comités eux-mêmes qui définissent l’intérêt collectif du quartier pendant leurs réunions internes et fermées au public :
Fondamentalement, nous faisons nos propres évaluations, nous nous organisons pour décider qui d’entre nous va transmettre les demandes aux autorités municipales et ce que nous allons proposer […] Quand nous nous rencontrons, nous essayons, comme comité, d’atteindre un certain consensus sur les problèmes qui affectent les groupes les plus influents, comme les petits entrepreneurs.
Président, COPACI 3, 2007
Plutôt que de développer des propositions de politiques en fonction de la volonté et de l’intérêt collectifs exprimés par les citoyens dits « ordinaires », les représentants élus prennent eux-mêmes les décisions et, conséquemment, définissent l’intérêt collectif en fonction de leur propre perception des besoins de la communauté, souvent influencée par les demandes des acteurs déjà influents. De plus, les membres élus d’un comité ne sont pas tenus de se rencontrer formellement pour discuter des priorités entre eux avant de transmettre les demandes aux autorités municipales : bien souvent, le président du comité assume ce rôle seul (Président, COPACI 3, 2007). Le processus de formulation des demandes et la relation des citoyens avec les autorités municipales sont donc hautement dépendants de la volonté et des pratiques du président lui-même et de sa compréhension des besoins de la communauté. Non seulement cette pratique, communément observée dans les différents quartiers de la ville, limite-t-elle le potentiel pour la communauté de se mobiliser collectivement autour des enjeux locaux, mais elle contribue aussi à l’exclusion des membres de la communauté du processus participatif en ne leur permettant pas de définir collectivement l’intérêt commun. En conséquence, la logique traditionnellement admise de formulation de demandes orientées vers les besoins individuels et particularistes de certains citoyens demeure, malgré l’instauration des COPACI – logique ayant historiquement affaibli et marginalisé les organisations de la société civile locale, contribué à la primauté des intérêts partisans sur le bien commun et soutenu une certaine forme d’apathie des citoyens à l’égard de leur relation avec le pouvoir municipal à Nezahualcóyotl.
Un troisième élément caractéristique du processus participatif de la municipalité s’avère aussi intéressant pour évaluer l’impact des COPACI sur les schèmes de mobilisation observés au sein de cette institution. Nos observations démontrent que plutôt que de générer un mouvement de collaboration entre les différents groupes composant la société civile, les COPACI tendent à favoriser une mobilisation atomisée où les comités actifs dans les différents quartiers de la ville ne se mobilisent pas ensemble comme acteurs collectifs face aux autorités municipales, mais tendent plutôt à concentrer leurs activités dans leur communauté respective. Nos entrevues avec des membres de COPACI provenant de différents quartiers de la ville ont en effet révélé que la plupart d’entre eux n’avaient jamais travaillé avec les résidents des quartiers avoisinants. En fait, tous ont mentionné n’avoir jamais eu de contact avec les comités citoyens des autres quartiers et, dans certains cas, n’avoir même jamais entendu parler de l’existence d’autres instances participatives dans la municipalité (Présidents, COPACI 1, 2 et 3, 2007). En conséquence, on observe un manque de collaboration horizontale entre les membres élus des comités participatifs locaux, une caractéristique de la structure participative institutionnelle contribuant à maintenir la fragilité et la fragmentation traditionnelles des organisations de la société civile dans la ville.
Suivant ces observations sur la nature de la mobilisation encouragée au sein des COPACI et à travers le processus participatif de gouvernance à Nezahualcóyotl, on peut donc conclure que ce processus ne réussit habituellement pas à générer des formes collectives de mobilisation chez des citoyens traditionnellement désorganisés et démobilisés. Au contraire, on constate que le processus participatif des COPACI reproduit la logique individuelle et particulariste de mobilisation qui prévalait sous le PRI, les membres des comités devenant les nouveaux organisateurs politiques (political brokers) par l’intermédiaire desquels les individus et les groupes influents peuvent acheminer les demandes au gouvernement local.
