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1. Introduction

La question de la diversité à l’école interroge la société française car elle vient remettre en cause un des principes fondateurs de l’école républicaine: la laïcité. En effet, des individus coexistent au sein d’une société pluriculturelle et peuvent avoir des valeurs différentes. Cela soulève les perspectives d’intégration de certains groupes ethnoculturels, venant interroger les politiques éducatives, la perception de l’altérité, et même la manière dont est envisagée la laïcité dans un même espace-temps. Quelles approches au sein du système éducatif permettraient de renforcer la cohésion sociale? Ce dernier syntagme est entendu ici comme «caractéristique des organisations sociales qui résulte des processus d’intégration sociale et qui rend compte de la stabilité et de la force des liens sociaux à l’intérieur d’un groupe donné» (Alpe et al., 2005, p. 34). En somme, c’est la vie de ce à quoi l’on s’identifie qui est en jeu, notre identité corrélative à une culture (Alí, 2023). La question de l’intégration est devenue un poncif médiatique qui ne cesse de postuler une interrogation fondamentale se fondant sur une prétendue absoluité des cultures irréductibles à elles-mêmes: il nie en cela les dynamiques tout juste évoquées montrant l’intrication des particularismes qui se renforcent en raison d’une peur de perdre un «qui nous sommes» qui les fonde, mais ne les prédestinant somme toute pas à la confrontation.

Le système éducatif français se retrouve ainsi confronté à cette pluralité et se doit de prendre en considération la diversité des élèves, comme cela est mentionné dans le référentiel des métiers du professorat et de l’éducation (Ministère de l’Éducation nationale [MEN], 2013). Or, la laïcité postule une neutralité nécessaire dans l’espace public (Barbier, 1993) et, de facto, un nouveau défi s’impose à l’école de la République, celui de jauger ce qui relève de la limite du tolérable ou non (Mony, 2011).

Une ouverture à la diversité culturelle et aux capacités de dialogue semblent nécessaires afin que chacun, au sein de la société, puisse s’envisager en continuité dans autrui et qu’il soit appliqué à «notre personne» (Ricoeur, 1995, p. 105). De son côté, l’École forme des citoyens et citoyennes en vue qu’ils acquièrent des compétences transformatives et les développent dans le but notamment de «concilier tensions et dilemmes» (OCDE, 2018).

Ainsi se dessine le fait de tendre vers une interculturalité définie par l’UNESCO dans la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles comme renvoyant «à l’existence et à l’interaction équitable de diverses cultures ainsi qu’à la possibilité de générer des expressions culturelles partagées par le dialogue et le respect mutuel» (UNESCO, 2005, p. 16).

En outre, l’art est articulé au social et crée des relations entre diverses cultures (Morel, 2020) qui supposent un renforcement des liens sociaux, donc implicitement de la cohésion sociale (Alpe et al., 2005). Dès lors, l’art peut être envisagé comme medium (Morel, 2020) offrant une perspective d’interculturalité aux élèves et permettant d’augurer un tissu social nouveau, une culture tierce (Guerraoui, 2009) à partir des différences culturelles.

Cet article pose quelques préalables conceptuels à l’axe «Le développement de compétences transformatives à travers l’apprentissage des et par les arts» en proposant un regard sur l’«advenir au monde» dans un contexte de pluriculturalité limité à la France. Il vise, après avoir délimité les notions de laïcité, de diversité culturelle, ainsi que celles de compétences transformatives, à mettre en miroir deux enseignements scolaires – l’enseignement moral et civique et les arts plastiques –, dans la perspective de trois des points fondant la charte de l’éducation artistique et culturelle (Haut Conseil de l’éducation artistique et culturelle [HCEAC], 2016) pour proposer une amorce de réponses aux enjeux interculturels qui traversent l’école.

2. Retour sur quelques concepts

2.1 La laïcité

La laïcité est une notion ayant été particulièrement mise à l’épreuve dans le débat public en France lors des 15 dernières années et tandis qu’elle semblait «acquise et acceptée par tous, [...] elle est devenue une notion [...] au contenu extensible et diversement interprétable» (Barbier, 2005, p. 129). La définir historiquement nous permettrait ainsi de la resituer.

Le processus français de laïcisation s’inscrit dans la continuité du climat d’intolérance hérité de la Contre-Réforme (1545-1648), quand l’Église catholique s’était posée en «concurrence vis-à-vis de l’État» en souhaitant contrôler la vie sociale (Mony, 2011). L’institution étatique, par la suite, arrivera progressivement à affaiblir le pouvoir et l’action de l’Église avec la loi séparant cette dernière de son ingérence dans le politique (loi de séparation des Églises et de l’État, 1905). Maurice Barbier parlera notamment de laïcité-séparation: ici, l’État se dégage de l’influence de la dogma en affirmant la liberté de culte qui doit toutefois s’exercer dans la sphère privée (Barbier, 1993). À l’époque contemporaine, ce même auteur soulève que les textes juridiques français applicables tels que la loi Goblet (1886), la Constitution de 1946 ou encore celle de 1958 sont tous les trois orientés vers une exclusion de la religion de la sphère publique, donc implicitement de l’école républicaine (Barbier, 2005). Pour autant, nous sommes «à une époque qui insiste au contraire sur l’intégration» (Barbier, 2005, p. 132), tandis que d’un point de vue législatif et constitutionnel, la laïcité est à entendre selon une acception d’absence de reconnaissance des cultes et leur exclusion par l’État.

