Abstracts
Résumé
Cette étude portant sur un seul article scientifique s’efforce de repérer les questions pertinentes, touchant à l’usage des modalités sémiotiques visuelles dans le discours scientifique. Elle s’intéresse aux types sémiotiques utilisés, à leurs agencements syntagmatiques et aux rôles argumentatifs de ceux-ci, de type narratif ou rhétorique. Elle établit ainsi une séquence canonique des visuels (un montage-type), caractéristique de la stratégie persuasive de l’article et du positionnement éditorial de la revue.
Abstract
This study, which focuses on only one scientific paper, attempts to identify relevant issues relating to the uses of visual semiotic modalities in scientific discourse. It is interested in the different kinds of visual semiotics used in this paper, in their syntagmatic organizations and in the argumentative roles of these, which are narrative or rhetoric. It establishes a canonical sequence of visuals (a montage-type), characteristic of the persuasive strategy of the paper and of the editorial positioning of the magazine.
Article body
Préambule : objectifs et objet de l’étude
Cette étude portant sur un seul article scientifique[1] est exploratoire : il s’agit de repérer les questions pertinentes, touchant à l’usage des modalités sémiotiques visuelles dans le discours scientifique, et notamment celles qui ont trait (i) aux relations entre l’argumentation verbale et les visuels, et (ii) à la forme propre des montages visuels, ainsi que leurs valeurs argumentatives et persuasives. Cette étude portera donc spécifiquement sur les types sémiotiques utilisés dans les montages visuels appelés plus couramment « figures », sur leurs agencements syntagmatiques et sur leur participation aux parcours argumentatifs principalement portés par le discours verbal. Elle montrera très précisément comment et pourquoi un tel article scientifique invente un type de montage sémiotique, pour résoudre une tension argumentative qui tient au positionnement éditorial de la revue elle-même.
En effet, l’article choisi présente l’avantage de combiner plusieurs types d’images et de graphiques scientifiques, qui participent explicitement à l’argumentation globale, mais qui, en raison de leur nombre, de leur densité et de leur diversité, développent par eux-mêmes une stratégie persuasive presque continue, tout au long de l’article. Mais il faut préciser immédiatement que, comme n’importe quel autre texte, il appartient à un genre, il est déterminé par un cadre éditorial, et son orientation argumentative ainsi que son système d’énonciation en découlent ; il obéit donc à quelques contraintes spécifiques qui doivent être prises en considération.
De fait, la revue Chocs est une revue institutionnelle, destinée à diffuser les travaux d’un organisme de recherche national, le CEA (Commissariat à l’énergie atomique) ; elle s’adresse ainsi à la fois aux communautés scientifiques concernées et aux différents partenaires institutionnels : financeurs (état, industries, etc.), partenaires scientifiques (universités, autres organismes) et bénéficiaires des transferts de technologie (industries, commanditaires, etc.). L’article étudié ne prétend donc pas présenter une découverte, mais seulement faire état d’un ensemble de travaux et de résultats convergents. Néanmoins, il conserve de l’article scientifique stricto sensu l’exigence d’un appareil expressif, verbal et visuel, emprunté aux articles de revues internationales indexées. Ce positionnement éditorial se reconnaît, tout d’abord, aux références bibliographiques, qui renvoient pour moitié à d’autres articles de la revue Chocs et aux thèses effectuées dans un laboratoire associé au CEA, et, pour le reste, à des revues internationales de physique appliquée.
Du point de vue des stratégies argumentatives et des organisations discursives, on doit donc s’attendre à ce que les articles proposés dans cette revue conjuguent la persuasion scientifique stricto sensu à des procédés de nature didactique. L’ensemble est en outre globalement orienté par un objectif de « valorisation » institutionnelle, comme l’indique le préambule de l’article, qui rappelle la nature des « compétences spécifiques de caractérisation de ces matériaux [composites] à l’échelle macroscopique (acquises depuis plus de 20 ans) », et annonce la présentation des nouveaux apports des « travaux récents » au sein du CEA. La dimension didactique et la valorisation institutionnelle impliquent certes un biais argumentatif (le texte s’efforce de prouver plus que la stricte vérité scientifique), mais ce biais offre un avantage considérable pour notre propos, en raison de l’amplification et de la diversification de l’expression visuelle qu’il suscite (imagerie scientifique, graphiques, schémas, diagrammes, équations, etc.).
Les enjeux argumentatifs de l’article
Il s’agit de démontrer l’apport des méthodes dites de « changements d’échelles » (micro → méso → macro) dans la compréhension du comportement d’un type de matériaux spécifiques, les « composites carbonés », en conditions thermiques extrêmes. Mais, comme ces méthodes sont déjà connues et largement exploitées dans les communautés scientifiques, l’objectif spécifique de l’article est de mettre en valeur l’apport technologique propre au CEA, concernant « les moyens expérimentaux et les méthodes d’identification des propriétés en température ».
1. Résumé de l’argumentation
a. La première étape (comportement macroscopique en conditions extrêmes : la très haute température)
Elle consiste en une comparaison entre le comportement du graphite monolithique et celui des composés carbone/carbone (dits « C/C », c’est-à-dire « matrice en graphite + fibres de carbone »). Cette comparaison vise à établir le seuil thermique de la modification du comportement, et plus précisément du passage d’un comportement « élastique » (déformation linéaire) à un comportement « plastique-visqueux » (déformation générale). Les conditions thermiques extrêmes sont définies non seulement par le niveau de température atteint (sous-contrainte mécanique d’étirement), de 20 °C à plus de 3000 °C, mais aussi par la vitesse de la montée en température (elle dure moins de 20 secondes, pour une valeur de référence de 160 °C/s[2]).