Quand participer devient politique : contrôle et informalité
Toujours dans l’optique de démocratiser le processus de gouvernance locale et de donner une nouvelle autonomie aux organisations de la société civile traditionnellement utilisées et contrôlées par les partis politiques, le PRD parle généralement du COPACI comme étant un mécanisme officiellement non partisan, autonome et citoyen. Comme dans le cas de la mobilisation, il convient toutefois de souligner que le type de participation observé en pratique n’est pas uniforme : en effet, il peut se manifester sur un continuum allant de formes autonomes de participation citoyenne, où les acteurs sociaux s’engagent dans le processus participatif à titre de partenaire égal des autorités étatiques, à des formes contrôlées, où les mécanismes participatifs sont investis par les élites et les partis politiques qui y transposent leurs pratiques et méthodes informelles, limitant la portée de la participation citoyenne. Plus la participation est contrôlée, moins les mécanismes formels ont le potentiel de soutenir des formes de participation indépendante de la volonté et des luttes politiques. Au contraire, plus la participation des citoyens est autonome, plus les mécanismes participatifs ont le potentiel de devenir des espaces pour le développement d’une société civile capable d’agir comme agent social d’imputabilité auprès du gouvernement local. Dans le cas de Nezahualcóyotl, une étude plus approfondie des pratiques démontre qu’au-delà des règles formelles encadrant la participation au sein des COPACI, les pratiques informelles de contrôle politique prévalent encore. En fait, plutôt que d’être le mécanisme apolitique donnant plus de pouvoir aux citoyens qu’il devrait être, le COPACI est devenu au fil du temps un outil politique contrôlé par les trois principaux partis politiques et utilisé afin de mobiliser votes et appuis au sein des communautés locales.
Depuis leur rétablissement par le PRD en 1997, les COPACI ont été une arène centrale de luttes politiques, tant entre les partis qu’au sein même du PRD, entre ses différentes factions. Comme Arzaluz Solano (2002 : 25) le précise, le processus de formation des comités, élus par leur population locale, n’est pas apolitique. En fait, « les partis politiques, soit le PRI et le PRD, travaillent dans leurs quartiers respectifs afin de faire élire leurs candidats et militants » au sein des comités. Commentant cette situation, la coordonnatrice de la Direction de la Participation citoyenne de l’administration municipale souligne elle-même le caractère ambigu des COPACI, indiquant une contradiction entre la règle et la pratique informelle :
Comme institution, nous recevons les candidatures des citoyens, mais nous savons que la majorité d’entre eux sont membres d’un parti politique. Ils s’inscrivent comme citoyens et font campagne comme tels. Dans l’avis de convocation, il est interdit d’inscrire un candidat qui représente un parti politique, ce n’est donc pas une élection entre les partis, même si personnellement les candidats sont affiliés aux partis.
Coordonnatrice, Participation citoyenne, 2007
Elle ajoute d’ailleurs qu’au moment de l’entrevue, en novembre 2007, « plus de 80 % des conseils sont composés de membres affiliés au PRD », une statistique qui tend à refléter la composition du conseil municipal. Comme un membre de la haute administration municipale le souligne, c’est entre les partis politiques que se décide de manière informelle la composition des COPACI :
Les postes des COPACI sont informellement répartis entre les partis politiques afin qu’ils reflètent plus ou moins la composition du conseil municipal. Chacun des partis présente des listes électorales composées de partisans politiques qui ne sont pas officiellement affiliés au parti et qui seront en poste pour trois ans.