Cependant, certaines pratiques de diverses communautés en France, qu’elles soient chrétiennes, musulmanes, juives, etc., ne traduisent pas forcément «la puissance de l’adhésion à ces croyances», et peuvent de facto faire l’objet d’une forme de répression au sein de l’espace public car automatiquement interprétées comme véhicules d’une pensée religieuse (Kilani, 2005, p. 2). La sphère publique, et donc l’école républicaine, ne saurait dès lors accueillir en son sein que ce qui n’a d’attrait pour la neutralité religieuse afin qu’aucun prosélytisme ne se manifeste. Jacqueline Gautherin emprunte à l’anthropologie le syntagme «grand partage» pour décrire la perception de la laïcité à la française:

[Avec] d’un côté, la République, les institutions publiques, l’école, les maîtres, les élèves, les savoirs savants et la culture universelle, de l’autre, les Églises, les communautés, les familles, les enfants, les savoirs vernaculaires et les cultures particulières.

Gautherin, cité par Garnier, 2014, p. 129

Les religions peuvent chercher en cela la reconnaissance de l’État, voire lui faire accepter leurs propres positions (Barbier, 2005) selon une logique où «reconnaître» serait «la compensation d’un manque ou la correction d’une perception» (Savidan, 2022, p. 35).

La laïcité définie par son cadre juridique interroge la diversité des cultures qui coexistent au sein de la société française, et dont le sacré ne sera pas forcément séparé du profane avec un primat accordé «à l’esprit magique et à la religion», ces derniers régulant toute la structure d’une culture (Dasen, 2002). De facto, elle serait à envisager comme principe et non comme idéologie, comme medium d’une construction collective et non comme principe immuable (Abdallah-Pretceille, 2017).

2.2 Diversité culturelle

La diversité qui nous intéresse ici est la diversité culturelle. Nous entendrons le concept de «culture» comme «un système de représentations spécifique à l’espèce humaine [donnant] cohérence, sens et signification au vécu individuel et collectif» (Akkari, 2009, p. 14). Selon la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, il s’agit de «la multiplicité des formes d’expression des cultures, des groupes, et des sociétés» (UNESCO, 2005, p. 14). Ce même document évoque le patrimoine culturel, les modes de création, de production, de diffusion et de jouissance artistique comme différents aspects de sa manifestation, qui peut être «source d’échanges et de créativité» (UNESCO, 2005).

L’émergence du concept est liée à la confrontation des différentes expressions culturelles, donc de différents systèmes de représentation (Akkari, 2009), face au processus d’homogénéisation découlant de la mondialisation, ce qui en fait un «garant du maintien de politiques nationales ou régionales liées à sa préservation» (Mairesse et Rochalandet, 2015, p. 169) et de la reconnaissance des différentes cultures par l’État. Or, comme évoquées précédemment, ces dernières peuvent toujours être empreintes de religieux, celui-ci «créant de la culture, la plupart du temps implicitement, parce que la religion est aussi vécue comme une culture» (Roy, 2008, p. 193).

Nous pouvons donc percevoir une certaine tension en France entre les concepts de laïcité et de diversité culturelle. Cela nous interroge quant à des perspectives de dialogue entre la société française marquée par la laïcité, sous son acception juridique, et des individus qui y vivent tout en manifestant une culture différente. Outre la définition préalablement exposée d’Akkari, ce dernier terme peut être défini comme «un ensemble complexe incluant les savoirs, les arts, les moeurs, le droit, les coutumes ainsi que toute disposition ou usage acquis par l’Homme en société», selon une perception dite culturaliste (plus particulièrement évolutionniste) (Tylor, 1871, p. 1), ou comme «expression d’une stratégie identitaire», selon une appréhension subjectiviste (Alí, 2023, p. 34). On note que la différence entre les conceptions culturaliste et subjectiviste repose sur une vision fixiste de la culture pour la première, dynamique et évolutive pour la seconde. Nonobstant, la culture se manifeste à travers un ensemble de diversités qui pourrait introduire «du conflit au moins potentiel» (Savidan, 2022, p. 59) en raison d’une pluralité de visions du monde (Alí, 2023). Dès lors, la diversité culturelle élargirait le concept de laïcité en incluant cette même pluralité.