Pour le graphique monolithique, le seuil de changement de comportement se situe à 1800 °, et pour le composite C/C, à 2300 °. La différence est d’abord expliquée globalement par le caractère hétérogène des composites : en l’occurrence, une matrice en graphite, renforcée par des fibres de carbone non « graphitables »[3], dites « fibres ex-PAN » ; la plus grande résistance des composites à la montée en température s’explique alors par la différence de diffusivité thermique entre la matrice et les fibres ex-PAN. La diffusivité thermique mesure le transfert de chaleur à l’intérieur d’un matériau, que ce soit un composant (fibre) ou un composite, et ce, par conséquent, à chacune des trois échelles d’analyse (micro, méso, macro).
Toute la suite de l’article va donc consister à examiner ces phénomènes de diffusivité thermique aux trois échelles d’observation, avec un détail d’analyse croissant.
b. La deuxième étape (caractère multi-échelle des composites texturés)
Elle expose les trois échelles de structures :
à l’échelle microscopique (moins de 10 microns), le renfort de carbone est composé de « fibres » ; ce sont les « composants » du matériau composite ;
à l’échelle mésoscopique (moins de 100/300 microns), ce renfort est composé de « fils » de carbone ; ce sont des « minicomposites » ; et enfin,
à l’échelle macroscopique (quelques millimètres), le renfort est composé de « mèches » de carbone ; il s’agit du matériau composite en tant que tel.
Le choix de l’échelle d’observation est essentiel, dans la mesure où les variations de comportement observées peuvent être déterminées aussi bien par les propriétés électriques et thermiques de la fibre que par le mode d’assemblage du fil, ou par le mode de composition des mèches, chacun de ces déterminants induisant des phénomènes d’interface spécifiques entre fibres, fils et mèches et la matrice.
c. La troisième étape (identification des échelles et comportements clés)
Elle consiste à trouver les techniques d’exploration appropriées pour reconnaître l’échelle à laquelle se manifeste la détermination pertinente du comportement global du matériau.
Le comportement microscopique ex situ est analysé sur une fibre isolée, dont on caractérise la résistivité électrique, la capacité thermique propre, la diffusivité thermique et les capacités mécaniques de dilatation longitudinale et transverse.
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Le comportement microscopique in situ est analysé sur des fibres à l’intérieur des matériaux composites, grâce à deux appareils de visualisation :
le microscope photoréflecteur mesure les variations thermiques locales, en surface de la fibre et de la matrice (échelle micrométrique), à partir d’un signal laser réfracté et capté par une photodiode ;
le microscope infrarouge mesure les mêmes phénomènes sur les mèches (échelle mésométrique), à partir d’un signal infrarouge.
L’analyse de ces signaux, compte tenu de la fréquence de modulation de la source de chaleur ainsi que de la conductivité thermique du matériau, permet de dégager des valeurs de diffusivité.
Ces valeurs sont elles-mêmes classées en deux types, qui donnent lieu à deux formes visuelles différentes :
pour un matériau dit « isotrope », comme les fibres ex-PAN, les isothermes forment une image circulaire concentrique autour du point de chauffe ; on en déduit que la diffusion est transverse, égale en toute direction ;
pour un matériau dit « anisotrope », comme les fibres ex-Brai, les isothermes forment une image elliptique plus ou moins resserrée autour du point de chauffe ; on en déduit alors que la diffusion est radiale, et qu’elle est bloquée sur la circonférence.
La différence s’explique par la structure même du matériau, selon que la direction transverse, dans le cas isotrope (fibre ex-PAN), ou que la direction radiale, dans le cas anisotrope (fibre ex-Brai), y est prépondérante.
Suivent deux exemples de caractérisation multi-échelle de composites C/C : celle des fibres de carbone ex-PAN (isotrope) et ex-Brai (anisotrope), et un exemple de caractérisation d’une matrice de polycarbonate (fortement anisotrope). Dans le cas d’un matériau anisotrope, deux mesures doivent être effectuées, donnant deux images différentes : en coupe longitudinale et en coupe transversale ; en effet, un même matériau peut être isotrope en coupe transversale et anisotrope en coupe longitudinale.
L’analyse des exemples semble conduire à homologuer les modèles de diffusivité thermique aux niveaux microscopique et mésoscopique, mais cette homologation n’apparaît clairement que dans les visuels, et plus précisément dans les images de diffusion circulaire ou elliptique, avec tous les degrés intermédiaires d’aplatissement de l’ellipse qui sont les mêmes d’une échelle d’analyse à l’autre. Ce qui permet aux auteurs de conclure ce point ainsi :
Ces résultats illustrent parfaitement la dualité microstructure/comportement au sein des matériaux carbonés, non seulement aux échelles mésoscopiques et microscopiques, mais aussi à l’échelle nanométrique de l’organisation des atomes de carbone.[4] (p. 81)
Le comportement mésoscopique ex situ est analysé sur des fils de carbone isolés.
Le comportement mésoscopique in situ est analysé notamment dans les interfaces entre torons de fibres, mèches et matrice, entre mèches et mèches, sous formes de propriétés mécaniques, en particulier de cisaillement et de frottement.
La méthode utilisée (dite d’« extraction de toron », au niveau mésoscopique, et « de mèche », au niveau macroscopique), permet, grâce à une traction continue exercée sur le matériau, de déterminer le seuil de « décohésion » entre composants, en fonction des niveaux de température. Un changement de direction sur la courbe d’extraction représente alors le moment où le toron ou la mèche se désolidarisent de leur voisinage.
Il est précisé que la méthode n’est actuellement au point que pour le niveau mésoscopique, et doit être finalisée pour le niveau macroscopique, notamment par une plus grande spécification des méthodes d’exploration et de visualisation.
2. Commentaire sur le profil argumentatif général
De fait, cet article suit parallèlement deux parcours argumentatifs[5], qui sont en tension l’un par rapport à l’autre, tension qui demande résolution.