Secrétaire général, 2007
Cette compréhension du processus de formation des COPACI est d’ailleurs corroborée par les résultats obtenus par l’administration municipale concernant l’affiliation politique des candidats élus des listes électorales de 1997 et de 2003 et compilés par Andrew Selee (2011) dans une étude récente. Suivant ses résultats, en 1997, 64 % des membres des COPACI étaient affiliés au PRD, 26 % au PRI et seulement 5 % se déclaraient indépendants. En 2003, c’est 57 % des élus qui étaient affiliés au PRD, 31 % au PRI, 3 % au PAN et seulement 1 % étaient indépendants. Donc, bien que des élections soient régulièrement tenues pour permettre aux citoyens de choisir leurs représentants, le processus électoral est beaucoup moins transparent et démocratique que ce que les règles formelles le suggèrent. Les différents partis s’assurent en effet que les ressources nécessaires à leur élection seront rendues disponibles ou non aux candidats sélectionnés en fonction des quartiers, s’impliquant donc de manière informelle dans le processus électoral. Les partis politiques ont par ailleurs des moyens plus indirects de s’immiscer dans le processus participatif, à travers le large éventail d’organisations sociales actives au sein des comités. Une autre caractéristique importante de la composition des comités est que leurs membres ne sont pas seulement affiliés aux partis politiques comme tels, mais que ceux affiliés plus spécifiquement au PRD sont aussi divisés entre eux en fonction de la faction/organisation sociale du parti à laquelle ils appartiennent. Ainsi, les organisations sociales qui forment le PRD tendent à établir des listes électorales afin d’obtenir une représentation formelle au sein des structures de participation citoyenne[11]. Comme les données de la municipalité compilées par Selee le montrent, la division entre les factions du PRD est généralement favorable à la faction majoritaire du gouvernement local associée au MOVIDIG, qui obtient invariablement plus de représentants élus que les autres mouvements se disputant le pouvoir au sein du parti. Les autres factions du PRD, comme l’UPREZ et le MLN, sont cependant aussi actives au sein des COPACI, présentant des listes électorales dans les quartiers où ils ont leur base d’appuis. Par exemple, en 1997, le MOVIDIG obtenait 28 % des membres des COPACI, contre 8 % pour l’UPREZ et 4 % pour le MLN. En 2003, cette proportion demeurait plus ou moins la même, avec 24 % pour le MOVIDIG, 9 % pour l’UPREZ et 7 % pour le MLN (Selee, 2011).
L’implication des partis politiques dans le processus entourant l’élection des membres des COPACI, directement ou par l’intermédiaire de leurs groupes sociaux affiliés, n’est toutefois jamais ouvertement explicite ou organisée comme telle. En effet, tant le règlement interne des comités de participation citoyenne que la loi organique de la municipalité considèrent les COPACI comme une institution participative citoyenne et indépendante visant à accompagner l’action du gouvernement municipal. Conséquemment, l’élection de leurs membres ne devrait pas impliquer d’intérêt partisan. Or, comme l’indique le président du COPACI de la Colonia El Sol, l’écart entre les règles formelles et les pratiques est immense :
Il y a des moyens indirects par lesquels ils [les politiciens] peuvent promouvoir l’élection d’un groupe ou d’un autre, et ils ont leurs propres propositions de listes électorales, qu’ils utiliseront afin de soutenir les actions de leur gouvernement par le biais de telle personne qui a un potentiel et une influence directe dans le quartier.
Président, COPACI 2, 2007
Les pratiques informelles prévalent dans le processus électoral, qui est organisé et supervisé par une commission politique du conseil municipal formée de conseillers provenant des trois principaux partis politiques représentés. Le président de cette commission, aussi premier conseiller municipal, explique d’ailleurs le processus électoral en ces termes :
Les représentants élus devraient être apolitiques, mais ce sont régulièrement des gens qui participent aussi à la politique municipale, dont certains sont du PRD, certains du PRI et d’autres du PAN. Ça ne devrait pas être comme ça, mais nous [la commission électorale] n’avons pas les moyens de vérifier si les candidats sont militants ou non.
Premier conseiller, 2007
Donc, en plus d’assurer la création de listes électorales favorables à leurs politiques dans chacun des quartiers de la ville, les partis politiques sont responsables d’organiser et de superviser le processus électoral par le biais de leurs élus municipaux membres de la commission électorale.
À la lumière de ces observations, on peut conclure qu’à Nezahualcóyotl les partis politiques interviennent directement dans la composition et le fonctionnement des COPACI, ou plus indirectement par l’implication des groupes sociaux qui leur sont affiliés. De cette manière, ils capturent ce mécanisme participatif et cooptent leurs membres élus, ce qui les habilite à maintenir une certaine forme de contrôle politique sur la participation citoyenne. Ce contrôle, combiné à la logique de mobilisation individuelle et particulariste observée plus tôt, a d’importantes conséquences sur le potentiel des COPACI de contribuer à redéfinir les relations État-société dans la ville.
Redéfinir les relations État-société : vers un clientélisme participatif
L’analyse qualitative des pratiques de mobilisation et de participation au sein des COPACI à Nezahualcóyotl permet de constater que, bien que l’on puisse proposer que la manière dont le gouvernement local gère les demandes en matière de services urbains publics est plus participative qu’elle ne l’était sous le PRI, la logique clientéliste caractérisant les relations État-société et la gouvernance sous le PRI demeure. En effet, cette logique a non seulement survécu à l’alternance au pouvoir et à l’introduction de mécanismes participatifs visant à élargir l’espace citoyen et l’inclusion sociale, mais elle a aussi été rétablie par le PRD à travers ce processus. Les observations empiriques liées à l’étude des deux dimensions définissant les relations État-société au sein des mécanismes participatifs permettent en effet d’identifier deux éléments présents à Nezahualcóyotl, qui empêchent le développement de pratiques et d’interactions plus démocratiques au sein des COPACI.
