Abstracts
Résumé
Le Festival de Cannes est un événement cinématographique qui se donne à voir et à comprendre en dehors des salles obscures : nous avons considéré les festivaliers comme des « corps en action » pris dans un milieu urbain qui se trouve en partie réorganisé pour faciliter la tenue du festival, c’est-à-dire pour faciliter notamment l’arrivée à Cannes des festivaliers, leur accueil et l’accès des spectateurs aux lieux du spectacle cinématographique. Travaillant sur le parcours du festivalier, procès de signification sociale et culturelle qui s’inscrit, de fait, au coeur de la ville de Cannes, nous faisons de l’activité située du spectateur une manifestation expressive privilégiée pour mettre en évidence la manière dont la substance urbaine se trouve ré-informée, voire transformée, par l’événement public qui la prend pour cadre. Il s’agit moins ici de décrire le territoire du festival lui-même que de déterminer les conditions et circonstances de sa formation pour dégager les bases d’une analyse sociosémiotique de la territorialisation d’un événement culturel.
Abstract
The Cannes Film Festival is a cinematic event that can be seen and understood beyond the projection rooms : in the present paper, we consider festival-goers as “ moving bodies ” placed in an urban setting that has been partly re-organized to facilitate the smooth running of the festival : the public’s arrival, its greeting and its access to actual film projections are all well thought out. Our study concentrates on the moviegoers’ itinerary, understood as a social and cultural phenomenon set in the very heart of Cannes. We consider the paths taken by the public as privileged material to examine how the precincts are re-formed and even transformed by this urban event. The idea is not so much to describe the territory of the festival itself as to determine the conditions and circumstances of its constitution, so as to establish the bases of a socio-semiotic analysis of the spatial dimension of a cultural event.
Article body
Le Festival de Cannes est un événement cinématographique qui se donne à voir et à comprendre aussi en dehors des salles obscures, ces lieux de projection de films ne constituant que le point d’accomplissement d’une démarche qui conduit finalement chaque festivalier à prendre place dans la salle pour devenir enfin un spectateur. Cette démarche, que l’on peut qualifier de démarche volontaire d’accession au rang de spectateur, doit être considérée, dans son acception spatiale, comme un parcours, c’est-à-dire une forme ordonnée de relations des éléments entre lesquels il s’effectue, « suggérant une progression grâce à des instances intermédiaires »[1], si on veut bien la considérer aussi dans une perspective dynamique. Autrement dit, l’approche que l’on se propose de développer ici met l’accent sur un processus de transformation identitaire du festivalier (être en quête de l’identité de spectateur), qui se règle graduellement à travers son déplacement tout entier tendu vers l’entrée dans la salle de projection où s’actualise cet état de spectateur comme réalisation (performance) de son action programmée. Ainsi, entre l’arrivée à Cannes et l’accès aux rangées de fauteuils de la salle de cinéma, le festivalier passant[2] par les hôtels ou autres lieux de résidence temporaire (parkings, bars, snacks ou restaurants, rues et espaces publics) vient marquer de sa présence et de son activité les lieux qui ne sont pas, au sens strict, les lieux du festival ; il les mobilise au service de son projet de construction de son statut de spectateur et, s’appuyant sur certains traits ou niveaux de pertinence de ces espaces, les érige en autant d’espaces signifiants qui, pour lui comme pour les autres (festivaliers et non-festivaliers), dessinent et organisent le territoire du festivalier à Cannes.
Avec le parcours du festivalier, on a donc affaire à un procès de signification sociale et culturelle qui s’inscrit, de fait, au coeur de la ville de Cannes, substance urbaine qui se voit dès lors ré-informée, voire transformée par l’événement public qui la prend pour cadre[3] et dont une des manifestations expressives est l’activité située du spectateur. Reprenant la démarche proposée par M. Merleau-Ponty[4], donnant au corps et à la manière dont il occupe l’espace une place fondamentale dans l’analyse de l’appréhension de l’espace, nous avons considéré les festivaliers comme des « corps en action », pris dans un milieu urbain qui se trouve, dans le même temps, en partie réorganisé pour faciliter la tenue du festival, c’est-à-dire pour faciliter notamment l’arrivée à Cannes des festivaliers, leur accueil et l’accès des spectateurs aux lieux du spectacle cinématographique.
Les quelques situations types de la vie du festivalier que nous avons retenues, séquences particulières de son parcours, saisies parfois sur le vif grâce à un dispositif d’observation ou d’expériences rapportées par les festivaliers eux-mêmes dans le cadre d’une enquête[5], nous permettront d’illustrer la manière dont il mobilise la ville, la met en mouvement pour s’engager dans la réalité festivalière et actualiser, dans certaines situations, son état de « spectateur ». Elles nous permettront ainsi d’isoler les quelques formes élémentaires à partir desquelles on peut appréhender le festival comme une expérience proprement spatiale, qui met en jeu des lieux (ceux de la ville, ceux du festival) au cours du passage du festivalier, passage fait de déplacements représentant la modalité dominante, voire structurante de la vie du festivalier.