Le premier consiste à démontrer que le même type de phénomènes, obéissant aux mêmes types d’effets visualisables (donc aux mêmes catégories de caractérisation), peut se produire à chacune des trois échelles d’analyse, mais avec une pertinence inégale selon les échelles ; par conséquent, de ce point de vue, la bonne stratégie de caractérisation est celle qui va identifier le niveau pertinent.
Le second parcours consiste à définir le « bloc » de propriétés caractéristiques de chacun des niveaux d’analyse, la diffusivité thermique étant typique du niveau microscopique, la mécanique des interfaces (frottement) semblant caractéristique du niveau mésoscopique et la cohésion/décohésion, du niveau macroscopique ; l’objectif est alors inverse puisque, de ce point de vue, il s’agit de « traduire » ce qui se passe à une échelle donnée dans les termes de ce qui se passe aux autres échelles.
Mais, si les propriétés spécifiques, l’autonomie des modèles et la pertinence analytique du niveau microscopique semblent à peu près stables, il n’en va pas de même, comme on l’a déjà signalé, pour les deux autres niveaux, car, à la fin de l’article, tout se passe comme si la continuité du réel physique sous-jacent continuait à s’exprimer, faute de discontinuité suffisante dans les procédés d’exploration[6].
La tension entre les deux parcours argumentatifs – pour le premier, il se passe la même chose aux trois niveaux d’analyse, et pour le second, il se passe des choses différentes sur chacun d’eux – résulte donc, du point de vue de l’expérience scientifique, de l’insuffisante différenciation des méthodes d’exploration et de visualisation, et l’on peut supposer que le système des figures va s’efforcer de résoudre cette difficulté. En effet, du point de vue de la stratégie discursive, cette même tension argumentative demande résolution, et elle la trouvera en partie, comme on va le voir, dans la composition des encarts visuels, qui auront notamment pour rôle d’arbitrer entre les deux parcours, et de tenter de résoudre la tension induite par l’exposé verbal des résultats scientifiques.
Les types visuels
1. Les types techniques
Les types techniques se définissent principalement par la manière dont ils réalisent matériellement (techniquement) la séquence canonique dite de l’« exploration » :
Excitation / Signal-réponse / Transduction / Visualisation
(Fontanille, 2007)
Nous n’entrerons pas ici dans le détail des techniques et de leurs effets sémiotiques, renvoyant pour cela à plusieurs travaux antérieurs récents (Fontanille, 2007 et 2008) ; nous signalerons seulement le genre de technique et le type d’objet qu’il permet de visualiser.
La microscopie électronique à transmission (MET) permet de visualiser les microstructures des matériaux : alignement des plans[7] de carbone (fig. 2), alternance des fibres et de la matrice (fig. 4), etc., et ce, pour des champs de taille dite millimétrique. Rappelons ici seulement que cette technique permet d’obtenir un « rendu 3D » par reconstruction d’image et donc des effets de texture visuelle plus élaborés.
La microscopie électronique à balayage (MEB) ne donne à voir en revanche que des textures de coupes sans aucune profondeur ou effet 3D (fig. 10[8]), et ce, pour des champs de taille mésométrique (plusieurs centaines de µm[9]).
Les microscopies par photoréflexion et par infrarouge permettent de visualiser l’analyse des signaux de diffusion thermique, la première au niveau microscopique (quelques µm) et la seconde au niveau mésoscopique (quelques centaines de µm). Elles produisent toutes deux, in fine, des diagrammes hybrides (mi-courbes, mi-icônes), qui permettent de visualiser les modes de propagation de la chaleur (cf. fig. 8, 9 et 10) quel que soit le niveau d’analyse.
Les courbes en espace cartésien visualisent des seuils mesurables de changement de comportement des matériaux en combinant, chaque fois, deux variables paramétrables (une sur chaque axe). Elles décrivent notamment : (i) le passage du comportement élastique au comportement plastique (fig. 2 et 3) au niveau microscopique, et (ii) le passage de l’état de cohésion à l’état de décohésion (par extraction) (fig. 12) au niveau méso/macroscopique.
Des schémas visualisent soit des processus d’exploration selon la séquence canonique déjà évoquée – excitation de la cible, signal-réponse, transduction, visualisation –, soit des structures macroscopiques de matériaux – (fig. 5) ; cela peut s’interpréter, dans un cas comme dans l’autre, comme un refus de l’anecdote photographique et un choix de représentation faiblement figurative, visant le type ou le genre, plutôt que l’occurrence.
On peut donc considérer, en regard des parcours argumentatifs déjà signalés, que ces six types techniques de visualisation se partagent en deux catégories :• D’un côté, les techniques qui sont spécifiques d’un niveau d’analyse exploitent un mode d’excitation qui ne fonctionne que pour une échelle donnée, et produisent un mode de visualisation qui lui est propre.• D’un autre côté, les techniques qui ne sont spécifiques d’un niveau d’analyse que par leur mode d’excitation (on pourrait alors parler d’« échelle d’excitation ») produisent des modes de visualisation identique pour tous les niveaux d’analyse (cf. les images de diffusion thermique).
2. Les types sémiotiques
Les types sémiotiques sont définis par le mode d’expression sémiotique qu’ils adoptent, ce dernier étant caractérisable par un certain nombre de propriétés de visualisation[10]. Nous proposons ici une ébauche de typologie qui n’est pas empruntée à la sémiotique générale, mais qui est appropriée aux usages de l’image dans le cadre du discours scientifique, et tout particulièrement dans l’article étudié : la dénomination de chaque catégorie d’images évoque les types de « contenus » qu’elles expriment.
