Abstracts
Résumé
Le travail à distance effectué au moyen des technologies de l’information et des communications met en question le fondement traditionnel des règles cherchant à identifier la loi applicable aux contrats internationaux de travail. Dans un environnement virtuel, l’exécution de la prestation de travail défie les frontières nationales, employeurs et employés opérant désormais dans un marché numérique et global. La dématérialisation de l’activité favorise la mobilité transfrontalière des télétravailleurs, intensifiant ainsi les difficultés dans la recherche d’un régime juridique qui s’applique de façon cohérente au rapport de travail potentiellement soumis à une diversité de lois. Le présent texte propose une réflexion comparative sur la réponse fournie par le droit international privé et par les règles qui délimitent unilatéralement le domaine territorial de la Loi sur les normes du travail au Québec. Sous un regard critique, nous soulignons les contradictions résultant d’une application non coordonnée de ces régimes. Pour remédier aux incohérences, nous défendons la voie de leur articulation, en justifiant sa pertinence d’un point de vue téléologique et en présentant les moyens techniques de sa réalisation.
Abstract
Remote work conducted via information and communication technologies questions the traditional foundation of the rules determining the law applicable to international employment contracts. In a virtual environment, the performance of work defies national borders, with employers and employees operating in a digital and global marketplace. The dematerialization of work encourages the cross-border mobility of teleworkers, thus intensifying the difficulties in finding a legal regime that applies consistently to an employment contract potentially subject to multiple laws. This paper offers a comparative reflection on the response provided by private international law and by the rules that unilaterally define the territorial scope of the Act Respecting Labour Standards in Quebec. From a critical perspective, we highlight the contradictions resulting from an uncoordinated application of these regimes. To address the inconsistencies, we advocate the articulation between them from a teleological point of view and propose the technical means of its implementation.
Article body
Introduction
Malgré le retour progressif au travail en présentiel après la fin de l’urgence sanitaire, le travail à distance, au moyen des technologies de l’information et de la communication, s’inscrit dans l’avenir du marché du travail[1]. Même si les prévisions sur l’évolution du phénomène à l’échelle internationale demeurent incertaines, la pandémie de COVID-19 a démontré que dans une économie fortement mondialisée, la distance géographique entre l’employeur et l’employé n’est plus un obstacle à l’exécution de l’activité. On a assisté à l’émergence d’une « culture du management » selon laquelle les frontières ne peuvent s’ériger en barrière pour accéder aux talents[2]. Certains employeurs ayant fait du télétravail une modalité prioritaire d’emploi ont fait la promotion d’une politique « work from anywhere »[3] qui mise sur l’autonomie, la flexibilité et la convivialité start-up tant prisée des nomades numériques[4]. Dans ce marché virtuel global, non seulement les entreprises se font concurrence en quête de la main-d’oeuvre nécessaire, mais aussi les États entre eux, afin d’attirer les travailleurs étrangers à s’y installer pour exercer leurs activités. La pandémie a été le laboratoire qui nous a permis d’observer ce mouvement vers lequel convergent actuellement une multitude d’États et de régions du monde ayant conçu des programmes spéciaux d’immigration pour attribuer une résidence temporaire à ceux voulant combiner travail, qualité de vie et expérience de dépaysement[5].
Plusieurs enquêtes et articles de presse témoignent d’une ouverture des entreprises canadiennes au recrutement international des télétravailleurs, notamment pour remédier à la pénurie de main-d’oeuvre locale dans certains domaines, ainsi qu’aux politiques « work from anywhere », pour accroître leur attractivité et dynamiser leur organisation[6]. Le Canada serait par ailleurs un pays de destination pour des travailleurs hautement qualifiés, empêchés de demeurer sur le territoire des États-Unis pour des raisons migratoires. Grâce à un partenariat avec le gouvernement du Canada, des agences canadiennes se chargent du « nearshoring » de ces travailleurs[7], en vue d’obtenir pour eux un statut de résident canadien qui leur permettrait, à la fin d’un processus accéléré d’immigration, de renouer leur lien contractuel avec l’employeur américain[8].
Les conséquences de ces pratiques sur le plan juridique peuvent entraver leur développement. L’incertitude sur le sort du contrat et l’absence d’articulation entre les normes ayant vocation à le régir constituent des « regulatory frictions »[9] qui réclament des solutions adaptées. Pour affronter ces enjeux, on pense immédiatement aux règles de droit international privé, qui ont pour mission spécifique de résoudre le conflit de lois potentiellement applicables à une situation transfrontalière en ayant recours aux critères de rattachement les plus appropriés selon la nature du rapport de droit. Les règles de conflit portant sur le contrat de travail international désignent le régime gouvernant la formation, l’exécution et la cessation du contrat, y compris les dispositions impératives ayant pour but de protéger le travailleur en tant que « partie faible » du rapport de travail[10]. Cependant, ce système aspirant à appréhender de façon unitaire le contrat individuel de travail se voit concurrencé par le régime statutaire établissant les conditions minimales d’emploi. L’application de ce dernier dans un contexte transfrontalier suit une démarche propre, détachée du processus ordinaire des conflits de lois. Ainsi, ces deux ensembles normatifs semblent opérer en vase clos, chacun établissant pour lui-même des critères de rattachement qui ne sont pas toujours convergents et qui peuvent se contredire mutuellement. L’analyse de l’application au télétravail transfrontalier des règles de conflit de lois (I) et du régime établissant les normes minimales d’emploi au Québec (II) nous conduira à aborder sous un angle critique le rapport entre ces méthodes, dans l’objectif de démontrer le besoin de coordination entre elles (III).
I. La loi applicable au télétravail transfrontalier
Cette section traitera des règles de droit international privé relatives au contrat de travail (la méthode conflictuelle), en commençant par la réception de l’autonomie de la volonté dans la détermination de la loi applicable au contrat, pour ensuite présenter les enjeux du rattachement objectif eu égard au télétravail transfrontalier.
A. Le choix de la loi applicable et ses limites
Le régime conflictuel du contrat de travail en droit québécois est façonné sur le modèle de la Convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles[11], celle-ci étant à son tour à l’origine du règlement Rome I[12], ce qui témoigne du rapprochement entre les systèmes québécois et européen. La faculté de désigner la loi applicable au rapport d’emploi dérive du principe général de l’autonomie de la volonté conflictuelle reconnu à l’article 3111 CcQ. Le choix de la loi applicable à un contrat international de travail peut soit être contenu dans une clause expresse du contrat, soit être déduit d’une façon certaine des termes convenus. Le recours à cet instrument permet d’affronter les aléas d’une relation de travail particulièrement propice à l’internationalisation, en neutralisant l’« effet surprise » des mobilités transfrontalières du télétravailleur. Or nous verrons que l’efficacité de cet outil d’anticipation contractuelle peut être frustrée par l’unilatéralisme des normes minimales d’emploi[13].
Reconnaissant le caractère déséquilibré du rapport de travail qui place les parties en situation d’inégalité réelle dans l’exercice de leur liberté contractuelle, le Code civil du Québec impose des restrictions à la désignation du droit applicable. La loi choisie sera respectée dans la mesure où elle ne prive pas le travailleur de la protection offerte par la loi qui serait applicable en l’absence de désignation par les parties. De cette façon, on garantit au travailleur un seuil minimal de protection qui sera déterminé par la loi de l’État où il accomplit habituellement son travail ou, à défaut, par celle de l’État du domicile ou de l’établissement de l’employeur[14]. Cette restriction comporte la nécessité de procéder à un exercice de comparaison des résultats de l’application des lois en cause à la situation concrète, l’autorité saisie du litige devant constater une privation effective des droits du travailleur. Dans cette perspective, la loi choisie par les parties sera confrontée aux « dispositions impératives » de la loi qui serait appelée à résoudre le litige à défaut de choix[15].
Le contenu de ces dispositions varie selon les ordres juridiques, mais on peut identifier en droit comparé un noyau dur de règles qui interviennent dans le contrat de travail dans un objectif de protection des employés. Issues de sources diverses (législations, règlements, jurisprudence, conventions collectives, usages), ces règles touchent notamment au salaire minimum, à la rémunération des heures supplémentaires, au temps du travail, aux congés payés, à la protection contre le harcèlement et les disparités de traitement, et à la rupture du contrat de travail[16]. À ces règles s’ajoutent les dispositions spécifiques qui encadrent le recours au télétravail, les conditions pour y accéder et y mettre fin, ainsi que les conséquences pour les parties en ce qui concerne la prise en charge des coûts associés à son organisation, la protection de données, la déconnexion du travail, le respect de la vie privée du salarié, etc. Les réglementations spéciales traitant de ces aspects se sont multipliées depuis l’irruption de la pandémie[17].
Lorsque la règle de conflit objective désigne comme applicable au contrat de travail une loi canadienne, les dispositions impératives à examiner comprennent les standards de protection minimale établis par la loi provinciale compétente ou par le Code canadien du travail[18], dans le cas des employés opérant dans des secteurs relevant de la compétence fédérale. Or, la désignation du droit applicable ne se limite pas aux normes d’origine législative, elle englobe également les règles de common law portant sur l’objet du litige, en vigueur dans les provinces autres que le Québec. Ainsi, devant une action en réparation de dommages pour congédiement injustifié qui aurait été régie par le droit ontarien à défaut de choix, un tribunal québécois devra considérer le régime de la common law qui accorde au travailleur le droit d’obtenir un montant supérieur à celui fixé par les normes minimales d’emploi de l’Ontario. Pour que cette protection puisse être écartée par une clause du contrat, il doit s’en dégager une intention claire à cet effet, toute ambiguïté devant s’interpréter en faveur du salarié[19]. La clause doit se conformer au minimum statutaire prévu, autrement celle-ci sera dépourvue d’effets et le salarié pourra demander la protection maximale, en réclamant des dommages et intérêts suivant la common law[20]. Cet exemple illustre l’étendue de la référence aux dispositions impératives de la loi objectivement applicable. Il démontre également que les règles limitatives du choix de loi au sens de l’article 3118 CcQ empruntent des formes variables d’impérativité, en imposant les conditions de validité de la renonciation conventionnelle au « reasonable notice of termination » et en se substituant aux normes minimales d’emploi pour garantir au travailleur un meilleur niveau de protection, en cas de non-respect de celles-ci.
Le test comparatif de l’article 3118 CcQ consacre ainsi l’application de la loi la plus favorable au salarié, laissant la place à l’autonomie de la volonté lorsque la loi choisie offre au travailleur une protection majeure ou équivalente à celle prévue par les dispositions impératives émanant de la loi objectivement applicable. Le choix de la loi ontarienne dans un contrat de travail interprovincial exécuté au Québec n’est donc pas nul et ne contrevient pas à l’article 93 de la Loi sur les normes du travail (LNT)[21], car le mécanisme protecteur de l’article 3118 CcQ tend justement à éviter que le travailleur soit privé des droits plus favorables issus de la loi locale[22].
Il convient de noter que le degré d’impérativité exigé par l’article 3118 CcQ n’est pas celui associé aux lois de police de la lex fori ou d’un État tiers étroitement connecté au litige[23]. Même si, dans la plupart des cas, les règles protectrices des travailleurs sont non seulement impératives en droit interne mais aussi sur le plan international, leur intervention dans le rapport contractuel se fait d’ordinaire par le biais de la règle de conflit spéciale, sans besoin de recourir au mécanisme exceptionnel des lois de police. Cela s’explique par le fait que le champ d’application territorial des lois de police en la matière coïncide généralement avec le critère principal utilisé par l’article 3118 CcQ pour restreindre le choix de la loi, soit le lieu où le travailleur accomplit habituellement ses fonctions[24]. Lorsque cette convergence fait défaut, l’employé pourrait, en effet, faire valoir les lois de police du for ou étrangères pour obtenir la protection non conférée ni par la loi choisie ni par la loi applicable à défaut de choix[25].
