Article body

Introduction

Le développement professionnel des personnes enseignantes renvoie à une diversité de significations. En fournir une définition unique serait dès lors réducteur. Dans l’analyse de ce concept, on peut néanmoins distinguer deux perspectives: la perspective «développementale» l’associe au cheminement dans la carrière enseignante; la perspective «professionnalisante» l’associe à l’engagement des enseignantes et des enseignants dans un processus d’apprentissage et de recherche ou de réflexion sur leurs pratiques (Brodeur et al., 2005; Uwamariya et Mukamurera, 2005).

Soucieux de renforcer les synergies entre les recherches en didactique des disciplines et le développement professionnel des enseignantes et des enseignants en formation, ce numéro thématique propose alors de cibler la réflexion sur les interactions entre la personne formatrice et les enseignantes et les enseignants en formation. Cela en vue de documenter la manière dont les divers dispositifs de formation mis en oeuvre suscitent le développement professionnel d’enseignantes et enseignants, en focalisant l’étude sur la perspective professionnalisante de ce concept.

Ces dernières années, les programmes de formation font l’objet d’une attention grandissante relativement aux processus de développement professionnel des enseignantes et des enseignants qui y participent. C’est particulièrement le cas pour les programmes de formation focalisés sur les mathématiques (Ball et al., 2008; Arzarello et al., 2014). Ces recherches ont néanmoins accordé davantage d’attention à l’efficacité a posteriori des formations plutôt qu’à l’analyse des processus d’apprentissage qui prennent vie en formation (Wilkie, 2017): la manière dont ces compétences professionnelles se développent dans les dispositifs de formation reste actuellement sous-documentée (Lin et Rowland, 2015). Une raison évoquée pour expliquer ce phénomène réside dans le fait que des théories manquent actuellement pour décrire finement les processus de développement professionnel qui pourraient être observés en formation (Lin et Rowland, 2015). En outre, la manière dont les connaissances pour enseigner sont partagées entre personnes formatrices et enseignantes sont également peu connues (Arzarello et al., 2014; Wilkie, 2017), d’autant que ces dispositifs peuvent être de nature très variée: certains prennent place dans des recherches collaboratives, d’autres dans des études approfondies de leçons, d’autres encore dans des formations visant la création d’activités pour les élèves, voire dans des communautés d’apprentissage en ligne (Lajoie et Tempier, 2019).

Trois pôles du développement professionnel

Les auteurs et autrices des six articles de ce numéro – issus de pays francophones occidentaux (France, Belgique, Québec) – abordent la thématique du développement professionnel selon «trois pôles» différents: certaines de ces contributions s’intéressent aux retombées de «dispositifs de formation» sur le développement professionnel des participantes et des participants; dans une perspective professionnalisante, d’autres analysent la manière dont les actions ou les postures des «formateurs ou des formatrices» influencent le processus de développement professionnel des personnes enseignantes; d’autres enfin se focalisent sur les actions et les postures et gestes des «enseignantes et enseignants».

Au-delà «du pôle» prioritairement étudié, les connaissances qui se dégagent de chacune de ces contributions débouchent inévitablement sur des réflexions touchant aux autres pôles du développement professionnel. Tout en convoquant des cadres théoriques variés, ces contributions parviennent à décrire finement les processus de développement professionnel réellement observés en formation. En ce sens, ces apports confirment les constats posés par d’autres, concernant la richesse, mais également la complexité de l’étude du développement professionnel des personnes enseignantes ou formatrices d’enseignants, lors de la mise en oeuvre de dispositifs de formation et/ou de recherches collaboratives réunissant ces partenaires.

Dispositifs de formation

Dans ce numéro thématique, deux articles s’intéressent principalement aux dispositifs de formation en tant que tels. Virginie Billon et Caroline Bulf, en s’appuyant sur des extraits de vidéos réalisées lors de séances de classe, mettent en lumière la manière dont le dispositif de formation mis en oeuvre suscite la professionnalisation en cours des équipes enseignantes; dans le matériel recueilli, elles analysent les gestes d’enseignement en s’inspirant principalement des apports théoriques de Bucheton (2009, 2019) relatifs à l’organisation des gestes professionnels des enseignants. Dans leur texte, Marine André, Charlotte Dejaegher, Patricia Schillings et Olivier Leyh s’intéressent à un dispositif de formation en ligne. Cette équipe de recherche étudie le potentiel du processus de co-construction d’un tel dispositif, pour favoriser le développement professionnel des deux partenaires en présence: des personnes chercheuses et des équipes éducatives. Les réflexions de cette équipe s’appuient particulièrement sur l’approche de la conception continuée dans l’usage proposée par Goigoux et Cèbe (2009), Goigoux (2017) et Goigoux et al. (2020).

Des personnes formatrices au sein de dispositifs de formation

Trois autres articles interrogent plus précisément les actions des personnes formatrices d’enseignants, dans une variété de dispositifs de formation. Patricia Marchand et Caroline Bisson ancrent leur réflexion dans l’étude d’un dispositif de clinique mobile permettant à un étudiant ou une étudiante en fin de formation de proposer des aides individualisées à des élèves en grande difficulté en mathématiques. Leur contribution se focalise particulièrement sur les postures et gestes adoptés par une formatrice assurant la supervision hebdomadaire d’une personne étudiante en fin de formation, en vue de contribuer au développement des compétences professionnelles; leurs analyses s’inspirent du modèle présentant les postures et gestes professionnels de la personnes formatrice de Jorro (2016). Lily Bacon, Nadine Bednarz, Vanessa Hanin, Caroline Lajoie, Jean-François Maheux et Mireille Saboya proposent une analyse des gestes professionnels de trois conseillères pédagogiques. En convoquant le cadre théorique de la didactique plurielle de Martinand (10996, 2006, 2014), elles documentent ainsi la manière dont ces conseillères prennent en compte, dans leurs interventions auprès des enseignantes et des enseignants, les enjeux de terrain auxquels sont confrontées ces personnes dans l’exercice de leur profession. En s’appuyant principalement sur les travaux liés à la vigilance didactique de Charles-Pézard (2010), Claire Guille-Biel Winder, Caroline Lajoie, Christine Mangiante-Orsola et Frédérick Tempier étudient les pratiques de deux formatrices, dans le cadre dans la mise en oeuvre d’un jeu de rôle permettant à des personnes enseignantes en formation de fournir des aides efficaces pour améliorer les compétences mathématiques d’un élève rencontrant une difficulté dans une tâche.

Des personnes enseignantes dans un dispositif de formation

Enfin, l’article proposé par Isabelle Demonty, Christine Geron et Annick Sacré s’intéresse plus spécifiquement à des personnes enseignantes qui participent à un dispositif de formation dans lequel sont exploités des tests diagnostiques, pensés en référence directe à des connaissances issues de la recherche: s’appuyant sur le modèle de la transposition méta-didactique créé par Arzarello et al. (2014) et approfondi récemment par Cusi et al. (2023), leur contribution analyse les perceptions qu’ont les équipes éducatives de l’utilité de tels tests et de leur possible utilisation dans leur pratique professionnelle future.