Abstracts
Résumé
Face à des élèves en grande difficulté à l’école, le personnel éducatif se voit contraint de sortir du script scolaire classique devenu inopérant pour se diriger vers des scénarios à perspective plus large de réussite éducative. Ce travail éducatif à la marge de la forme scolaire traditionnelle génère des incertitudes qui affectent les intervenantes et intervenants et rejaillissent sur les interactions avec la famille. À partir d’une analyse de cas, il s’agit plus précisément une situation observée dans le cadre d’une enquête de terrain conduite en Suisse romande, nous montrons l’ambivalence du statut attribué aux familles dans ce contexte: tantôt considérées comme des relais de l’action institutionnelle et sollicitées pour oeuvrer à la réduction des incertitudes, tantôt soumises à de fortes pressions visant à les amener à se soumettre à des décisions prises de manière unilatérales.
Mots-clés :
- élèves en difficulté,
- réussite éducative,
- collaborations interprofessionnelles,
- incertitude,
- relations école-famille
Abstract
When dealing with children experiencing severe difficulties at school, teaching staff need to be creative, replacing conventional and ineffective school practices with scenarios aiming for a broader perspective of educational success. Educational efforts on the periphery of conventional practices, such as these, trigger uncertainty, which impacts teaching staff and their interaction with families. We used a case study, based on a survey conducted in Romandy, Switzerland, to demonstrate the ambiguity of the role attributed to families in this context. In some cases, they are considered a conduit for the school’s actions and are asked to intervene to attenuate uncertainty. In other cases, they are pressured to submit to unilateral decisions.
Keywords:
- children in difficulty,
- educational success,
- interprofessional collaboration,
- uncertainty,
- parent-school relations
Resumen
Ante los alumnos que enfrentan grandes dificultades en la escuela, el personal educativo se ve obligado a abandonar el clásico guion escolar, que se ha vuelto inoperante, para explorar escenarios con una perspectiva más amplia de éxito educativo. Este trabajo educativo al margen de la forma escolar tradicional genera incertidumbres que afectan a los/las intervenientes y repercuten en las interacciones con la familia. A partir de un análisis de caso, se trata más precisamente de una situación observada en el marco de un estudio de campo realizado en la Suiza francófona, mostramos la ambivalencia del estatus atribuido a las familias en este contexto: en ocasiones son consideradas como canales de la acción institucional y se les solicita colaborar para reducir las incertidumbres, mientras que otras veces están sometidas a fuertes presiones destinadas a obligarlas a acatar decisiones tomadas de manera unilateral.
Palabras clave:
- alumnos en dificultades,
- éxito educativo,
- colaboraciones interprofesionales,
- incertidumbre,
- relaciones escuela-familia
Article body
1. Introduction et problématique
La notion de réussite éducative est le plus souvent mobilisée dans le monde éducatif, par les acteurs de terrain et par les politiques publiques, dans la perspective de souligner l’importance d’autres apprentissages que ceux strictement scolaires. Selon Glasman (2007), la notion de réussite éducative peut désigner à la fois un état et un processus. L’état réfère au bien-être physique et psychique, à la disponibilité à apprendre et prendre des initiatives, à la capacité à utiliser le langage pour communiquer et entrer en relation et à l’ouverture d’esprit produits chez un enfant ou un adolescent par une action éducative. Le processus correspond aux actions menées par les parents, l’entourage ou l’équipe éducative pour permettre au jeune d’atteindre à terme cet état ainsi qu’à la façon dont celui-ci s’approprie ce qui lui est proposé. Une revue de la littérature sur le thème (Feyfant, 2014) va dans le même sens: la réussite éducative renvoie, d’une part, à une action dont les finalités dépassent largement les objectifs scolaires à travers la prise en compte de problématiques sociales et de santé; d’autre part, à la mobilisation d’un réseau d’acteurs et d’actrices très hétérogènes relevant du champ de la santé, de la protection de l’enfance, de l’animation socio-culturelle. Le concept peut par ailleurs référer à des objectifs et actions beaucoup plus spécifiques, dépassant la mission globale d’éducation. L’analyse par Glasman (2007) du Programme de réussite éducative lancé en France en 2005 montre ainsi que la réussite éducative correspond dans certains cas à un «dispositif de gestion des populations en difficulté» (p. 84). Dans le cadre de ce programme, en effet, l’objectif de réussite éducative vise des enfants présentant des signes de fragilité, en grande difficulté au plan scolaire, mais aussi dans d’autres domaines (médical, psychologique, économique) et implique un suivi individualisé de ces élèves.
Contrairement à d’autres pays européens, il n’existe pas actuellement de politique explicitement estampillée du terme «réussite éducative» en Suisse romande. Cependant, la prise en compte des problématiques sociales et de santé, à travers la collaboration entre des actrices et acteurs éducatifs relevant d’institutions multiples, fait complètement partie des référentiels de la politique scolaire de certains cantons[1]. L’un d’entre eux, où nous avons réalisé l’enquête sur laquelle se fonde cet article, a particulièrement encouragé le développement d’actions relevant d’une visée de réussite éducative dans le cadre de sa politique d’enseignement prioritaire auprès des établissements de niveau primaire. Des postes d’éducateur social à taux plein ont été introduits dans les écoles primaires du canton, entraînant de fait une plus forte prise en compte institutionnelle de préoccupations plus éducatives que scolaires, par le biais notamment d’actions de prévention du harcèlement scolaire ou des risques pour la santé d’une surexposition aux écrans. Cette mission globale d’éducation vise tous les élèves, indépendamment de leur réussite ou de leur échec, les objectifs éducatifs étant pensés comme complémentaires des objectifs strictement scolaires. Ces actrices et acteurs éducatifs sont également très fortement sollicités par les directions d’établissement pour développer la prise en charge individualisée des élèves en difficulté. On retrouve ainsi sur notre terrain la notion de réussite éducative comme dispositif orienté vers les populations en difficulté. Notre contribution vise précisément à documenter cette déclinaison particulière de la réussite éducative, à savoir la construction d’une prise en charge singularisée d’élèves repérés dans et par l’école comme en grande difficulté, à travers une intervention recouvrant des domaines plus larges que la seule réussite scolaire et maillant une diversité d’actrices et acteurs professionnels. Les questions suivantes guident notre analyse: quels sont les buts poursuivis par les intervenantes et intervenants lorsqu’elles et ils situent alors leurs actions dans une visée de réussite éducative? Ces objectifs sont-ils partagés par tous les protagonistes? Quelle est en particulier la place conférée aux familles dans le cadre de ces pratiques réorientées?
Nous faisons l’hypothèse, à partir des situations observées sur le terrain (Giuliani, 2018), qu’en l’état actuel des pratiques, ces prises en charge individualisées consistent pour l’essentiel à répondre dans l’urgence, avec des moyens limités, à la déstabilisation de l’ordre scolaire en tentant de reprendre le contrôle sur les conduites des élèves. Difficile dans ces conditions de développer de réelles alternatives innovantes à l’échec de la forme scolaire, c’est-à-dire aux pratiques pédagogiques régies par des règles supra-personnelles et par un principe d’uniformisation. Les probabilités de garder la maîtrise de la situation de l’élève, tout comme les moyens d’y parvenir, sont très incertains. Les prises en charge individualisées nécessitent la recherche de possibles leviers d’action permettant de réguler ces situations où le cours ordinaire de l’action éducative est profondément perturbé. Lorsque les régulations n’aboutissent pas, professionnels et professionnelles risquent alors de faire peser sur les parents la recherche de solutions aux problèmes que l’institution scolaire est dans l’incapacité de juguler.
