Article body
Monsieur Jean Charest Le 28 janvier 2004
Premier Ministre
Gouvernement du Québec
885, Grande-Allée Est
Québec (Québec) G1A 1A2
Monsieur le Premier Ministre,
Nous souhaitons par la présente manifester notre extrême inquiétude face à l’éventualité que votre gouvernement impose des coupures au budget du Fonds de la recherche en santé du Québec.
Nous tenons à souligner ici l’importance cruciale que revêt le Fonds de la recherche en santé du Québec pour l’ensemble de l’entreprise de recherche publique en santé au Québec. Faut-il rappeler que les programmes du FRSQ sont à la base même de l’activité de recherche publique en santé au Québec? En effet, le FRSQ a toujours privilégié les programmes de soutien salarial des chercheurs, les bourses de formation des étudiants et le financement des infrastructures de recherche des centres de recherche hospitaliers. Grâce à de tels programmes, judicieusement élaborés et complémentaires à ceux offerts par les organismes fédéraux, le FRSQ a permis au Québec de se doter d’un réseau de centres de recherche performants et d’une cohorte dynamique d’excellents chercheurs universitaires fortement impliqués dans la formation de la relève et capables d’obtenir auprès de divers programmes fédéraux et internationaux une part importante de financement.
Le FRSQ a toujours soutenu une vision large de la recherche en santé en appuyant par ses programmes de bourses et d’infrastructure de centres de recherche les chercheurs oeuvrant en recherche fondamentale, clinique, épidémiologique/évaluative et dans les services de santé. Nos chercheurs, reliés en réseau à l’échelle provinciale, nationale et internationale, contribuent d’une façon marquée au développement de connaissances utiles pour améliorer les approches diagnostiques et thérapeutiques, l’organisation de nos services de santé, la santé et la qualité de vie de notre population. Ils repoussent les frontières du savoir, forment et emploient une main d’oeuvre hautement qualifiée, génèrent découvertes, entreprises dérivées et retombées économiques. Ils sont un des moteurs importants de la santé économique et sociale du Québec.
Il est essentiel de maintenir une stabilité dans le financement des programmes du FRSQ, voire d’accroître l’appui gouvernemental à cet organisme. Réduire le budget du FRSQ aurait des conséquences immédiates et dramatiques sur la recherche en santé au Québec. En effet, l’avenir de la carrière d’un grand nombre de chercheurs en santé au Québec est clairement tributaire du maintien et de la bonification du programme de chercheurs-boursiers du FRSQ. Une réduction du financement de ce programme conduira rapidement à la fin de la carrière de plusieurs jeunes chercheurs pourtant actifs et performants et démobilisera plusieurs jeunes qui auraient souhaité épouser une carrière de recherche. À quoi auraient servi les investissements importants faits par le gouvernement du Québec au cours des dernières années dans des programmes tels que Génome Québec et la Fondation canadienne pour l’Innovation si par ailleurs les chercheurs qui utilisent ces infrastructures voient leur soutien salarial retiré et leur carrière compromise par une réduction des budgets du FRSQ ? Comment formerons-nous la relève scientifique dont le Québec a besoin pour assurer le renouvellement du corps professoral et poursuivre son développement social et économique si les programmes de bourse de formation dédiés aux étudiants et stagiaires post-doctoraux sont appauvris ? Comment assurerons-nous la pérennité de nos centres de recherche hospitaliers si le programme de centres du FRSQ, dont le niveau de financement est déjà insuffisant puisque non rehaussé depuis plusieurs années, est maintenant compromis ? Autant de programmes qui font la force du Québec en recherche en santé et qui non seulement devraient pouvoir être maintenus à leur niveau actuel de financement mais dont le rehaussement est nécessaire.
Le FRSQ est une institution qui fait l’envie de toutes les autres provinces canadiennes et de plusieurs pays. À l’heure où plusieurs provinces cherchent à se doter de systèmes de financement de la recherche inspirés du FRSQ, il serait troublant de voir le Québec réduire son propre appui à un organisme considéré comme un fleuron et un formidable levier de développement de la recherche.
Nous voulons vous assurer, Monsieur le Premier Ministre, de notre appui ferme et inconditionnel envers le FRSQ. Déjà les compressions budgétaires imposées par votre gouvernement en 2003-2004 ont été très mal accueillies. Nous fondions beaucoup d’espoir dans la mise en oeuvre du programme de professeur-chercheur du FRSQ, programme qui vise à assurer un financement à long terme de notre cohorte de chercheurs-boursiers et à protéger la carrière des chercheurs en santé au Québec. La mise en place de ce programme, avec le maintien des programmes existants, devrait être une priorité pour le gouvernement du Québec. La perspective de compressions budgétaires additionnelles cause de vives inquiétudes dans toute la communauté scientifique.
En tant que doyen de la Faculté de médecine, pour illustrer la contribution majeure et fondamentale du FRSQ à la recherche en santé dans le réseau hospitalo-universitaire de l’Université Laval, il me suffit de mentionner que notre faculté à elle seule compte actuellement 68 professeurs-chercheurs dont le salaire provient en grande partie du FRSQ. Je me fais donc ici le porte-parole de tous ces chercheurs-boursiers, des quelque 250 chercheurs fondamentalistes ou cliniciens qui oeuvrent dans les centres de recherche du FRSQ au Centre hospitalier universitaire de Québec, au Centre hospitalier affilié universitaire de Québec, à l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec, au Centre François-Charron et au Centre hospitalier Robert-Giffard ainsi que des quelque 600 étudiants inscrits dans nos programmes de maîtrise ou de doctorat qui sont encore confiants de trouver au Québec des perspectives de carrière intéressantes. Je vous exhorte à considérer le FRSQ comme une priorité de financement lors de votre exercice budgétaire et ce faisant à protéger les assises de l’excellent système de recherche en santé dont le Québec s’est doté au cours des trente-cinq dernières années.
Je vous prie de recevoir, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de ma haute considération.
Le doyen,
Pierre J. Durand
Faculté de médecine
Pavillon Ferdinand-Vandry, Université Laval
Sainte-Foy (Québec) G1K 7P9
pierre.durand@fmed.ulaval.ca