Nous utiliserons ici la distinction que Michel de Certeau établit entre « espace » et « lieu », pour faire de l’espace un lieu pratiqué :
Il est en quelque sorte animé par l’ensemble des mouvements qui s’y déploient. Est espace l’effet produit par les opérations qui l’orientent, le circonstancient, le temporalisent et l’amènent à fonctionner en unité polyvalente de programmes conflictuels ou de proximités contractuelles.[6]
Se centrer sur la mise en forme spatiale et temporelle du festival au sein de la ville en travaillant sur les pratiques des festivaliers, entendues comme des opérations qui donnent sens à l’espace où elles se déroulent, c’est enfin se donner comme projet, non pas de décrire le territoire lui-même, mais de mettre en évidence la formation du territoire du festivalier et avec lui la territorialisation d’un événement culturel.
Circonstances et conditions de la formation d’un territoire
Y être
Le festivalier vient d’un « ailleurs » plus ou moins lointain et, quel que soit cet « ailleurs », ne devient spectateur qu’au cours d’un parcours maîtrisé qui prend son origine dans sa présence à Cannes. Pour « en être », il faut yêtre, telle est la formule que nous avions retenue dans une analyse précédente[7] pour spécifier cette identité et souligner à quel point elle se trouve étroitement liée à l’espace-temps dans lequel elle se réalise. Même si, comme on a pu le voir, être à Cannes n’est pas une condition suffisante pour devenir spectateur du festival, cette localisation n’en constitue pas moins une condition nécessaire, comme une première formalisation de l’« ici » de la situation festivalière par rapport à cet ailleurs qui représente l’autre du festival. On pense bien sûr à cet « autre du festival » figuré par le lieu d’où l’on vient et dont on s’est dégagé, pour un temps, par une mise à distance, mais plus généralement encore à l’ensemble des situations urbaines contemporaines du festival et qui coexistent avec lui dans une grande proximité. Il s’agit bien d’êtreà Cannes autrement qu’en résidant, ou en touriste par exemple, alors même que l’on s’y retrouve en même temps qu’eux, avec eux ; alors même que résidants ou touristes[8] peuvent, à l’occasion d’une invitation, se trouver dotés potentiellement de cette qualité de spectateur qui vient se substituer à toutes les autres, sous réserve cependant d’adopter un mode différent de fréquentation de cette même ville. Négocier avec cet « autre du festival », à la fois si différent et si proche, nous renvoie du reste à l’étude du processus de distanciation sociale mis en oeuvre dans les situations fortement déterminées par la proximité spatiale, problématique sociologique développée par J.C. Chamboredon et M. Lemaire[9] dans un contexte bien éloigné de celui qui nous préoccupe directement ici, mais que nous ne manquerons pas de voir à l’oeuvre en suivant le festivalier dans ses manières d’être présent au festival, de le fréquenter, et de côtoyer ceux qui le fréquentent aussi, mais en « badauds », en spectateurs du spectacle organisé qu’est le festival comme événement public.
La nécessité d’y être conduit donc le festivalier qui arrive à Cannes à se confronter à deux types de lieux. Il a, d’une part, affaire à la ville dans laquelle il est immergé dès son arrivée, côtoyant les autre types d’acteurs urbains définis par leur pratique, par leur régime d’action. Il a, d’autre part, affaire au festival comme organisation repérable dans l’espace urbain. Ainsi l’arrivée à Cannes, par la route, donne rapidement au festivalier l’impression d’une ville qui échappe, en partie, au régime ordinaire de la vie urbaine. Itinéraires modifiés, panneaux indicateurs supplémentaires, circulation de plus en plus difficile au fur et à mesure que l’on approche du centre-ville jusqu’à devenir très réglementée, pour ne pas dire filtrée, aux abords de la Croisette... La liste n’est pas exhaustive mais, bref, toute une série d’indicateurs relatifs à la circulation et à la signalétique urbaine matérialise, pour le rendre ainsi manifeste aux yeux de tout automobiliste, un changement profond dans le domaine de l’accessibilité qui, associée à la diversité des populations et des modèles culturels, constitue pourtant le trait générique de la ville[10]. La réalité festivalière est présente en ville et en modifie les contours habituels : un élément de la diversité de la vie cannoise prend le pas, pour un temps, sur les autres et vient redistribuer l’ensemble. Ceux qui résident et travaillent à Cannes le savent bien, eux qui, pendant plus de dix jours, voient leur « routines » mises à mal quotidiennement et sont tenus d’ajuster leurs trajets et leur « timing » aux contraintes imposées par l’actualité culturelle de la ville.
Espace englobé / espace séparé
Identifiable donc, à partir de la ville, par ce qu’il laisse voir de son ordre propre (ordre local) qui se superpose à l’ordre quotidien de la ville, le festival se donne d’entrée comme une partie bien circonscrite du territoire urbain et assigne du coup un rôle clair au festivalier : d’abord atteindre le lieu du festival pour pouvoir ensuite l’aborder puis l’intégrer, définissant par là même les données élémentaires, considérées ici comme des séquences[11] du programme d’action qui va régir son parcours de spectateur. Pour ce faire, il va avoir à se distinguer des autres pratiquants de la ville et à prendre position vis-à-vis de ce lieu particulier désigné.
Cette représentation schématique de l’expérience initiale, vécue par tout festivalier au tout début de son parcours, laisse d’abord apparaître le festival comme une région interne de la ville, un intérieur englobé qui, pour un temps, prend valeur de région homogène, dont la signification, univoque, ne prête pas à confusion : elle désigne le centre du rassemblement international, temporaire mais stabilisé, du monde du cinéma. En tant que région interne, englobée mais distincte, le festival se définit par la limite qu’il impose, une limite de type frontière qui détermine un au-delà et un en-deçà, une limite donc qui se franchit selon certaines conditions et dont les fameuses barrières que le festivalier connaît bien sont la meilleure illustration. Nous y reviendrons après avoir définit le festival comme région interne de la ville.