Nous situant dans une perspective de théorisation ancrée (Glaser et Strauss, 2010; Paillé, 1994), un premier tour d’analyse des situations recueillies a mis en évidence l’incertitude pesant sur les pratiques au sein des équipes éducatives confrontées à des élèves en grande difficulté, indétermination accrue par des normes professionnelles divergentes et la confrontation entre injonctions professionnelles et pratiques familiales. En lien avec cette thématique, nous présentons donc dans un premier temps des éléments de théorisation issus de la littérature sur les relations familles-école, ainsi que le concept de «trajectoire» emprunté à Strauss (1992) qui permet de théoriser la façon dont ces incertitudes, liées à la perte de contrôle sur la situation de l’élève, affectent l’intervention scolaire et périscolaire et rejaillissent sur les interactions avec la famille.
Nous décrivons ensuite la méthode de recueil des données et explicitons le statut des observations sur lesquelles sont fondées nos analyses. Après quoi nous exposons deux observations d’une même situation d’élève, réalisées à quelques mois d’intervalle. Sur cette base, nous développons une analyse de ce cas emblématique d’un scénario de réussite éducative en mobilisant le concept de trajectoire (Strauss, 1992). La conclusion revient sur les grandes lignes de nos analyses successives et présente des perspectives d’ouverture.
2. Un contexte d’action marqué par l’incertitude: éléments théoriques
De nombreuses recherches ont mis en évidence les tensions et conflits qui innervent les relations entre l’école et les familles (Monceau, 2009; Périer, 2019), ce malgré les consignes officielles appelant à la collaboration et au partenariat. Certains travaux (Kherroubi et al., 2015; Guigue, 2013) ont plus particulièrement étudié ces difficultés relationnelles dans le cadre spécifique de dispositifs scolaires exclusivement consacrés à la prise en charge d’élèves en échec ou à risque de décrochage scolaire. En raison d’enjeux similaires, ces recherches sont très utiles pour éclairer les relations entre l’école et les familles qui s’établissent sur notre terrain d’enquête. Kherroubi et al. (2015) mettent en exergue l’ambivalence de ces relations dans le cadre des dispositifs relais. Ces relations prennent en effet plusieurs orientations contradictoires, se déclinant tantôt comme l’occasion «d’un travail avec les familles, tantôt comme un travail sur les familles» (p. 195). Les auteurs montrent que dans certains cas en effet l’action éducative consiste à réhabiliter et à revaloriser l’enfant aux yeux des parents (et vice-versa) dans le but de pacifier les relations entre chaque membre. Dans d’autres cas en revanche, l’action du dispositif relais en direction des familles se veut plus injonctive, notamment lorsque les conditions de la socialisation familiale apparaissent comme un frein à toute amélioration de la situation scolaire et sociale des élèves pris en charge. Ainsi, la relation aux familles oscille entre accompagnement et encadrement, voire ingérence, selon le degré de convergence des styles éducatifs des familles avec les normes de socialisation préconisées par l’institution scolaire. Le respect par la famille de l’obligation scolaire, l’aptitude de la famille à développer ou non un projet professionnel «réaliste» pour leur enfant, sont des éléments parmi d’autres orientant la normativité de l’action éducative dans un sens ou un autre. Cette ambivalence est également bien présente dans nos propres données. Comme nous tâcherons de le montrer, les relations établies dans le cadre des prises en charge individualisées semblent osciller entre deux perspectives antagoniques: les parents sont tantôt considérés comme des partenaires de l’école, tantôt comme des cibles de l’action éducative. Néanmoins, au regard des observations que nous avons conduites, cette oscillation des statuts, des places, des étiquettes assignées aux parents ne paraît pas exclusivement liée aux écarts, repérés par les professionnels, entre la socialisation familiale et la socialisation scolaire. Au travers de l’analyse de cas qui suit, nous soutiendrons en effet l’hypothèse que ces variations sont aussi combinées à la manière dont les familles répondent ou non à l’injonction institutionnelle qui leur est faite. Celle de s’impliquer dans la reprise en main d’une situation sur laquelle plus personne ne semble avoir de contrôle.
L’incertitude dans laquelle se trouvent plongés les actrices et acteurs lorsqu’elles et ils perdent le contrôle sur les situations scolaires des élèves, a précédemment été analysée par Guigue (2013). À travers l’étude du dispositif Démission impossible destiné à raccrocher à la scolarité des collégiens en grande difficulté scolaire, l’autrice montre combien jeunes, parents, mais aussi professionnelles et professionnels se sentent démunis pour traiter des situations scolaires devenues inextricables. En situation d’échec, l’absence d’alternative à la forme scolaire contraint tous les acteurs et actrices au bricolage voire les confine à l’impuissance. Notre terrain révèle cette même impuissance et ce même bricolage des prises en charge.
De ce point de vue, le bricolage professionnel nous paraît refléter un processus sociétal plus large analysé par Dubet et Martuccelli (1996), celui de la transformation de la socialisation dans le contexte des institutions de la modernité avancée. Selon eux, dans un monde considéré comme relativement stable et prédictible, la socialisation de l’individu moderne s’est longtemps caractérisée par une grande correspondance entre les caractéristiques subjectives ou personnelles (aspirations, croyances, valeurs, goûts, opinions) et le statut social (l’appartenance de classe, l’origine sociale), les premières étant modelées par le second. Or dans le contexte des institutions de la modernité avancée, actrices et acteurs sont confrontés à des situations complexes, caractérisées au contraire par une désarticulation des logiques et marquées par l’impossibilité de définir précisément des rôles. Dans ces conditions, les conduites des individus ne sont plus définies par une correspondance étroite entre l’objectivité et la subjectivité et la socialisation ne se réduit plus à un processus passif de transmission de normes et d’acquisition des rôles dictés par le statut. Les conduites se construisant inversement à travers une plus grande distance au monde, la socialisation consiste désormais en l’apprentissage de la gestion de cette distance. Le problème principal devient alors «d’agir au milieu de l’incertitude, […] en faisant des choix dans des situations ambiguës et à travers des préférences inconsistantes» (Dubet et Martuccelli, 1996, p. 520). Aussi, les prises en charges individualisées que nous étudions sont exemplaires de ces contextes institutionnels complexes et incertains, où les individus ne peuvent agir selon des normes intériorisées, mais sont contraints pour s’orienter, de faire preuve de réflexivité en construisant le sens de leur engagement de manière interactive et située (Le Breton, 2004). Ce texte s’intéresse ainsi au travail réflexif déployé par les différents acteurs, parents et professionnels, face à une situation scolaire où le sens de ce qu’il convient de faire ne s’impose pas à eux, voire paraît totalement leur échapper.