B. La règle de conflit objective
Le deuxième alinéa de l’article 3118 CcQ désigne la loi applicable au contrat de travail lorsque les parties ont omis de le faire expressément ou implicitement. Deux facteurs de rattachement sont établis par la règle de conflit objective, selon que le salarié exécute son travail depuis un lieu habituel ou non. Dans le premier cas, c’est cet État qui fournira le régime juridique applicable, alors que, dans le deuxième, le contrat sera soumis à la loi de l’État où l’employeur a son domicile ou son établissement. Si ce dernier possède des établissements dans des États différents de celui où la compagnie est incorporée[26], la règle de conflit ne précise pas lequel des rattachements est à retenir. La solution devra alors être recherchée dans le principe de proximité sous-jacent, ce qui impliquera de sélectionner l’État du domicile ou de l’établissement qui matérialise le lien de rattachement le plus étroit avec la situation concrète.
Le caractère habituel du lieu du travail au sens de la règle de conflit n’exclut pas la mobilité transfrontalière pendant la durée de l’emploi. Ce critère n’est donc pas incompatible avec l’exécution d’une partie du travail depuis plusieurs États, dans la mesure où ces déplacements n’empêchent pas l’identification d’un État depuis lequel le travailleur accomplit ses activités de façon prépondérante[27]. Un contrat de travail exécuté sous une modalité hybride, combinant une présence majoritaire dans les bureaux de l’entreprise et un certain temps de travail au domicile du travailleur situé en territoire frontalier, ne devrait donc pas avoir d’impact sur le facteur de rattachement principal. En revanche, lorsque le temps de travail est réparti équitablement entre plusieurs pays, sans qu’on puisse déceler un centre principal d’exécution des activités, le parcours du travailleur manque de la stabilité nécessaire à la détermination d’un seul et unique lieu habituel de travail. Ce cas de mobilité transfrontalière visé par la règle de conflit comprend sans difficulté le phénomène du nomadisme numérique, où le rattachement à la lex loci laboris devient artificiel face aux modifications successives du lieu de travail, la loi applicable étant dans ce cas celle du pays d’origine de l’employeur (domicile ou établissement).
Lorsque le télétravail en dehors des frontières du pays de l’employeur constitue la modalité principale d’exécution du contrat, la détermination du « lieu habituel de travail » peut devenir problématique. Dans cet environnement, les barrières spatiales entre les deux parties semblent s’effacer grâce à des outils technologiques capables de générer une « présence virtuelle » du travailleur dans les locaux de l’employeur, tout en assurant l’exercice par celui-ci de son pouvoir de direction. La dimension virtuelle de l’activité et la mobilité de l’employé suscitent deux difficultés importantes qui mettent en question les fondements de ce rattachement classique.
La première difficulté a trait à la pertinence même d’un critère de désignation qui se fonde sur la situation géographique de l’ordinateur à partir duquel le télétravailleur s’acquitte principalement de ses obligations. L’ancrage territorial du home office du salarié ne présenterait pas un lien de proximité suffisamment étroit avec le contrat de travail lorsque l’employeur ne déploie pas d’activité économique sur ce territoire. C’est pour ce motif que certains auteurs préconisent l’utilisation de la clause d’exception, qui permettrait de rattacher la relation de travail à la loi de l’établissement de l’employeur à partir duquel celui-ci exerce son pouvoir de contrôle et auquel est destinée la prestation virtuelle de travail[28]. Le mécanisme prévu par l’article 3082 CcQ peut se révéler utile pour écarter un rattachement inadapté à la réalité du télétravail pratiqué à l’initiative du salarié depuis un territoire étranger aux intérêts économiques de l’employeur. Cependant, le recours à cette « exception » pour résoudre au cas par cas le défaut de proximité démontre précisément la nécessité de repenser le bien-fondé de la solution générale dans ce contexte.
La deuxième difficulté résulte de la circulation géographique du télétravailleur pendant la durée du contrat. On ne réfère pas ici aux nomades numériques, hypothèse que nous avons abordée dans le cadre du rattachement spécialement prévu par l’article 3118 CcQ pour les situations où il n’existe pas de lieu habituel de travail. Nous évoquons en ce moment les conséquences d’un changement de domicile du salarié sur la détermination de la loi applicable au contrat. Si les parties ont convenu de la continuation de l’activité depuis la nouvelle résidence du travailleur, la localisation du contrat sera fixée dans cet État une fois que l’exécution du travail aura acquis un caractère habituel au sens de la règle de conflit. Or, l’enjeu est de savoir si une modification unilatérale du domicile du salarié entraînera un changement de la loi applicable lorsque l’employeur ignore la mutation opérée, en a eu simplement connaissance ou manifeste clairement son opposition à celle-ci. Une réponse affirmative à cette question menacerait la prévisibilité comme fondement des règles de conflit contractuelles, la loi applicable devant normalement répondre aux attentes légitimes des parties au stade de la conclusion du contrat ou ultérieurement, en cas de modifications convenues entre elles.
La particularité de la règle de conflit relative aux contrats de travail c’est qu’au-delà de la prévisibilité, elle est censée remplir un objectif de protection du travailleur, ce qui implique la nécessité de maintenir la séparation entre les rattachements subjectif et objectif conçus par l’article 3118 CcQ. Or, une fixation contractuelle du lieu de travail qui empêcherait de considérer le lieu effectif depuis lequel le travailleur accomplit son activité éclipserait la distinction entre les deux critères, en laissant entre les mains de l’employeur le pouvoir de neutraliser l’effet protecteur du rattachement objectif. La difficulté est en quelque sorte inédite, les situations traditionnelles de mobilité ne comportant pas de problèmes majeurs sous l’angle de la prévisibilité[29]. Que l’employé soit temporairement transféré vers un autre État, ou qu’il se déplace dans plusieurs États pour exécuter ses fonctions, c’est l’employeur qui l’envoie outre-frontière. Par conséquent, c’est lui qui définit le périmètre territorial au sein duquel sera ultimement fixé le lieu habituel de travail. On voit ainsi que protection et prévisibilité ne sont pas des valeurs opposées dans un contexte ordinaire de mobilité des travailleurs.
Le respect des attentes contractuelles, en général, et le caractère essentiellement volontaire du télétravail qui se dégage uniformément en droit comparé[30], en particulier, militent en faveur d’une solution compatible avec le fondement de prévisibilité dont on ne saurait dépouiller la règle de conflit sur le contrat de travail. Deux décisions serviront à illustrer ce positionnement. Dans un arrêt du 27 novembre 2013 opposant une société britannique et un salarié qui télétravaillait depuis son domicile en France tout en se rendant aux bureaux de son employeur à Londres une fois par semaine, la Cour de cassation française a fixé le lieu habituel de travail au Royaume-Uni. Elle a considéré que la tolérance dont le travailleur avait bénéficié ne pouvait autoriser une dérogation aux termes du contrat, en l’absence d’une entente claire entre les parties pour modifier la localisation du lieu de travail[31].
La deuxième décision que nous mentionnerons à titre illustratif ne contient pas d’analyse de droit international privé mais de droit substantiel uniquement. La Cour suprême de la Colombie-Britannique a estimé qu’un employé autorisé à télétravailler depuis son lieu de résidence en Alberta avait été congédié par une compagnie britanno-colombienne pour juste cause, en raison d’un déménagement non autorisé vers le Mexique[32]. D’une part, l’employé invoquait sa liberté de mouvement dans le cadre du contrat, en vertu de la clause qui lui permettait de télétravailler depuis son domicile sans restriction territoriale précise. D’autre part, il s’appuyait sur sa capacité de remplir ses responsabilités depuis le Mexique. La Cour n’a pas retenu ces deux arguments, car la décision concernant la relocalisation d’un employé vers un État différent de celui prévu dans le contrat demeure une prérogative de l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction. Même si cette affaire n’est pas un exemple de situation purement interne, le raisonnement suivi par la Cour sert à illustrer que, dans les rapports initialement rattachés à un seul ordre juridique[33], le changement transfrontalier du domicile d’un télétravailleur qui n’est pas autorisé par l’employeur peut recevoir une réponse directe, d’ordre substantiel, qui permet d’évacuer en amont la problématique du conflit de lois.
II. La portée territoriale de la Loi sur les normes du travail
La Loi sur les normes du travail encadrant les conditions minimales à respecter dans les rapports individuels et collectifs de travail au Québec contient une disposition expresse qui établit ses critères d’application territoriale. Ils distinguent selon que le travail a été effectué dans la province, en dehors de celle-ci ou à la fois au Québec et hors Québec. Nous analyserons la jurisprudence sur l’applicabilité de cette législation provinciale aux demandes relatives aux contrats de travail exécutés par des salariés depuis leur domicile, tantôt situé au Québec, tantôt situé ailleurs.
A. Le travail au Québec
Pour définir sa portée territoriale, la LNT commence par exiger l’exécution du travail dans la province. Dans un souci de protection, le législateur a voulu étendre le bénéfice des conditions minimales de travail de façon uniforme à l’ensemble des travailleurs accomplissant leurs activités sur le territoire du Québec, indépendamment de l’origine de l’employeur. Les autorités chargées de l’application de la loi ont eu l’occasion de préciser leur conception du lieu où est effectué le travail au sens de l’article 2 LNT dans quelques décisions portant sur des plaintes pour congédiement injustifié introduites par des télétravailleurs à domicile sur le fondement de l’article 124 LNT. Sans surprise, il s’agit du territoire où se situe le domicile du salarié et à partir duquel il accomplit ses fonctions. Ainsi, dans l’affaire McGinnity, une employée embauchée par une entreprise du Nouveau-Brunswick pour travailler depuis sa résidence à Montréal dans la rédaction de textes promotionnels pour les médias est couverte par le domaine territorial de la LNT. Les déplacements à deux moments ponctuels vers le siège social de l’employeur au Nouveau-Brunswick n’ont pas eu d’incidence sur la localisation du lieu du travail[34].
Pour les mêmes motifs, lorsque le télétravailleur accomplit ses tâches pour une entreprise québécoise depuis son domicile à l’extérieur de la province, en se présentant aux bureaux de son employeur au Québec de façon occasionnelle pour de brèves rencontres, son recours pour congédiement injustifié demeure en dehors du domaine de la loi. Ce fut le cas dans l’affaire Holm de 2008, concernant un télétravailleur domicilié au Massachusetts, intégré à une équipe qui fournissait des services financiers à des clients en Europe, en Inde, en Australie, aux États-Unis et au Canada, sous la supervision d’un groupe ayant son siège social à Montréal et des filiales aux États-Unis[35]. Invoquant la protection contre le congédiement injustifié offerte par la LNT, le plaignant soutenait une interprétation novatrice selon laquelle, « avec les nouvelles technologies, le lieu à partir duquel l’employé exécute son travail est secondaire et doit donc être apprécié différemment pour l’applicabilité de l’article 2 de la Loi »[36]. La réponse de la Commission des relations du travail a été catégorique. Tout en admettant que « les technologies aient permis d’abolir la distance dans le cadre d’une prestation du travail »[37], elle s’en tient à une interprétation littérale de l’article 2 LNT, en considérant que cette disposition exige une exécution « réelle, voire physique » du travail au Québec[38], ce qui s’est traduit par le rejet de la demande du travailleur.
Dix ans après, le même argument a été avancé au soutien d’une plainte pour congédiement injustifié introduite par une télétravailleuse qui remplissait ses obligations depuis son domicile à Calgary, dans le cadre d’un contrat de représentante aux ventes conclu avec une compagnie montréalaise[39]. Quoique la conclusion du Tribunal administratif du Travail (TAT) rejoigne celle de la Commission des relations du travail dans Holm[40], le raisonnement suivi ne se montre pas insensible à l’argument selon lequel « l’évolution des moyens technologiques permet l’exécution de son travail de partout dans le monde », qu’il juge « séduisant » et pouvant mériter l’attention du législateur dans une future réforme législative[41]. Ce constat, en harmonie avec l’évolution du travail à l’ère de l’économie numérique, n’a pas empêché le TAT de confirmer l’interprétation de l’article 2 LNT exigeant un rattachement physique avec le Québec pour justifier l’application des règles protectrices invoquées.