2.3 Identité culturelle, pluriculturalité, interculturalité

Il convient ainsi de tenter d’éclairer quelques concepts découlant de celui de «culture». Le premier est celui d’identité culturelle. Dans une perspective culturaliste, elle est «consubstantielle à une culture particulière» et relève d’un certain nombre d’attributs qui lui seraient afférents. Entendue au prisme du concept d’«ethnicité», elle est la manifestation du partage fondamental des émotions et solidarités du groupe, lesquelles structurent ce dernier. Enfin, dans une perspective subjectiviste, elle est «un sentiment d’appartenance à une collectivité [manifestant] les représentations que les élèves se font de la réalité sociale» (Cuche, 2016, p. 99-100). La pluralité d’approches du même concept laisse cependant émerger une nécessaire attache de l’individu à son identité culturelle, étant donné qu’elle lui est consubstantielle. Nous notons que l’identité culturelle n’est pas figée, l’appartenance pouvant être multiple dans le cas de pluri-identités (Molina-Luque, 2002). En effet, la culture n’est ni statique, ni renfermée sur elle-même (Gravel, 2005), mais relève de processus sociaux complexes induits par des réinterprétations de soi.

La confrontation de ces mêmes identités au sein d’un même espace-temps nous oriente de facto vers le concept de pluriculturalité, qui relève d’une «cohabitation de la pluralité des cultures» (Poche, 1999, p. 51). Ce terme est employé majoritairement pour qualifier un contexte social et n’introduit pas d’interrelation entre les individus porteurs de racines culturelles différentes.

Subséquemment, le concept d’interculturalité est convoqué pour pouvoir penser au-delà d’une simple cohabitation. L’interculturalité renvoie «à l’existence et à l’interaction équitable de diverses cultures ainsi qu’à la possibilité de générer des expressions culturelles partagées par le dialogue et le respect mutuel» (UNESCO, 2005, p. 16). Ainsi est introduite une dimension dialogique supposant un échange interculturel, qui serait selon Guerraoui (2009) «une culture processus […], résultat de co-constructions intersubjectives» (p. 198). Toutefois, comme cela est le cas au Québec, il s’agit de pouvoir être en mesure d’«outiller les enseignants» pour exercer dans un tel contexte de diversité (Armand, 2013), de pluriculturalité, qui implique parfois la confrontation de visions du monde. Cela passe notamment par la formation des enseignants et enseignantes, qui ne doit pas tomber dans une caricature interculturelle mettant l’accent sur la connaissance élargie des différences en elles-mêmes – ce qui risquerait d’accroître un certain différentialisme – (Steinbach, 2012; Abdallah-Pretceille, 2017), mais s’orienter en permanence vers un idéal universaliste (Akkari, 2009).

Notre rencontre avec l’altérité interroge notre «capacité à vivre-ensemble» (Crispi, 2015, p. 17), à envisager qu’une vision différente et la sienne propre puissent converger au sein d’un espace de rencontre relatif à une culture commune (Guerraoui, 2009; Krause, 2008). Cette dernière ne représente pas un corpus de normes et valeurs devant être nécessairement assimilées, mais plutôt un ensemble d’attitudes ou de compétences favorisant l’échange et le dialogue. Ainsi, elle apparaît également comme une culture tierce (Guerraoui, 2009) où les différences demeurent relatives à des visions du monde (Alí, 2023; Krause, 2008), mais orientées vers un but commun. En effet, l’interculturalité étant une situation «d’interdéfinition des individus et des groupes les uns par rapport aux autres» (Abdallah-Pretceille, 1997, p. 126), cette perspective résulte de facto d’une reconnaissance et d’une valorisation mutuelle des différences au profit d’une universalité permettant de construire du commun (Akkari, 2009) et de résoudre des conflits occultant la cohésion par la voie du dialogue (Abdallah-Pretceille, 2017). Chacun serait en capacité, dans une logique interculturelle, de reconnaître son propre ethnocentrisme (Spaëth, 2014) pour aller au contact de l’Autre et de tisser avec lui un espace commun riche de différentes composantes culturelles. En somme, il s’agit de développer une «identité relationnelle» qui ne serait pas figée, rangée du côté de l’idem (Lamarre, 2019, p. 68), mais du côté du dialogisme supposant «de communiquer au sujet de réalités sociales en termes d’alter» (Marková, 2005, p. 27).