Afin de mieux thématiser le vécu de ces actrices et acteurs institutionnels engagés dans une situation d’action marquée par l’incertitude, le concept de «trajectoire» issu des travaux d’Anselm Strauss (1992) sur la prise en charge des maladies chroniques à l’hôpital s’avère pertinent. Avec ce concept, Strauss cherche à théoriser un régime d’engagement dans lequel les spécialistes n’ont pas la maîtrise sur le cours des choses. Malgré l’existence d’une nosologie et de soins ad hoc, dans de nombreux cas le cours de la maladie ne se déroule pas comme prévu et la situation semble échapper au personnel de santé. La trajectoire devient alors problématique puisqu’il est question de couvrir des situations totalement ou partiellement hors de contrôle. Pour le sociologue américain, plusieurs facteurs caractérisent une trajectoire problématique. Trois en particulier retiennent notre attention. Une trajectoire apparaît comme problématique lorsque, primo, interviennent sur le corps du patient une multiplicité d’acteurs et actrices entre lesquels règne une grande confusion quant à la coordination de leurs efforts (Strauss, 1992, p. 154). Secundo, les malades également jouent un rôle dans cette problématicité: leurs réactions par rapport aux décisions du personnel et leurs propres décisions portent à conséquence. Tertio, l’impact cumulé des deux premiers facteurs sur les protagonistes contribue à conférer un caractère problématique à ce genre de trajectoire, se manifestant par exemple par la colère ou la frustration liées à la grande difficulté à maintenir un contrôle sur le cours de la maladie, les conflits entre les différents professionnels et professionnelles, le désarroi face à l’attitude non coopérative d’un patient ou d’une patiente. Partant, Strauss décrit la façon dont les trajectoires, c’est-à-dire toute l’organisation du travail destinée à suivre le cours de la maladie, se construisent à travers une activité permanente de discussion, de négociation, de persuasion, qui sont «les moyens principaux pour atteindre une articulation maximum du fait du caractère problématique des trajectoires elles-mêmes et de l’armée des imprévus technologiques, organisationnels, et liés à la clientèle qui assaillent tous ceux qui effectuent ce travail de trajectoire» (Strauss, 1992, p. 242).
D’après les données que nous avons recueillies, sous la bannière de la réussite éducative, la prise en charge des situations scolaires qui résistent au processus de scolarisation et échappent au contrôle des professionnelles et professionnels place ces derniers dans une situation similaire à celle précédemment décrite par Strauss. Comme le révèlent les données analysées dans cet article, l’enjeu principal devient de tenter de développer une maîtrise minimale d’une situation scolaire dont l’évolution est faite de phases imprévisibles, en raison des réactions non prédictibles de l’élève et des effets très incertains de la multiplicité des interventions. Or, nous montrerons que le statut attribué aux familles dans ce cadre est étroitement lié à cette caractéristique de la prise en charge. Une attente forte leur est en effet adressée, celle de gérer voire de réduire cette incertitude, en renforçant du même coup le contrôle des professionnels et professionnelles sur une situation qui leur échappe.
3. Méthodologie
Nos analyses des pratiques orientées par un objectif de réussite éducative s’appuient sur les données produites dans le cadre d’une recherche conduite depuis 2015 sur le travail éducatif effectué dans les établissements primaires d’un canton de Suisse romande. Ce travail éducatif déployé dans le cadre de la prise en charge individualisée des élèves en grande difficulté implique de nombreux professionnels et professionnelles, de l’action pédagogique (direction, corps enseignant) et éducative (personnel éducatif interne à l’école), mais pas exclusivement. Le personnel des écoles est en effet vivement incité, à travers des procédures établies, à travailler en collaboration avec tout le réseau des psychologues et des psychiatres de l’OMP (Office médico-pédagogique), et des médecins du SSJ (Service de santé de la jeunesse). Par le biais de cette collaboration, certaines directions d’école et membres du corps enseignant entendent prendre au sérieux une diversité de signes de fragilité ou vulnérabilité, dont le scolaire n’est qu’un parmi d’autres. Ainsi, nous avons pu constater au cours de notre enquête l’intense activité de négociation suscitée par le tricotage de prises en charge ajustées aux situations, impliquant les divers intervenants et intervenantes. Lors d’une première phase de l’enquête (2015-2019), au cours de deux ans d’observation ethnographique, nous avons assisté à une quarantaine de rencontres entre les écoles et les familles et vingt réunions interprofessionnelles, sans toutefois effectuer un réel suivi longitudinal des cas traités. Les données exploitées dans cet article sont issues d’une seconde phase de l’enquête amorcée en septembre 2021. Durant cette phase, il s’est agi d’observer tout au long de l’année scolaire, de manière longitudinale, le déroulement étape par étape de différentes prises en charges individualisées au sein de deux établissements distincts faisant partie du réseau d’enseignement prioritaire (REP)[2]. Ainsi, avons-nous suivi les différentes séquences de la prise en charge de six élèves considérés comme en grande difficulté (trois dans chacun des établissements). Une part de nos données est issue d’observations des rencontres avec les familles et des discussions entre actrices et acteurs professionnels autour des cas d’élèves en difficulté auxquelles nous avons pu assister. Une autre part a été recueillie dans le cadre d’entretiens non directifs à propos du déroulement des prises en charge, réalisés avec les directions et/ou le personnel éducatif à chaque fois que l’observation directe des séquences n’était pas possible (ce qui représente une quinzaine d’entretiens pour chacun des établissements, menés parfois de manière formelle, parfois de façon plus informelle à travers des échanges WhatsApp par exemple).
Les six situations scolaires, observées à l’échelle d’une année, concernent des élèves (tous sexes et degrés confondus) mettant en échec l’école dans sa double mission d’instruction et de socialisation. Ces élèves sont ceux que Pierrisnard (2011) définit comme en souffrance à l’école, à risque d’exclusion, parce qu’échappant à un «temps didactique institutionnel» déterminé pour un élève épistémique (p. 67). Cette catégorie d’élèves est repérée par l’équipe éducative comme résistant aux normes de conduites et d’apprentissage, mettant lourdement en difficulté le corps enseignant, semant le trouble en classe jusqu’à compromettre les conditions de scolarisation de leurs camarades. Si ces situations concernent une poignée d’élèves chaque année[3] (entre trois et cinq dans les établissements où nous avons enquêté en 2021), leur traitement requiert néanmoins une forte mobilisation des acteurs et actrices scolaires impliqués, en raison notamment de l’impératif d’une prise en charge singulière.