A. Les images-textures
Ces images s’apparentent, visuellement, à la photographie en noir et blanc ; constituées principalement de dégradés de gris (au plan de l’expression), elles donnent à voir des formes matérielles et des textures singulières (au plan du contenu), en 2D ou en 3D, selon que le système d’exploration est doté ou pas d’une capacité de synthèse de la profondeur de champ. Les dégradés et modelés ont donc globalement pour contenu une composition ou une architecture de parties et de sous-parties qui sont toutes de même genre, mais d’espèces différentes, et qui ne peuvent être distinguées les unes des autres que sous un mode de visualisation approprié. En outre, elles partagent avec la photographie l’effet de témoignage et d’occurrence singulière : « cela a été », et « cela a été saisi tel que cela a été ».
B. Les images-énergie
Ces images sont des diagrammes colorés, qui visualisent des mesures expérimentales. Elles représentent des niveaux d’énergie (contenu), inscrits à la fois (expression) dans le tracé des « isothermes » et dans la couleur des plages intermédiaires, chaque couleur correspondant à un niveau d’énergie[11]. Ces images-énergie sont de même type que, par exemple, les diagrammes colorés qui, à la sortie d’une IRM (imagerie par résonance magnétique), représentent des niveaux d’activité électrochimique dans les neurones cérébraux. Ce type d’expression graphique et chromatique donne donc à voir ce qui, par définition, est invisible par absence de substance, indécomposable en parties de quelque genre que ce soit.
Dans l’article analysé, on rencontre aussi (fig. 5) un graphisme coloré qui, exceptionnellement, renvoie à une structure de matériau et des textures ; comme on le verra, cette exception (ce n’est pas une « image-énergie ») participe d’une structure argumentative spécifique.
Mais, dans un cas comme dans l’autre, celui des images-énergie ou celui du diagramme coloré des structures, le diagramme se déploie dans l’espace propre de l’objet analysé.
C. Les images-concepts
Ces images sont en général des schémas techniques qui représentent la structure conceptuelle et générique (contenu) d’un appareillage ou d’un matériau, et leur lecture n’est possible que sous les conventions particulières qui assignent telle ou telle valeur aux formes géométriques (expression) qui les composent. Globalement, par conséquent, l’expression géométrique et schématique a ici pour contenu l’organisation conceptuelle d’un système matériel, qui, sous le contrôle de ces conventions particulières, associe des parties, de genre et de rôle différents, au sein d’un assemblage cohérent (qui peut être un processus, un système ou une structure). L’organisation conceptuelle est « invisible », au sens où, en tant qu’abstraction, elle peut être exprimée sans pour autant être manifeste, c’est-à-dire sans être accessible à l’intuition[12]. Seul le schéma conventionnel parvient à la fois à lui procurer une expression et une manifestation sensible.
D. Les images-profils
Ces images sont des courbes mathématiques, c’est-à-dire des tracés dont le profil est contraint par les variations conjuguées sur les deux axes cartésiens. Ces deux axes de contrôle substituent à l’espace propre aux objets, et à la différence des trois types d’images précédentes, un nouvel espace, celui de l’analyse de leurs propriétés. Elles expriment des profils d’évolution de processus (contenu) ; les profils d’évolution eux-mêmes manifestent des propriétés transformationnelles (des micro-récits profonds) qui ne sont accessibles par ailleurs qu’à travers le récit des expériences, ou sous forme de modélisation mathématique.
Mais le micro-récit profond n’est constitué que d’une transformation entre deux états, dont l’ensemble ne peut être établi qu’une fois la transformation achevée. De cette transformation « massive » et accomplie, le profil d’évolution du processus se distingue par le fait qu’il manifeste l’état du processus en tout moment de son développement, en quelque sorte « en acte ». En outre, il manifeste des propriétés qui ne sont pas entièrement réductibles à celles du micro-récit transformationnel. La transposition verbale du récit d’expérience ne pourrait donc exprimer le profil d’évolution lui-même.
Par ailleurs, ce profil peut être exprimé par une autre voie : l’équation mathématique, mais cette expression n’est pas une manifestation sensible du profil d’évolution ; elle en révèle tout au plus le principe régulateur abstrait ; la traduction mathématique en équation montre bien une forme spécifique du changement, mais sans pouvoir, néanmoins, la manifester d’une manière qui soit accessible à l’intuition[13].
Il faut donc supposer que l’organisation narrative profonde du micro-récit transformationnel, le profil d’évolution du processus, et le profil graphique de la courbe obéissent ensemble à ce qu’on pourrait appeler un même schème dynamique, qui peut être exprimé à différents niveaux de manifestation, du plus abstrait au plus sensible et intuitif (et c’est la courbe graphique qui se charge de cette dernière manifestation). Ce schème commun caractérise un événement-type, qui lui-même révèle une propriété dynamique du système physique auquel il advient. Dans l’article analysé, les profils d’évolution pertinents (et donc les propriétés dynamiques visées) sont tous non linéaires, et les courbes valent principalement, sinon exclusivement, pour les seuils de bifurcation qu’elles visualisent : seuils de changement de comportement, seuils d’extraction ou de rupture, etc.
Ces courbes sont elles-mêmes de deux types, correspondant à des processus génératifs différents : la « courbe brute » et la « courbe théorique ».
La courbe brute est un tracé de visualisation obtenu par transduction d’un signal issu de l’expérience : elle est donc proche parente du cas précédent, celui des diagrammes. Mais le référent du diagramme est l’espace occupé par l’objet, alors que celui de la courbe est l’espace défini par les axes cartésiens. Au lieu d’exprimer des niveaux d’énergie, elle manifeste donc un profil d’évolution, sous contrôle de la variation de paramètres d’énergie, qui sont eux-mêmes exprimés par les degrés sur les axes cartésiens.
