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Le mot synapse, créé par Sherrington en 1897 à partir du mot grec συναπòιò qui signifie liaison, action de joindre, a pendant un siècle été utilisé exclusivement en neurobiologie pour désigner la zone d’interaction et de communication entre neurones, ou entre neurones et cellules musculaires. Le terme de « synapse immunologique » est apparu récemment [1]. Il désigne la zone de contact entre une cellule du système immunitaire à vocation effectrice (lymphocyte T ou B, cellule natural killer) et une cellule présentant l’antigène (antigen presenting cell ou APC) qui peut être une cellule B, un macrophage, une cellule dendritique (dendritic cell ou DC) ou toute cellule cible ayant à sa surface des déterminants antigéniques reconnus spécifiquement par la cellule effectrice. Il n’existe pas « une » synapse immunologique unique et canonique, mais « des » synapses immunologiques distinctes, compte tenu des caractéristiques moléculaires des différents acteurs cellulaires mis en jeu, et des différentes fonctions assurées: détecter la présence d’un antigène à la surface d’une APC, pour une cellule T naïve, pour être « activée » et proliférer; détecter la présence d’un antigène à la surface d’une cible et la tuer, pour une cellule T CD8 activée; délivrer des cytokines localement à une cellule B pour provoquer sa différenciation, dans le cas d’une cellule T CD4 activée, etc. La synapse immunologique la plus étudiée est celle formée par une cellule T et une APC [2-4]. L’objet de cet article est d’examiner ces synapses T en utilisant comme élément de comparaison les synapses du système nerveux (synapses N).

Caractéristiques de la synapse T

La structure moléculaire détectée par un lymphocyte T sur une APC n’est jamais un antigène soluble mais est constituée par l’association d’un peptide antigénique (du moins dans le cas des cellules Tαβ) avec une molécule du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) de classe I ou de classe II. Dans cette reconnaissance, le récepteur de l’antigène (T cell receptor ou TCR) joue un rôle essentiel comme support de la spécificité, mais il fonctionne au sein d’un important complexe multimoléculaire « synaptique », différent selon les systèmes expérimentaux considérés.

Variété structurale des synapses T

Plusieurs groupes ont montré que des « succédanés » d’APC (hybridomes B ou fibroblastes transfectés avec des CMH) sont capables, à condition de présenter l’antigène approprié, de provoquer, en 10 à 30 minutes, la formation de complexes qui s’accumulent au centre de la synapse formant un cSMAC (central supramolecular activation cluster) entouré d’un pSMAC (peripheral supramolecular activation cluster) [5], voire d’un dSMAC (distal supramolecular activation cluster) [6] Le cSMAC comprend le TCR, le complexe CD3 qui lui est associé, et un ensemble de molécules de co-stimulation et de signalisation [7, 8]. Le pSMAC comprend principalement des intégrines et des adaptateurs cytosquelettiques associés. Tous les types de molécules de surface ne s’accumulent pas à cette interface. Certaines, comme CD43, qui fonctionne sans doute comme une molécule répulsive, en sont au contraire exclues [2, 9, 10].

L’utilisation de protéines couplées à la GFP (green fluorescent protein) a permis d’observer le « ballet moléculaire » de CD3 et de CD4 vers la synapse ou hors de la synapse de la cellule T [11], et de ICAM-1 (intercellular adhesion molecule-1) sur les cellules d’un lymphome B utilisées comme APC [12]. Des mouvements moléculaires ont pu être observés pour une synapse T très particulière dans laquelle l’APC n’est pas une cellule mais une bicouche lipidique plane contenant des molécules rendues fluorescentes par couplage chimique et ancrées dans la bicouche par des motifs GPI (glycophosphatidylinositol) [1]. Quelques minutes après l’arrivée des cellules T sur la bicouche, les « synapses » formées présentent des arrangements moléculaires très similaires aux SMAC, bien qu’ayant une topologie inverse dans les premières minutes du contact, le TCR entourant les molécules d’adhérence.