Parmi les formes scolaires occidentales décrites par Dasen (2002), l’école de la République française met en avant le contraste entre «éducation traditionnelle et enseignement occidental classique» (Dasen, 2002, p. 113): l’une relève de la permanence, de la constance, tournée vers la pérennisation de la structure préexistante de la société, là où l’autre relève de la spécialisation, du momentané, et revêt un caractère élitiste, tournée vers le progrès. Peuvent se confronter ainsi, au niveau pédagogique, la connaissance éprouvée, transmise par le vécu et par l’oral au sein d’une structure culturelle déterminée, et la connaissance intellectuelle extérieure au vécu, abstraite, et communiquée par l’écrit. Effectivement, l’«enjeu interculturel [est] de faire en sorte que [la] pluralité culturelle ne soit pas celle d’une juxtaposition sans porosité ni interpénétration, fixiste et construite sur des séparations et des enfermements» (Abdallah-Pretceille et Porcher, 2001, p. 19) et repose ainsi sur une culture tierce, un espace de rencontre (Guerraoui, 2009; Krause, 2008). Dans cette perspective, le dialogue doit prendre la forme d’un «modèle de communication dialogique permettant la construction [de cette] troisième culture» (Casrnir, cité par Berthoud-Aghili, 2002, p. 149). Il s’agit donc de mettre en place une zone de tampon des divergences par l’acceptation mutuelle du compromis sans vouloir imposer d’une quelconque manière son propre modèle. L’enjeu d’une interculturalité serait ainsi d’envisager une cohésion sociale «rendant compte des liens sociaux à l’intérieur d’un groupe donné» (Alpe et al., 2005, p. 34). Ces mêmes liens appellent en conséquence des compétences qui permettraient de renforcer les aptitudes au dialogue entre différentes cultures (Berthoud-Aghili, 2002) afin qu’advienne un échange interculturel au sein d’un espace qui y soit favorable (Guerraoui, 2009). Corollairement, une éducation interculturelle suppose «d’apprendre à vivre ensemble» (Neuner, 2012, p. 18) via une relation dialogique entre élèves porteurs de différences culturelles, et développée à partir d’actions concrètes de la part des adultes (Kerzil, 2002). De plus, ces pratiques pédagogiques à vocation interculturelle ne doivent pas être coupées de la sensibilité et introduire un «espace sécuritaire pour promouvoir l’apprentissage émotif et affectif et en offrant la possibilité de transformation personnelle significative» (Steinbach, 2012, p. 166).

Selon une logique interculturelle prenant en considération la sensibilité, la rencontre avec l’art permet de faire évoluer le «regard sur l’Autre» (Morel, 2020, p. 54), en considérant autrui comme partenaire (Abdallah-Pretceille, 1997). L’enseignement des arts induirait un changement de perspective dans l’appréhension de l’altérité et augurerait un espace de rencontre (Guerraoui, 2009; Krause, 2008). Dépassant ainsi l’appréhension fixiste de la culture, les individus dialoguent à partir de leurs conceptions respectives dans une logique d’ouverture. Il est dès lors possible d’envisager les arts comme medium d’une perspective interculturelle, d’autant plus que le social et le sensible sont interdépendants (Laplantine, 2005).

2.4 Compétence et compétences transformatives

Hérité de la sphère du management, le concept de compétence se doit d’être mis à l’épreuve d’une autre tentative de définition en sciences de l’éducation et de la formation (Develay, 2015). Selon Develay, elle est un «savoir-agir» qui se construit via des connaissances, des capacités (compétences transversales), des habiletés physiques et manuelles, ou encore des attitudes (comportements sociaux), et résulte de cette combinaison instantanée afin de se manifester (Develay, 2015). Elle se distingue d’un savoir-faire en ce que l’apprenant ou l’apprenante usant d’une compétence pourra expliciter les raisons de son agissement, ce qui en fait un «savoir-agir réfléchi» (p. 57).

Du côté du ministère de l’Éducation nationale, la notion de compétence est définie au sein du socle commun de connaissances, de compétences et de culture (MEN, 2015) comme «l’aptitude à mobiliser ses ressources (connaissances, capacités, attitudes) pour accomplir une tâche ou faire face à une situation complexe ou inédite» (p. 5). Notre attention se porte également sur une explicitation donnée dans le volet 2 des programmes du cycle 2 (MEN, 2020) présentant les enjeux dans les différents domaines du socle commun (MEN, 2015). En effet, au sein du domaine 5 intitulé «Les représentations du monde et de l’activité humaine», il est avancé que «les élèves utilisent leurs connaissances et leurs compétences lors de la réalisation d’actions et de productions individuelles, collectives, […] lors de la conception et de la création d’objets dans des situations problématisées» (MEN, 2020, p. 36). La compétence semble également être envisagée ici comme un «savoir-agir».

Dans un contexte de pluriculturalité et afin de tendre vers une interculturalité, nous pouvons envisager un ensemble de «savoir-agir» qui répondrait d’une cohésion sociale.

Au sein du projet Éducation 2030 développé par l’OCDE, le concept de compétence est également mobilisé: «[Il] ne se réduit pas à l’acquisition de connaissances et d’aptitudes, il suppose la mobilisation de connaissances, compétences, attitudes et valeurs pour répondre à des besoins complexes», ceux du monde de demain (OCDE, 2018, p. 6). Ce document définit également trois nouvelles catégories de compétences, dites «transformatives», et qui sont formulées dans la perspective d’une nécessité pour les élèves de demeurer «inventifs, responsables et conscients des réalités» (OCDE, 2018, p. 7): créer de la valeur nouvelle, concilier tensions et dilemmes, être responsable.

