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Présentation
Cet ouvrage collectif aborde la problématique de l’enseignement de l’histoire à partir d’autres sources de connaissance du passé que l’histoire savante. En fait, depuis quelques décennies, en plus du discours savant de l’histoire, l’espace public est également traversé par des discours historiques profanes dont l’influence sur la conscience collective – plus particulièrement sur celle des élèves – est considérable. Le cinéma, les jeux vidéo, la littérature, le théâtre, la télévision, le musée et les objets patrimoniaux, entre autres, constituent autant d’espaces de diffusion de connaissances et de représentations du passé à des fins non pas d’enseignement de l’histoire, mais plutôt ludiques et de distraction. Cet ouvrage propose d’appréhender ces biens culturels à caractère historique comme des supports devenus quasiment nécessaires, voire incontournables pour et dans l’enseignement de l’histoire, au lieu de les envisager suivant une logique concurrente avec l’histoire savante, étant donné leur prégnance dans l’espace public et leur influence indéniable. L’enjeu de leur mobilisation à l’école réside dans la mise en place de conditions didactiques qui favorisent le développement d’un rapport critique au passé chez les élèves dans leur contact avec ces objets culturels.
L’ouvrage comporte cinq sections – divisées en 5 introductions, 14 chapitres et 12 études de cas – dans lesquelles l’histoire est mise en relation avec le discours historique profane à des fins didactiques. Les différents chapitres et études de cas proposent des analyses plus spécifiques de ce rapport à partir de recherches, théoriques et/ou empiriques, sur l’utilisation scolaire de ces ressources: littéraires, artistiques, théâtrales, audiovisuelles, patrimoniales. Il ressort de ces différentes analyses l’idée centrale selon laquelle l’utilisation des biens culturels pour l’enseignement de l’histoire favorise chez les élèves le développement d’une pensée critique, ou plus spécifiquement d’une pensée historienne, moyennant certaines conditions: la connaissance au préalable par l’enseignant·e des ressources à utiliser, le développement chez les élèves de leur capacité d’interprétation de celles-ci et de leur conscience des enjeux historiographiques, idéologiques, etc., qui y sont liés. Il s’agit en somme de porter les élèves à s’approprier le passé au travers d’une confrontation entre les diverses sources historiques (les différents discours profanes à caractère historique entre eux et/ou entre ceux-ci et le discours historique savant). Plusieurs approches théoriques et méthodologiques sont mobilisées ainsi que divers champs disciplinaires, et ce, dans différents contextes spatio-temporels pour rendre intelligible ce rapport entre histoire profane et histoire scolaire et corroborer l’hypothèse générale de l’utilisation bénéfique de la première pour la seconde.
Point de vue
Les réflexions développées dans la partie introductive de la première section et les deux premiers chapitres de cet ouvrage sont particulièrement stimulantes. Il s’en dégage d’ailleurs deux idées-forces qui transcendent les différents chapitres de l’ouvrage. Abordant le rapport entre les différents discours (profane, savant, public) de l’histoire sous un angle épistémologique, leurs caractéristiques distinctives, leur mode d’existence et de circulation dans l’espace public, les auteurs du premier chapitre préconisent de les concevoir dans un rapport dialectique, étant donné que chacun d’eux offre un point de vue particulier du passé et non une perspective globale de la réalité historique. Quant aux auteurs du deuxième chapitre, ils invitent à une double prudence qui consiste à relativiser ces deux modes d’appréhension antagoniques du discours profane d’histoire; l’un ne ciblant que ses méfaits, l’autre n’encensant que ses avantages. En effet, même si les biens culturels à caractère historique ne permettent ni d’accéder au passé ni d’en rendre compte à l’instar de l’histoire savante (qui fait appel à une démarche rigoureuse), ou encore ne poursuivent pas l’objectif d’expliquer la réalité historique, il s’avère toutefois abusif de les envisager fondamentalement comme ne comportant que des effets aliénants («[…] anesthésier, embrigader en douceur, [camisoler idéologiquement], faire diversion, laminer une mémoire pour en imposer une autre […]» [p. 34]). En revanche, ces auteurs conviennent aussi de ne pas concevoir l’utilisation didactique du discours profane d’histoire comme une panacée, oblitérant ainsi les représentations idéologiques et/ou politiques qui peuvent le caractériser (ou qui le caractérisent). Ici, le recours à la pensée historienne se révèle selon eux indispensable – et c’est ce qui ressort encore dans les différentes recherches présentées dans cet ouvrage collectif – pour amener les élèves à appréhender le passé autrement que sur le mode affectif.