B. Le travail hors Québec
L’accomplissement du travail intégralement à l’extérieur du Québec place le travailleur en dehors de la protection de la LNT, à moins de démontrer qu’il est domicilié ou résident dans la province et que son employeur a sa résidence, son domicile, son entreprise, son siège ou son bureau au Québec[42]. Le principe étant celui de l’application territoriale de la Loi aux employés exécutant leurs fonctions dans la province, cette situation revêt un caractère spécial au sein de l’article 2 LNT. L’examen de la jurisprudence révèle que les critères mentionnés alternativement dans la disposition sont examinés au regard du véritable employeur du plaignant, compte tenu des éléments factuels caractérisant la relation de travail, indépendamment des liens de propriété ou d’actionnariat qui rattacheraient l’entité à d’autres personnes morales. Cette conclusion s’entend sous réserve de la théorie de l’osmose permettant d’assujettir à la LNT une autre entité à laquelle l’employeur nominatif serait intégré, au point de ne former qu’une seule entreprise, en raison de l’imbrication des structures et du caractère interchangeable des moyens de production[43].
La Loi vise ainsi l’employeur jouissant d’une capacité de gestion indépendante, qui exerce avec autonomie la direction des activités du salarié. La décision Tardif constitue à cet effet une référence importante dans l’interprétation du paragraphe 2 de l’article 2 LNT[44]. Un résident québécois qui exécute son travail en Ontario, pour une entreprise ontarienne, filiale d’une société ayant son siège social à Montréal, n’est pas couvert par le domaine territorial de la Loi. Dans les faits, c’est la filiale ontarienne qui organisait l’ensemble des opérations, versait le salaire et fournissait l’équipement pour l’exécution des tâches, sans qu’aucun lien n’ait jamais existé entre le salarié et la compagnie mère québécoise, même si le contrat de travail avait été signé dans les bureaux de cette dernière[45]. Dans cette affaire, la « confusion » des employeurs selon la théorie de l’osmose a été rejetée[46].
Quant aux éléments de rattachement de l’employé au Québec, concrétisés dans l’exigence du domicile ou de la résidence, ils sont interprétés conformément aux articles 75 et suivants du Code civil. La résidence, notion de fait, peut faire l’objet d’une modification lorsque l’employé s’installe dans un nouvel État afin d’accomplir sa prestation de travail. Cependant, les déplacements pour les fins de l’emploi pendant une période donnée n’auraient, en principe, pas d’impact sur le domicile du salarié, à moins de démontrer une intention de permanence dans le nouveau lieu de résidence[47]. Cette hypothèse semble conçue pour protéger les travailleurs québécois assignés temporairement par leurs employeurs en dehors de la province pour exécuter un projet déterminé[48]. Dans un contexte de télétravail, elle couvrirait également les nomades numériques embauchés par des employeurs québécois et conservant leur domicile dans la province, pour autant qu’ils n’aient pas fixé leur principal établissement à l’étranger[49]. L’employeur aurait toujours la possibilité de démontrer l’élément intentionnel justifiant le changement de domicile, ce qui entraînerait la perte de la condition de salarié visée par le deuxième paragraphe de l’article 2 LNT.
C. Le travail à la fois au Québec et hors Québec
Une troisième situation relevant du champ d’application de la LNT concerne le travail exécuté « à la fois au Québec et hors du Québec », effectué « pour un employeur dont la résidence, le domicile, l’entreprise, le siège ou le bureau se trouve au Québec »[50]. Bien que la disposition ne fasse pas expressément mention de la proportion que doit représenter le travail au Québec par rapport à l’ensemble des activités de l’employé, la jurisprudence a précisé à plusieurs reprises que la partie du travail accomplie au Québec doit être significative ou substantielle pour qu’un employé puisse prétendre au bénéfice de la LNT. Par conséquent, des visites ou des séjours occasionnels au Québec ne constituent pas la réalisation effective d’une prestation de travail dans la province[51]. Dans ces circonstances, le travailleur sera traité comme s’il avait intégralement travaillé en dehors du Québec, ce qui détermine son exclusion du domaine de la LNT, à l’exception des cas où il maintiendrait son domicile ou sa résidence au Québec[52].
La condition additionnelle relative à l’employeur, que l’on peut résumer comme étant l’exigence d’exploiter une entreprise dans la province, a été interprétée dans quelques décisions concernant des salariés travaillant à titre de représentants ou d’agents de ventes pour le territoire du Québec. Les employeurs, qui n’avaient pas de place d’affaires au Québec au sens matériel du terme, ont été considérés avoir constitué un bureau ou un établissement dans le domicile du salarié depuis lequel ce dernier exécutait principalement ses services[53], ou plus génériquement dans la province du Québec, en raison de la vente et de la promotion des produits pour une clientèle locale[54]. Le fondement de l’analyse concluant à l’exploitation d’une entreprise repose sur l’idée qu’« [e]xercer une entreprise au Québec, au sens de la Loi sur les normes du travail, veut dire [...] qu’un employeur exerce au Québec, sur une base continue, et présentant un certain caractère de permanence, des services ou du travail par l’intermédiaire d’un ou plusieurs employés » [nos italiques][55]. Quoique sans expliciter ses motifs, dans l’affaire Micros, la Cour arrive à la même conclusion, en considérant qu’une compagnie américaine avait établi un bureau au Québec dans la résidence d’un salarié qui exécutait ses fonctions en régime de télétravail. En tant que « regional sales director », l’employé était en l’espèce chargé de desservir une clientèle américaine et québécoise, aussi bien depuis son domicile qu’en se rendant aux États-Unis. Pour sa part, l’employeur avait défrayé les coûts de connexion à Internet ainsi que ceux associés à l’installation des lignes téléphoniques[56].
Avec la progression du télétravail à l’échelle mondiale et la diversification des tâches susceptibles d’être exécutées sous cette modalité, on pouvait s’attendre à ce qu’un télétravailleur domicilié dans un État donné soit embauché par une entreprise ayant son siège social et ses places d’affaires dans d’autres territoires, pour rendre ses services au profit d’un secteur du marché géographiquement éloigné de l’espace physique de travail. C’est ce qui s’est produit dans l’affaire Marchetta concernant une télétravailleuse ayant rendu l’entièreté de ses services de soutien financier à une clientèle américaine. Dans une première décision du 18 mai 2021 (Marchetta TAT-1), le tribunal avait statué en faveur de l’applicabilité de la LNT à l’employée, laquelle avait rempli ses obligations à la fois depuis son domicile au Québec et en se rendant chez des clients aux États-Unis[57]. Sur le fondement de l’arrêt Boisvert[58], on a estimé que l’employeur avait créé un établissement au domicile de l’employée au Québec[59]. Ce raisonnement fut révisé le 15 novembre 2021, dans une décision (Marchetta TAT-2), confirmée par la Cour supérieure, qui introduit une nouvelle ligne interprétative[60].
La deuxième décision du TAT affirme que, dans les circonstances de l’affaire, attribuer un établissement à l’employeur dans la résidence du salarié constitue un vice de fond méritant révision. Après avoir reproduit la citation doctrinale selon laquelle un employeur étranger est censé exploiter une entreprise au Québec par l’entremise de ses salariés, le TAT apporte une nuance importante : « [i]l va de soi que les services dispensés ou le travail des employés doivent viser le territoire québécois »[61]. En réalité, l’association entre marché ciblé et lieu de travail, qui allait de soi en 1987 lorsque ces propos ont été publiés, n’est pas transposable au contexte numérique, où les services accomplis dans un État peuvent traverser instantanément les frontières par le réseau et se répercuter sur un marché distinct. La précision est de taille, compte tenu de la dissociation géographique que les moyens technologiques peuvent opérer avec immédiateté entre le travail et le marché auquel celui-ci est destiné. Trois arguments fondamentaux ont été avancés par la décision Marchetta TAT-2. Le premier est celui relatif à l’absence d’activité économique de l’employeur au Québec, ce qui distinguait le litige de l’affaire Boisvert[62]. Le deuxième réside dans l’impossibilité d’accorder à la LNT une portée extraterritoriale[63]. Enfin, le TAT souligne un troisième élément :
Dans son cas de figure, il n’y a aucune différence entre elle [la télétravailleuse] et celle d’un salarié de l’entreprise demeurant aux États-Unis et oeuvrant sur ce territoire. En aucun temps, pourrions-nous soutenir que la LNT s’applique à ce dernier. Conclure autrement équivaudrait à rendre applicable la LNT à tout employeur partout dans le monde dès qu’un de ses salariés réside au Québec[64].
Chacun des arguments mériterait une réflexion approfondie qu’il nous est impossible d’aborder dans le cadre de ce texte. Cela ne nous empêchera toutefois pas de noter que si, comme l’affirme le TAT en guise de conclusion, l’absence de ciblage du marché québécois efface les différences entre la télétravailleuse québécoise et les salariés travaillant dans les locaux de l’entreprise aux États-Unis, pourquoi ne pas avoir directement localisé le lieu d’exécution du télétravail aux États-Unis? La distinction entre la deuxième hypothèse (travail hors Québec) et la troisième (travail à la fois au Québec et hors Québec) conserverait-elle sa pertinence dans ce type de situations? Si la réponse à cette question était négative, il n’y aurait pas de raison pour ne pas retenir cette conception du « lieu habituel de travail » au sens des règles de droit international privé.
On ne connaît pas combien de fois l’employée s’est déplacée aux États-Unis pour rencontrer des clients. Il semble que cela a eu peu d’importance face au constat de l’inexistence d’activités économiques de l’employeur au Québec. Cependant, quelle aurait été l’issue du litige si l’employée avait rendu ses services intégralement depuis son domicile au Québec (en ne faisant aucun voyage aux États-Unis)? À s’en tenir à l’interprétation territorialiste du lieu de travail défendue dans Holm[65] et Trainor[66], madame Marchetta aurait bénéficié de la protection de la LNT, l’argument du marché local ne trouvant sa place que dans le cadre d’un travail partagé entre le Québec et un autre territoire. Or, la ligne de division qui sépare la zone de protection de la zone grise où tout dépend de la destination économique du télétravail semble, à la lumière de cet exemple, arbitraire. Si des déplacements occasionnels hors Québec ne sont pas exclus par la première hypothèse prévue par l’article 2 LNT[67], combien de voyages à l’extérieur sont-ils nécessaires pour tomber en dehors de la LNT? Une chose semble indiscutable : le maintien d’une conception « réelle, voire physique »[68] du lieu de travail oblige l’interprète, en cas de mobilité transfrontalière du télétravailleur, à considérer des éléments autres que le fait d’avoir un employé dans la province, pour déterminer si l’employeur y exploite effectivement une entreprise. La seule présence du home office du télétravailleur au Québec, rendue équivalente à un bureau de l’employeur, supprimerait la distinction entre ces deux exigences (travail et exploitation d’une entreprise) expressément prévues par le législateur[69].
III. Le rapport entre les méthodes de désignation de la loi applicable
Un examen comparatif des deux procédés de désignation de la loi applicable au contrat de travail exposés révèle des différences notables de fonctionnement. En délimitant sa propre application dans l’espace, la Loi sur les normes du travail utilise une méthode unilatérale. En revanche, le droit international privé recourt à la méthode bilatérale de la règle de conflit, dont les facteurs de rattachement peuvent conduire au droit québécois ou à un droit étranger. Le rapport qu’entretiennent ces deux méthodes nécessite d’être clarifié. Si le contentieux entourant l’application de la LNT témoigne d’une absence de dialogue entre les deux, la voie de l’articulation devrait prévaloir, pour ne pas vider la règle de conflit de sa fonction protectrice.