La pluriculturalité fait partie de ces réalités en raison de l’enjeu d’une «capacité de vivre-ensemble» (Crispi, 2015, p. 17) relative à une potentielle conflictualité inhérente à la diversité culturelle (Savidan, 2022). En effet, c’est à travers «la capacité d’agir des apprenants» et des apprenantes et même leur «co-capacité d’agir» qu’ils pourront «évoluer dans un monde complexe et incertain» (OCDE, 2018, p. 5). Créer de la valeur nouvelle nécessiterait ainsi «une capacité d’adaptation», «d’imaginer de nouveaux modèles sociaux», «de la créativité, curiosité, et ouverture d’esprit». Concilier tensions et dilemmes impliquerait le fait de «développer la capacité de comprendre les besoins des autres», de «mener une réflexion plus globale» et de «se garder de conclusions hâtives». Enfin, être responsable impliquerait le fait de «penser pour nous-mêmes et travailler avec d’autres», de la «maîtrise de soi» et de «résoudre des problèmes [avec] une capacité d’adaptation» (OCDE, 2018, p. 7). Nous notons en parallèle que les objectifs de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) s’articulent autour de la promotion des «politiques qui amélioreront le bien-être économique et social partout dans le monde» (site officiel de l’OCDE): leurs recommandations et recherches s’ancrent dans les perspectives des «activités [humaines] relatives à la production, à la distribution et à la consommation des richesses» (Larousse, 2024).

Nous définissons les compétences transformatives citées précédemment comme étant également transversales, en ce qu’elles sont «générales par rapport à des compétences disciplinaires, spécifiques ou professionnelles», et n’ayant de facto pas «d’ancrage disciplinaire» (Tardif et Dubois, 2013, p. 21).

Tableau 1

Les compétences transformatives et leurs sous-compétences corollaires

Les compétences transformatives et leurs sous-compétences corollaires

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2.5 L’éducation artistique et culturelle

Les trois piliers de l’éducation artistique et culturelle (EAC) en France selon les termes de la Charte développée par le Haut Conseil de l’EAC (HCEAC, 2016) sont:

  1. Développer les connaissances des élèves «en s’appropriant des repères culturels formels, historiques et esthétiques, […] de porter un jugement construit et étayé en matière d’art et de développer leur esprit critique» (MEN, 2021, p. 3);

  2. Mettre en oeuvre une pratique artistique qui permette aux élèves «d’accéder aux langages des arts, de prendre confiance en eux, de réaliser concrètement des projets, de développer leur créativité et leur intelligence sensible» (MEN, 2021, p. 3) en favorisant des projets communs qui développent le vivre ensemble, l’écoute des autres et le respect d’autrui;

  3. «La rencontre avec les oeuvres et les artistes» (MEN, 2021, p. 3), qui restent des expériences singulières tant par les échanges avec des créateurs que par la rencontre avec des lieux (ateliers, salles de concert, musées, cinémas, etc.).

S’appuyant sur les enseignements artistiques obligatoires de l’école élémentaire à la fin du collège (MEN, 2020), l’EAC existe sous forme de parcours d’éducation artistique et culturelle (PEAC) sous la responsabilité d’équipes pédagogiques qui visent à décloisonner les apprentissages fondamentaux par la découverte des oeuvres et des pratiques artistiques (Baugnies et al., 2021). L’EAC permet aussi aux enseignants et enseignantes d’engager les parents à participer à l’éducation de leurs enfants en prenant part aux projets d’éducation artistique et culturelle de la classe ou du cycle (Lucy et al., 2022).

Les enjeux de l’EAC sont de travailler les valeurs, qu’elles soient celles de l’école ou celles des familles pour créer un réel espace démocratique à l’aide des enseignements artistiques accessibles à tous (Bordeaux, 2017). En travaillant, par la rencontre avec les oeuvres et les artistes, les dimensions esthétiques et démocratiques de notre société, l’EAC propose sous certaines conditions, notamment pédagogiques, une approche innovante de la relation à autrui. Cependant, des études soulignent que la formation des élèves à l’altérité, à la reconnaissance d’autrui et du monde nécessite aussi une formation des enseignants et enseignantes aux pratiques de l’EAC (Baugnies et al., 2022; Lucy et al., 2022). L’EAC questionne l’ensemble des disciplines scolaires à l’aune de rencontres avec les oeuvres, ainsi que les artistes et les lieux qui les produisent ou les hébergent. En ce sens, elle apparaît comme un vecteur d’inter- et de transdisciplinarité.

3. La méthodologie

3.1 Contexte de l’étude

Notre contexte prend position autour d’une analyse curriculaire et documentaire des programmes français d’enseignement moral et civique (EMC) et d’arts plastiques, définis par le ministère de l’Éducation nationale (MEN, 2020), ainsi que de la Charte pour l’éducation artistique et culturelle (HCEAC, 2016), que nous souhaiterions mettre en miroir. Nous nous concentrons plus particulièrement sur les programmes allant du cycle 2 au cycle 4 et couvrant ainsi les niveaux allant du CP de l’école primaire jusqu’à la classe de troisième en fin de collège (équivalent de la première année primaire à la classe de secondaire 3 au Québec), donc pour des élèves allant de l’âge de 6 à 14 ans.

Concernant les programmes d’EMC, ces derniers s’articulent du cycle 2 au cycle 4 autour de quatre volets de compétences, dont nous détaillerons trois d’entre eux (MEN, 2020).