D’une part, il a été démontré que l’implantation des COPACI à Nezahualcóyotl n’a pas permis d’aller au-delà des méthodes de mobilisation traditionnelles, fondées sur la capacité d’individus à formuler et à exprimer leurs demandes directement aux autorités municipales par le biais de leur accès direct et privilégié aux politiciens et aux organisateurs politiques influents. En fait, malgré l’existence d’un processus dit participatif, les citoyens « ordinaires » n’arrivent pas à se mobiliser collectivement et, en conséquence, à délibérer ensemble de leurs priorités communes au sein des forums et des assemblées publics organisés dans les différents quartiers de la ville. Les représentants élus aux COPACI, déconnectés de la réalité de leurs concitoyens, s’en remettent à leur légitimité « populaire » pour prendre des décisions au nom des citoyens atomisés plutôt que d’agir comme représentants informés de l’intérêt collectif déterminé et exprimé démocratiquement par une communauté de citoyens. Les citoyens traditionnellement exclus le demeurent donc, puisqu’ils ne participent pas activement aux discussions et aux délibérations. Ils n’en bénéficient pas non plus indirectement pour apprendre à s’organiser et à formuler des demandes, ce qui contribue à les maintenir dans une situation de dépendance à l’égard de leurs contacts personnels pour interagir avec le gouvernement local et, ainsi, à accentuer le problème d’exclusion sociale que les COPACI devaient au contraire aider à résoudre. D’autre part, les mécanismes participatifs créés par le PRD ne sont pas autonomes par rapport aux partis politiques et aux politiciens, étant au contraire contrôlés par ces derniers. Ce contrôle génère une situation où les COPACI ne sont pas, dans les faits, le point central du processus de prise de décision dans la municipalité. Ils servent surtout de plate-forme pour mobiliser les citoyens dans un environnement contrôlé, ce qui permet aux élus municipaux de poursuivre leurs objectifs politiques tout en évitant la contestation sociale. Comme l’explique Hector Bautista, un ancien maire de Nezahualcóyotl, « parce que les élections des COPACI impliquent l’influence directe des partis politiques, ces instances sont, au final, des représentations des partis et non des citoyens » (Bautista López, 2007). Ce contrôle politique, soutenu par les pratiques informelles des partis, a donc pour effet de dénaturer le potentiel démocratisant des COPACI, limitant l’autonomie de ses participants et renforçant au contraire la dépendance traditionnelle des citoyens envers les élus locaux pour l’obtention de ressources et de services publics et, en conséquence, les empêchant de jouer un rôle d’agents d’imputabilité au sein du processus de gouvernance municipale.
L’effet combiné de ces deux observations concernant les pratiques de mobilisation et de participation dans les COPACI à Nezahualcóyotl est que, contrairement à l’effet démocratisant escompté, ceux-ci permettent au PRD de reproduire les pratiques clientélistes de son prédécesseur. Comme l’ont souligné (souvent à mots couverts) plusieurs participants et politiciens interviewés, les citoyens ayant une relation privilégiée et des interactions directes fréquentes avec les membres de l’administration municipale, des élus influents ou, mieux encore, le secrétaire général de la municipalité, ont plus de chances de voir leurs demandes traitées et satisfaites rapidement que les citoyens ordinaires. Donc, malgré la réforme institutionnelle et en dépit des intentions exprimées par les élus du PRD, les relations particularistes et les interactions informelles prévalent sur les canaux formels dans le processus de gouvernance municipale. Plus encore, on constate que ces pratiques se sont adaptées au nouveau contexte pluraliste et participatif qui caractérise la ville aujourd’hui. Plus diffuses, populaires et moins corporatistes qu’elles ne l’étaient sous le PRI, les pratiques clientélistes du PRD sont tout de même bien présentes dans la gestion quotidienne des ressources municipales, institutionnalisées dans la structure du gouvernement local et entraînant l’exclusion sociale. Bien que demeurant au coeur des relations entre l’État et ses citoyens, l’échange clientéliste n’est plus compris comme une relation personnelle entre deux individus agissant au sein d’une structure corporatiste bien définie, mais il est plutôt réalisé de manière informelle par les différents partis politiques présents sur la scène municipale à travers les activités et la structure formelles du gouvernement élu, limitant le progrès démocratique de deux manières. Premièrement, en donnant davantage de pouvoir à certains individus – les désignant comme intermédiaires légitimes entre les demandes des citoyens et les autorités municipales –, la structure participative locale crée de nouvelles formes d’accès privilégié aux sources du pouvoir et aux ressources matérielles. En second lieu, cette façon de faire renforce les inégalités entre les différents acteurs de la société civile organisée actifs au sein des COPACI, entre les groupes affiliés au PRD ayant un accès direct au gouvernement local et ceux qui, par leur affiliation politique au PRI ou au PAN, en sont exclus. De cette manière, le COPACI, comme canal participatif de premier plan, contribue à générer de nouvelles formes d’exclusion sociale plutôt qu’à créer de nouvelles possibilités pour les secteurs traditionnellement marginalisés.