Fidèles aux principes de la théorie ancrée (Glaser et Strauss, 2010; Paillé, 1994), nous avons utilisé la méthode de comparaison continue pour analyser nos données. Nous avons d’abord comparé les unes aux autres les différentes situations observées pour en dégager les récurrences et les différences. Nous avons ainsi repéré que le caractère incertain des prises en charge, perçu comme tel par les professionnels et les professionnelles, est une caractéristique commune à toutes. Cette incertitude porte sur un ou plusieurs aspects, avec une intensité variable pour chacune des situations. L’incertitude concerne, premièrement, l’origine des difficultés scolaires. La cause de celles-ci demeure généralement assez mystérieuse aux yeux du personnel scolaire. Les élèves en question peuvent parfois avoir été diagnostiqués pour des troubles multiples. Malgré les traitements médicaux et logopédiques, les difficultés persistent (Morel, 2014) et les situations demeurent dans l’ensemble très fragiles. Certains élèves ne font en revanche l’objet d’aucun diagnostic, parce que leurs parents ont refusé d’effectuer les démarches en vue d’un bilan ou que le bilan réalisé ne permet pas réellement de diagnostiquer un trouble. Deuxièmement, cette incertitude tient au fait que les acteurs et actrices scolaires «partagent» l’espace de la prise en charge avec de multiples intervenantes et intervenants sans que le contenu, les tenants et aboutissants de ces différentes interventions ne soient véritablement connus de tous les protagonistes, très souvent par manque de temps et d’espaces de coordination ou parfois pour des raisons liées à la préservation de l’autonomie professionnelle. Troisièmement, l’incertitude est en grande partie liée au fait que le personnel scolaire ne sait jamais à l’avance de quelles manières les élèves en question, dont le consentement et l’adhésion à la prise en charge sont attendus, s’approprieront les objectifs éducatifs ou réagiront à ce traitement qui les différencie des autres élèves. Cette première analyse nous a orientées vers le concept de «trajectoire» de Strauss (1992) présenté ci-dessus.
Après relecture des données à la lumière du concept de trajectoire, nous avons constaté également certaines variations entre les différentes situations observées. Au fil des mois, l’interprétation donnée par les professionnels à ces prises en charge dépend beaucoup de leur pro-gression. Certaines trajectoires sont ascendantes: la combinaison des efforts entrepris pour réguler les conduites de l’élève semble porter ses fruits et réduire l’incertitude de départ quant à l’objectif de contrôle des comportements. D’autres trajectoires se révèlent au contraire durablement problématiques. C’est le cas lorsque l’équipe éducative mobilisée autour de l’échec scolaire a le sentiment, malgré les interventions multiples, que la situation demeure hors de contrôle. La situation scolaire sélectionnée pour cet article présente les caractéristiques récurrentes communes à toutes les prises en charge orientées par une visée de réussite éducative. Elle est par ailleurs exemplaire d’une trajectoire problématique au sens où, à la suite de plusieurs mois de prise en charge adaptée, le comportement de l’élève paraît toujours hors de contrôle. Nous avons choisi d’analyser ce cas, car il est exemplaire de la manière dont les familles sont mobilisées par l’équipe professionnelle lorsque l’incertitude est maximale quant à la façon dont il conviendrait d’orienter la prise en charge.
4. Les trajectoires problématiques: une analyse de cas[4]
Dans ce chapitre, nous décrivons le cas de Cristiano[5], un élève de 7p[6] en grande difficulté scolaire. Nous avons choisi de le présenter sous la forme d’un récit construit à la fois à partir des observations directes de rencontres entre les parents du jeune et le réseau professionnel et des entretiens complémentaires menés avec ces derniers. Nous présentons, dans un premier temps, des éléments du contexte de la prise en charge qui nous ont été rapportés par l’éducateur scolaire et le directeur de l’école dans le cadre d’un entretien de recherche. Ces données, qui concernent la première phase de la trajectoire de prise en charge de Cristiano, reflètent la manière dont ces deux acteurs se représentent son caractère problématique et la manière dont ils exploitent les marges de manoeuvre dont ils disposent pour tenter d’en maîtriser le cours. Dans un second temps, nous relatons une scène observée dans les locaux d’un service de la protection de l’enfance, impliquant les parents de Cristiano et différents professionnels et professionnelles, et qui se rapporte à une seconde étape de la trajectoire de prise en charge. Le contenu des échanges est rapporté principalement au style indirect, sans trop entrer dans le détail du matériau conversationnel, car l’analyse développée s’intéresse moins à la forme des échanges (tours de parole, registres de langue) qu’aux attentes d’arrière-plan mobilisées par les partenaires professionnels à l’égard de la famille et révélées par leurs prises de position. Certains éléments permettent en effet de cerner plus particulièrement les ambiguïtés, les apories du rôle que les professionnels et professionnelles confèrent aux parents en miroir de leur propre impuissance à réguler la situation. Cette réunion se tient à l’initiative du directeur d’école, qui se dit désemparé face à l’inanité des efforts entrepris lors de la première phase. Enfin, dans un troisième temps, nous présentons une analyse du cas à la lumière du modèle de Strauss, qui montre combien les relations avec les familles dans le cadre de la réussite éducative, s’établissent principalement en réaction à l’incertitude qui pèse sur les membres de l’équipe éducative.
4.1 Le bricolage de solutions ad hoc
Cristiano est arrivé dans l’établissement lors de sa rentrée en 3p. Il a cependant réalisé sa 5P dans un autre établissement, du fait de son placement en famille d’accueil pendant environ une année. Puis il est revenu dans l’école lorsque l’autorité judiciaire a jugé possible son retour au domicile familial, tout en plaçant l’enfant sous la tutelle d’un curateur de la protection de l’enfance. Depuis le début, sa scolarité pose problème aux personnels scolaires, surtout au plan du comportement. Les bilans médico-psychologiques qu’il a passés n’attestent d’aucun trouble avéré, il reçoit néanmoins un traitement médical pour réguler son humeur, sa capacité de concentration et son comportement. Malgré ses difficultés, Cristiano a atteint la 7P à l’âge de onze ans, sans jamais redoubler. Mais, dès le mois de septembre, le comportement en classe de Cristiano, à l’égard du travail scolaire, de ses camarades et de sa maitresse pose de nombreux problèmes. Il refuse ouvertement de se mettre au travail, de réaliser les exercices demandés, il perturbe en permanence la classe en tentant de distraire ses camarades, il cherche à provoquer son enseignante en faisant preuve d’insolence et de défiance à son égard. Dès le mois de septembre, l’enseignante de Cristiano a sollicité l’aide du directeur et de l’éducateur scolaire pour tenter d’inverser cette spirale négative. Son père et sa mère, rencontrés par deux fois, ont été informés des ajustements opérés au niveau de l’école pour soutenir l’enseignante dans sa tâche. Le plan d’action suivant a été décidé: d’une part, dans le but de faire retomber la tension relationnelle, la maîtresse de Cristiano est autorisée à l’envoyer ponctuellement dans la classe d’un autre enseignant lorsqu’elle sent qu’elle perd le contrôle sur le comportement de l’élève; d’autre part, celui-ci devra rencontrer l’éducateur une à deux fois par semaine. Le but de ce suivi est à ce stade clairement éducatif, il s’agit d’inviter Cristiano à exprimer son monde vécu, sa perspective sur les situations, sur ce qui le conduit à adopter une conduite oppositionnelle. Enfin, il est attendu que la maman de Cristiano rencontre l’éducateur de manière à assurer un suivi plus précis des activités et comportements de son fils en dehors de l’école. L’objectif est aussi de réfléchir à des adaptations susceptibles de réduire les éventuelles tensions familiales et de procurer un mieux-être à l’enfant. Dès la fin du mois d’octobre la situation s’aggrave, lorsqu’après de multiples provocations Cristiano profère une menace de mort à l’encontre de son enseignante. Le problème auquel se confrontent les protagonistes scolaires est de parvenir à contenir cette situation qui semble les dépasser. Une nouvelle organisation est alors décidée. Pour décharger cette enseignante qui, malgré une dizaine d’années d’expérience dans le métier, se sent désormais en danger face à cet élève, la direction décide de placer Cristiano dans les classes de trois membres du corps enseignant différents chaque jour de la semaine (lundi après-midi et jeudi avec sa maîtresse, mardi et lundi après-midi chez un autre enseignant de 8P, mercredi matin et vendredi chez une autre enseignante de 7P). En sus, l’éducateur est sollicité deux heures par jour pour réguler les comportements de Cristiano en classe et venir en aide à l’enseignante le cas échéant.