La similitude des résultats obtenus avec deux synapses artificielles (T-hybridome B et T-bicouche lipidique) a fait émerger la notion d’une synapse immunologique unique, qui passerait par plusieurs stades: une synapse immature initiale, avec des TCR périphériques, et la synapse « mature », avec une agrégation centrale des TCR. Cette synapse mature est souvent considérée comme le prototype de la synapse immunologique. Ce point de vue nous paraît incorrect pour deux raisons. D’abord, dans les cas où une synapse mature est formée, la structure qui la précède est aussi une synapse, c’est-à-dire une structure d’échange d’informations entre les deux cellules. Ensuite, nombre de synapses adoptent de préférence une structure multifocale et non pas concentrique. C’est le cas de la synapse formée entre thymocytes et cellules épithéliales thymiques [13], ou celui de la synapse T-DC [9], deux synapses d’importance physiologique majeure. Même pour la synapse T-lymphome B, la structure concentrique n’est vue qu’à forte concentration d’antigène, tandis qu’à plus basse concentration, une situation plus physiologique, le TCR/CD3 se concentre en foyers multiples [14]. Cette variété d’organisations va à l’encontre de l’idée d’une synapse prototypique, correspondant à un plan préétabli. Elle est en faveur de l’hypothèse selon laquelle la structure finale serait le résultat de phénomènes d’auto-assemblage entre molécules diffusant dans un réseau de contraintes complexes jusqu’à être piégées et immobilisées. Ces principes peuvent évoquer une forme de darwinisme à l’échelle moléculaire [15].

La synapse T-DC

Les cellules dendritiques (DC) sont les seules APC capables d’activer les lymphocytes T naïfs in vivo, d’où leur importance cruciale dans le déclenchement d’une réponse immunitaire ((→) m/s 1999, n° 8-9, p. 931). À l’état immature, les DC captent très efficacement les antigènes en périphérie, dans la peau et les muqueuses en particulier. Sous l’effet d’une lésion ou d’un autre signal inflammatoire, elles migrent vers les ganglions lymphatiques traversés par les lymphocytes T naïfs où elles évoluent vers un phénotype dit mature, caractérisé notamment par une expression accrue de molécules du CMH et de co-stimulation leur conférant une efficacité exceptionnelle de présentation de l’antigène [16]. L’ensemble de ces propriétés particulières a fait utiliser les cellules dentritiques dans des essais cliniques d’immunothérapie des cancers ((→) m/s 2003, n° 1, p. 43).

Les contacts T-DC présentent la particularité de pouvoir se mettre en place en l’absence d’antigène et de CMH à la surface des DC, entraînant des réponses calciques dans les cellules T, avec augmentation locale des phosphotyrosines [9, 17, 18]. Ces résultats sont cohérents avec l’observation selon laquelle les DC sont « scannés » par les lymphocytes T de façon indépendante de l’antigène [17, 19], et provoquent une mobilité accrue des cellules T qui pourrait faciliter la reconnaissance d’antigènes exogènes faiblement présentés. Récemment, l’observation par microscopie biphotonique in vivo d’interactions T-DC dans des organes lymphoïdes intacts a confirmé ces résultats [20, 21]. Ces interactions ont sans doute aussi un rôle déterminant dans la survie des lymphocytes T naïfs [9] et dans le phénomène de préactivation ou priming, c’est-à-dire d’abaissement du seuil d’activation des lymphocytes T. Les tenants de la synapse T à organisation concentrique prédisent que les membranes des deux cellules devraient être distantes d’environ 15 nm au niveau du cSMAC et de 40 nm au niveau du pSMAC. Cela permettrait à des molécules de 7-8 nm (comme le TCR et le CMH) d’interagir, repoussant les molécules de grande taille dans le pSMAC, voire en dehors de la synapse. Nos clichés de synapses T-DC en microscopie électronique (Figure 1) montrent en fait une fente synaptique avec une succession de distances pré- et post-synaptiques intercalées de 15 nm et de plusieurs dizaines de nm. Aucun espace synaptique prolongé d’environ 40 nm (prédit pour le pSMAC) n’est observé dans cette synapse, la seule analysée en microscopie électronique à ce jour.