A. La séparation des méthodes
Dans la jurisprudence analysée, les critères qui définissent le domaine territorial de la LNT sont traités de façon indépendante de toute analyse de conflit de lois. Les autorités chargées de son application suivent ainsi une démarche unilatérale, acceptant ou refusant de recevoir la plainte du travailleur selon que la situation satisfait ou non aux critères établis par l’article 2 LNT. Le fondement de cette solution résiderait dans le respect de la volonté expresse du législateur, exprimée dans les limites du principe constitutionnel qui empêcherait d’accorder une efficacité extraterritoriale à une loi provinciale[70]. Un tel procédé correspond à une approche statutaire du conflit de lois en matière de contrats de travail qui part de la législation substantielle pour déterminer son étendue dans l’espace. Or, la Cour suprême du Canada a confirmé à plusieurs reprises que les règles de droit international privé contenues dans le Code civil intègrent les exigences constitutionnelles de proximité qui encadrent la compétence législative provinciale en matière de droits civils[71]. La séparation entre les méthodes conduit à des disparités qui remettent en question l’efficacité de la politique de protection présidant aux deux ensembles normatifs.
Bien que l’article 3118 CcQ et l’article 2 LNT partagent le lieu habituel de travail comme point d’ancrage principal du rapport employeur-salarié, ils s’éloignent quant à la place attribuée à ce critère en cas de mobilité transfrontalière, ainsi que dans la configuration des autres facteurs de rattachement. Le droit international privé admet le choix de la loi appelée à gouverner le contrat de travail, dans la mesure où elle se révèle plus favorable au salarié que la loi désignée objectivement. L’autonomie de la volonté conflictuelle remplit ainsi un objectif de politique législative essentiel, en ayant pour effet de rehausser le seuil de protection conféré au travailleur. En revanche, la LNT ne contemple pas cette possibilité, ce qui entraînerait, dans une perspective statutaire, l’inefficacité du choix de loi si aucun des trois scénarios prévus par l’article 2 LNT n’est rencontré. Les affaires Brown[72] et Trainor[73] illustrent cette discordance de rattachements. Dans les deux cas, une clause du contrat désignait le droit québécois comme applicable au rapport juridique[74]. Dans les deux cas, les employés avaient saisi en vain les autorités québécoises en invoquant la protection de la LNT contre le congédiement injustifié par des employeurs québécois. Ayant accompli leurs activités en dehors de la province, ces travailleurs n’ayant ni domicile ni résidence au Québec ont vu leurs plaintes rejetées.
Comme nous l’avons mentionné auparavant, le lieu habituel du travail au sens de la règle de conflit objective ne change pas en raison de l’exécution partielle de la prestation depuis un État différent. Logiquement, la proportion du temps de travail effectuée dans cet autre lieu ne doit pas être de nature à modifier le centre de gravité du contrat. En revanche, une répartition du temps de travail entre le Québec et un autre territoire (hormis les cas des voyages sporadiques) tomberait sous l’empire de l’article 2 LNT, qui conditionne l’application de la LNT à la présence de l’employeur dans la province, à travers son domicile, sa résidence, son entreprise ou son bureau. L’affaire Marchetta en fournit une bonne illustration, la difficulté d’attribuer à l’employeur une finalité d’entreprise sur le territoire québécois ayant déterminé la non-application de la LNT[75]. Sous l’angle du droit international privé, la solution aurait pu nonobstant conduire à l’application de la loi québécoise. Le home office situé au domicile de la télétravailleuse aurait pu représenter la localisation prépondérante du lieu de travail pour les fins de l’article 3118 CcQ.
Encore à défaut de choix, la règle de conflit désigne comme applicable la loi du pays d’exécution habituelle du travail lorsque le travailleur est assigné temporairement à l’étranger. Cette hypothèse peut entrer dans le domaine de la LNT, à condition que l’employeur puisse être rattaché au Québec et que le travailleur y maintienne son domicile ou sa résidence. Or, ces règles en apparence convergentes peuvent aboutir à des résultats incohérents dans le contexte du télétravail transfrontalier. À la différence du salarié temporairement transféré par son employeur vers un lieu de travail distinct, la mobilité du télétravailleur obéit dans la plupart des cas à une demande du salarié, en quête de conditions de travail flexibles. Ni le domicile ni la résidence du salarié ne sont considérés par la règle de conflit de lois, avec pour conséquence l’assujettissement du contrat de travail à la loi de l’État étranger depuis lequel le télétravailleur québécois accomplit habituellement ses activités, malgré l’absence d’une volonté de permanence dans ce lieu. L’hypothèse de l’assignation temporaire prévue par l’article 3118 CcQ deviendrait donc inapplicable, quoique le télétravailleur puisse bénéficier de la LNT. En cas de déplacements transfrontaliers continus qui rendent inopérants les deux premiers facteurs de rattachement de l’article 3118 CcQ, seul le nomade numérique domicilié au Québec et travaillant pour un employeur québécois pourra bénéficier de la protection de la LNT. À nouveau se manifeste le contraste avec l’article 3118 CcQ, qui désignerait le droit québécois comme applicable à un contrat de travail entre ce même employeur et un télétravailleur nomade domicilié en dehors de la province.
B. L’articulation des méthodes
Les conséquences de la fracture entre les deux systèmes se traduisent par des lacunes de réglementation pouvant placer le travailleur transfrontalier dans une zone de non-droit, alors que, isolément interprétés, les deux ensembles de règles sont animés d’un même objectif de protection. La voie de l’articulation des méthodes requiert l’utilisation de mécanismes capables de mettre en dialogue les deux régimes étudiés. Le rapprochement des règles d’applicabilité analysées peut commencer par une compréhension commune du lieu habituel où s’accomplit le télétravail, en correspondance avec la dématérialisation qui en fait toute sa singularité. Une telle démarche interprétative peine toutefois à s’accommoder d’un système structuré autour d’une conception territoriale de ce facteur de rattachement. L’articulation étant nécessaire dans tous les cas, nous présenterons les instruments permettant d’atteindre la cohérence dans le traitement du télétravail transfrontalier.
1. Le rapprochement par l’abandon de l’approche territoriale
La nécessité de substituer le dialogue des méthodes à la séparation se justifie dans un double objectif : l’adaptation à la réalité du contrat de travail international et la protection du travailleur. Le besoin d’adaptation se fait sentir de manière particulièrement intense dans le contexte étudié, où la dimension numérique et mobile de l’activité se confronte au territorialisme du facteur de rattachement traditionnel, axé sur l’espace physique de travail. Contrairement à ce que l’on attend d’un travail exécuté en présentiel, le lieu où se situe le télétravailleur perd de sa pertinence juridique. L’emplacement de l’ordinateur qui lui permet d’exécuter l’activité est insuffisant à caractériser le rapport de droit, ce lieu ne traduisant pas l’intégration du télétravailleur dans un milieu représentatif du point d’ancrage du contrat. Afin de remédier au défaut de proximité entre la situation et l’État depuis lequel le télétravailleur accomplit ses tâches, deux options sont ouvertes. La première a été abordée lors de l’analyse de la règle de conflit objective. Il s’agit de l’utilisation de la clause d’exception[76] pour évincer le rattachement au lieu du travail, en le remplaçant par le lieu d’établissement de l’employeur qui dirige les activités, en raison des liens plus étroits qu’il entretient avec le rapport contractuel. Nous évaluerons maintenant une deuxième proposition qui cherche à obtenir le même résultat d’une façon directe, sans les aléas d’un mécanisme exceptionnel et discrétionnaire comme la clause échappatoire. Cette solution entend corriger en amont l’absence de proximité, en agissant sur le facteur de rattachement lui-même au stade de son interprétation pour les fins de sa localisation dans l’espace. Dans cet objectif, on préconise une interprétation dynamique de la notion relative au lieu d’exécution du travail, commune à la règle de conflit et à l’article 2 LNT, en syntonie avec le tournant numérique qui transforme le monde du travail.
Dans la décision Unifor de 2021, le TAT s’est ouvert à une conception renouvelée de l’« établissement » au sens de l’article 109.1 g) du Code du travail[77] pour y intégrer les télétravailleurs à domicile[78]. L’effet utile de l’interdiction d’utiliser les services d’un salarié de l’établissement où la grève ou le lock-out a été déclaré pour remplir les fonctions d’un salarié faisant partie de l’unité de négociation concernée serait menacé par une approche territorialiste de l’établissement qui ne tient pas compte des prestations de travail exécutées à distance, au moyen des technologies de l’information et des communications. C’est sur ce fondement que le TAT a créé la notion d’« établissement déployé », fondée sur « la nature même du télétravail », qui comporte l’accomplissement de l’activité par le biais d’outils technologiques permettant de maintenir l’unité de gestion dans l’exploitation de l’entreprise et le lien de subordination caractérisant la relation employeur-salarié[79]. Il en résulte un jugement d’équivalence entre le travail sur place, au sein des murs de brique de l’établissement, et le travail à distance, au sein de ses murs virtuels. L’interprétation est essentiellement téléologique, en ce sens qu’elle se justifie par la nécessité de répondre à l’objectif des dispositions anti-briseurs de grève visant à préserver l’équilibre des rapports de force entre l’employeur et les salariés faisant partie de l’unité de négociation[80].
Est-ce que la finalité de la LNT, qui est de fournir un cadre juridique impératif des conditions minimales de travail afin de protéger l’employé, et celle poursuivie par la règle de conflit de lois, orientée vers la recherche de la loi la plus favorable à l’employé, justifient d’adopter une approche évolutive du lieu d’exécution du télétravail, inspirée de la notion d’établissement déployé que l’on vient d’exposer? La réponse courte est « ça dépend ». Dans l’optique du principe de proximité qui sous-tend le droit international privé, la possibilité d’extrapoler les principaux arguments soulevés dans la décision Unifor ne fait pas de doute. En effet, l’espace physique où s’effectue le télétravail est sans incidence sur l’unité de gestion de l’activité et sur le pouvoir de direction que l’employeur continue d’exercer à distance. Ces aspects ne changent pas en raison de l’exécution du travail en dehors de l’État où se situe l’établissement — au sens matériel — de l’employeur. Cependant, la dimension transfrontalière de la relation de travail commande de mieux préciser la localisation dans l’espace des facteurs de rattachement pertinents.
À première vue, la notion d’« établissement déployé » adoptée par le TAT admettrait une double lecture permettant à la fois de localiser l’établissement de l’employeur au domicile du salarié et celui-ci à l’établissement du premier. Si la distinction n’a pas de conséquence dans une situation purement interne comme celle visée par la décision Unifor, dans les rapports transfrontaliers, le facteur géographique compte. La perte de signification du lieu physique du travail au profit d’une conception déterritorialisée de cet espace comporte la nécessité d’adopter une lecture unidirectionnelle de la notion d’établissement déployé. Par conséquent, c’est le télétravailleur qui est intégré à l’établissement de l’employeur et non ce dernier au domicile du premier. Cette lecture est par ailleurs celle qui véhicule le véritable sens de la décision, qui est de centraliser tous les employés autour d’un seul et même établissement (celui de l’usine de Joliette)[81] et non de multiplier les établissements de l’employeur en autant de télétravailleurs qu’il y en aurait sur le territoire[82]. L’effet de la notion d’« établissement déployé » est ainsi de générer une « force centripète », non « centrifuge » : le télétravailleur travaille dans l’établissement (il est attiré vers celui-ci), mais le home office n’est pas un autre établissement de l’employeur.