  • «la culture de la sensibilité»:

    • · Identifier et exprimer en les régulant ses émotions et ses sentiments

    • · S’estimer et être capable d’écoute et d’empathie

    • · Exprimer son opinion et respecter l’opinion des autres

    • · Accepter les différences

    • · Être capable de coopérer

    • · Se sentir membre d’une collectivité (MEN, 2020)

  • «la culture du jugement»:

    • · Développer les aptitudes au discernement et à la réflexion critique

    • · Confronter ses jugements à ceux d’autrui dans une discussion ou un débat argumenté et réglé

    • · S’informer de manière rigoureuse

    • · Différencier son intérêt particulier de l’intérêt général

    • · Avoir le sens de l’intérêt général (MEN, 2020)

  • «la culture de l’engagement»:

    • · Être responsable de ses propres engagements

    • · Être responsable envers autrui

    • · S’engager et assumer des responsabilités dans l’école et dans l’établissement

    • · Prendre en charge des aspects de la vie collective et de l’environnement et développer une conscience civique

    • · Savoir s’intégrer dans une démarche collaborative et enrichir son travail ou sa réflexion grâce à cette démarche (MEN, 2020)

Concernant les programmes d’arts plastiques, quatre compétences phares sont définies, comme pour l’EMC, du cycle 2 au cycle 4:

  1. Expérimenter, produire, créer;

  2. Mettre en oeuvre un projet artistique;

  3. S’exprimer, analyser sa pratique, celle de ses pairs, établir une relation avec celle des artistes, s’ouvrir à l’altérité;

  4. Se repérer dans les domaines liés aux arts plastiques, être sensible aux questions de l’art (MEN, 2020).

Pour rappel, la Charte pour l’EAC expose trois points sur une dizaine qui peuvent être mis en lien avec les compétences évoquées précédemment (HCEAC, 2016):

  • Point n° 2: «L’EAC associe la fréquentation des oeuvres, la rencontre avec les artistes, la pratique artistique et l’acquisition de connaissances.»

  • Point n° 4: «L’EAC contribue à la formation et à l’émancipation de la personne et du citoyen, à travers le développement de sa sensibilité, de sa créativité et de son esprit critique.»

  • Point n° 6: «L’EAC permet aux jeunes de donner du sens à leurs expériences et de mieux appréhender le monde contemporain.»

3.2 Analyse comparative des données sur les compétences des disciplines

Nous proposons de présenter certaines correspondances entre les volets de compétences de l’EMC, celles préconisées par la pratique en arts plastiques selon les prescriptions du Bulletin officiel de l’Éducation nationale n° 31 du 30 juillet 2020 (MEN, 2020), et les objectifs de la Charte de l’EAC (HCEAC, 2016). Nous notons que le Bulletin officiel publie des instructions officielles, émanant ici du ministère de l’Éducation nationale français. Ce tableau montre comment les différents aspects de la culture attendus en EMC peuvent susciter des propositions de pratiques plastiques qui favorisent l’acquisition d’une éducation artistique et culturelle.

La Charte pour l’EAC développe en dix points ses apports et trois d’entre eux répondent des dynamiques préalablement abordées. Le point numéro 4, en recensant certaines compétences et certains aspects spécifiques du programme d’enseignement moral civique et du domaine «la formation de la personne et du citoyen» du socle commun de connaissances, de compétence et de culture, (MEN, 2015; MEN, 2020), permet d’envisager une «éducation par l’art» (HCEAC, 2016). Ce dernier apparaît dès lors comme le vecteur de ce qui est explicitement mentionné et développé par l’EMC, et laisse supposer une transversalité identifiable pouvant être pensée comme une éducation/enseignement moral et civique par l’art.

En effet, l’ensemble de ces «savoir-agir» convoqués dans notre cas remet presque en question leur «ancrage disciplinaire» (Tardif et Dubois, 2013, p. 31) dans la seule composante EMC. La culture de la sensibilité, la construction d’une culture civique, la culture du jugement moral sont les trois volets de compétences implicitement évoqués (MEN, 2020) dans la présentation du point 4: ainsi l’EAC permettrait de «contribuer à la formation de la personne et du citoyen, à travers le développement de sa sensibilité, de sa créativité et de son esprit critique» (HCEAC, 2016). Ces volets pourraient ainsi être développés par différents vecteurs, mais c’est spécifiquement l’art qui est sollicité pour faire le pont avec la «culture», occurrence fétiche des programmes d’EMC présente dans ses volets de compétences, d’où la terminologie «éducation artistique et culturelle» (EAC).

Tableau 2

Liens entre les programmes d’enseignement d’arts plastiques, EMC et l’EAC

Liens entre les programmes d’enseignement d’arts plastiques, EMC et l’EAC

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Le point numéro 6 affirme quant à lui que l’EAC permettrait «de donner du sens [aux] expériences et de mieux appréhender le monde contemporain». En conséquence, selon la Charte pour l’EAC, le fait d’advenir au monde, d’y participer et d’y être intégré nécessiterait implicitement le développement de certaines compétences transversales telles que celles que nous trouvons dans les instructions officielles pour l’EMC. En effet, cela se manifesterait notamment par le biais de «la fréquentation des oeuvres, la rencontre avec les artistes, la pratique artistique et l’acquisition de connaissances» (point 2 de la Charte pour l’EAC: HCEAC, 2016).