Figure 1

Comparaison des synapses du système nerveux et immunologiques (lymphocyte T).

Comparaison des synapses du système nerveux et immunologiques (lymphocyte T).

En haut: à gauche, cliché de microscopie électronique d’une synapse glycinergique (avec la permission du Dr A. Triller) et, à droite, d’une synapse T-cellule dendritique (avec la permission du Dr G. Raposo). Échelle: 0,5 μm (0,25 μm pour l’encadré). La présence de « densités post-synaptiques » (PSD) est bien visible dans l’encadré de la synapse N. En bas: représentation schématique des molécules responsables de la formation des synapses N (à gauche) et T (à droite). R: récepteur de neurotransmetteur; Nx: neurexine; Ng: neuroligine; Cad: cadhérine; AP: adaptateurs primaires; PSD: densité post-synaptique; TCR: récepteur de l’antigène; CMH: complexe majeur d’histocompatibilité; ICAM-1: intercellular adhesion molecule 1; LFA-1: leukocyte function-associated antigen 1; DC-SIGN: dendritic cell-specific ICAM-3-grabbing non integrin.

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Variété fonctionnelle des synapses immunologiques

À quoi servent les synapses immunologiques, et sont-elles importantes dans le déclenchement de la réponse à l’antigène? Dans une publication récente, le groupe de Shaw [22] a montré qu’au niveau de la synapse T-macrophage, les premiers signaux dépendants du TCR précèdent la formation de la synapse mature. Ils en concluent que la synapse immunologique ne serait pas impliquée dans la signalisation du TCR. On peut cependant leur objecter que la synapse existe avant la structure finale, figée, de la synapse dite mature, et que plusieurs types de synapses n’adoptent que rarement la structure concentrique de la synapse mature.

La possibilité de formation d’une synapse T-DC en l’absence d’antigène exogène, induisant une signalisation de faible intensité [9], dont nous avons tout lieu de croire qu’elle permet ensuite la détection d’un nombre incroyablement faible de complexes CMH-peptide, indique au contraire que cette synapse T-DC est fondamentale pour la signalisation associée au TCR [23, 24].

La formation d’un complexe multimoléculaire comprenant des molécules d’adhérence et de signalisation et des protéines du cytosquelette stabiliserait à la fois les contacts T-APC mais aussi l’induction de signaux comme ceux délivrés à la synapse par la PI3-kinase (phospho-inositide-3-kinase) [25, 26]. Cette activation maintenue provoquerait la prolifération du lymphocyte T.

Une autre fonction de la synapse pourrait être de favoriser la sécrétion polarisée de la cellule T. Cela peut s’appliquer à la sécrétion très rapide de molécules cytolytiques par les cellules T CD8 interagissant avec leur cible [27], ou à celle de cytokines par des T CD4 après plusieurs heures de contact avec une cellule B [28], qui aura dans ce cas fonctionné successivement comme APC puis comme bénéficiaire, en retour, des cytokines T. Dans un cas comme dans l’autre, cette sécrétion est « signée » par la rotation du centrosome T vers la cible ou la cellule B.

Et la synapse neuronale?

Nous allons voir maintenant en quoi une comparaison des synapses T et des synapses du système nerveux (synapses N) peut être éclairante pour l’analyse des premières. Passons rapidement sur une différence évidente: dans le système nerveux, la grande vitesse de circulation de l’information est rendue possible par son codage électrique, qui n’a pas d’équivalent dans le système immunitaire, dans lequel les cellules sont « non excitables » car dépourvues de canaux Na+ ou Ca2+ activables par dépolarisation. Dans le système immunitaire, ce sont des cellules et des messagers solubles qui circulent. À un autre niveau de comparaison, peut-on considérer que le transfert d’information aux synapses N se fait essentiellement par des messagers solubles, les neurotransmetteurs, tandis que le transfert d’information aux synapses T passerait uniquement par des interactions directes entre protéines des membranes pré- et post-synaptiques? La situation n’est pas si simple.