La courbe théorique est un tracé de visualisation qui, tout en exploitant les mêmes paramètres sur les axes de contrôle, est obtenu non par transduction d’un signal expérimental, mais par l’application d’une équation aux valeurs de ces paramètres. Elle est donc une pure « image-profil ».
Les quatre types visuels repérés, sous des modes d’expression forts divers, ont donc tous pour contenu des propriétés de l’invisible. Mais chacun des modes d’expression se spécialise en quelque sorte dans une catégorie particulière de l’invisible : (i) l’invisible indistinct, pour les images-textures, (ii) l’invisible non substantiel pour les images-énergie, (iii) l’invisible non figuratif, pour les images-concepts, et enfin (iv) l’invisible non manifeste, pour les images-profils.
L’organisation argumentative des images
1. Les séquences visuelles
L’identification des types n’est pas un but de l’analyse, mais une étape qui permet ensuite d’étudier les stratégies argumentatives et persuasives dont elles sont porteuses, en rapport avec celles de l’article scientifique dans son ensemble. La mise en oeuvre des figures visuelles dans le discours scientifique procède, ici même, et sans doute beaucoup plus généralement, par séquences d’images. En effet, la plupart des figures sont ici composées en séquences, tantôt homo-sémiotiques, tantôt hétéro-sémiotiques.
A. Les séquences homo-sémiotiques
Elles sont constituées d’images appartenant au même type sémiotique. La séquence repose alors sur une allotopie, exprimée par des changements plastiques, figuratifs ou iconiques à l’intérieur du même type visuel.
Par exemple, la figure-séquence 1 est à la fois homo-sémiotique, puisqu’elle est composée de deux courbes juxtaposées, et allotope, puisque l’une visualise la cinétique des chocs thermiques et l’autre, le profil d’évolution de la déformation sous traction. La signification de la séquence est donc narrative, dans la mesure où le passage d’une courbe à l’autre est un enchaînement entre une condition modale (une cause-condition préalable) et une performance (une action-conséquence).
La figure-séquence 2 est à la fois homo-sémiotique, car il s’agit de deux photos MET, et faiblement allotope, puisqu’elle montre seulement la différence de structure du même matériau à 20 °C et à 3200 °C. Sa signification est elle aussi narrative, puisqu’elle présente l’enchaînement entre l’état initial et l’état final d’une transformation, sans en exprimer figurativement les conditions.
La figure-séquence 4 est homo-sémiotique pour la même raison, et faiblement allotope de la même manière ; mais, à la différence de la précédente, le changement d’état du matériau (à 20 °C, puis à 3000 °C) est accompagné d’un changement de point de vue (coupe transversale, puis coupe longitudinale). La séquence à la fois narrative, puisqu’elle enchaîne un état initial et un état final, c’est-à-dire les deux pôles d’une même transformation, et argumentative, en raison du changement de point de vue, qui précise les limites de la transformation.
La figure-séquence 7 est elle aussi homo-sémiotique, mais dans un enchaînement purement rhétorique, et non narratif, puisque les deux images de diffusion thermique correspondent à deux matériaux différents : c’est donc le contraste discriminant qui est recherché, sur le fond d’une similitude de technique d’exploration, de transformation narrative et de mode de visualisation.
B. Les séquences hétéro-sémiotiques
Elles enchaînent au moins deux types sémiotiques différents. La gamme des combinaisons possibles étant très étendue à partir de quatre types sémiotiques et d’un nombre indéfini de places dans les séquences, nous nous contenterons d’examiner les séquences hétéro-sémiotiques utilisées dans l’article analysé. On distinguera à cet effet deux types d’hétéro-sémioticité : marginale et radicale ; marginale quand, sur un fond de similitude sémiotique, la figure exploite au moins deux variantes de la modalité sémiotique et conjugue donc au moins deux régimes de croyance et de persuasion différents ; radicale quand la séquence de figures et sa légende affichent explicitement leur hétérogénéité comme principe de composition.
(i) L’hétéro-sémioticité marginale
La figure-séquence 6 est présentée comme homo-sémiotique (deux « micrographies »), mais la première image est en 3D avec profondeur, modelé, et rendu de l’espace intermédiaire (ombres, vide, etc.), et la seconde, entre 2D et 3D, avec une ébauche de profondeur-épaisseur ; l’une manifeste une profondeur et un relief, outre les textures, alors que l’autre ne donne à voir que les détails d’une texture en épaisseur. On doit postuler une transformation du « régime de croyance » entre les deux ; visiblement, la seconde est la stylisation graphique d’une image figurative qui était du même type que la première, et cela, à des fins didactiques, puisque chaque partie en est, en outre, indexée et annotée. La séquence est donc de nature rhétorique, avec un mouvement de schématisation conceptuelle d’une image à l’autre.
La figure-séquence 12 est elle aussi présentée comme homo-sémiotique (deux « courbes d’extraction »), mais avec cette précision : « brute et analysée en tracé logarithmique ». La première est donc une courbe brute et la seconde, une courbe théorique ; la séquence (définie ailleurs dans l’article comme un « ajustement théorique ») est donc encore de type rhétorique, puisqu’elle donne un échantillon du parcours argumentatif grâce auquel une courbe-occurrence peut être ramenée à une courbe-type, l’occurrence étant fournie par l’expérience concrète, et le type, par l’équation mathématique[14]. C’est encore un mouvement de schématisation, mais qui, à la différence du précédent, passe non pas par une schématisation conceptuelle, mais par la recherche du modèle mathématique le plus proche, cette recherche étant elle-même fondée sur la reconnaissance iconique de la courbe-type à partir de la courbe-occurrence.