De facto, les points 2, 4 et 6 adossés aux compétences d’EMC pourraient ainsi entrer en corrélation avec trois compétences spécifiques aux arts plastiques qui postulent la réflexivité et l’ouverture à l’altérité («s’exprimer, analyser sa pratique»), l’engagement («mettre en oeuvre un projet artistique») et le développement de la sensibilité («être sensible aux questions de l’art»).

3.3 Modalité d’analyse des données

Partant du précédent tableau, nous proposons dans le tableau ci-dessous des liens avec les compétences «transformatives» qui permettent de répondre à des défis sociaux, notamment de pluriculturalité (OCDE, 2018). Ces correspondances sont établies à partir d’une analyse spéculative sur les activités préconisées dans les textes programmatiques et institutionnels.

Chacune des compétences transformatives retenues dans le tableau 3 est liée à une activité disciplinaire en EMC ou en arts plastiques et justifie la place de l’éducation artistique et culturelle à l’école.

Ainsi, «être responsable» s’incarne dans la «culture de l’engagement» prônée dans les programmes de l’EMC et prend forme par la mise «en oeuvre d’un projet artistique» qui structure l’activité en arts plastiques et favorise «la formation à l’émancipation de la personne et du citoyen» par l’incitation à la créativité, expression de sa sensibilité et de son esprit critique.

«Créer de la valeur nouvelle» se révèle lié à l’analyse d’une pratique plastique qui renforce «la capacité d’adaptation, la curiosité et l’ouverture d’esprit [de l’élève]» à travers l’expression de points de vue sur l’oeuvre. Les fonctions de l’esprit critique développées par les enseignements artistiques reposent sur l’identification et l’argumentation par l’élève de ses impressions, de ses sentiments ou émotions, et une confrontation à d’autres points de vue pour évaluer la pertinence (Joliat et Terrien, 2021; Terrien, 2020). Ce faisant, on perçoit le lien avec la «culture de la sensibilité» déclarée en EMC qui donne un sens aux expériences sensibles vécues par les élèves.

Tableau 3

Liens entre les programmes d’arts plastiques, d’EMC et de l’EAC et les compétences transformatives

Liens entre les programmes d’arts plastiques, d’EMC et de l’EAC et les compétences transformatives

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En même temps que cette expression des différences, cela permet aux élèves d’apprendre à «concilier les tensions et dilemmes» en reconnaissant la parole d’autrui et en découvrant d’autres espaces et d’autres lieux dans le monde.

4. Discussion en forme de conclusion

Considérant le processus de laïcisation, tel qu’il est décrit ci-dessus, et les difficultés qu’il rencontre, on peut comprendre que l’ensemble des disciplines scolaires au sein d’une éducation artistique et culturelle adaptée aux environnements des écoles puisse apporter des propositions pour développer les compétences des élèves. Comme semble le souligner l’analyse des données, la première compétence transformative, «créer de la valeur nouvelle», est ici mise en concomitance avec la «culture de la sensibilité», «exprimer et analyser sa pratique», «être sensible aux questions de l’art» (MEN, 2020) ainsi que les points 2, 4 et 6 de la Charte de l’EAC (HCEAC, 2016). Elle suppose de la part de l’élève «la capacité d’adaptation, la créativité, la curiosité et l’ouverture d’esprit» (OCDE, 2018) nécessaires au développement de ces dernières. Elle est également en lien avec la «culture du jugement», le fait «d’exprimer, analyser sa pratique, celle de ses pairs» (MEN, 2020) et les points 2, 4 et 6 de la Charte (HCEAC, 2016), étant donné une dimension collective dans l’analyse et la production «des idées nouvelles» (OCDE, 2018). Enfin, «la culture de l’engagement» en lien avec la compétence «mettre en oeuvre un projet artistique» et les points 4 et 6 de la Charte implique une «capacité d’adaptation» et «d’imaginer de nouveaux modèles sociaux» (OCDE, 2018) pour pouvoir créer de la valeur nouvelle. La seconde compétence transformative, «concilier tensions et dilemmes», est au sein de ce tableau en coïncidence avec «la culture de la sensibilité» et la «culture du jugement» (MEN, 2020) ainsi que les compétences en arts plastiques et points de la Charte qui leur sont afférents, car elle introduit la nécessité de «comprendre les besoins des autres» notamment via une «réflexion plus globale» nécessaire à l’analyse de la pratique des pairs mais également à la «sensibilité aux questions de l’art» (MEN, 2020). Enfin, la troisième compétence transformative, «être responsable», a été mise en relation avec les trois volets d’EMC (MEN, 2020) et les points de la Charte (HCEAC, 2016) avec lesquels ils ont été associés car elle implique une «maturité morale et intellectuelle», la capacité à «penser pour soi-même et travailler pour d’autres» ou encore à «résoudre des problèmes» en s’adaptant, et enfin une certaine «maîtrise de soi» (OCDE, 2018). L’ensemble de ces prescriptions du projet Éducation 2030 suscitent un engagement auprès d’autrui adossé au respect de ses propres engagements, en somme, assumer son rôle au sein d’un collectif.