En fait, si l’on s’attache à recenser les espaces et les équipements réservés pendant la période du festival (le Palais des festivals et des congrès, ses annexes – qui comprennent les salles de projection et accueillent le marché international du film – et son parking souterrain, le Forum, mais aussi les hôtels Majestic, Hilton, Carlton, Martinez notamment, où sont installés les vedettes, les professionnels du cinéma et les principaux médias qui couvrent l’événement), on constate que l’on a affaire à des espaces somme toute très localisés dans un périmètre relativement restreint par rapport à la ville. C’est le boulevard de la Croisette, compris entre la place du Général de Gaulle à l’ouest et l’hôtel Martinez à l’est qui, en ville, matérialise la limite et enclôt le territoire du festival. Le volume et l’intensité des activités relatives au festival concentrées dans cette zone dotent ainsi le boulevard urbain d’un nouveau statut : celui d’espace de la limite, sorte de clôture urbaine dont on ressent les effets pratiques bien au-delà du périmètre ainsi circonscrit. À partir du boulevard Carnot, on perçoit nettement une diminution notable du degré de porosité des espaces urbains : flux difficile, ralenti, embouteillages, etc., sont autant d’indices de la fermeture progressive de l’espace urbain. Pour décrire plus précisément encore ce processus en s’appuyant sur des opérateurs de disjonction dans l’ordre du parcours urbain qui permettent de spécifier aussi des catégories d’acteurs sémantiquement différentes, on peut observer, dès le carrefour de la place Vauban par exemple, une pratique plus discriminante des espaces de circulation qui distingue, parmi les usagers de la route, ceux qui prennent coûte que coûte la direction de « la Croisette » et ceux qui l’évitent, soit parce qu’ils n’ont rien à y faire, et qu’à cette époque il vaut mieux ne pas avoir à y passer, soit parce que, plus familiers des espaces cannois, ils connaissent les chemins détournés permettant d’autres accès, moins engorgés, vers le centre-ville. Ainsi s’opère une première partition qui scinde les usagers de la route en deux catégories, selon qu’ils actualisent la nécessité de rejoindre les lieux du festival pour les uns ou de s’en éloigner pour les autres. Les premiers seront réputés être des festivaliers qui entrent dans la séquence « atteindre le lieu du festival », alors que les seconds seront classés dans la catégorie des résidants ou encore des actifs, présents à Cannes pour travailler ou pour exercer tout autre type d’activité non directement lié au festival. Ces derniers représentent « les autres du festival » associés à cet « ailleurs du festival » que nous évoquions déjà plus haut. En tout cas, l’effet produit au-delà du lieu même de la pratique festivalière que nous venons de décrire dessine autour de lui une région sensible, dont l’étendue peut varier selon les jours et les heures, le rythme du festival faisant bouger ses limites toujours mouvantes. Si le centre-ville est l’espace de la polyactivité par excellence et que s’y côtoient des publics dont les raisons de la présence ne sont pas, directement et de façon univoque, identifiables, on voit bien ici que cette région sensible constitue en fait une région « arrière »[12] du festival, dans laquelle s’amorcent les mécanismes qui vont définir et régir le territoire même du festival : une accessibilité restreinte et réglementée des lieux, articulée à une exposition maximale des festivaliers.
Mais nous n’en aurons terminé avec la mise en lumière des conditions de formation du territoire du festival qu’après avoir envisagé aussi ce même schéma d’entrée en ville, représentant l’expérience initiale de tout festivalier, dans son aspect dynamique, c’est-à-dire sous l’angle du mouvement qui le caractérise. En effet, si l’on voit bien se dessiner une région qui se délimite géographiquement, on voit bien aussi que ce processus ne s’opère effectivement qu’à travers une structuration de pratiques sociales qui s’organisent soit selon un projet de franchissement pour aller à l’intérieur, soit sur un projet d’évitement qui conduit à rester à l’extérieur du festival. Dans ce dernier cas, c’est la notion de césure entre les deux lieux qui prend concrètement forme, faisant de la « région arrière » une sorte d’entre deux mondes qui contribue à les dissocier clairement. La représentation du festival comme espace englobé est alors caduque. On peut dire que pour tous ceux qui « évitent », le festival est un espace séparé. À l’inverse, dans le premier cas s’actualise plutôt la notion de seuil qui assure la liaison entre la ville et le festival via la « région arrière ». À partir de là, le festivalier, qui prend en charge le parcours et s’inscrit dans le projet de franchissement, se définit comme étant le principal énonciateur du festival comme espace englobé, mettant ainsi en évidence le type de compétence requise pour devenir spectateur : sa capacité à passer d’une région de signification (la ville) à l’autre (le festival) afin d’intégrer, à terme, le lieu du festival, et en être, comme nous disions plus haut.
Parmi les conditions de formation du territoire du festival, il nous faudra compter sur cette faculté à produire de l’espace qui s’ancre dans les différentes modalités du « passage » mises en oeuvre par le festivalier, rejouant à chaque séquence de son parcours la confrontation des lieux (ville/festival) à partir d’une double opération de reconnaissance et d’interprétation des signes ou indices qui témoignent de l’inscription territoriale du festival dans la ville.