Comment expliquer une telle continuité dans la nature de la mobilisation et le contrôle de la participation observée à Nezahualcóyotl, malgré le changement institutionnel apporté par le PRD ? Bien qu’il ne s’agisse pas de l’objectif principal de cet article, plusieurs pistes d’explication peuvent être explorées brièvement et devraient être analysées en profondeur afin de saisir la complexité d’une telle question. D’une part, il importe de s’intéresser de plus près à la nature des institutions mises en place : les caractéristiques institutionnelles des mécanismes participatifs semblent jouer un rôle important dans leur capacité à générer des formes de mobilisation collective au sein des populations traditionnellement exclues et marginalisées (Fung et Wright, 2001). En effet, dans un contexte où l’héritage participatif est celui d’une société civile peu organisée en dehors des canaux officiels offerts par les partis politiques, le changement institutionnel devrait permettre de solliciter plus directement les communautés en leur offrant des incitatifs institutionnels valorisant la mobilisation collective. Or, nous l’avons vu, l’étude du cas de Nezahualcóyotl montre que, bien qu’ils existent, ces incitatifs institutionnels doivent être mis en place de manière uniformisée par les autorités municipales afin d’assurer qu’ils encouragent vraiment les citoyens à se mobiliser sur une base collective. D’autre part, et de manière encore plus déterminante, le contexte sociopolitique au sein duquel ces mécanismes sont implantés doit être considéré pour comprendre les pratiques formelles et informelles observées car il affecte les stratégies des acteurs impliqués dans le processus participatif et, en conséquence, la nature de la participation, limitant ou permettant le développement de l’autonomie des participants. À Nezahualcóyotl, bien qu’ils soient formellement établis comme mécanismes formels de consultation avec les citoyens, ils s’inscrivent dans un contexte où la compétition féroce entre les partis politiques et à l’intérieur du PRD guide les stratégies des acteurs politiques à l’endroit des intervenants sociaux. Au-delà du discours démocratisant, le PRD – une alliance de factions opposées – fait face à des pressions locales qui orientent sa stratégie d’action à l’endroit des organisations sociales locales et, plus précisément, des comités de participation citoyenne qui sont perçus et utilisés comme outils de mobilisation politique[12]. En conséquence, les pratiques informelles de contrôle politique de la participation sociale continuent de prévaloir dans les relations entre l’État et la société au sein et à l’extérieur des mécanismes participatifs, minant de ce fait le potentiel démocratisant des COPACI en raison de facteurs liés au contexte sociopolitique dans lequel ils ont été mis en place.
Réinventer le clientélisme : quel impact pour la démocratie ?