(ii) L’hétéro-sémioticité radicale
La figure-séquence 5 est composée d’une image issue d’un microscope (pour le niveau microscopique), d’un diagramme coloré (pour le niveau mésoscopique) et d’un schéma géométrique conventionnel (pour le niveau macroscopique). L’objectif est clair : il s’agit, en matière de distinction entre les trois échelles d’observation, de faire mieux et plus persuasif visuellement que l’explication verbale. Alors que la distinction entre les trois niveaux est parfois indécise dans l’argumentation verbale, elle est radicale dans la présentation visuelle, grâce à l’utilisation de trois modalités sémiotiques et de trois régimes de croyance différents :
La séquence visuelle des changements de niveau nous fait parcourir trois « mondes » sémiotiques : les modes d’expression changent, notre rapport à la forme et à l’espace des matériaux change, les codes mis en jeu changent, de même que les régimes de représentation et de persuasion.
Enfin, les figures-séquences 8, 9, 10 constituent l’agencement hétéro-sémiotique le plus complexe et le plus abouti de tout l’article.
La figure 8, par exemple, enchaîne une image de microscopie, un diagramme coloré des niveaux d’énergie, et un jeu de courbes transposées dans un espace cartésien. Le parcours est composé de trois opérations en deux étapes : (i) une analyse des niveaux d’énergie, entre la photo qui localise le point de chauffe, et le diagramme qui représente la diffusion, et (ii) une schématisation, par extraction des courbes brutes pertinentes (par projection des courbes mathématiques appropriées). Toutefois, la troisième image, bien qu’elle soit obtenue par « ajustement théorique », n’est pas une véritable image-profil, car les axes cartésiens ne représentent pas des propriétés de l’objet, et se contentent de schématiser des dimensions de l’espace propre de l’objet.
La figure 9 conjugue trois types de transformations : (i) une transformation hétéro-sémiotique, entre deux images de microscopie et deux ensembles de diagrammes colorés qui, selon le même principe rhétorique que ci-dessus, visualise l’analyse énergétique, et (ii) deux transformations homo-sémiotiques. La première est appliquée aux deux précédents, et il s’agit d’un changement de point de vue (coupe longitudinale vs coupe radiale) qui permet des recoupements dont sera dégagée la valeur de diffusivité ; la seconde est appliquée au résultat de la première transformation (les diagrammes colorés), pour distinguer deux états successifs des niveaux d’énergie et de leur mesure : l’état « atténuation » et l’ état « phase » ; cette troisième transformation est donc de signification narrative. En bref, on applique à une transformation des niveaux d’énergie (atténuation/phase) une transformation des points de vue (longitudinal/radial), tout en visualisant au préalable la localisation de l’événement ainsi analysé.
La figure 10 reproduit la même organisation : une vue microscopique des deux coupes et deux diagrammes colorés pour les niveaux d’énergie de chacun des deux points de vue, un diagramme pour l’atténuation et un autre pour la phase.
Il faut maintenant rapprocher ces trois ensembles de figures-séquences : elles forment alors globalement une séquence de comparaison discriminante, sur le principe déjà observé pour la seule figure 7 ; mais la comparaison s’est complexifiée et combine plusieurs paramètres de comparaison, en vue d’une véritable argumentation globale, au terme de laquelle on comprend que les valeurs discriminantes caractérisent non pas seulement des matériaux différents, mais aussi des points de vue différents sur les structures, et des moments énergétiques différents.
Les séquences d’images qui composent les figures ont donc toute la complexité d’une stratégie discursive, séparément d’abord, et par accumulation progressive ensuite. On a pu ainsi repérer des organisations narratives, des procédés rhétoriques et argumentatifs et, en entrant dans le détail des mises en séquence, des transformations par schématisation, profilage, changement de point de vue, analyse énergétique, etc. Une fois combinées en une même séquence, toutes ces opérations constituent une sorte de discours second, qui explicite les opérations narratives, cognitives et argumentatives conduisant au résultat de la recherche.
Dans cette perspective, une répartition des rôles se dessine :
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d’un côté, les séquences homo-sémiotiques expriment,
(i) quand elles concernent le même objet, soit une transformation narrative, si le point de vue est le même, soit une opération rhétorique de persuasion, si le point de vue change ;
(ii) quand elles concernent deux objets différents, une opération rhétorique de comparaison discriminante ;
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de l’autre côté, les séquences hétéro-sémiotiques expriment,
(i) quand elles concernent le même objet sous le même point de vue, des niveaux d’analyse ou des échelles d’observation ;
(ii) quand elles concernent le même objet sous plusieurs points de vue successifs, des opérations rhétoriques d’analyse, de schématisation, de profilage, etc. ;
et enfin, la mise en séquence de deux ou plusieurs séquences hétéro-sémiotiques de structure identique, mais appliquée à des objets différents, peut jouer le même rôle de comparaison discriminante qu’une séquence homo-sémiotique.
2. La contribution des images au parcours argumentatif
Les séquences visuelles offrent, on l’a vu, des organisations argumentatives et persuasives intrinsèques, indépendamment du discours verbal. Elles se spécialisent même, selon leur composition sémiotique, dans tel ou tel mode argumentatif, narratif ou rhétorique.
Mais, si on se reporte maintenant à l’orientation argumentative générale de l’article, et notamment à la tension observée entre les deux parcours et les deux stratégies, on peut constater qu’ils sont inégalement pris en charge par les séquences visuelles. Observons quelques cas :
Les séquences homo-sémiotiques de type narratif ne sont propres à aucune des échelles d’observation ; le même principe peut s’appliquer aux trois échelles, et la seule manière de différencier ces dernières consisterait à affecter à chacune un type sémiotique. Or, ce n’est pas le cas, car les transformations entre courbes ou entre diagrammes colorés concernent indifféremment l’une ou l’autre échelle d’observation. Seules les microphotographies, par définition, concernent le niveau microscopique.
Les séquences homo-sémiotiques de type rhétorique ne sont pas plus spécifiées selon les échelles d’observation.