Au fil du parcours, la genèse d’espaces intermédiaires
De la ville au festival, les traces du passage
Dans le cadre de la réalisation de la séquence « aborder le lieu du festival », le festivalier est aux prises avec un espace urbain marqué par toute une série de signes plus ostentatoires de la présence et de l’ordre festivalier.
Banderoles, bannières, tentures, photos et affiches habillent la ville en festival et l’affublent, en quelque sorte, d’une accréditation du même type que celle que les festivaliers arborent autour du cou ou sur leur corps, grâce à une épinglette. Rappelons rapidement que celle-ci, officiellement remise par l’organisation du festival, désigne aux yeux de tous le festivalier comme « ayant droit », signifiant à la fois son statut privilégié d’invité et son droit d’entrer[13] dans les lieux réservés. Elle en fait un festivalier « patenté » qui peut agir ès qualités et devenir, à tout moment, un spectateur. Grâce à elle, on peut le repérer et il peut, lui-même, se repérer dans la multitude d’espaces qui, affectés à l’activité festivalière, lui sont dès lors réservés. Cet insigne, qui révèle le fonctionnement interne du festival, est généralement toujours porté, faisant ainsi du corps de chaque festivalier un élément constitutif du territoire du festival et donnant à ce dernier une allure de « bulle » dont les contours suivent les corps « badgés » qui se déplacent, y compris dans les espaces non affectés exclusivement aux festivaliers. On parlera alors de création de « poches festivalières », c’est-à-dire de génération d’espaces qui participent de sa logique symbolique tout en étant en dehors même du territoire. Nous aurons l’occasion de prendre en considération ces cas d’extra-territorialité qui donnent à voir comment le festival s’approprie la ville. Revenons à la notion d’accréditation, qui prend ici la forme d’un signe extérieur d’appartenance pour préciser le sens qu’elle prend quand on l’applique à la ville. Parler d’accréditation pour qualifier l’effet produit par le traitement dont la ville est l’objet comme support des supports de communication du festival, c’est souligner le fait que la ville devient la façade du festival qui lui assure non seulement une dimension extérieure visible, mais encore un pouvoir d’agir sur cet extérieur du territoire en orientant les pratiques qui s’y déploient. Bannières, affiches, banderoles et photos façonnent les abords du festival et les balisent à l’usage du festivalier. Ce que l’on propose ici, comme étant le premier type de signes extérieurs du festival dans sa « région avant », n’opère efficacement que dans une association à d’autres qui, ensemble, viennent confirmer « le passage » de la ville au festival.
Parmi les autres signes, il faut faire une place particulière aux barrières qui organisent le fonctionnement des abords du festival au sein de l’espace public urbain et qui modalisent les principales formes du rassemblement du public quand il aborde le lieu du festival. La limite de type frontière, qui constitue le fondement topologique du festival comme lieu, se trouve en effet redoublée par un dispositif, plus ou moins stable, de barrières métalliques dont la forme (pleine ou évidée) et la couleur (grise, blanche, noire) varient. Certaines portent même au centre le sceau du festival : la fameuse palme peinte en blanc sur fond noir dans un médaillon.
On trouve les barrières grises, les plus banales, plutôt à l’entrée du parking souterrain du Palais du festival ; les noires, portant l’emblème du festival, sont fichées dans le bitume et bordent le côté interne du boulevard de la Croisette ; les barrières blanches évidées canalisent sur l’esplanade, dans sa partie la plus proche des marches du palais, les flux de spectateurs qui présentent une accréditation et une invitation pour assister à une projection ; les blanches pleines, enfin, matérialisent, dès la sortie de leur véhicule, le chemin que parcourent les artistes et les personnalités du cinéma qui se rendent à la projection et qui participent du spectacle programmé.
L’aménagement de cette « région avant » du festival relève du modèle bien connu de la chicane, donnant au seuil une configuration particulière dans laquelle l’abord du lieu devient problématique, et ce, d’autant plus que ce dispositif n’est pas totalement stabilisé. En effet, certaines barrières sont régulièrement déplacées par les organisateurs du festival, selon les moments de la journée : enlevées, réinstallées, voire renforcées les mouvements dont elles sont l’objet en font, en fait, un dispositif mobile particulièrement efficace pour indiquer aussi l’ampleur de l’événement attendu et la tension qu’il suscite entre l’intérieur et l’extérieur.
Cet agencement complexe, qui régule les abords du festival, n’est pas sans effet sur la modification des lieux sur lesquels il porte. La transformation, rendue tangible par les pratiques dont ils sont alors l’objet, nous permet de mettre en évidence la génération des espaces intermédiaires qui assurent la liaison entre l’extérieur et l’intérieur.