Il est vrai qu’il n’y a pas de contact direct entre les cellules pré- et post-synaptiques aux jonctions neuro-musculaires des vertébrés. Mais les jonctions neuro-musculaires sont des synapses particulières et atypiques: la distance séparant les deux cellules est supérieure à 40 nm, et une lame basale est interposée entre elles. Or, dans le système nerveux central, les synapses N ne comportent pas de lame basale, les fentes synaptiques sont étroites (15 à 30 nm), et les deux cellules sont en contact direct par des interactions homophiliques (mêmes molécules) ou hétérophiliques (molécules différentes).

Les interactions homophiliques passent par les cadhérines ((→) m/s 2000, n° 1, p. 116 et 128). Diverses cadhérines ont des profils d’expression spécifiques dans le cerveau, délimitant différentes « voies neurales » [29]. L’adhérence pré-post-synaptique dépendante de ces cadhérines est dynamique, localement contrôlée et modulée par l’activité synaptique. Les interactions hétérophiliques, quant à elles, mettent en jeu en particulier les β-neurexines pré-synaptiques et les neuroligines post-synaptiques [30]. Toutes deux forment des familles de protéines très polymorphes résultant de l’épissage alternatif de plusieurs gènes.

D’autres molécules pré- et post-synaptiques contrôlent les étapes initiales de la formation de la synapse N, comme par exemple les récepteurs Eph B à activité tyrosine kinase et leurs ligands, les éphrines. De façon surprenante, certaines molécules fondamentales pour le fonctionnement du système immunitaire et en particulier de la synapse T, comme le CMH de classe I et CD3ζ, sont exprimées dans certains neurones, où leur absence provoque des anomalies du développement de certaines connexions neuronales [31].

Les immunotransmetteurs existent-ils?

Dans les synapses N, à l’exception des jonctions neuro-musculaires, l’étroitesse de la fente synaptique permet à la fois des interactions cellulaires directes et l’échange d’information via des molécules solubles. L’importance des interactions cellulaires directes a bien été établie dans les synapses T; en revanche, l’importance des facteurs solubles n’y a pas encore été étudiée en détail. Plus précisément, on sait qu’après plusieurs dizaines de minutes de contact entre un lymphocyte T et un lymphocyte B ou une cellule cible, la cellule T sécrète des cytokines ou des granules cytolytiques de façon polarisée vers la cellule B ou la cellule cible [27, 28, 32]. Mais nous ignorons dans quelle mesure des facteurs solubles qu’on pourrait appeler immunotransmetteurs contribuent à la formation et au fonctionnement initial de la synapse T. Ce pourrait être le cas des chimiokines qui jouent un rôle crucial dans le recrutement des lymphocytes T aux sites d’inflammation et qui contribuent aux étapes précoces d’adhérence des lymphocytes T aux cellules endothéliales. Des données récentes obtenues au laboratoire ont mis en évidence la participation de chimiokines libérées par les DC dans l’interaction T-DC. On peut aussi envisager que des cytokines comme l’interleukine-2 puissent fonctionner comme immunotransmetteurs, dans la mesure où l’interleukine-2 induit une activité intense de formation-rétraction de replis membranaires (lamellipodes) [33] et potentialise la signalisation via le TCR [34].

Regroupement de récepteurs et adaptateurs spécifiques

Pour qu’une structure synaptique se mette en place et perdure, des mécanismes de recrutement et de concentration de récepteurs à cette synapse sont nécessaires. Les mécanismes présidant à ces phénomènes sont bien mieux connus pour les synapses N que pour les synapses T.