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Les séquences hétéro-sémiotiques sont globalement exploitées de deux manières :
(i) pour exprimer la différence entre échelles d’observation (cf. supra, fig. 5) ;
(ii) pour exprimer les transformations rhétoriques dans le parcours d’analyse d’une expérience (localisation, schématisation, profilage), et ce, sur une même échelle d’observation.
Une séquence-type apparaît au début, qui pourrait procurer une représentation visuelle stable à la distinction entre les trois échelles d’observation, et qui consiste à affecter à chacune d’elle, pour un même objet, et sous un même point de vue, un type sémiotique et un régime de croyance spécifique. Parallèlement, les séquences homo-sémiotiques, ainsi que les séquences hétéro-sémiotiques, à plusieurs objets ou à plusieurs points de vue, restent disponibles pour toutes les autres figures narratives ou rhétoriques. Mais cette solution est abandonnée aussitôt que proposée, puisque le même agencement est ensuite utilisé dans l’article à de toutes autres fins.
Il faut alors supposer qu’une autre perspective argumentative prend alors le dessus, qui dépasse la tension entre les deux premiers parcours envisagés, et que cette autre perspective est principalement portée par les visuels. Cette perspective est celle de la valorisation institutionnelle des recherches évoquées ; en effet, la séquence hétéro-sémiotique complète et enchaîne systématiquement les types visuels en trois positions canoniques :
en première position, une image représentative, une texture figurative ;
en deuxième position, un diagramme coloré, analyse des niveaux d’énergie ou analyse de structure ;
en troisième position, une image « théorique », schéma conceptuel, diagramme théorique ou courbe mathématique.
La séquence s’établit alors de la manière suivante :[image-texture figurative → image-diagramme analytique → image-schéma théorique]Elle constitue un motif stylistique susceptible de connoter globalement la compétence technologique de l’opérateur de recherche. En tant que motif, il constitue une forme canonique établie par récurrence et superposition, et il s’autorise même une variante à la troisième étape (schéma conceptuel, ou diagramme théorique, ou courbe mathématique) ; en tant que stylistique, il caractérise une énonciation, un acte et son responsable. Et cette caractérisation est celle, double, de la systématicité de la séquence en même temps que la diversité technoscientifique des approches : en somme, d’un côté, la « rigueur », et de l’autre, la « richesse » des compétences mises en oeuvre.
Le motif stylistique exprime donc à la fois la rigueur systématique, par sa régularité et sa récurrence, et la richesse technoscientifique, par la multiplicité des approches ; la multiplicité, en l’occurrence, est ici seulement exprimée par la triplication des positions dans la séquence et ses variantes, mais on sait que, dans la construction des sémiotiques-objets, quelles qu’elles soient, la triplication est l’expression rhétorique d’une multiplicité maîtrisée et d’un processus de diversification accompli.
Dès lors, que ce soit pour décrire une approche multi-échelle dans son principe ou pour traduire la complexité d’une approche multidimensionnelle dans sa mise en oeuvre expérimentale, le même motif stylistique fait l’affaire, puisque, même si chaque type sémiotique n’est pas régulièrement affecté à une échelle d’observation, c’est le principe global des « multi-approches » (multi-échelles, multi-techniques, multi-analyses, multi-perspectives) qui est ainsi exprimé par le motif ternaire. Et c’est pourquoi la même séquence est utilisée au début pour exprimer la distinction entre les trois échelles, et ensuite pour exprimer la succession des procédures d’analyse et de caractérisation.
On a donc affaire, en somme, non pas à l’affectation symbolique de tel ou tel type visuel à tel ou tel objet de connaissance, mais à une véritable proposition semi-symbolique et connotative, où c’est le motif triple dans son ensemble, c’est-à-dire plus précisément la relation de triplicatio[15] qu’il contient, qui est l’expression des « multi-approches », caractéristiques de la compétence technoscientifique de l’opérateur de recherche.
Appendices
Note biographique
Jacques Fontanille
Jacques Fontanille est professeur de sémiotique à l’Université de Limoges, membre senior de l’Institut universitaire de France. Il a créé à Limoges le Centre de recherches sémiotiques, ainsi que la revue Nouveaux actes sémiotiques et la collection d’ouvrages NAS, éditées par les PULIM. Il est également président honoraire de l’Association internationale de sémiotique visuelle et de l’Association française de sémiotique. Il est l’auteur de nombreuses publications dans les domaines de la sémiotique théorique, de la sémiotique littéraire et de la sémiotique visuelle, de la rhétorique et de la linguistique générale. Il a dirigé douze ouvrages collectifs, les plus récents étant : Régimes sémiotiques de la temporalité : la flèche brisée du temps, avec D. Bertrand (PUF) ; Les Âges de la vie. Sémiotique du temps et de la culture, avec I. Darrault (PUF) ; Configurations dynamiques de l’émotion (Sémiotica). Il a publié onze livres à titre personnel, dont Les Espaces subjectifs (Hachette) ; Sémiotique des passions. Des états de choses aux états d’âme, avec A. J. Greimas (Seuil) ; Sémiotique du visible. Des mondes de lumière (PUF) ; Tension et Signification, avec C. Zilberberg (Mardaga) ; Sémiotique et Littérature : essais de méthode (PUF) ; Sémiotique du discours (PULIM) ; Séma et Soma. Les figures du corps. (Maisonneuve et Larose) ; Pratiques Sémiotiques (PUF). Il est président de l’Université de Limoges depuis février 2005, et vice-président de la Conférence des présidents d’universités françaises. Il a été professeur invité ou conférencier invité dans une centaine d’universités américaines, européennes et africaines. Il est membre actif de plusieurs comités scientifiques de sociétés savantes et de revues internationales dans le domaine sémiotique.