En appliquant cette analyse aux faits de l’affaire Marchetta, la conclusion serait que l’employée travaillait aux États-Unis et que l’employeur ne possédait pas d’établissement au Québec. Suivant l’approche statutaire, la LNT deviendrait par conséquent inapplicable, sur le fondement de l’absence de travail dans la province. Sous le prisme du droit international privé, la loi régissant le contrat serait celle de l’État américain correspondant à l’établissement de l’employeur qui exerce la direction des activités, en tant que lieu d’exécution du travail au sens de l’article 3118 CcQ. On voit dans cet exemple que si la convergence des solutions est atteinte, le résultat n’est pas satisfaisant du point de vue substantiel, la protection contre le congédiement injustifié n’étant pas garantie dans les juridictions américaines, où prédomine le « at-will employment ». Par contre, si le domicile de l’employée avait été localisé dans un pays moins protecteur, le résultat de cette conception lui aurait été favorable. Cette interprétation permettrait de déjouer les stratégies des entreprises cherchant à délocaliser le travailleur pour obtenir une main-d’oeuvre à coût réduit. Les divergences normatives dans la protection des télétravailleurs sont, en effet, de nature à conférer à l’employeur un avantage concurrentiel dans le marché global des prestations numériques[83], qui peut être utilisé par celui-ci pour échapper aux réglementations de son pays d’origine[84].
Le traitement différencié des deux hypothèses, qui impliquerait de distinguer entre les contenus des lois en cause pour décider de l’opportunité d’interpréter le facteur de rattachement « lieu du travail » sous un angle physique ou dématérialisé, est difficile à justifier dans l’état actuel du droit. L’introduction d’une interprétation dynamique du lieu habituel de travail se heurterait par ailleurs à la configuration de la règle de conflit et de l’article 2 LNT, dont la pierre angulaire est le lieu d’exécution du travail, entendu dans un sens territorial et non virtuel. C’est sur cette prémisse que se construisent les différentes hypothèses envisagées, relatives à l’assignation temporaire et les autres formes de mobilités. Dans le cas des télétravailleurs réclamant la protection de la loi du pays depuis lequel ils exécutent physiquement l’activité, la nouvelle interprétation ferait échec à la politique de protection de l’article 3118 CcQ. Dans l’attente d’une modification législative afin de concevoir un facteur de rattachement adapté à la dématérialisation du travail, sans compromettre la fonction protectrice de la règle de conflit, la solution devrait être recherchée dans des formes d’articulation compatibles avec les moyens techniques existants au sein de l’approche territoriale.
2. L’articulation au sein de l’approche territoriale
La conception statutaire, qui rompt les ponts avec le système conflictuel, crée un régime d’applicabilité parallèle qui a pour effet de soustraire les normes minimales d’emploi québécoises au domaine de l’article 3118 CcQ. Si l’on excluait de la règle de conflit de lois sur les contrats internationaux de travail le régime de base touchant aux aspects essentiels de la relation contractuelle, tels que le salaire minimum, le temps de travail et le recours contre le congédiement illégal ou injustifié, on lui retirerait le coeur de la protection des travailleurs[85]. Ce raisonnement contredirait la mission spécialement attribuée par le législateur à l’article 3118 CcQ, qui est de conférer aux travailleurs, au minimum, le droit de préserver la protection offerte par la législation locale du lieu du travail et, au maximum, le droit d’obtenir la protection de la loi choisie pour régir le contrat, si elle est plus favorable à leurs intérêts. Loin de s’opposer à la Loi sur les normes du travail et aux législations équivalentes, la règle de conflit ainsi comprise s’harmonise pleinement avec l’objectif des normes minimales d’emploi, qui est précisément d’établir un plancher législatif de protection et non de plafonner les droits des travailleurs en les empêchant d’invoquer le bénéfice de lois plus protectrices[86].
De la compatibilité téléologique entre les deux ensembles normatifs témoignent les articles 93 et 94 LNT, qui s’inscrivent dans la philosophie sous-jacente au test comparatif entre les lois ayant une vocation à gouverner le contrat de travail selon l’article 3118 CcQ. L’article 93 LNT interdit les conventions ayant pour effet de déroger aux normes minimales d’emploi québécoises, dans le sens d’une diminution de la protection des travailleurs. Pour sa part, l’article 94 LNT permet de les écarter lorsque cela a pour effet de conférer au salarié « une condition de travail plus avantageuse ». On y découvre l’équivalent en droit interne de la règle de conflit conçue pour les rapports internationaux de travail. Cette synergie de finalités milite en faveur de la coordination et non de la séparation des deux régimes juridiques lorsque vient le moment de définir leur application dans l’espace. De cette lecture conciliatrice découle que l’article 93 LNT ne prohibe aucunement le choix par les parties d’une loi autre que la LNT. Son caractère d’ordre public en droit interne n’empêche pas la validité des clauses conventionnelles plus avantageuses au salarié. Sur le plan international, la règle de conflit prend le relais de cette fonction de garantie, en écartant l’application de la loi choisie conventionnellement, seulement lorsqu’elle prive le travailleur d’une protection prévue par la loi objectivement applicable. Le principe de la coordination ayant été justifié sur un plan téléologique, il convient maintenant d’aborder les moyens de traiter les divergences entre les critères de rattachement bilatéraux de l’article 3118 CcQ et les règles unilatérales d’applicabilité contenues à l’article 2 LNT.
Le droit international privé québécois adopte la tradition continentale fondée sur la méthode savignienne qui résout le conflit de lois en ayant recours à la règle de rattachement bilatérale, élaborée en fonction du type de relation juridique qui en fait l’objet, tout en aménageant l’intervention de techniques directes de réglementation, à titre d’exception. Il n’est pas nécessaire de superposer un système concurrent basé sur la territorialité des lois pour décider de la portée à accorder à une règle comprise dans le domaine d’application de la règle de conflit. Le système conflictuel contient déjà les rattachements visant à déterminer cette portée[87] et les mécanismes de dérogation pouvant être mobilisés pour l’étendre ou la réduire. C’est donc à l’intérieur de ce cadre méthodologique que devront trouver leur place les lois ayant une vocation d’application différente de celle que la règle de conflit leur a assignée. Deux mécanismes nous aideront à comprendre les rapports entre l’article 3118 CcQ et l’article 2 LNT : les lois de police et les lois autolimitées. Ces deux procédés interagissent différemment avec l’ordre juridique normalement applicable en vertu de la règle de conflit. Nous examinerons maintenant si les normes minimales d’emploi au Québec constituent des lois de police de la lex fori, des lois autolimitées ou les deux à la fois.
Les lois de police ont vocation à gouverner le rapport juridique de façon impérative en raison de leur objectif de protection des intérêts publics de l’État qui en est l’auteur. Ces intérêts publics comprennent également ceux de certaines catégories de cocontractants estimés vulnérables par rapport à la « partie forte » de la relation juridique, qui détient le pouvoir de décider du contenu du contrat[88]. Pour accomplir leur finalité d’intérêt public, la loi de police s’autoassigne un champ d’application nécessaire dans l’espace, en fixant, explicitement ou implicitement, le lien devant exister entre la situation et l’État dont elle émane[89]. Par exemple, le régime québécois du bail résidentiel qui cherche à protéger les locataires revendique son application aux contrats de bail portant sur les logements situés au Québec. Étant donné que, dans les rapports internationaux, ce contrat peut être régi par une loi choisie par les parties ou, à défaut, par la loi de la résidence ou de l’établissement du locateur[90], les dispositions protectrices interviennent immédiatement, en écartant ces critères de rattachement inadaptés pouvant conduire à la loi d’un autre État.
En matière de contrats de travail, le régime qui établit les conditions minimales d’emploi répond à la définition téléologique des lois de police, compte tenu des intérêts fondamentaux qu’il entend préserver. Or son application n’obéit pas toujours au mode de fonctionnement des lois de police, car pour accomplir son objectif, il n’a en général pas besoin de déroger à la règle de conflit. Celle-ci contient déjà un rattachement adapté à cette finalité, lequel converge essentiellement vers celui réclamé par cette législation spéciale pour remplir sa fonction de protection. Lorsque ces critères ne sont pas convergents, la loi de police peut intervenir pour étendre son application aux hypothèses non couvertes par la règle de conflit. Un exemple de cette discordance serait celui d’un télétravailleur embauché par une entreprise québécoise, ayant exécuté 70 % du temps de travail à son domicile à New York et 30 % à Montréal. À défaut de choix, la loi new-yorkaise (loi du lieu habituel de travail) s’appliquerait au contrat de travail, tandis que celui-ci serait visé par l’article 2 paragraphe 1 LNT. Le télétravailleur pourrait alors se placer sous le couvert de la LNT au titre des lois de police du for[91]. Il en irait de même si la loi new-yorkaise avait été choisie par les parties, car l’article 3118 alinéa 1 CcQ n’aurait pas permis d’atteindre le résultat voulu, le lieu habituel du travail étant l’État de New York. Cette intervention dérogatoire de la loi de police s’entend toujours sous réserve de l’application de la loi la plus favorable au travailleur, qu’elle soit désignée par les parties ou par la règle de conflit objective[92].
Qu’en est-il lorsque la règle de conflit désigne comme applicable au contrat de travail l’ordre juridique auquel appartient la loi de police? Le principe est que celle-ci s’applique comme n’importe quelle autre disposition de la lex contractus, sauf si elle constitue une règle autolimitée. Les lois autolimitées sont celles dont l’application est conditionnée au respect de critères particuliers qui définissent leur domaine d’application maximal dans l’espace[93]. L’élément clé ici est l’adjectif « maximal », qui le différencie du champ d’application « minimal » inhérent aux lois de police. La décision sur la conséquence à accorder à une règle d’applicabilité territoriale, comme délimitant une sphère d’action minimale ou maximale, est une question d’interprétation téléologique de la loi en question. La disposition autolimitée a une volonté négative d’application, en refusant d’appréhender les rapports juridiques tombant en dehors des critères qu’elle établit, lesquels sont conçus par référence à un contexte social, politique ou économique exclusivement local[94]. Par exemple, la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles[95], qui interdit le morcellement des terres destinées à des fins agricoles, refuserait de s’appliquer à la vente d’une ferme située au Mexique, dans le cas où les parties auraient choisi le droit québécois dans une clause du contrat de vente. En raison de son objectif de sauvegarder l’intérêt étatique dans le maintien de l’intégrité du territoire agricole québécois, cette loi serait à la fois une loi de police et une loi autolimitée, qui fixe son domaine minimal et maximal d’application territorial. En effet, elle s’applique si l’immeuble vendu est une terre agricole au Québec, en dépit de la loi étrangère choisie par les parties, mais elle n’intervient pas si l’objet de la vente est situé hors Québec, même si la loi québécoise est applicable au contrat.
À la lumière de ces enseignements méthodologiques, nous pensons que les dispositions contenues dans la Loi sur les normes du travail devraient s’interpréter comme ayant une vocation minimale, non maximale, d’application. Elles seraient ainsi des lois de police du for non autolimitées. Les critères d’application expressément prévus par l’article 2 LNT n’ont pour effet que de fixer un seuil minimal d’intervention. Cette législation déroge à la loi étrangère applicable en vertu de l’article 3118 CcQ, dans la mesure où cette dernière ne prévoit pas une protection équivalente[96]. Lorsque la loi québécoise est l’ordre juridique appelé à gouverner le rapport de travail, la LNT en fait partie et ne refuse pas de s’appliquer au-delà des hypothèses décrites à l’article 2 LNT. Autrement, l’autolimitation de ces dispositions protectrices impacterait négativement la position juridique du travailleur en situation transfrontalière, en lui retirant un bénéfice normatif lorsque son application dérive de la règle de conflit[97]. Ainsi, dans la situation faisant l’objet de la décision Trainor[98], où les parties avaient inclus une clause contractuelle choisissant le droit québécois comme applicable, la LNT pouvait intervenir au titre de la lex contractus[99]. Pour ce qui est de l’affaire Marchetta[100], la télétravailleuse aurait pu aussi bénéficier de la protection contre le congédiement injustifié de l’article 124 LNT, car le Québec, province de son domicile, apparaissait comme le lieu d’exécution principal de la prestation de travail[101]. Voici deux exemples de jurisprudence où les rattachements subjectif et objectif de la règle de conflit justifiaient l’application des normes minimales d’emploi québécoises.