Synapses N

Dans la terminaison nerveuse pré-synaptique, la forte densité et l’ouverture synchrone de canaux calciques permet de créer des microdomaines locaux et transitoires, à très forte concentration calcique intracellulaire, nécessaires à l’exocytose de vésicules contenant des neurotransmetteurs. Dans ces mêmes microdomaines, tous les éléments nécessaires à la fusion et au recyclage des vésicules synaptiques doivent être présents. Ces regroupements moléculaires dépendent notamment de la présence de protéines adaptatrices qui possèdent fréquemment des domaines PDZ (voir Encadré) et que l’on appellera « adaptateurs primaires » par opposition aux « adaptateurs secondaires » qui permettent notamment l’ancrage au cytosquelette. Parmi ces adaptateurs primaires, citons PSD-95 pour les récepteurs NMDA (N-méthyl-D-aspartate) du glutamate, la géphyrine qui contribue à la formation de complexes de récepteurs de la glycine [35, 36] et la rapsyne pour les récepteurs de l’acétylcholine au niveau des jonctions neuro-musculaires [37]. Dans ce dernier cas, un mécanisme d’agrégation très particulier des récepteurs de l’acétylcholine est assuré par l’agrine présente dans la lame basale (voir Encadré).

Ainsi, la spécificité de la synapse N ne dépend pas seulement des interactions spécifiques des récepteurs post-synaptiques avec les neurotransmetteurs appropriés libérés par les terminaisons nerveuses, mais aussi de protéines - les neurexines et les neuroligines - qui contrôlent l’adhérence cellulaire et s’associent plus ou moins spécifiquement à ces protéines adaptatrices.

L’accumulation de récepteurs précède-t-elle ou suit-elle la formation de la synapse? Probablement les deux. Les récepteurs NMDA peuvent initialement s’agréger en l’absence de PSD-95, mais leur association avec PSD-95 permet de maintenir le regroupement préformé de récepteurs à la synapse [38]. Le même type de relation semble s’établir entre les récepteurs de la glycine et la géphyrine [36].

Synapses T

Comment s’opère le regroupement de récepteurs à la synapse T? Curieusement, on ignore à peu près tout des adaptateurs primaires qui permettraient, d’une part, de regrouper les TCR et, d’autre part, d’associer les TCR aux molécules d’adhérence, à quelques exceptions près. L’une d’elles est CD2AP [39], qui interagit avec la molécule transmembranaire CD2 et permet son agrégation; une autre est ADAP/Fyb/SLAP130, qui couple l’activation du TCR à celle des intégrines et permet d’augmenter l’adhérence lors des contacts entre le lymphocyte T et les cellules présentatrices d’antigènes [40, 41]. Cette fonction pourrait également être assurée indirectement par des composants du complexe de signalisation déjà décrits. Les adaptateurs connus de la synapse T sont en fait pour la plupart des adaptateurs secondaires (voir Encadré). Les lymphocytes B et T expriment une protéine à domaine PDZ, hDLG (discs large homolog), qui est recrutée avec CD2 lors d’un regroupement de ces molécules induit par des anticorps anti-CD2 [42]. Mais, nous rappellerons qu’une agrégation moléculaire induite par un anticorps ne peut être considérée comme une synapse. Une autre molécule, EBP50, exprimée dans les lymphocytes T et possédant deux domaines PDZ, pourrait faire le lien entre la membrane plasmique et le cytosquelette et régler négativement la formation de la synapse T [43]. Enfin, il faut mentionner la participation des protéines ERM (ezrine, radixine, moésine) (voir Encadré) qui jouent un rôle clé dans la construction de la synapse T en permettant l’exclusion de CD43.

Modifications des synapses induites par leur fonctionnement

Les synapses N sont des structures très dynamiques au cours du développement et ne peuvent être considérées comme des structures stables. Les enregistrements vidéo de neurones vivants exprimant de l’actine couplée à la GFP ont révélé des changements spontanés, rapides (à l’échelle de quelques secondes) et apparemment aléatoires de la forme des épines dendritiques, sortes de bourgeons où s’établissent les contacts synaptiques, qui contrastent avec la relative stabilité morphologique du « tronc » du dendrite [44]. Par ailleurs, il existe une relation réciproque entre la structure de la synapse et son fonctionnement. Au cours du développement d’une synapse, il faut qu’une forme rudimentaire de cette dernière se forme avant que des informations spécifiques de son (ou de ses) neurotransmetteur(s) ne puissent passer. Par la suite, l’activité synaptique affectera l’organisation de la synapse, et notamment la densité des récepteurs. Par exemple, la paralysie des neurones moteurs entraîne en quelques jours une baisse du nombre de récepteurs de l’acétylcholine présents à la synapse et leur redistribution à la surface du muscle [45]; au contraire, un blocage chronique des récepteurs NMDA dans les neurones de l’hippocampe augmente le regroupement synaptique de ces récepteurs [38]. De façon plus subtile, 30 minutes après la stimulation d’un neurone selon un profil particulier, des réorganisations de la synapse peuvent être observées [46].