À la lumière de ce bilan, une question demeure : comment les COPACI et les relations qu’ils génèrent affectent-ils la qualité de la démocratie ? L’évaluation qualitative de l’impact de l’introduction des COPACI par le PRD sur les stratégies de mobilisation sociale déployées dans les différents quartiers de la ville et sur la nature de la participation observée au sein des différentes instances formelles et informelles de ce mécanisme permet de conclure que, dans le cas de Nezahualcóyotl, les relations entre l’État et la société demeurent globalement inchangées dans le cadre de cette innovation institutionnelle. Plutôt que de créer un nouvel espace délibératif pour susciter la définition collective du bien public et la participation autonome des citoyens au processus de décision publique, la réforme participative étudiée ici semble avoir au contraire contribué à donner de nouvelles bases institutionnelles à l’usage du clientélisme politique. D’une part, nous avons démontré que la manière dont le nouvel espace participatif créé par les COPACI est construit à Nezahualcóyotl n’a pas contribué à transformer le modèle de mobilisation sociale traditionnellement présent. Bien que disposant officiellement d’un mécanisme encourageant la mobilisation autour d’enjeux collectivement définis, les citoyens continuent à ce jour de se mobiliser autour de leurs demandes particularistes acheminées à l’État sur une base volontaire par l’entremise d’individus – les membres élus des COPACI – bénéficiant d’un accès privilégié aux autorités municipales. D’autre part, nous avons fait ressortir que, dans le cas de Nezahualcóyotl, les stratégies déployées et les comportements adoptés par les acteurs politiques et sociaux actifs au sein des structures formelles des COPACI – mais plus encore à l’extérieur de ces structures – ont permis leur mainmise par les partis politiques et les organisations affiliées, qui les utilisent informellement comme outils de la lutte politique, contraignant ainsi l’autonomie des participants. Ensemble, les deux dimensions définissant le caractère clientéliste des relations État-société observées au sein des COPACI remettent donc en cause le potentiel de cette institution participative comme stratégie d’approfondissement de la démocratie dans le contexte de Nezahualcóyotl. Non seulement le clientélisme a-t-il survécu à la transition vers la démocratie électorale, mais il s’est adapté au nouveau contexte pluraliste grâce à ce type d’innovation institutionnelle, celle-ci étant incorporée dans la structure de la municipalité comme stratégie déployée par les partis politiques pour répondre à la participation croissante des citoyens dans un contexte d’ouverture démocratique. Le gouvernement local du PRD, bien que s’inscrivant au départ dans un discours démocratisant et proposant en théorie une alternative qui vise à combattre l’héritage clientéliste et exclusif du PRI, poursuit donc avec la tradition dans une certaine mesure, renouvelant l’usage des privilèges politiques au sein d’une organisation partisane profondément institutionnalisée.
Plus largement, cette étude de cas nous permet de tirer deux grandes leçons pour l’étude du Mexique démocratique et de ses récentes transformations politiques et institutionnelles au niveau local. Tout d’abord, il convient de mentionner que l’arrivée au pouvoir du PRD, parti de gauche prônant un discours et des valeurs démocratiques, ne résulte pas nécessairement en un changement profond des pratiques de gouvernance locale et des interactions État-société qui y sont associées. En effet, contrairement aux attentes suscitées par le discours démocratisant et participatif prôné par le PRD, il semble que la réalité soit tout autre et qu’on assiste au contraire à une réaffirmation des liens clientélistes au sein de ces nouvelles institutions. Cette observation permet de suggérer qu’au-delà de l’idéologie du parti au pouvoir, ce sont surtout les pratiques et la volonté des acteurs politiques qui ont un impact sur les résultats des processus participatifs implantés, résultats marqués par le contexte sociopolitique local dans lequel ils s’inscrivent. De la même manière, nous constatons que l’innovation institutionnelle, bien qu’importante, ne permet pas en elle-même de générer un changement profond dans les manières de conduire la politique locale. En fait, comme dans le cas de Nezahualcóyotl, l’informalité demeure bien souvent au coeur des pratiques et du processus de gouvernance locale, empêchant les institutions participatives d’atteindre le potentiel transformateur qui leur est attribué. Donc, au-delà de l’innovation institutionnelle, viennent les pratiques formelles et informelles qui sont, plus souvent qu’autrement, guidées par le contexte sociopolitique local plutôt que par les grands idéaux de démocratie participative.
Appendices
Note biographique
Françoise Montambeault est professeure adjointe au Département de science politique de l’Université de Montréal. Elle a obtenu son doctorat de l’Université McGill (2009) et a été chercheure postdoctorale au Watson Institute for International Studies de Brown University. Ses travaux récents portent sur les réformes de décentralisation et les institutions participatives urbaines en Amérique latine (Journal of Latin American Politics and Society, Journal of Civil Society, et plusieurs chapitres de livres collectifs). Elle prépare présentement un livre portant sur l’impact des réformes de décentralisation participatives urbaines sur les relations État-société et l’approfondissement de la démocratie au Mexique et au Brésil.