Conclusion
Nous avons examiné, dans une perspective comparative, la façon dont les règles de droit international privé et la Loi sur les normes du travail au Québec appréhendent le télétravail accompli depuis un État distinct de celui où l’employeur a son établissement. En pleine expansion à l’échelle mondiale, ce phénomène est tout d’abord confronté à la prépondérance d’un facteur de rattachement de nature territoriale qui ne correspond pas à la réalité mobile et numérique qui le caractérise. Le critère classique centré sur le lieu physique depuis lequel s’accomplit la prestation de travail place les parties sous l’égide d’un ordre juridique qui peut se révéler insuffisamment connecté avec le rapport contractuel. Ce défaut d’adaptation commun aux deux régimes étudiés ne cache cependant pas les divergences des critères de rattachement au sein même de l’approche dominée par le territorialisme du lieu du travail. Il peut même les aggraver, comme le montre l’exemple du télétravailleur domicilié au Québec qui fournit ses services à un employeur étranger depuis son domicile et en se déplaçant à l’extérieur de la province, lequel n’est pas visé par la LNT, alors que la règle de conflit désigne le droit québécois comme applicable. La localisation stable du home office au Québec, suffisante pour rattacher le contrat de travail à la loi québécoise en droit international privé, n’implique pas nécessairement l’exploitation d’une entreprise dans la province au sens de l’article 2 LNT.
Cette absence de coordination n’est évidemment pas exclusive aux hypothèses de télétravail transfrontalier, mais ses effets perturbateurs se manifestent de façon plus marquante dans ce contexte. La dématérialisation de l’activité et la liberté de mouvement ainsi favorisée font de la mobilité une situation ordinaire. Le passage du travail en présentiel au télétravail transfrontalier, le changement transfrontalier du domicile du télétravailleur, les déplacements transfrontaliers fréquents ou le nomadisme numérique décrivent des degrés divers de mobilité qui mettent à l’épreuve la cohérence des solutions juridiques. Notre position est celle qui défend la voie de l’articulation entre la règle de conflit de lois et les règles d’applicabilité territoriale contenues dans la LNT. Un peu d’ingénierie méthodologique est nécessaire pour construire les canaux de communication entre les deux régimes au sein du droit international privé, lequel fournit les outils nécessaires à l’articulation. Nous considérons que le principe de faveur partagé par ces deux ensembles de règles autorise la conclusion à l’effet que les normes minimales d’emploi constituent des lois de police non autolimitées. Leur application à l’encontre de la loi choisie par les parties ou de la loi objectivement rattachée au lieu habituel de travail ne s’imposera que si ces dernières n’offrent pas une solution protectrice équivalente pour le travailleur. Lorsqu’elles font partie de la loi gouvernant le contrat de travail selon l’article 3118 CcQ, ces dispositions devraient s’appliquer à titre ordinaire, ce qui implique de refuser leur autolimitation aux hypothèses prévues par les règles d’applicabilité unilatérales. Une autre solution serait contraire à la finalité de protection des travailleurs qui anime les deux régimes.
Appendices
Notes
-
[1]
Voir Marc Malenfer, « Télétravail : perspectives post-Covid » (2022) 446:1 Futuribles 25; Statistique Canada, Travail à domicile : productivité et préférences, par Tahsin Mehdi et René Morissette, no de catalogue 45-28-0001, Ottawa, Statistique Canada, 1 avril 2021; Suzy Canivenc et Marie-Laure Cahier, Le travail à distance dessine-t-il le futur du travail?, Paris, Presses des Mines, 2021 aux pp 27–42, en ligne (pdf) : La Fabrique de l’industrie : laboratoire d’idées <la-fabrique.fr/> [perma.cc/JF7W-7UFT].
-
[2]
Voir Pradeep Kar, « Remote First: Let’s Hit The Home Run », Business World (24 mars 2021), en ligne : <businessworld.in> [perma.cc/W7RZ-UACS].
-
[3]
Voir Prithwiraj (Raj) Choudhury, « Our Work-from-Anywhere Future: Best practices for all-remote organizations » (2020) 98:6 Harvard Bus Rev 58 [Choudhury, « Work-from-Anywhere »]; Jeegar Kakkad et al, « Anywhere Jobs: Reshaping the Geography of Work » (2021), en ligne (pdf) : Tony Blair Institute for Global Change <www.institute.global> [perma.cc/DP9S-ASZK]; European Foundation for the Improvement of Living and Working Conditions et International Labour Office, Working anytime, anywhere: The effects on the world of work (Rapport de recherche), par Jon Messenger et al, Luxembourg, Publications Office of the European Union, 2017, en ligne (pdf) : Eurofound <www.eurofound.europa.eu> [perma.cc/S3R6-DU93].
-
[4]
Le « nomade numérique » est une personne qui télétravaille depuis plusieurs États successivement, sans qu’il soit possible de déterminer un seul lieu habituel de travail (voir Gérard Valenduc et Patricia Vendramin, « Le travail dans l’économie digitale : continuités et ruptures » (2016) Institut syndical européen Document de travail 2016.03 à la p 32, en ligne (pdf) : European Trade Union Institute <www.etui.org> [perma.cc/M53L-A57P]; Sumati Ahuja, Natalia Nikolova et Stewart Clegg, « Identities, Digital Nomads, and Liquid Modernity » dans Andrew D Brown, dir, The Oxford Handbook of Identities in Organizations, Oxford (R-U), Oxford University Press, 2020, 864 à la p 874). Le terme « workation » décrit assez bien ce phénomène, qui suscite un intérêt croissant dans le monde du travail (voir Bryan Lufkin, « Is the great digital-nomad workforce actually coming? », BBC (15 juin 2021), en ligne : <bbc.com> [perma.cc/J4E6-96CN]; Meredith Turits, « Could a ‘workcation’ change how you think? », BBC (20 mars 2020), en ligne : <bbc.com> [perma.cc/N4RF-NSA4]).
-
[5]
Voir Lauren Razavi, « The Great Migration: Remote Work, Digital Nomads and the Future of Citizenship » (8 décembre 2021), en ligne : Tony Blair Institute for Global Change <www.institute.global> [perma.cc/AK3W-BHG7].
-
[6]
Voir Jared Lindzon, « How to stay connected with staff allowed to work anywhere in the world », The Globe and Mail (6 septembre 2022), en ligne : <theglobeandmail.com> [perma.cc/FM2X-8TM7]; PwC, « Tendances en matière d’emploi à distance et outre-frontière : le Canada est-il prêt? » (novembre 2021), en ligne (pdf) : L’Institut national de la paie <paie.ca> [perma.cc/ALM5-AG7T]; Karim Benessaieh, « Du télétravail à la “télémigration” », La Presse (20 septembre 2021), en ligne : <lapresse.ca> [perma.cc/ZQC7-2KLX]; Kelsey Rolfe, « ‘Work from home’ defined the pandemic, but the future is ‘work from anywhere’ », Financial Post (14 septembre 2021), en ligne : <financialpost.com> [perma.cc/MV79-CE5L].
-
[7]
Le « nearshoring » fait référence à la délocalisation du travailleur vers une destination géographiquement proche du lieu d’établissement de l’employeur qui exerce le contrôle de l’activité (voir Koen De Backer et al, « Reshoring: Myth or Reality? » (2016) OECD Science, Technology and Industry Policy Papers No 27 à la p 7, en ligne (pdf) : OECD iLibrary <www.oecd-ilibrary.org> [perma.cc/2VHD-P8P6]). La situation du télétravailleur dans une région partageant le même fuseau horaire et, en général, les avantages en termes de proximité territoriale et culturelle facilitent la communication et les liens de collaboration au sein de l’équipe et, surtout, l’exercice du pouvoir de direction de l’employeur (sur les différences avec les formes traditionnelles de délocalisation du travail, voir ibid aux pp 7–8).
-
[8]
Voir l’exemple de la compagnie MobSquad, filiale de Digital Nova Scotia, ayant des établissements à Vancouver, Calgary, Toronto et Halifax, dont les services sont décrits sur son site Internet (« How it works For US Companies », en ligne : MobSquad <mobsquad.io> [perma.cc/2QKN-LT9A]; Choudhury, « Work-from-Anywhere », supra note 3 à la p 62).
-
[9]
Les termes sont empruntés à Prithwiraj Choudhury qui les utilise dans un autre sens pour référer aux limitations légales à la mobilité, incluant notamment les exigences pour obtenir des visas et pour accéder aux bénéfices publics offerts au niveau fédéral ou régional (Prithwiraj (Raj) Choudhury, « Geographic Mobility, Immobility, and Geographic Flexibility: A Review and Agenda for Research on the Changing Geography of Work » (2022) 16:1 Academy Management Annals 258 aux pp 273–74).
-
[10]
Voir Fausto Pocar, « La protection de la partie faible en droit international privé » (1984) 188 Rec des Cours 339.
-
[11]
CE, Convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (version consolidée), [1998] JO, C 27/34 [Convention de Rome]; Québec, Ministère de la Justice, Commentaires du ministre de la Justice : le Code civil du Québec, t2, Québec, Publications du Québec, 1993 aux pp 1987–88.
-
[12]
CE, Règlement (CE) No 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), [2008] JO, L 177/6.
-
[13]
Voir « La portée territoriale de la Loi sur les normes du travail », ci-dessous.
-
[14]
Voir art 3118, al 1 CcQ.
-
[15]
Voir Gérald Goldstein, « Commentaire sur l’article 3118 C.c.Q. » dans Commentaires sur le Code civil du Québec (DCQ), Yvon Blais, 2011 au para 555 (Référence).
-
[16]
Voir Martin Franzen et Joachim Wutte, « Article 8 Rome I » dans Gralf-Peter Calliess et Moritz Renner, dir, Rome Regulations: Commentary, Kluwer Law International, 3e éd, 2020, 231 à la p 238; Jean-Philippe Lhernould et Sandra Limou, « Le travail à l’étranger : Détachement et expatriation : quelles règles appliquer? » (2019) 73 Liaisons sociales, Les thématiques 5 à la p 13. Ces règles d’ordre public sont au centre de la relation contractuelle employeur-employé. En ce qui concerne les règles de droit public, l’analyse de leur intervention dans les rapports internationaux de travail demeure en dehors de la présente étude, mais il convient de mentionner les observations des professeurs Mario Giuliano et Paul Lagarde sur l’article 6 de la Convention de Rome (supra note 11), antécédent direct de l’article 3118 CcQ, à l’effet que « [l]es dispositions impératives auxquelles les parties ne peuvent déroger sont non seulement les dispositions relatives au contrat de travail proprement dit, mais également les dispositions telles que celles concernant l’hygiène et la sécurité des travailleurs qui sont qualifiées dans certains États membres de dispositions de droit public » (CE, Rapport concernant la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, [1980] JO, C 282/1 à la p 25), ce qui illustre la large portée de la règle de conflit sur les contrats de travail.
-
[17]
Voir International Labour Organization, « Teleworking arrangements during the COVID-19 crisis and beyond » 2nd Employment Working Group Meeting under the 2021 Italian Presidency of the G20, avril 2021 à la p 11, en ligne (pdf) : International Labour Organization <www.ilo.org> [perma.cc/6GRJ-KW38].
-
[18]
LRC 1985, c L-2.
-
[19]
Voir Nemeth v Hatch Ltd, 2018 ONCA 7 au para 12; Amberber v IBM Canada Ltd, 2018 ONCA 571 aux para 44–46.
-
[20]
Voir Machtinger c HOJ Industries Ltd, [1992] 1 RCS 986 aux pp 999–1000, 91 DLR (4e) 491. Il en résulte un « implied term » d’élaboration jurisprudentielle qui intègre dans le contrat le droit au délai-congé raisonnable en vertu de la common law (voir Geoffrey England, Peter Barnacle et Innis M Christie, Employment Law in Canada, 4e éd, LexisNexis Canada, 2005 aux para 14.27, 14.93 et 14.94).