De la ville au festival, la composition d’espaces médians à partir des espaces urbains
La transformation des parkings proches du palais, et notamment celui du Palais des festivals, en vestiaires occasionnels, constitue un exemple notable dans ce domaine. Par le jeu des barrières disposées à l’entrée, qui permettent de filtrer l’accès pour le réserver, à partir de 18 heures environ, aux usagers munies d’une accréditation ou d’une invitation à la projection, le parking se ferme au « tout public » : dès 19 heures, il est quasiment impossible d’y accéder en voiture. À toute allure, c’est là qu’on enfile la tenue adéquate pour la soirée. Arrivés trop tard à Cannes pour passer se préparer à l’appartement, les festivaliers profitent de cet accès réservé pour convertir la fonction parking en fonction « loge » : la loge des spectateurs. Sous le regard des acteurs de cinéma, dont les photographies encadrées font office de fiches signalétiques du parking, les festivaliers accrochent leurs cintres à la portière de la voiture, ajustent le maquillage dans le rétroviseur, se parent rapidement pour faire leur entrée dans le haut lieu (au-dessus). Plus tard, après la « séance », on assiste parfois au mouvement inverse : les habits de « parade » sont remisés et l’opération se passe tout aussi naturellement. Comment pourrait-il en être autrement ? Tous ceux qui circulent ici à ce moment-là vivent la même situation, et les regards amusés ou les sourires affichées devant ces scènes toujours discrètes d’habillage/déshabillage rappellent une confraternité de cour d’école. Ce type particulier d’échange entre « usagers du parking », qui, dans le cours de l’action qui les mène au festival, interprètent les indices fournis par le lieu même (connexion du parking au palais dont il est le sous-sol, parois couvertes de photos de cinéma, accès filtré), constitue donc une sorte de procédure de justification qui permet de s’assurer d’un accord de principe sur le sens de l’action menée conjointement par les acteurs de la situation. La nouvelle configuration du parking, toute provisoire qu’elle soit, relève d’une compétence de contextualisation, pour reprendre la terminologie employée par I. Joseph pour présenter la figure du « passant » et spécifier avec elle « la compétence majeure dans cette culture urbaine de l’intervalle »[14]. Mais elle ne représente qu’une des formes que prend la composition d’espace générée par le dispositif des barrières, puisqu’il structure ici un lieu confiné, fonctionnel (il règle le stationnement), prédisposé à la fermeture tout autant que prédisposant à des positions (si l’on stationne toujours sa voiture, d’ordinaire on n’y stationne pas).
En suivant le parcours du festivalier dans la réalisation de la séquence « aborder les lieux », on débouche, au sortir du parking, sur l’esplanade. C’est, cette fois, un lieu urbain disposé à l’ouverture qui se trouve soumis au régime des barrières, dont l’une des fonctions est de contenir la foule rassemblée qui souvent stationne et occupe la place sous forme d’attroupement. Dans sa progression vers les salles obscures, le festivalier se trouve donc immergé dans la foule d’un public très hétérogène qui ne vient pas chercher la même chose que lui. Cette foule, dont il fait pourtant partie, il doit finalement s’en distinguer : traverser l’esplanade pour sortir de la foule et s’associer au groupe, plus restreint et plus homogène, des festivaliers qui prend alors forme dans les files canalisées par les barrières blanches évidées qui constituent les différents couloirs d’accès au lieu, distribuant les festivaliers munis de billets selon la logique interne du lieu (secteurs, rangées de la salle de spectacle).
Ces couloirs débouchent tous sur le côté droit (vu d’en-bas) des marches du palais, sorties latérales, échelonnées, qui permettent de réguler le flux d’entrée en fonction de l’arrivée des artistes. C’est donc latéralement que se fait la jonction avec ce qui fait figure d’entrée principale : celle réservée aux personnalités associées au spectacle est orientée par une double rangée de barrières blanches pleines qui tracent le chemin du boulevard de la Croisette aux marches du palais.
Avec son triple système de barrières, celui qui rassemble la foule, celui qui la dissocie des spectateurs « patentés » et celui, enfin, qui isole de l’une comme des autres les artistes et les personnalités du cinéma qui font partie de la programmation, l’esplanade devient un espace intermédiaire complexe au regard de la relation qu’il organise entre la partie interne du festival et sa partie externe en liaison avec la ville. En effet, les barrières qui ceinturent l’esplanade matérialisent la clôture et avec elle la représentation du territoire du festival comme espace englobé. Dans ce sens, l’esplanade, aux abords du palais, appartient déjà à l’interne. Par le jeu de ce que nous avons appelé, d’une part, les « couloirs latéraux » d’accès au lieu et, d’autre part, le « couloir principal », l’esplanade se donne à voir, dans son fonctionnement, comme le seuil d’entrée vers l’intérieur ; espace seuil qui présente la particularité d’être une projection « éclatée » de l’organisation intérieure auquel il permet l’accès, puisque les « couloirs » opèrent deux distinctions qui trouveront leur traduction dans la salle de projection : la première entre la sélection d’artistes et de personnalités associés à la projection qui seront placés au centre, dans la partie avant de la salle, et l’ensemble des spectateurs munis d’une invitation qui prendront place autour ; la deuxième au sein même des spectateurs selon le secteur qu’ils occupent dans la salle, plus ou moins proche du centre. La partition réalisée sur l’esplanade correspond à un mode hiérarchisé de répartition dans la salle. Entre l’esplanade et la salle, et dans l’espace-temps limité, mais fortement ritualisé[15], de la montée des marches, les deux flux se rejoignent, les distinctions s’effacent dans une grande proximité que certains festivaliers recherchent ardemment[16], même si bien sûr le maître de cérémonie, en haut des marches, n’annonce publiquement que la montée des « stars ». Enfin, les barrières structurent aussi l’esplanade ainsi organisée comme le lieu d’un spectacle, celui que le festival offre « hors projections » comme une première partie. Pour nombre de personnes issues de la foule, les barrières deviennent des points d’appui, sortes de balustrades à partir desquelles la foule trouve un principe d’organisation en se positionnant, à l’extérieur, comme spectateurs de ce qui se passe dans cette partie externe de l’intérieur. Certains, habitués, s’installent tôt et attendent, juchés sur un tabouret ou un petit escabeau, de profiter pleinement des scènes d’arrivée. Pour ceux qui sont plus loin, moins bien placés, les scènes sont, comme par exemple la montée des marches, retransmises sur un écran géant. Les badauds et leurs manières « d’habiter » l’esplanade ont sans doute contribué, pour leur part, à attester de la valeur cérémonielle de ce « spectacle », puisqu’il se trouve retransmis aussi à l’intérieur, sur le grand écran de la salle de projection, à l’attention des spectateurs confirmés déjà installés. Le dispositif visuel est reconduit pour suivre la sortie qui permet à la collectivité des spectateurs réunis dans la salle de se défaire très progressivement, jusqu’à se fondre dans la foule.