Le personnel scolaire reçoit alors les parents de Cristiano pour s’entretenir avec eux de la dégradation de la situation. Malgré l’investissement de l’enseignante pour tenter d’instaurer une relation qui ne soit pas uniquement fondée sur une réponse disciplinaire à un comportement inapproprié, en dépit de l’accompagnement éducatif développé dans le but d’amener l’élève à reconsidérer les significations qu’il attribue aux situations, aux conduites de son enseignante et des camarades, la situation de Cristiano demeure extrêmement perturbée. Dans ce contexte, le personnel scolaire attend des parents qu’ils participent à l’effort de compréhension de la situation et d’identification des obstacles qui empêchent la stabilisation de celle-ci. À ce titre, on leur demande de tenter d’identifier les événements survenus dans le quotidien de l’enfant pouvant expliquer ses conduites disruptives. Des questions précises sur l’emploi du temps de l’enfant et ses relations en dehors de l’école peuvent être posées. Il est demandé au parent un compte-rendu des verbatim exprimés par l’enfant, susceptibles de renseigner les professionnels sur son état d’esprit à l’égard des prises en charge déployées:
Je demande à la maman: qu’est-ce qu’il vous a dit du fait que nous l’envoyons directement dans une autre classe lorsque je sens qu’il se bloque et que ça va dégénérer? Il vous a dit qu’il allait voir l’éducateur deux fois par semaine? Il en a dit quoi?
entretien avec le directeur de l’école
On retrouve ici plusieurs caractéristiques des trajectoires problématiques: la multiplicité des intervenants et intervenantes, la mise à mal des stratégies déployées, l’incertitude quant au sens donné par l’enfant à la prise en charge, l’implication attendue des parents. L’investissement des professionnels et professionnelles, à savoir leur disposition à endurer des conduites inappropriées dans l’espoir de leur transformation, en faisant preuve de patience, de compassion, de distanciation, de détermination dépend en effet beaucoup des «gages» livrés en échange par les parents. Dans le cas de Cristiano, la grande disponibilité de ses parents pour rencontrer le personnel scolaire, souscrire à leurs constats, leur assurer qu’ils mettent tout en oeuvre pour assurer de leur côté, à la maison, une supervision parentale adéquate, constitue un facteur décisif du maintien de leurs propres efforts.
Le problème principal auquel se confronte l’équipe professionnelle dans cette trajectoire problématique est la difficulté à produire un récit qui rende intelligible la situation devenue explosive après plusieurs années d’interventions. Les parents sont donc sollicités pour participer à l’enquête visant à documenter les effets produits par les aménagements opérés. Sur ce plan, les parents sont considérés comme des relais de l’action institutionnelle. Ils sont associés aux démarches d’investigation et d’interprétation susceptibles d’aboutir à une définition de la situation et à une représentation raisonnable de l’action institutionnelle en cours.
4.2. L’emballement de la trajectoire
Au mois de novembre, la situation de Cristiano ne s’est pas améliorée: s’il ne paraît plus mettre en danger ni ses enseignants ni ses pairs, Cristiano ne travaille plus du tout et son comportement continue de perturber gravement le déroulement des enseignements. Le directeur sollicite alors une réunion des différentes personnes engagées dans la prise en charge de cet enfant pour étudier un scénario de gestion de crise. Une séance est organisée en dehors de l’école[7], en présence des parents de Cristiano, l’éducateur scolaire et la direction de l’école, son psychologue de l’OMP, et enfin son curateur du service de protection de l’enfance. Cette entrevue, à laquelle nous avons assisté, s’est révélée très conflictuelle.
Le curateur de l’enfant, agent des services de la protection de l’enfance, prend la parole en premier arguant du fait qu’il connaît la famille depuis fort longtemps. Il explique dans quelles circonstances, il y a plusieurs années, il a été conduit à demander auprès du juge aux affaires familiales une mesure de placement pour l’enfant, complétée, lors de son retour à la maison des mois plus tard, par une mesure d’AEMO[8] également renouvelée depuis. Il aboutit au constat que toutes ces mesures n’ont pas permis à Cristiano de devenir un enfant, maintenant un préadolescent, épanoui. Il conclut en semblant mettre en cause la mère dans cet échec, tout en affirmant qu’à ses yeux la seule option disponible à ce stade serait de produire un nouveau signalement au juge en vue du placement de l’enfant. Les parents réagissent fortement à cette mise en accusation de leurs compétences éducatives. Ils affirment que de leur point de vue le premier signalement n’était en rien justifié et mettent en exergue les conséquences désastreuses de ce placement à la fois sur le bien-être de l’enfant et sur les relations intrafamiliales. Ils décrivent leur difficulté à reconstruire aujourd’hui une relation apaisée avec leur enfant, en raison de ce placement qu’ils ont toujours jugé illégitime voire abusif. Le curateur de la protection de l’enfance coupe court en lançant: «Qu’est-ce que vous proposez? Hein? Qu’est-ce que vous proposez?» La tension émotionnelle est à son comble. Dans le but d’apaiser la mère, partagée entre colère et larmes, l’éducateur scolaire prend la parole pour souligner l’assiduité avec laquelle elle s’est investie dans les demandes de collaboration exigée par l’école depuis le début de l’année. Il donne des détails sur le travail de supervision parentale qu’elle effectue. La mère témoigne à son tour de sa difficulté à endiguer les accès de violence de son fils et se décrit comme «dépassée». Elle affirme aussi que depuis le placement son fils semble ne plus vouloir obéir à ses parents, et ne reconnaître que l’autorité du curateur et du juge: «Pour lui vous êtes tout puissant, c’est vous qui décidez pour lui.» Le directeur de l’école prend à son tour la parole, en abordant le volet scolaire. Il expose avec calme les difficultés rencontrées par l’école pour offrir à Cristiano un encadrement adapté malgré toutes les ressources déployées jusqu’ici. Il rappelle les aménagements, les efforts consentis pour tenter de juguler les difficultés, aboutit au constat de leur inanité et invoque la nécessité de protéger le personnel scolaire des risques d’épuisement professionnel. Il présente son souhait de pouvoir réaliser des démarches afin que cet élève, dès l’année suivante, bénéficie d’une mesure de soutien spécialisé. Il dit que cette démarche implique un accord préalable des parents, mais qu’on ne peut pas savoir à l’avance quelle sera la mesure proposée par l’autorité scolaire. L’enfant pourrait bénéficier tout aussi bien d’une place dans une classe spécialisée de l’établissement où il est actuellement scolarisé, que d’une place dans une école située à l’autre bout du canton. Les parents exposent leur désaccord avec l’idée que Cristiano subisse à nouveau un changement d’école, car ils constatent que tous les changements dans son quotidien l’affectent et le déstabilisent. Ils expriment aussi l’hypothèse qu’il aurait été préférable de lui faire redoubler la 6P ce qui lui aurait peut-être évité de se trouver en difficulté aujourd’hui en 7P. De leur point de vue, les difficultés de comportement de Cristiano à l’école sont en partie liées à des difficultés d’apprentissage scolaire. Un redoublement aurait peut-être bénéficié à l’enfant en lui permettant de renforcer certains apprentissages. En toute fin de séance, son psychologue, qui n’avait pas eu l’occasion de s’exprimer jusqu’ici, prend la parole pour témoigner du fait que Cristiano «aime» ses parents et est fortement attaché à eux.