-
[21]
RLRQ c N-1.1 [LNT].
-
[22]
La décision dans Pelletier c. Aisa Corporation à l’effet contraire méconnaît la dimension transfrontalière du contrat qui justifie l’application de l’article 3118 alinéa 1 C.c.Q. sur ce point (2011 QCCRT 0142 aux para 46–48 [Pelletier], requête en révision judiciaire refusée, Aisa Corporation c Commission des relations du travail, 2012 CanLII 105289, AZ-51187128 (SOQUIJ) (CS Qc)).
-
[23]
Voir arts 3076, 3079 CcQ. L’impérativité interne empêche les parties de déroger à la règle de droit au moyen d’une stipulation contractuelle, alors que l’impérativité internationale oppose deux volontés normatives : d’une part, la loi choisie par les parties ou déterminée par le rattachement objectif et, d’autre part, la loi de police appartenant à un autre État. La supériorité de la seconde sur la première ne repose pas sur son caractère d’ordre public interne, mais sur sa finalité d’intérêt public (social, politique, économique) qui mérite d’être respectée dans la situation internationale.
-
[24]
Le caractère spécial de cette règle de conflit intègre déjà les préoccupations à la base du mécanisme des lois de police (voir Geneviève Saumier, « Le droit international privé et le travail international » dans Service de la formation continue du Barreau du Québec, Développements récents en droit des affaires internationales : le travail international, vol 304, Cowansville (QC), Yvon Blais, 2009, 197 à la p 209 [Saumier, « Le droit international privé »]).
-
[25]
Voir « L’articulation au sein de l’approche territoriale », ci-dessous.
-
[26]
Le Code civil accueille la théorie de l’incorporation pour déterminer le domicile de la personne morale, qui sera celui de son siège statutaire (voir art 3083, al 2 CcQ).
-
[27]
La jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, en interprétation du lieu habituel de travail comme critère de compétence, apporte un éclairage important à cet égard, faute de jurisprudence québécoise en la matière. Lorsque le juge est confronté à des situations impliquant des travailleurs mobiles ayant effectué leur travail sur le territoire de plusieurs États, il fera une analyse globale des éléments factuels du litige afin de déterminer le pays avec lequel le « travail présente un rattachement significatif » (Koelzsch c État du Grand-Duché de Luxembourg, C‑29/10, [2011] Rec CE I-1634 au para 44); celui « à partir duquel le travailleur s’acquitte principalement de ses obligations à l’égard de son employeur » (Mulox IBC Ltd c Geels, C-125/92, [1993] Rec CE I-4099 au para 24); ou celui où se trouve le « centre effectif de ses activités professionnelles » (Rutten c Cross Medical Ltd, C-383/95, [1997] Rec CE I-70 au para 23). Pour une étude récente sur l’application de ce critère au télétravail, voir Guillermo Palao Moreno, « Teletrabajo internacional: dificultades que suscita la determinación de la jurisdicción competente » dans Alfonso Ortega Giménez et Lerdys Saray Heredia Sánchez, dir, Teletrabajo y derecho internacional privado : problemas y soluciones, Navarre (Espagne), Aranzadi, 2023, 183 aux pp 196–203.
-
[28]
Voir Sophie Robin-Olivier, « La mobilité internationale du salarié » (2005) 5 Dr Soc 495 aux pp 498–99; Jean-François Cesaro, « La sécurité juridique et l’identification de la loi applicable » (2006) 7/8 Dr Soc 734 au para 20; Ángela Martín-Pozuelo López, « El teletrabajo y el Derecho Internacional Privado: el régimen particular del teletrabajo transnacional » dans Tomás Sala Franco, dir, El teletrabajo, Valence, Tirant lo Blanch, 2020, 101 aux pp 116–18; Giovanni Orlandini, « Il rapporto lavoro con elementi di internazionalità » (2012) Università degli Studi di Catania Facoltà di Giurisprudenza, Centro Studi di Dirito del Lavoro Europeo “Massimo D’Antona” Document de travail 137/2012 à la p 21. Cette solution avait déjà été envisagée par la Commission européenne (voir CE, Livre vert sur la transformation de la Convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles en instrument communautaire ainsi que sur sa modernisation, [2002] JO, C 6/54 à la p 40).
-
[29]
Le rattachement objectif à la lex loci laboris est satisfaisant du point de vue de la sécurité juridique, les deux parties au contrat pouvant prévoir les règles censées gouverner leurs droits et obligations réciproques (voir Roberta Clerici, « Quale favor per il lavoratore nel Regolamento Roma I? » dans Gabriella Venturini et Stefania Bariatti, dir, Nuovi strumenti del diritto internazionale privato : Liber Fausto Pocar, vol 2, Milan, Giuffrè Editore, 2009, 215 à la p 217).
-
[30]
Voir par ex Accord-cadre sur le télétravail, CES, UNICE, UEAPME et CEEP, 16 juillet 2002, point 3; Real Decreto-ley 28/2020, de 22 de septiembre, de trabajo a distancia (Espagne), 23 septembre 2020, no11043, arts 5–8; Régimen legal del contrato de teletrabajo 2020 (Argentine), 14 août 2020, n°27555, arts 7–8; Ley 21.220 Modifica el código del trabajo en materia de trabajo a distancia (Chili), 26 mars 2020, n°21.220, arts 152 quáter G–I; Arbeitsvertragsrechts-Anpassungsgesetz (Autriche), 2021, § 2h (2); Misure per la tutela del lavoro autonomo non imprenditoriale e misure volte a favorire l’articolazione flessibile nei tempi e nei luoghi del lavoro subordinato (Italie), 22 mai 2017, no81, art 19.
-
[31]
Voir Cass soc, 27 novembre 2013, [2013] Bull civ 294, nº 12-24.880.
-
[32]
Voir Ernst v Destiny Software Productions Inc, 2012 BCSC 542.
-
[33]
Le litige a été tranché conformément au régime des « wrongful dismissal actions » applicable dans les provinces canadiennes de common law.
-
[34]
Voir McGinnity c Onboardly Media inc, 2018 QCTAT 2649 [McGinnity].
-
[35]
Voir Holm c Groupe CGI inc, 2008 QCCRT 492 [Holm].
-
[36]
Ibid au para 30.
-
[37]
Ibid au para 31.
-
[38]
Ibid au para 35.
-
[39]
Voir Trainor c Fundstream inc, 2018 QCTAT 5714 [Trainor QCTAT].
-
[40]
Supra note 35.
-
[41]
Voir ibid aux para 20–24.
-
[42]
Voir LNT, supra note 21, art 2(2).
-
[43]
Voir par ex Commission des normes du travail c Micros System Inc, 2009 QCCS 6083 aux para 39–46 [Micros].
-
[44]
Voir Tardif c Compagnie Abitibi-Consolidated du Canada, 2004 QCCRT 645 [Tardif], requête en révision judiciaire rejetée, Tardif c Québec (Commission des relations du travail), 2005 CanLII 27487, AZ-50327016 (SOQUIJ) (CS Qc).
-
[45]
Voir ibid aux para 33–38.
-
[46]
Voir aussi Lavoie c Biscuits Leclerc ltée, 2010 QCCRT 75 aux para 6–10; Charette et Entreprises P Bonhomme ltée, 2016 QCTAT 2390 aux para 60–68 [Charette]; Lacasse c Portraits Magimage inc, 2001 CanLII 59226 aux para 35–37, AZ-50099384 (SOQUIJ) (Commissaire du travail Qc).
-
[47]
Voir par ex Laguë et Québec (Ministère des Relations internationales), 1999 CanLII 31709 à la section II, au point 3, AZ-50061490 (SOQUIJ) (Commissaire du travail Qc).
-
[48]
Voir Québec, Assemblée nationale, Journal des débats de la Commission permanente du travail et de la main-d’oeuvre, 31-4, vol 21, no129 (12 juin 1979) à la p B-5530.
-
[49]
Voir art 76 CcQ.
-
[50]
LNT, supra note 21, art 2(1).
-
[51]
Voir Brown c IAMGold Corporation, 2020 QCTAT 4859 aux para 20–25 [Brown], pourvoi en contrôle judiciaire à la CS, 200-17-031929-219 (20 janvier 2021); Holm, supra note 35 au para 34; Trainor QCTAT, supra note 39 au para 23; Charette, supra note 46 aux para 57–58; Tardif, supra note 44 au para 37; Romeo c WE Canning Inc (1998), AZ-98144574 (SOQUIJ), 1998 CanLII 27410 (Commissaire du Travail Qc).
-
[52]
Voir LNT, supra note 21, art 2(2).
-
[53]
Voir Boisvert c Marnier-Lapostolle Chile Spa, 2018 QCTAT 4718 au para 18 [Boisvert].
-
[54]
Voir Pelletier, supra note 22 aux para 4–5, 49; Ladouceur c Almico Plastics Canada Inc (1990), AZ-90143023 (SOQUIJ) aux pp 12–13, 1990 CanLII 10914 (arbitre : Émile Moalli) [Ladouceur].
-
[55]
Brunet c Loeb Ltd (1983), AZ-83141420 (SOQUIJ) à la p 14, [1983] TA 818 (Commission des normes du travail Qc). Cet extrait est repris dans l’ouvrage de Jean-Louis Dubé et Nicola Di Iorio (Les normes du travail, Sherbrooke, Éditions Revue de Droit Université de Sherbrooke, 1987 à la p 40) qui est à son tour cité dans les affaires Ladouceur (supra note 54 à la p 12) et Commission des normes du travail c. Aisa Corporation (2010 QCCQ 7045 au para 6).
-
[56]
Voir Micros, supra note 43 aux para 10–18, 30.
-
[57]
Voir Marchetta c Visual Training Solutions Inc, 2021 QCTAT 2402 [Marchetta TAT-1].
-
[58]
Supra note 53.
-
[59]
Voir Marchetta TAT-1, supra note 57 au para 11.
-
[60]
Voir Marchetta c Visual Training Solutions Inc, 2021 QCTAT 5451 [Marchetta TAT-2], conf par Marchetta c Tribunal administratif du travail, 2023 QCCS 3254 [Marchetta CS], autorisation de pourvoi à la CA accordée, Marchetta c Petros 724 inc, 2023 QCCA 1276.
-
[61]
Ibid au para 16.
-
[62]
Supra note 53; Marchetta TAT-2, supra note 60 au para 18.
-
[63]
Ibid au para 20.
-
[64]
Ibid au para 21.
-
[65]
Supra note 35.
-
[66]
Supra note 39.
-
[67]
Voir McGinnity, supra note 34.
-
[68]
Holm, supra note 35 au para 35.
-
[69]
Voir Marchetta CS, supra note 60 aux para 113, 133.
-
[70]
Voir Québec, Assemblée nationale, Journal des débats, 31-4, vol 21, no16 (10 avril 1979) (« [a]u chapitre II, qui détermine le champ d’application de la loi, celui-ci est étendu à l’ensemble de la compétence du gouvernement québécois sur l’ensemble de son territoire » à la p 734 (Pierre-Marc Johnson)).
-
[71]
Voir Spar Aerospace Ltée c American Mobile Satellite Corp, 2002 CSC 78 au para 55; Club Resorts Ltd c Van Breda, 2012 CSC 17 au para 21. Dans Hocking c. Haziza, la Cour d’appel affirme pour sa part que « [l]es règles de droit international privé énoncées au Code civil du Québec constituent un régime complet en cette matière, incluant l’équivalent en droit québécois de la notion du “lien réel et substantiel” propre aux juridictions de common law » (2008 QCCA 800 à la p 10, n 14). Voir aussi Serge Gaudet, « Le livre X du Code civil du Québec : bilan et enjeux » (2009) 88:2 R du B can 313 aux pp 316–20.
-
[72]
Supra note 51.
-
[73]
Trainor QCTAT, supra note 39.