Les mécanismes qui régissent les changements de structure de la synapse en fonction de l’activité synaptique ne sont pas élucidés mais il est possible que les adaptateurs primaires décrits plus haut soient impliqués. Ainsi, dans les synapses de drosophile, la distribution post-synaptique et la fonction de la protéine Discs large à domaine PDZ sont réglées par la protéine kinase CaMKII, dépendante du calcium et de la calmoduline [47].

Sur la base des observations que nous avons effectuées au niveau de la synapse T-DC, et contrairement à la théorie dominante de « l’antigène d’abord », il nous paraît probable qu’à l’instar de la synapse N, la formation d’une synapse T rudimentaire précède la reconnaissance de l’antigène, après quoi les signaux spécifiques liés à l’antigène modifieraient sa structure et son fonctionnement.

Au niveau de la synapse T-DC, tout se passe comme si la DC émettait une « double injonction » contradictoire, d’une part en délivrant des signaux stimulant vigoureusement la déformation de la membrane du lymphocyte T et, d’autre part, en provoquant une augmentation de la concentration calcique intracellulaire qui tend à arrondir et à immobiliser le lymphocyte T [18]. Cette situation peut être comparée à celle des synapses glutamatergiques, où le glutamate pourrait d’abord induire le développement d’extensions membranaires (filopodes) mobiles par la stimulation de récepteurs NMDA (α-amino-3-hydroxy-5-methyl-4-isoxazole proprionate), puis, après l’apparition de récepteurs de type AMPA, déclencher un mécanisme qui réduirait la plasticité des épines dendritiques [48]. Des mécanismes antérogrades doivent aussi être pris en compte. Ainsi, lors des interactions T-DC, des réponses calciques [18] et des polarisations dynamiques d’actine dans les DC [49] ont été observées, suivies de l’envoi, par les DC, de chapelets de vésicules chargées en CMH de classe II [50]. Les DC reçoivent donc, des lymphocytes T, des signaux précoces qui peuvent influencer la formation de la synapse T-DC.

Conclusions

Le terme de « synapses immunologiques » est-il approprié pour décrire les interactions entre les cellules du système immunitaire? Oui, dans la mesure où les échanges d’informations entre cellules du système immunitaire ont lieu au niveau d’interfaces cellule-cellule qui évoquent les interfaces synaptiques du système nerveux. L’établissement d’un parallèle entre synapses N et synapses T peut fournir de fructueux éléments de réflexion sur les deux systèmes: par exemple sur la question des adaptateurs primaires, ou des liens étroits existant entre deux modes de communication cellule-cellule, par contact direct ou par ligand soluble (parfois sécrété localement, voire immobilisé rapidement). Mais il faut se garder de plaquer un modèle sur l’autre et ne pas oublier que, dans des types cellulaires différents, une même molécule peut servir à des fonctions bien distinctes. Il faut également garder à l’esprit que les « espace-temps » des deux systèmes sont bien différents: une synapse nerveuse peut fonctionner au même endroit pendant des mois ou des années, alors qu’un lymphocyte se déplace en permanence dans l’organisme, établissant des liaisons transitoires avec de nombreuses cellules différentes dans des laps de temps beaucoup plus courts. La brièveté de ces liaisons n’empêche pas que se structurent des synapses assurant un transfert d’informations pendant plusieurs minutes, voire plusieurs heures, qui permet une signalisation durable.

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