Notes
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[1]
Cet article s’inscrit dans le cadre des recherches plus larges effectuées pour la thèse de doctorat de l’auteure, intitulée « Models of (Un)Changing State-Society Relationships : Urban Participatory Governance and the Deepening of Democracy in Mexico and Brazil » et financée par le Conseil de la recherche en sciences humaines du Canada (CRSH). La recherche de terrain pour ce projet a été réalisée à l’automne 2007, grâce au support du Centre de recherche sur le développement international du Canada (CRDI), du Centre de recherche sur les régions en développement de l’Université McGill (CDAS) et du Département de science politique de l’Université nationale autonome de Mexico (UNAM). L’auteure tient à remercier Philip Oxhorn et Tina Hilgers de leurs commentaires sur une version antérieure de cet article, ainsi que les participants au séminaire Transition démocratique et gouvernance locale au Mexique, organisé en 2009 par Julián Durazo Herrmann et Daniel Carrasco Birhuega dans le cadre du colloque annuel de la Société québécoise de science politique (SQSP).
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[2]
Toutes les citations dont la source est dans une autre langue que le français sont des traductions libres.
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[3]
Une vaste littérature a été produite dans les dernières années sur les vertus de la démocratie participative et, plus spécifiquement, sur le potentiel des institutions participatives locales comme innovation démocratique dans le contexte de pays en processus de démocratisation comme le Mexique. Cet article s’inscrit plus spécifiquement au coeur des débats sur le pouvoir de ces institutions de donner une voix aux citoyens dans le processus de gouvernance afin de leur permettre de s’organiser collectivement pour formuler leurs demandes, d’agir comme agents d’imputabilité et de rendre le gouvernement responsable de ses actions, tout en leur permettant de contribuer à élargir l’accès aux droits de la citoyenneté et d’aller au-delà du clientélisme et de l’exclusion sociale qui jusque-là prévalaient dans les interactions entre l’État et la société. (Voir, entre autres : Fung et Wright, 2001 ; Avritzer, 2002 ; Ackerman, 2003 ; et de Sousa Santos, 2004.)
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[4]
Souvent qualifiée d’élection frauduleuse par les opposants du PRI, l’élection présidentielle de 1988 a porté Carlos Salinas, candidat du PRI, à la tête du pays au terme d’un processus électoral controversé.
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[5]
Trois groupes sociaux principaux se rassemblèrent en 1996 afin de faire campagne sous la bannière du PRD : le Movimiento de Lucha de Nezahualcóyotl (MLN – Mouvement de lutte de Nezahualcóyotl), le Movimiento Vida Digna (MOVIDIG – Mouvement vie digne) et l’Unión Popular Revolucionario Emiliano Zapata (UPREZ – l’Union populaire et révolutionnaire Emiliano Zapata). L’existence de ces trois groupes, créés dans les années 1970 comme organisations sociales offrant des services de base à la population locale, est intimement liée au mouvement populaire urbain dans une ville en proie à de grandes inégalités en matière de développement urbain et d’accès aux services publics de base. En conséquence, tous trois avaient de solides bases sociales dans la municipalité et ils ont contribué grandement à la socialisation politique des associations secondaires basées dans les communautés locales. Ayant chacun des appuis solides et distincts, leur association sous la bannière du PRD était donc principalement pragmatique : la gauche, dont les appuis populaires se divisaient entre les organisations sociales, devait s’unir pour arriver à déloger le PRI et à prendre le pouvoir. Or, cette association demeure encore aujourd’hui source de tensions au sein du parti, les différentes factions s’opposant souvent sur les questions d’idéologie relatives aux stratégies de gouvernance (Arzaluz Solano, 2002).
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[6]
Le système d’attribution des terres qui était en place avant la création de Nezahualcóyotl, organisé par l’État du Mexique, a contribué au développement d’une relation très étroite entre le gouvernement étatique et les fraccionadores qui, agents de développement immobilier, comptaient parmi les plus puissants et influents acteurs économiques de la ville. Ces derniers demeureront d’ailleurs très influents même après la création de la ville, et ce, jusqu’en 1969. En effet, c’est notamment en comptant sur leur support constant que bon nombre de leaders du PRI furent élus au gouvernement local et nommés à des postes clés au sein de l’administration municipale. En retour, les premiers gouvernements du PRI aidèrent les fraccionadores à établir et à maintenir leur commerce illégal dans la ville nouvellement constituée (Schteingart, 1989).