La lecture de ce tableau explicite les liens qu’il est possible de faire entre l’EAC et les notions de laïcité, de diversité culturelle, et de pluriculturalité par le développement des trois compétences transformatives retenues. Si l’enseignement de la laïcité dans les pratiques scolaires doit être requestionné c’est parce qu’il semble que la définition que nous lui accordons au sein de l’école républicaine ne soit pas assez démocratique (Zask, 2003; Espinassy et Terrien, 2018). Sans remettre en question le primat de la neutralité de l’école (Barbier, 2005; Dasen, 2002), laissant les croyances de chacun à distance, il ne semble plus possible de les ignorer. Pour les comprendre, l’étude des arts, de leurs pratiques et des lieux où ils se vivent, incite à l’ouverture aux autres, au monde et à la réflexion sur sa place dans la société. Elle pourrait donc servir de medium pour une éducation interculturelle puisqu’elle permet l’apprentissage d’un «vivre-ensemble» (Neuner, 2012, p. 18) et le «changement du regard sur l’Autre» (Morel, 2020, p. 54) par le biais des capacités de dialogue entre élèves porteurs de cultures différentes (Kerzil, 2002). La laïcité, telle qu’entendue dans le contexte français, introduisant une certaine tension avec la diversité culturelle présente sur le territoire, pourrait être dépassée par l’étude de la multiplicité des formes d’expressions artistiques. Par la réflexivité et l’ouverture aux autres induites par l’étude et la pratique des arts, et en interrogeant la place que l’individu occupe dans la société (OCDE, 2018), une logique de valorisation et reconnaissance mutuelle des différences au profit d’une universalité permet de construire du commun (Akkari, 2009). En somme, il s’agit d’une conciliation des «tensions et dilemmes» (OCDE, 2018), qui augure un commun partagé (Akkari, 2009; Guerraoui, 2009), donc une société interculturelle telle une «valeur [sociale] nouvelle» (OCDE, 2018). Dès lors, ce qui relève de l’inacceptable selon une acception de la laïcité trop figée et n’intégrant pas la concomitance entre la culture et la religion dans son application (Dasen, 2002; Roy, 2008) apparaît désormais comme une différence d’organisation des contenus qui fondent les sociétés humaines (Akkari, 2009), et non plus comme inadéquation avec l’idéal républicain français. L’étude et la pratique des arts développant des compétences transformatives et créant des relations entre diverses cultures offrent la possibilité de faire évoluer la conception et l’application de la laïcité en France dans une logique plus respectueuse des différences, en d’autres termes, comme medium d’une construction collective plus interculturelle (Abdallah-Pretceille, 2017).

L’EAC prise comme «la multiplicité des formes d’expression des cultures, des groupes, et des sociétés» (UNESCO, 2005) est bien la «source d’échanges et de créativité» (UNESCO, 2005) qui introduit dans les activités d’apprentissage en EMC et en arts plastiques l’appréhension du conflit (Savidan, 2022) via l’approche plurielle d’un monde (Alí, 2023) composé de différents systèmes de représentations (Akkari, 2009). Ces activités au sein des disciplines créent du vivre ensemble (Crispi, 2015) par la capacité des élèves à agir et à co-agir ensemble dans un milieu défini pour comprendre l’autre, reconnaître les différences mais aussi ce qui se ressemble, en somme, faire du lien entre les pratiques culturelles pour advenir au monde. Également, en envisageant le développement de compétences transformatives chez les élèves afin qu’ils soient plus «inventifs, responsables et conscients des réalités» du monde de demain (OCDE, 2018, p. 7), qui sera en outre marqué par une pluriculturalité (Poche, 1999), ces mêmes activités répondent en conséquence des enjeux interculturels visant des «co-constructions intersubjectives» (Guerraoui, 2009, p. 198). L’intersubjectivité étant le partage d’un espace commun (Stern, 2005) marqué par l’«approfondissement des relations» envers la figure de l’altérité (Marková, 2005, p. 28), celle-ci ne paraît envisageable sans le fait d’«être responsable» envers l’Autre, de «créer de la valeur nouvelle» avec l’Autre, et de «concilier tensions et dilemmes» entre soi-même et l’Autre (OCDE, 2018, p. 7).

Pour autant, ces compétences transformatives sont un construit culturel (OCDE, 2018) qu’il s’agit d’acquérir et de développer, tant chez les élèves que chez leurs enseignants et enseignantes (Lucy et al., 2022). Si les arts et leurs pratiques permettent d’ouvrir au monde, à l’autre et à soi, un effort didactique sur les savoirs et savoir-faire qui permettent de saisir ce qui rassemble et ce qui singularise ou encore valorise semble rester encore un impensé de la formation des enseignants et enseignantes à ce jour.