Pour conclure sur cet espace complexe construit à travers la réalisation des deux phases principales du parcours, « aborder le lieu » et « intégrer le lieu », il reste encore à préciser que l’accès au rang de spectateur, aboutissement réussi du parcours du festivalier, est toujours temporaire : chaque jour, pour chaque projection, cette partie du parcours qui concerne la « région avant » du festival est rééditée. Il y a, dans la reproduction de ces phases du parcours, quelque chose de l’ordre du phénomène d’habituation, qui donne au festivalier qui séjourne suffisamment longtemps, ou qui n’en est pas à son premier séjour, une certaine familiarité qui le dispose à une maîtrise plus parfaite de l’ensemble du dispositif, notamment dans la gestion des espaces-temps où se réalise le franchissement du dernier seuil évoqué plus haut : celui qui ouvre l’accès aux marches pour les séances officielles. L’étude des situations d’échec, d’une part, qui se traduit par un refoulement, et de stratégie réussie d’entrée sans billet pour la séance, d’autre part, que nous avons pu mener[17], montre bien l’importance d’un savoir-faire du festivalier construit sur un contrôle assuré des effets de seuils et de ses retombées identitaires, puisqu’il s’agit, dans cet ultime passage, de devenir spectateur. Ce statut, jamais acquis définitivement, on l’a dit, ne s’actualise véritablement que dans la salle ou, mieux, dans l’occupation de la salle ; pratique qui associe, directement et sans aucun doute possible, « avoir » (avoir une place) et « être » (être spectateur). Le processus d’appropriation et son socle territorial trouvent ici une forme exemplaire : c’est dans l’occupation de la salle que se construit le « corps » des spectateurs, et qu’advient pour chacun d’eux le sentiment d’en être. Prendre dûment possession de sa place dans la salle, forme expressive de l’être spectateur, est un acte performatif, dont l’efficace est sociale : avènement du sentiment identitaire pour soi comme aux yeux des autres. À observer ce qui se passe dans la salle avant le début de la séance, on comprend bien que ce statut est gagné et qu’il n’est pas gagné pour tout le monde : on s’inquiète de l’arrivée d’un tel, on ne peut réserver trop longtemps une place non occupée, on jette des regards circulaires dans la salle pour prendre la mesure de l’ensemble auquel on appartient désormais, on se félicite parfois, entre amis, de se retrouver là et de partager, comme dans une communion, ce qui nous réunit... Dans ce sens, « Intégrer le lieu », c’est donner forme à un espace de semblables dont on retrouve parfois des traces en ville.
De la ville au festival, la formation d’extraterritorialité
On a jusqu’ici considéré le parcours du festivalier comme un déplacement tendu vers sa phase finale : l’entrée dans les salles de projection. Certes les séquences « atteindre le lieu », « aborder le lieu » et « intégrer le lieu » constituent des moments forts de ce parcours et sont donc privilégiées pour mener l’analyse des formes qui rendent le festival présent à la ville. Pourtant, on n’aura pas complètement rendu compte de ce parcours si l’on ne s’attache pas aussi aux autres espaces urbains, fréquentés par le festivalier au cours de son séjour. Parmi eux : ceux qui sont situés à proximité immédiate du festival, mais en dehors des limites fixées par le dispositif de barrières, et qui continuent d’appartenir au registre ordinaire de la vie urbaine. La rue, bien sûr, en fait partie, et l’observation de la circulation piétonnière laisse apparaître la formation de cohortes de corps « badgés », affublés de sacs à l’enseigne du festival, dévoilant programmes, journaux et autres types de documents du festival. Comme on l’a déjà évoqué plus haut, la densité des festivaliers, considérés comme des corps en mouvement identifiables, forme, dans l’espace public, des « poches festivalières » qui troublent notamment l’ordre de la rue en tant qu’elle est d’abord une société d’anonymes. Mais ce sont les cafés du boulevard de la Croisette, et notamment ceux qui sont situés entre le Casino et l’esplanade G.-Pompidou, de même que les bars, snacks et restaurants des rues perpendiculaires à la Croisette et à la rue d’Antibes, qui offrent à l’observateur de nombreux exemples de formation de ces « poches festivalières », qui sont tout autant des coins de replis, de repos entre deux séances, que des lieux de rendez-vous (regroupement/dégroupement) où se préparent les programmes des journées et des soirées, où se discutent les films vus ou à voir. Si ce sont des espaces privilégiés de l’échange, il ne s’agit pas là que d’échanges entre personnes qui se connaissent déjà : la communication s’installe aussi entre les festivaliers, ces inconnus qui ne sont jamais finalement ni des anonymes ni des étrangers, et qui reconnaissent à leur badges qu’ils appartiennent au même monde. On assiste là à des échanges d’avis, à des trocs de billets, on se « tuyaute » aussi, parfois, pour entrer dans les fameuses soirées cannoises. Cette complicité qui s’installe n’est pas seulement un mode de relation entre clients-festivaliers, elle règle aussi, pour peu que l’on prenne ses habitudes dans un de ces établissements, les interactions entre le (ou les) serveur(s) et les festivaliers. Le registre privé des relations prend le pas sur le registre public plus conventionnel : il arrive que le serveur vous appelle par votre prénom repéré sur votre badge, qu’il vous interroge sur votre journée, qu’il s’étonne de vous voir seul, qu’il plaisante sur votre allure (fatigué ?) ou qu’il fasse preuve d’une bonne connaissance (déjà !) de vos habitudes de consommation.