4.3 Résultats et analyse: les familles, un levier de gestion des incertitudes
Pour rappel, Strauss distingue trois caractéristiques des trajectoires problématiques: le problème des réactions des usagers et usagères à la prise en charge (1), celui de la coordination entre les protagonistes professionnels (2), et enfin les effets de chacune de ces deux difficultés sur la capacité des actrices et acteurs professionnels à maintenir leur propre engagement (3). Ces dimensions sont opératoires pour éclairer le cas étudié: la première séquence d’observation met particulièrement en jeu le point un et le point trois; la seconde, le point deux.
La première phase de la trajectoire témoigne de différentes zones d’incertitude avec lesquelles le personnel scolaire de l’école doit composer. Premièrement, les causes de la conduite oppositionnelle de cet élève ne sont pas exactement connues. Ce dernier bénéficie d’un traitement médical pour les troubles du comportement, sans avoir fait l’objet d’un diagnostic établi. L’équipe éducative de l’école ne peut donc indexer ses difficultés à une origine médicale de manière indiscutable mais ne l’impute pas pour autant à des difficultés d’apprentissage. Pourtant, initialement, l’embarras suscité par Cristiano est lié au fait qu’il refuse d’investir le travail scolaire. Sur le plan des apprentissages, il bénéficie de l’aide d’une enseignante chargée du soutien pédagogique. Néanmoins, la piste pédagogique, qui pourrait éventuellement permettre de comprendre pourquoi cet élève refuse soudainement de s’investir dans le travail scolaire, n’est pas considérée comme une explication suffisante. Dans ce contexte où la cause des difficultés n’est pas véritablement établie, certains aménagements, notamment le déplacement de l’élève dans d’autres classes, ont un statut particulier. Ils ne sont pas justifiés par des motifs pédagogiques ou éducatifs, ils ne prétendent pas traiter les causes qui poussent cet enfant à développer un comportement inapproprié, ils visent surtout à réduire le trouble à l’ordre scolaire suscité par sa conduite.
Deuxièmement, les effets du soutien éducatif renforcé assuré par l’éducateur auprès de l’enfant et de sa mère apparaissent très incertains aux yeux des protagonistes professionnels. Ils n’ont aucune certitude quant à leur pouvoir de modifier le comportement de l’élève dans le sens attendu. Ils ne savent pas non plus de quelle manière l’élève réagira à cette prise en charge singulière et l’intégrera à sa conduite, comme en témoignent les questions posées à sa mère (voir verbatim en page 151).
Troisièmement, on voit que le problème principal auquel se confronte l’équipe professionnelle au terme de cette première phase de la trajectoire problématique est la difficulté à définir la situation à laquelle ils ont affaire de façon à pouvoir s’engager dans des activités conjointes. Sa signification n’étant pas d’emblée lisible, elle implique un travail d’interprétation, de jugement et de délibération. Les parents sont alors sollicités pour participer à l’enquête visant à documenter les effets produits par toutes ces adaptations. À ce stade, les parents sont considérés comme des relais de l’action institutionnelle. Ils sont associés aux démarches d’investigation et d’interprétation susceptibles d’aboutir à une définition claire de la situation et à une représentation raisonnable de l’action institutionnelle en cours. Comme le suggère le modèle de Strauss, on observe combien les efforts consentis par les protagonistes professionnels pour tenter de contenir au quotidien la situation sont rudement mis à l’épreuve par le fait que celle-ci ne semble pas s’améliorer. La seconde séquence soulève plus particulièrement le problème de la coordination entre les différents protagonistes professionnels, qui ne se sont pas concertés pour déterminer l’objectif à donner à ce face-à-face et les moyens à mettre en oeuvre pour y parvenir (distribution des rôles, des tours de parole, etc.). Il découle deux conséquences de cette impréparation: primo, l’équipe professionnelle cède à la tentation de mettre en cause les parents et d’établir leur responsabilité dans cette situation d’échec. Secundo, la conduite des différents protagonistes professionnels sur cette scène institutionnelle est en grande partie orientée par ce qui se joue en situation pour chacun et chacune, à titre individuel, au regard de leur propre enjeu de légitimité professionnelle, comme montré ci-dessous.
Premièrement, en l’absence d’explicitation des objectifs en amont de la rencontre, une définition de celle-ci s’opère dans le cours de son déroulement, presque à l’insu des protagonistes. L’objet du face-à-face consiste, finalement, à ratifier l’impuissance du réseau professionnel à traiter la situation de l’enfant tout en mettant hors de cause les institutions dans cet échec, et à en attribuer la responsabilité aux parents. À ce stade de la collaboration, le niveau d’anxiété atteint son comble et les parents ne sont plus vraiment considérés comme des relais de l’action institutionnelle, mais comme sa cible. Au cours des échanges, non seulement le problème de parvenir à déterminer ce qui se passe reste entier, mais des interprétations inconciliables sur l’action en cours sont exprimées, bien loin du partenariat nécessaire à une démarche de réussite éducative. L’incertitude règne en maître à la fois sur les sources des difficultés et les réponses à apporter. La quête de sens se mue alors en recherche du coupable, tout entier responsable de la situation. La mère est la cible de soupçons relatifs à ses compétences éducatives, mais également maternelles. C’est ainsi qu’on peut comprendre la remarque du psychologue en fin de séance, dont la voix consiste, non à souligner les qualités de la mère, mais à lui rappeler l’amour de Cristiano pour ses parents, ce qu’aucun des deux parents ne semble pourtant remettre en cause. Aussi, la mère est-elle implicitement désignée responsable de l’impuissance à laquelle se confronte le personnel éducatif et explicitement sommée d’apporter elle-même une solution («Qu’est-ce que vous proposez?»). Cette étape dans la collaboration avec les parents témoigne du fait que face au sentiment d’impuissance, certaines pratiques professionnelles organisent un transfert des responsabilités en blâmant les familles.