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[7]
Ces organisations comprenaient, notamment : l’Unión de Locatorios (Union des locataires), la Cámara de Comercio (Chambre de commerce) et l’Associación General de Colonos (Association générale des résidents). Certains groupes régionaux étaient aussi actifs au sein de la section locale de la CNOP, par exemple : la Federación de Organizaciones de Colonos y Comerciantes del Estado de México (FOCCEM – Fédération des organisations de résidents et commerçants de l’État du Mexique), le Consejo Nacional de Acción Popular (CONADEP – Conseil national d’action populaire) ou la Central de Comerciantes y Colonos Estabelecidos (COCEOM – Centrale des commerçants et des résidents établis). Pour un éventail plus détaillé des membres de la section locale de la CNOP à Nezahualcóyotl, voir Duhau et Schteingart (2001 : 184).
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[8]
Comme la recherche sur l’histoire des organisations sociales à Nezahualcóyotl effectuée par Sivia Bolos (2003) le démontre, seulement quelques groupes de la gauche réussirent à demeurer actifs et indépendants de la structure municipale dans les années 1970, regroupés sous la bannière du Front populaire indépendant (FPI) et, plus tard, du Front unique de Neza (FUN). Une caractéristique de ces groupes était toutefois leur pouvoir de mobilisation quasi inexistant. La recherche de terrain et les entrevues menées par Bolos ont montré que, dans la pratique, ces organisations étaient incapables de mobiliser leurs concitoyens et que, conséquemment, elles restèrent pratiquement absentes dans la municipalité.
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[9]
Chiffres et estimations de la participation populaire aux élections des COPACI compilés par la Coordination de la participation citoyenne (Coordonnatrice, Participation citoyenne, 2007).
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[10]
Graphique créé avec les données originales compilées par l’auteure au cours des entrevues et de l’observation participante réalisées à Nezahualcóyotl en octobre et novembre 2007.
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[11]
La même logique prévaut au sein des COPACI affiliés au PRI, où la présence d’élus supportés par des organisations sociales comme la CNOP est bien établie, comme l’ont fait ressortir nos entrevues avec les présidents de COPACI et des élus municipaux des différents partis ainsi que les études récentes du cas de Nezahualcóyotl.
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[12]
Sur les causes de l’usage du clientélisme par le PRD au Mexique, voir Tina Hilgers (2008).
Liste des entrevues réalisées par l’auteure
- Bautista López, Hector, ex-maire de Nezahualcóyotl (2000-2003) et député fédéral, membre du PRD. Entrevue réalisée dans l’État du Mexique, le 14 novembre 2007.
- Bautista López, Victor, ex-maire de Nezahualcóyotl (2006-2009) et membre du PRD. Entrevue réalisée à Nezahualcóyotl, le 30 octobre 2007.
- Coordonnatrice, Participation citoyenne de la municipalité de Nezahualcóyotl. Entrevue réalisée à Nezahualcóyotl, le 12 novembre 2007.
- Deuxième conseillère municipale de Nezahualcóyotl (2006-2009), membre du PRD. Entrevue réalisée à Nezahualcóyotl, le 7 novembre 2007.
- Dix-huitième conseillère municipale de Nezahualcóyotl (2006-2009), membre du PAN. Entrevue réalisée à Nezahualcóyotl, le 28 novembre 2007.
- Premier conseiller municipal de Nezahualcóyotl (2006-2009), membre du PRD. Entrevue réalisée à Nezahualcóyotl, le 6 novembre 2007.
- Présidente, COPACI 1, Zona Norte. Entrevue réalisée à Nezahualcóyotl, le 17 novembre 2007.
- Président, COPACI 2, Colonia el Sol. Entrevue réalisée à Nezahualcóyotl, le 27 novembre 2007.
- Président, COPACI 3, Colonia Metropolitana. Entrevue réalisée à Nezahualcóyotl, le 16 novembre 2007.
- Secrétaire général de la municipalité de Nezahualcóyotl. Entrevue réalisée à Nezahualcóyotl, le 30 octobre 2007.
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