Cette modalité particulière du séjour du festivalier, faite de présences périodiques mais régulières, et les traces d’installation d’une sociabilité de semblables –ou encore de complices – signent là encore le passage de la ville au festival à travers une opération d’interprétation des indices de la réalité festivalière fournis par le cadre et ses acteurs (bars à proximité du festival, qui accueillent des festivaliers affichant parfois ostensiblement leur statut). Cela peut aller jusqu’à la transformation du bar en lieu de travail pour ces professionnels du festival que sont les journalistes : deux ou trois tables, dans un coin, occupées quotidiennement par le même journaliste qui prépare ses interviews ou revoit ses notes pour un article.
Territoires temporaires du festivalier, les bars constituent les régions excentrées du festival où se rassemblent ceux qui en viennent et y vont. Si les festivaliers qui circulent dans les rues proches du festival en déplacent, avec eux, les limites, donnant ainsi l’image d’un territoire mouvant qui diffuse dans le tissu urbain jusqu’à s’y dissoudre, la mutation des bars témoignent, elle, d’une emprise ponctuelle et localisée du festival sur la ville.
La territorialisation du festival
En bons cinéphiles, en festivaliers centrés sur leur passion, sur leur volonté de voir le plus de films possible pendant leur séjour, les personnes que nous avons interrogées sur les espaces qui font, à leurs yeux, le festival, citent en majorité et dans cet ordre le palais, ses marches et son marché (MIF), le Forum, la Croisette, les cinémas... Fait d’énumération de noms de lieux, comme autant de points sur une carte, leur discours sur cette question délimite certes un espace plus limité que celui que nous fournit l’analyse du parcours, mais il formalise clairement l’espace du festival comme un espace qui s’énonce à partir du Palais des festivals, dont il est le centre reconnu. Même si, pour nombre de personnes interviewées, il n’est pas le seul lieu fréquenté, il constitue cependant un point de repère majeur à partir duquel s’organise leur journée : il se trouve au coeur des routines du festivalier. Parce que le palais fait office de point de ralliement (c’est là que le festivalier retire son accréditation en arrivant, mais aussi ses places, tous les jours), le spectateur y retrouve ses compères. Plus significativement encore, il cristallise tous les enjeux liés à la fréquentation et à l’accès que nous avons soulignés tout au long de ce travail. Espace centré sur le palais donc, mais aussi espace centripète, qui renvoie à la périphérie tous les autres lieux que le festivalier est amené à fréquenter pendant son séjour, et qui secondarise les activités non directement orientées vers l’actualisation de son destin de spectateur. On notera, en outre, que cette orientation centripète, qui traduit un phénomène de tension qui ramène en quelque sorte la ville au festival, contribue à définir une nouvelle toponymie des lieux : personne ne vous parlera par exemple de l’esplanade G.-Pompidou, mais vous dira « la place devant le palais », « en bas des marches »[18].
Finalement, même si les festivaliers interrogés semblent apparemment peu sensibles à cette représentation mouvante et excentrée du territoire du festival que nous avons vu prendre forme, gagnant sur la ville et perturbant son régime ordinaire de fonctionnement et ses modes de sociabilité, ils décrivent, dans leur délimitation centrée et centripète, cette région interne, englobée, spécialisée dans ses activités tout autant que par les pratiques qui s’y déploient, dont nous avons déterminé les formes dominantes et dont nous avons mis au jour le fonctionnement, y compris à l’extérieur. Ce que nous avons voulu montrer en travaillant à partir du modèle du parcours, c’est que la territorialité ne se construit pas seulement par et à travers une opération de délimitation, mais aussi par les déplacements et les types de franchissement que les caractéristiques mêmes de la délimitation infèrent directement ou rendent possibles, et cela compte tenu des types d’acteurs sociaux engagés. À partir de la définition d’un territoire du festival topologiquement fondé sur une limite de type frontière, et orienté par le programme d’action des festivaliers composé de trois séquences, nous avons développé les premiers éléments d’une matrice sociosémiotique de définition des « aspects »[19] du territoire festivalier pour traiter des manières de faire l’espace, comme on le fait quand on s’intéresse aux manières de dire, en tant qu’elles construisent « une communauté de langage définie par le rapport conflictuel entre des règles de grammaire et des règles d’usage »[20].