Deuxièmement, en l’absence de visée commune, chacun et chacune élabore son intervention au regard de ses propres enjeux, qui se déclinent souvent selon sa propre légitimité professionnelle. Aux yeux du curateur de la protection de l’enfance, une manière d’apparaître compétent sur cette scène est de montrer la fine connaissance qu’il possède, selon lui, de la situation de l’enfant. Il prend d’entrée de jeu la main sur la dynamique des échanges en monopolisant la parole et impose sa propre définition de la situation. Sa description du cas de l’élève est un récit qui vise principalement à recenser toutes les stratégies qu’il a déployées pour accompagner l’enfant (mesure de placement, mesure d’AEMO…) et à rendre les parents responsables de leur échec. On constate que les effets non voulus du sentiment d’impuissance ne sont pas uniquement émotionnels, mais aussi cognitifs, lorsque comme ici, ils conduisent ce professionnel à occulter toutes les connaissances établies à propos des effets ambivalents des mesures d’aide sociale. Au cours de sa formation initiale, ce travailleur social a probablement suivi des enseignements qui interrogent les frontières poreuses de la relation d’aide avec les relations de dépendance, de sujétion et les adaptations que ces contraintes suscitent de la part des bénéficiaires. Cependant, sur la scène étudiée, tout se passe comme si la capacité à interroger les pratiques, leurs possibles effets pervers, à prendre du recul et à faire preuve de réflexivité à l’égard de l’échec des mesures d’aide, ne constitue aucunement un critère de professionnalité. L’aveu d’impuissance ne paraît pouvoir s’énoncer qu’en établissant la responsabilité d’un tiers dans cet échec, celle des familles. Ainsi, le témoignage de la mère sur ce point n’est pas pris en compte: personne ne semble relever le fait que, comme elle l’explique pourtant, depuis qu’il est placé sous tutelle, son fils reconnaît exclusivement l’autorité du juge ou de son curateur sur lui. Et que, dans cette configuration où elle partage l’autorité sur l’enfant avec plusieurs autres acteurs, elle ne parvient plus à lui faire entendre raison. Pourtant, l’interrogation des effets contre-productifs de cette mesure de tutelle auraient pu constituer une piste d’interprétation pertinente de la conduite de cet enfant.
L’éducateur scolaire quant à lui s’engage dans la rencontre en réaction au traitement subi par la mère, comme pour prendre sa défense. Selon ses propos (recueillis lors d’un entretien réalisé après l’observation de cette scène), il ne peut cautionner un tel traitement sans trahir le pacte de confiance noué avec la mère tout au long des dernières semaines et sur lequel est fondé, aux yeux des parents, sa légitimité à intervenir dans leur vie. Son intervention, bien qu’argumentée avec des faits relatifs à l’investissement de la mère dans le suivi quotidien qu’il lui propose, est chargée d’émotions, ce qui lui sera reproché par sa hiérarchie à l’issue de la rencontre. En raison de l’absence de coordination en amont de cet échange, il se rejoue en réalité sur cette scène, sans que cela ne corresponde à une finalité clairement recherchée par les protagonistes, des enjeux d’arrière-plan qui n’ont rien à voir avec la singularité du cas. La divergence de vue entre l’éducateur scolaire et le curateur de la protection de l’enfance renvoie en effet à un conflit interprofessionnel désormais classique opposant les protagonistes agissant au nom de la protection des enfants et ceux oeuvrant à la reconnaissance des compétences des parents, à travers des positions clivées et inconciliables.
L’intervention du psychologue en fin de séance peut également s’interpréter comme une manière de se situer par rapport à ce conflit interprofessionnel. Il exprime en fonction de son domaine d’expertise les sentiments subjectivement éprouvés par son patient au regard des relations intrafamiliales. Il se positionne cependant en prenant explicitement la défense de l’enfant tout en marquant, à travers sa gestuelle et ses postures corporelles, une certaine distance à l’égard des parents (il ne leur sourit pas, il semble observer leur moindre mouvement et n’acquiesce à aucun de leurs propos). Les finalités de son intervention restent assez ambiguës: on ne sait pas s’il cherche à rassurer les parents au sujet de l’authenticité des sentiments de l’enfant à leur égard, ou s’il s’agit, tout en dédouanant explicitement l’enfant de toute responsabilité dans cet imbroglio, de désigner implicitement celle des parents.
Le directeur de l’établissement scolaire a, lui, d’autres enjeux en tête. La posture d’accusés dans laquelle sont placés les parents ne lui sied pas non plus car il a besoin à ce stade d’obtenir leur consentement à une décision qui lui tient à coeur. Il s’engage dans l’échange sans afficher son opposition avec le curateur, mais en tentant tout de même de rallier les parents à sa cause. Le directeur de l’école se livre en effet à un travail de persuasion pour tenter de convaincre les parents d’accepter la demande de soutien spécialisé. Pour lui, l’enjeu est grand: le corps enseignant de l’école est opposé à l’idée d’accueillir Cristiano à nouveau l’année suivante, même avec des mesures de soutien spécialisé et les relations entre les membres impliqués et le directeur sont très tendues. Les premiers considèrent que le directeur exige trop d’eux pour pallier l’insuffisance de ressources, le second quant à lui tend à considérer que ses collègues mettent de la mauvaise volonté à adapter leurs prises en charge et à baisser leurs exigences. Dans ce contexte, les signes de désapprobation manifestés par les parents le mettent dans l’embarras. Sans l’accord des parents, il ne peut faire aucune demande. Il sera alors contraint de scolariser dans son établissement Cristiano l’an prochain, qui plus est sans aide supplémentaire. Dans la perspective de susciter l’adhésion des parents à la seule option qui lui paraît envisageable, le directeur rencontrera à plusieurs reprises les parents de Cristiano à l’issue de cette rencontre. Craignant d’être contraints de scolariser leur enfant loin de son domicile et conscients de ce qu’impliquerait une orientation en école spécialisée pour l’avenir professionnel de leur fils, les parents ont jusqu’au bout refusé d’entrer dans cette démarche. Sur ce point, le consentement des parents a effectivement été respecté. Mais on ne peut pour autant en conclure que ces derniers soient véritablement considérés comme des partenaires de plein droit de l’action institutionnelle. Comme nous avons pu le constater dans nos enquêtes, bien souvent les professionnels et professionnelles passent en force, imposent leurs décisions aux parents par la contrainte ou par la ruse et la persuasion. Certaines directions d’établissement cachent ainsi aux parents qu’ils ont le droit de refuser cette procédure, en la leur présentant comme la solution la plus adaptée à la situation de l’enfant. La reconnaissance des parents en tant que partenaires à part entière n’est donc pas donnée d’emblée. Elle est contingente tout autant des injonctions paradoxales qui pèsent sur les épaules du personnel éducatif (dans la situation analysée ci-dessus, il revient au directeur d’être inclusif, c’est-à-dire de scolariser en classe ordinaire les élèves, mais sans ressources supplémentaires pour y parvenir), que des éthiques professionnelles des agents singuliers qui incarnent l’institution.