-
[74]
Cette information n’est pas mentionnée dans Trainor QCTAT (supra note 39), mais dans la décision rendue par la Cour du banc de la Reine de l’Alberta, à laquelle s’est adressée la salariée après le rejet de sa plainte par le TAT (voir Trainor v Fundstream Inc, 2019 ABQB 800). Les parties avaient signé un « Sales Representative Agreement » contenant une clause d’élection de la loi québécoise (ibid au para 7 (clause 12 du contrat)).
-
[75]
Marchetta CS, supra note 60 aux para 114–23.
-
[76]
Voir art 3082 CcQ.
-
[77]
RLRQ c C-27.
-
[78]
Voir Unifor, section locale 177 c Groupe CRH Canada inc, 2021 QCTAT 5639 [Unifor], pourvoi en contrôle judiciaire accueilli par Groupe CRH Canada inc c Tribunal administratif du travail, 2023 QCCS 1259, autorisation de pourvoi à la CA accordée, Unifor, section locale 177 c Groupe CRH Canada inc, 2023 QCCA 972. La pertinence du concept d’« établissement déployé » a cependant été confirmée par la Cour supérieure, en contrôle judiciaire, dans l’arrêt Coop Novago c. Syndicat des travailleuses et travailleurs de la Coop Lanaudière – CSN (2023 QCCS 1539).
-
[79]
Unifor, supra note 78 aux para 148–53.
-
[80]
Voir ibid aux para 166–71.
-
[81]
Le TAT affirme que « dans la mesure où l’“établissement’’ de l’Employeur se déploie pour permettre l’exécution du travail par des salariés en télétravail à partir de leur domicile et sous l’autorité de l’Employeur, au même titre que s’ils s’étaient trouvés à l’usine de Joliette, il convient de retenir que ces salariés exécutent leur travail dans l’“établissement’’ » [nos italiques] (ibid au para 150).
-
[82]
Cette interprétation s’impose d’autant plus que c’est l’unité de l’établissement qu’il faut démontrer pour prouver la violation de l’article 109.1(g) du Code du travail (supra note 77).
-
[83]
Voir Richard Baldwin et Jonathan I Dingel, « Telemigration and Development: On the Offshorability of Teleworkable Jobs » (2021) National Bureau of Economic Research Document de travail 29387 aux pp 20–21, en ligne : National Bureau of Economic Research <www.nber.org> [perma.cc/A2EM-74ZW].
-
[84]
Voir Elena Ferrari et al, The impact of teleworking and digital work on workers and society: Special focus on surveillance and monitoring, as well as on mental health of workers, Luxembourg, Parlement Européen, Policy Department for Economic, Scientific and Quality of Life Policies, 2021 à la p 95; Martín Pozuelo-López, supra note 28 aux pp 109–10; Antonio Lo Faro, « Politiche comunitarie e diritto internazionale » dans Lorenzo Gaeta et Paolo Pascucci, dir, Telelavoro e diritto, Turin, Giappichelli, 1998, 213. Dans ce sens, le télétravail transfrontalier s’inscrirait dans la vieille pratique du dumping social en contexte de mondialisation, laquelle se nourrit du territorialisme des réglementations en droit du travail (voir Reynald Bourque, « La régulation des normes du travail à l’ère de la globalisation » (2007) 4:2 Reg@rds sur travail 2; Pierre Verge, « Mondialisation et fonctions du droit du travail national » (1999) 40:2 C de D 437).
-
[85]
Sur l’intégration de ces règles impératives dans le domaine de la loi applicable au contrat de travail, voir Uglješa Grušić, The European Private International Law of Employment, Cambridge (R-U), Cambridge University Press, 2015 ( « [t]he minimum standard should be set by the law of the country, home or foreign, which is both sufficiently closely connected with the employment contract and legitimately interested in regulating it and whose application the parties can reasonably expect » à la p 42). Voir aussi, sur le domaine de la règle de conflit en matière de contrats de travail, inclusif de ces aspects, Olaf Deinert, International Labour Law under the Rome Conventions: A Handbook, Baden-Baden, Munich et Oxford (R-U) : Nomos, CH Beck et Hart, 2017 aux pp 261–318, 330–61.
-
[86]
Indépendamment de leur diversité, l’ensemble des lois provinciales canadiennes établissant des normes minimales d’emploi partagent l’objectif de créer « a minimum floor of rights » (Stéphanie Bernstein, « Canada » dans Minawa Ebisui, Sean Cooney et Colin Fenwick, dir, Resolving Individual Labour Disputes: A comparative overview, Genève, International Labor Office, 2016, 63 à la p 67).
-
[87]
Le critère de proximité qui fonde la règle de rattachement est respectueux de la sphère d’efficacité territoriale des lois provinciales autorisée par ce principe constitutionnel (voir Claude Emanuelli, Droit international privé québécois, 3e éd, Montréal, Wilson & Lafleur, 2011 au para 398). Le raisonnement basé sur la territorialité des lois n’est pas en adéquation avec les règles de droit international privé, une matière dont l’objet principal est de traiter les situations transfrontalières (voir Geneviève Saumier, « The Recognition of Foreign Judgments in Quebec - The Mirror Crack’d? » (2002) 81:3 R du B can 677 aux pp 715–17).
-
[88]
Voir H Patrick Glenn, « Droit international privé » dans La réforme du Code civil : Priorités et hypothèques, preuve et prescription, publicité des droits, droit international privé, dispositions transitoires, vol 3, Sainte-Foy (QC), Presses de l’Université Laval, 1993, 669 à la p 680. Pour une synthèse sur le sujet en droit européen, voir Patrick Kinsch, « Le rôle du politique en droit international privé : cours général de droit international privé » (2019) 402 Rec des Cours 9 aux pp 154–64.
-
[89]
En ce qui concerne les normes d’application nécessaire (lois de police), l’exigence d’un lien de proximité entre celles-ci et le rapport de droit qu’elles entendent régir tient déjà compte des limites constitutionnelles à la portée extraterritoriale des lois provinciales (voir Emanuelli, supra note 87 au para 389).
-
[90]
Voir arts 3111–13 CcQ.
-
[91]
Voir art 3076 CcQ.
-
[92]
La loi de police protectrice d’une partie faible n’a pas à être d’application immédiate, car elle admet de s’effacer devant la loi normalement applicable qui a déjà pris en charge cette protection. Ce qui est « nécessaire » du point de vue de l’État auteur d’une loi de police est la réalisation de l’objectif fixé par le législateur (et non l’application de la disposition à tout prix) (voir Benjamin Remy, Exception d’ordre public et mécanisme des lois de police en droit international privé, Paris, Dalloz, 2008 aux pp 198–99). Dans la même veine, Vincent Heuzé considère que « la sauvegarde des politiques législatives en cause implique que leur efficacité soit, non pas seulement menacée, mais véritablement contredite par la loi désignée par cette règle de conflit » (« Un avatar du pragmatisme juridique : la théorie des lois de police » (2020) 1 Rev crit dr int privé 31 au para 49).
-
[93]
Voir Stéphanie Francq, « Unilateralism » dans Jürgen Basedow et al, dir, Encyclopedia of Private International Law, vol 2, Cheltenham (R-U), Edward Elgar Publishing, 2017, 1779 à la p 1788.
-
[94]
Selon Pierre Mayer, une règle matérielle serait autolimitée dans deux situations fondamentales : lorsqu’elle défend un intérêt purement collectif ou lorsqu’elle protège des intérêts privés sur la base de circonstances spécifiques, généralement économiques, qui ne se vérifient que par rapport au système juridique dont elles sont issues (« Les lois de police étrangères » (1981) JDI 277 à la p 344).
-
[95]
RLRQ c P-41.1.
-
[96]
Voir Gérald Goldstein et Ethel Groffier, Droit international privé, par Paul-A Crépeau, t 2, Cowansville (QC), Yvon Blais, 2003 aux pp 649–50 (en accordant la primauté à la loi choisie par les parties qui est plus avantageuse pour le salarié, l’article 3118 CcQ « reflète donc l’idée qu’il est inopportun d’utiliser, en principe, le mécanisme des règles d’application nécessaire »). Voir aussi Saumier, « Le droit international privé », supra note 24 à la p 208.
-
[97]
D’un point de vue méthodologique, une règle de conflit à caractère substantiel (comme celle de l’article 3118 CcQ) cherche un objectif de justice matérielle qui ne dépend pas de la volonté d’application de la loi désignée comme applicable (voir Gérald Goldstein, « L’interprétation du domaine d’application international du nouveau Code civil du Québec » Les Journées Maximilien-Caron, présenté à la Faculté de droit de l’Université de Montréal, 13 et 14 mars 1992, dans Le nouveau Code civil : interprétation et application, Montréal, Thémis, 1993, 81 à la p 124). La question de l’autolimitation de la loi choisie par les parties a été examinée dans l’arrêt Bourdon c Stelco Inc (241 DLR (4e) 266, 2004 CanLII 13895 (CA Qc) [avec renvois aux DLR]), portant sur l’applicabilité de l’article 74 de la Loi sur les régimes de retraite de l’Ontario (LRO 1990, c P.8), choisie dans une clause contractuelle insérée dans un plan de retraite, à l’égard de certains employés d’une compagnie ontarienne travaillant au Québec au moment de la liquidation du régime. Le jugement de la Cour d’appel, rendu à la majorité, a considéré que les mots « en Ontario, un participant à un régime de retraite » de l’article 74 devaient s’interpréter de façon limitative, comme se rapportant uniquement aux membres du régime de retraite résidant en Ontario (voir ibid aux para 135, 139). Le raisonnement suivi dénote une démarche d’analyse purement statutaire. En considérant que la clause contractuelle se limitait à soumettre l’interprétation du régime convenu à la loi ontarienne, on accueillait l’allégation de l’employeur à l’effet que la loi ne régissait pas la substance des droits, mais seulement l’interprétation du contrat. La majorité semble ainsi nier l’existence d’un choix de loi (voir ibid aux para 105–06), contrairement au juge en chef Morin, dissident (voir ibid aux para 74–75), sans pour autant référer au critère de rattachement pertinent à défaut de choix. On se place ainsi directement sous l’égide de l’approche statutaire pour exclure les employés travaillant au Québec du domaine territorial de la loi ontarienne, en s’attachant à la teneur littérale de la disposition. En revanche, l’opinion dissidente qui accordait aux appelants le bénéfice de l’article 74 en question, malgré sa restriction territoriale, se fondait sur le respect du choix de loi permis par la règle de conflit québécoise, lequel aurait été anéanti par une interprétation limitative de la disposition ontarienne. Au-delà de l’argument de l’autonomie de la volonté, l’analyse que nous préconisons dans ce texte est de refuser l’autolimitation des lois en matière de contrats de travail sur le fondement de l’objectif de protection poursuivi par l’article 3118 CcQ, cristallisé à la fois dans le principe de faveur, qui permet de choisir par convention une loi plus avantageuse pour le salarié, et dans le rattachement à la lex loci laboris, applicable à défaut de choix.
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[98]
Supra note 39.
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[99]
Voir art 3118, al 1 CcQ. Encore fallait-il qualifier le contrat de représentante aux ventes qui avait été conclu entre les parties comme un contrat de travail au sens de l’article 3118 CcQ. Pour des illustrations jurisprudentielles où ce problème de qualification a été discuté pour les fins de la règle de compétence juridictionnelle de l’article 3149 CcQ, voir Chung c Merchant Law Group, 2020 QCCS 398 au para 15; Sanche c DWL Inc, 2002 CanLII 30078 aux para 13–20, AZ-50129218 (SOQUIJ) (CS Qc); Desroches c Karatbars International GMBH, 2021 QCCS 5626 au para 16; Yunes c Garland Canada inc, 2004 CanLII 20728 aux para 20–27, 2004 CarswellQue 1862 (WL Can) (CS Qc).
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[100]
Voir Marchetta TAT-2, supra note 60.
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[101]
Voir art 3118, al 2 CcQ.