Appendices
Note biographique
Marie-Hélène Poggi
Marie-Hélène Poggi est maître de conférences au Département des sciences de l’information et de la communication de l’Université d’Avignon et des Pays du Vaucluse, chercheur au laboratoire Culture et Communication de cette même université, membre de R.U.S.E. (Réseau urbain des sciences de l’espace). Sociologue, elle travaille principalement sur les espaces publics urbains, les formes urbaines de la médiation, les expériences artistiques et culturelles en milieu urbain. À lire : « La ville en festivals », dans E. Ethis (sous la dir. de), Avignon, le public réinventé, La Documentation française, Paris, 2002 ; « Le quartier du Marais. Le mélange et le feuilleté », Pour une sociologie de la forme, Mélanges Sylvia Ostrowetsky, textes réunis par N. Marouf, CEFRESS-L’Harmattan, 1999, p. 364-390.
Notes
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[1]
A. J. Greimas et J. Courtés, Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du langage. Paris, Hachette, 1979, p. 269.
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[2]
Terme que l’on comprend ici comme une modalité générale qui recouvre différents modes de pratique des espaces cités, allant d’une « traversée » à l’installation quasi « appropriative », matérialisant des « espaces réservés ».
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[3]
Nous reviendrons sur cette notion de « cadre ».
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[4]
M. Merleau-ponty, Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard, 1945.
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[5]
Enquête menée essentiellement par un questionnaire administrée auprès du public du festival en mai 1999 et mai 2000. Dans l’enquête, nous avons intégré une phase dite d’entretien « court » qui permettait notamment de revenir sur « l’espace-temps du festivalier », aspect abordé dans le questionnaire d’enquête à travers des questions plus fermées (questions 5 et 11 : « votre séjour à Cannes » ; « Avez-vous déjà participé à une fête au Festival de Cannes cette année ?) pour se donner les moyens de saisir la manière dont l’activité du festivalier s’inscrivait (ou non) dans une pratique plus globale de la ville et de repérer les lieux qui organisent concrètement le territoire du festivalier pendant son séjour. D’autre part, l’administration même de l’enquête a été l’occasion, pour les enquêteurs, de mener des observations sur les modes de présence des festivaliers.
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[6]
M. de Certeau, « Pratiques d’espace » (iiie partie), dans L’Invention du quotidien. Arts de faire, Paris, U.G.E., 1975, p. 171-227, notamment p. 208.
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[7]
M.-H. Poggi, « Les spectateurs vus de la ville. Pour une approche située de l’« être spectateur », dans E. Ethis (sous la dir. de), Aux marches du palais. Le Festival de Cannes sous le regard des sciences sociales, Paris, La Documentation française, 2001, p. 117.
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[8]
Selon les données de l’enquête, les résidants cannois représentent 28,9 % de notre échantillon.
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[9]
J.C. Chambredon et M. Lemaire, « Proximité spatiale et distance sociale : les grands ensembles et leur peuplement », Revue française de sociologie, xi, Paris, 1970, p. 3-33.
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[10]
Nous faisons référence ici à l’approche développée par U. Hannerz, Explorer la ville. Éléments d’anthropologie urbaine, Paris, Minuit, 1983.
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[11]
Nous reprenons ici une notion propre à la sémiotique narrative.
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[12]
Selon la terminologie employée par A. Giddens, La Constitution de la société, Paris, P.U.F., 1987, p. 163-200.
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[13]
On sait qu’il existe plusieurs types d’accréditation faisant varier ce droit d’entrée pour lui donner une extension plus ou moins grande.
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[14]
I. Joseph, « Les compétences de rassemblement, une ethnographie des lieux publics », Enquête n°4, Marseille, Éd. Parenthèses, 1996.
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[15]
Nous renvoyons sur ce point particulier à la contribution de P. Lardelier, « La montée des marches. Une lecture sémio-anthropologique du Festival de Cannes », dans E. Ethis (sous la dir. de), op. cit., p. 91-109.
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[16]
On a pu observer le développement de stratégies de la part de certains pour n’entamer leur montée des marches que dans l’entourage des stars ou personnalités, profitant de l’occasion pour se trouver sous les crépitements les plus vifs des appareils photo et se donner ainsi une chance d’immortaliser ce moment...
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[17]
M.-H. Poggi, op. cit., p. 127-130.
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[18]
Devant/derrière, en face, à droite/à gauche, à côté, à l’intérieur/en dehors du palais (ce dernier terme servant à évoquer les autres lieux de projection) ; quelques exemples de création d’un vocabulaire ad hoc, c’est-à-dire circonstancié et situé, dépendant strictement de la situation d’énonciation et donc peu transférable au-delà.
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[19]
Cette notion issue des sciences du langage est reprise et travaillée par P. Boudon, « Catégoriser la forme spatiale – Approche sémiotique de la catégorie de l’aspect dans la formation du territoire », dans S. Ostrowetsky (sous la dir. de), Processus du sens – Sociologue en ville n°2, Paris, L’Harmattan, 2000.
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[20]
D. Hymes, « Foundations in Sociolinguistics », University of Pensylvania Press, 1974, réf. citée par I. Joseph, op. cit., p. 117.