Sur cette scène les parents, loin de rester silencieux, expriment leur désaccord avec l’intervention professionnelle: ils dénoncent les effets pervers à la fois du placement et de la mise sous tutelle de l’enfant, ils critiquent la décision scolaire de ne pas faire redoubler l’enfant, ils s’opposent à l’idée de changer l’enfant d’établissement une fois encore. Sur le fond, toutes les remarques formulées par ces parents consistent à interroger les effets pervers ou non voulus des différentes prises en charge sur l’enfant, en pointant la responsabilité des institutions dans cette situation d’échec. Sur la forme, cette dénonciation s’exprime sur un mode défensif, les parents agissant en réponse aux accusations et en réaction au traitement dégradant et humiliant dont ils font l’objet. Les protagonistes professionnels ne leur reconnaissent toutefois aucune légitimité à critiquer les institutions et interprètent cette critique comme l’expression d’un déni de responsabilité. Ainsi cette scène, où les interventions professionnelles sont guidées par des intérêts personnels (obtenir le consentement des parents) et des enjeux de légitimité professionnelle plutôt que par la volonté de produire les conditions d’une intercompréhension entre les différentes parties, induit les conduites oppositionnelles des parents, qui confirment les jugements négatifs des professionnels à leur égard.
5. Conclusion et ouverture
Comme cette analyse de cas le révèle, dans le contexte de la réussite éducative, le statut attribué aux familles est marqué par l’ambivalence. Elles sont tantôt considérées comme des relais de l’action institutionnelle, les actrices et acteurs professionnels leur attribuant un rôle dans la gestion des incertitudes et insatisfactions suscitées par une prise en charge dont la progression demeure incertaine, tantôt soumises à de fortes pressions visant à les soumettre à des décisions prises de manière unilatérale. L’analyse de cas montre également combien les interventions recouvrant des domaines plus larges que la seule réussite scolaire et maillant une diversité d’intervenants et intervenants professionnels, caractéristiques du scénario de réussite éducative, relèvent d’un certain bricolage tant l’incertitude est grande. Cette incertitude tient en partie à la difficulté à établir clairement les causes des problèmes scolaires, ce qui réduit la probabilité de les éliminer. Elle est aussi induite par le fait que les réactions de l’élève au traitement reçu sont loin de pouvoir être toujours anticipées et doivent faire l’objet d’une enquête de la part des différents acteurs. Elle est enfin alimentée par la façon dont l’expression des intérêts divergents impacte les protagonistes, à commencer par les partenaires professionnels. Comme le révèle l’analyse de cas, l’absence de perspectives communes aux différents intervenantes et intervenants professionnels se traduit par un haut niveau d’anxiété visiblement éprouvé par chacune et chacun. Selon Gudykunst (2005), lorsque les taux d’incertitude sont trop élevés, les interactants ont tendance à tenir l’autre à distance pour réduire le sentiment d’inconfort et lorsque les taux d’anxiété sont trop élevés, la probabilité de recourir à une vision stéréotypée de l’autre augmente. Une communication efficace implique donc un niveau minimal d’anxiété et d’incertitude (mais non nul, sous peine de passer à côté des différences de point de vue) et une prise de conscience du processus de communication. Cette prise de conscience passe notamment par la préparation de la réunion, l’anticipation des réactions possibles des participants et participantes, la concertation entre acteurs et actrices, la mise en place de rituels d’interaction et la réflexion après coup (analyse de la pratique). Selon nos observations, le sentiment d’impuissance professionnelle se trouve renforcé par le fait que toutes ces ressources font très souvent totalement défaut aux intervenantes et intervenants professionnels engagés dans ces prises en charge individualisées. L’analyse menée ici souligne au contraire la nécessité, dans une trajectoire problématique de difficulté scolaire, que les incertitudes soient gérées collectivement pour prévenir le risque de rejet de responsabilité et de culpabilisation des familles mis en évidence par de nombreuses recherches (Millet et Thin, 2012; Périer, 2019; Ogay et Ballif, 2019). Néanmoins, il serait naïf de conclure à l’idée que la préparation des réunions à l’aide d’un canevas d’entretien pourrait comme par magie régler le problème de l’engagement des actrices et acteurs en situation d’incertitude. Certaines expérimentations[9] (Chauvenet et al., 2014) de reprise en main de trajectoires scolaires problématiques, conduites en milieu associatif, en dehors du cadre scolaire, montrent l’impossibilité d’un mode d’emploi normé pour affronter des situations éducatives délicates. Comme en témoignent ces expérimentations, composer avec l’incertitude plutôt que la subir, implique en réalité un travail dans une éthique située de l’action éducative telle que la conceptualise Prairat (2017): au plus près des situations effectives et des relations concrètes entre les différents protagonistes (Giuliani, 2017), à l’intérieur d’un cadre sécurisant, qui implique concertation, légitimité de tous les acteurs et actrices et clarté des attentes. Pour aller dans ce sens, l’une des pistes d’analyse ultérieures pourrait être d’explorer des stratégies de gestion de l’incertitude et des dispositifs concrets produisant des scénarios de réussite éducative plus positifs, en investiguant notamment la contribution des parcours et expériences des protagonistes, familles comprises, ou l’impact de la mise à disposition de ressources spécifiques.
Appendices
Notes
-
[1]
En Suisse, malgré des tentatives d’harmonisation, chaque canton garde une certaine autonomie en matière d’éducation.
-
[2]
Le REP regroupe des écoles accueillant une proportion d’au moins 55 % de parents d’élèves issus de catégories socioéconomiques défavorisées et une proportion d’élèves allophones supérieure à 60 %.
-
[3]
Les chefs de service de l’instruction publique de Suisse romande interrogés à ce sujet s’accordent pour dire que ces situations sont ponctuelles, sans toutefois donner de chiffres (Gremion et Monney, 2021).
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[4]
Suivi longitudinal dans une école urbaine en REP, journal de terrain.
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[5]
Il s’agit d’un pseudonyme. Certains traits caractéristiques de cette situation ont été volontairement modifiés ou occultés de manière à préserver l’anonymat des acteurs et des lieux.
-
[6]
L’école primaire (P) s’étend en Suisse romande de 4 à 12 ans, de la 1P à la 8P.
-
[7]
Pour des raisons d’anonymisation des données, nous ne précisons pas davantage les lieux.
-
[8]
Assistance éducative en milieu ouvert.
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[9]
En France, l’association Réseaux – École – Famille – Cité, s’appuyant sur une interprétation non normative de la prescription à la co-éducation (Mackiewicz, 2017), a créé un dispositif innovant pour accompagner des familles et leurs enfants en difficulté à l’école (Chauvenet et al., 2014). Ce dispositif s’inspire de la «clinique de la concertation» construite à partir de la thérapie familiale contextuelle de Boszormenyi-Nagy (1980). Dans une volonté de sortir des relations frontales entre l’école et les familles, le dispositif est ouvert sur le quartier et fait se rencontrer autour d’une situation difficile des collectifs et non des individus. La collaboration interprofessionnelle vise non seulement le bien-être des enfants et de leurs familles, mais aussi celui des professionnels et professionnelles concernés. Dans ce dispositif, l’asymétrie est réduite parce que les séances sont animées non par le personnel scolaire ou éducatif, mais par des permanentes et bénévoles de l’association des «parents-relais». Les interactions sont donc moins hiérarchiques et frontales.
Bibliographie
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