Notes
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[1]
Article étudié : « Comportement thermomécanique des composites texturés en environnements extrêmes », S. Barré, D. Rochais, C. Tallardon, M. Jurion, J.-M. Goyénèche, dans le dossier « Matériaux microstructurés », paru dans Chocs, CEA, no 34, septembre 2007, p. 72-83. Des démarches ont été entreprises auprès de la revue afin d’obtenir l’autorisation de reproduire les différentes figures de l’article (sous réserve de l’approbation des ayants droit).
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[2]
En toute rigueur, 160K s-1 (entretien avec Jean-Paul Deville, physicien et directeur de recherche au CNRS).
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[3]
Un carbone « non graphitable » est un carbone dur, qui, à haute température, n’adopte pas la structure atomique en « plans hexagonaux » du graphite.
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[4]
Cette dernière affirmation, concernant l’échelle nanométrique, ne fait pas ici l’objet d’une démonstration, mais a déjà été évoquée dans l’article, où l’on explique le passage de l’élasticité à la plasticité par les propriétés d’arrangement des atomes de carbone. Cette homologation montre bien que la question de l’analogie des modèles de comportement entre échelles d’observation est au coeur de l’orientation argumentative de l’article. Il est d’autant plus significatif de constater que cette homologation est principalement portée par la présentation visuelle des résultats.
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[5]
Un parcours argumentatif rassemble l’ensemble des arguments soumis à une même orientation argumentative, et donc visant la démonstration d’un même macro-énoncé.
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[6]
On note en outre que les micrographies MEB, tout comme les courbes d’extraction, indiquent dans l’image même des valeurs millimétriques (niveau macroscopique) tout en se référant dans le texte à des entités définies au niveau mésométrique (les torons). On observe également que, dans la présentation des exemples d’analyse microscopique (dans le texte), la caractérisation d’un fil de carbone (p. 81) se fait à des dimensions de centaines de microns (dans l’image), c’est-à-dire à l’échelle mésoscopique.
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[7]
Un « plan » de carbone est un agencement, sur un seul plan, de motifs composés par les atomes de carbone. La structure des motifs, leur agencement dans le plan et leur disposition d’un plan à un autre, est au coeur de la classification des structures carbonées. Cette notion relève évidemment du niveau microscopique (pour les plans proprement dit) et nanométrique (pour les motifs structuraux qui composent les précédents).
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[8]
De fait, cette image pourrait ne pas être produite à partir d’un MEB, puisque le MEB produit en principe de pseudo-effets 3D, avec ombrage et texture (Jean-Paul Deville, communication personnelle).
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[9]
µm = symbole de l’unité de longueur valant un millionième de mètre.
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[10]
Notamment la nature du support, les types de formants visuels et plastiques admis, les types de figures qu’ils constituent en s’assemblant, ainsi que les règles qui président à ces assemblages, ou encore les règles de combinaison et de disposition des figures sur le support, etc. On peut ainsi distinguer des modes d’expression en 1D, en 2D, ou en 3D ; en aplat ou en modelé ; graphique ou photographique ; en tracé ou en plages colorées, etc.
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[11]
La couleur est en effet fréquemment associée, en raison des codes culturels accumulés par les traditions picturales, à des contenus « dynamiques » qui peuvent renvoyer à des substances diverses : le mouvement (les couleurs « avancent » ou « reculent »), la chaleur (les couleurs sont « chaudes » ou « froides »), ou l’activité (les couleurs « bougent » ou « stagnent »).
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[12]
Rappelons que le rapport entre expression et contenu est un rapport d’isomorphie et d’allotopie, alors que le rapport entre manifestation et immanence est un rapport d’hétéromorphie et d’isotopie (Hjelmslev, 1973). Le rapport de manifestation suppose donc qu’on reconnaisse une « identité de propos » sous une différence de forme, alors que le rapport d’expression suppose qu’on reconnaisse une « identité de forme » sous une différence de propos. Les formes géométriques et les flèches et traits qui les relient disent visuellement autre chose que les parties d’un appareillage technique : c’est un rapport d’expression ; mais elles disent la même chose que l’organisation conceptuelle qui associe ces dernières entre elles : c’est un rapport de manifestation. On peut manifester le concept organisateur à différents niveaux d’abstraction ou de figurativité ; le schéma manifeste un niveau de figurativité moyenne (car il reste générique).
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[13]
« Accessible à l’intuition » ne signifie ici rien d’autre que « manifesté de manière sensible ». L’organisation narrative profonde peut recevoir plusieurs types d’expression, mais une seule, la courbe, a une capacité de manifestation sensible, alors même qu’elle ne peut pas être considérée comme une expression de la transformation narrative, mais seulement du profil d’évolution.
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[14]
On ne peut pas savoir ici quel est le statut de cette courbe « analysée en tracé logarithmique », qui pourrait être aussi bien obtenue à partir de paramètres ajustables, ou à partir d’une loi exprimée par une équation (entretien avec Jean-Paul Devillle).
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[15]
Dans tout parcours narratif, par exemple, et du moins dans la culture occidentale, la triplication est un motif rythmique qui exprime systématiquement l’accomplissement et la plénitude d’un processus.
Références bibliographiques
- Fontanille, J. [2007] : « Les systèmes d’imagerie scientifique. Questions sémiotiques », Association italienne de sémiotique. En ligne : http://www.ec-aiss.it/archivio/tipologico/autore.php (document consulté le 22 septembre 2009 [fontanille_2_5_07.pdf]) ;
- Fontanille, J. [2008] : « Le réalisme paradoxal de l’imagerie scientifique », Prépublication du Centre de Linguistique et Sémiotique de l’Université d’Urbino, Urbino.
- Hjelmslev, L. [1973] : Prolégomènes à une théorie du langage, Paris, Minuit.