Abstracts
Résumé
Depuis la crise de la COVID-19, l’intérêt pour les liens entre inégalités sociales et numériques à l’école a grandi, mais les recherches sur leur dimension linguistique restent absentes. À partir d’une analyse thématique de verbatim de 22 entrevues semi-dirigées menées auprès d’enseignantes et enseignants francophones de l’Ontario de mars à juin 2020, notre étude souligne en quoi les élèves de la 4e à la 8e année vivent des inégalités d’accès (p. ex. fréquence et diversité d’outils), de compétences (p. ex. occasions d’exposition et d’accompagnement à l’école et à la maison) et de pouvoir d’agir numériques (p. ex. confiance pour se filmer, participer en ligne). Nous dévoilons aussi comment, à ces inégalités, s’ajoutent des inégalités numériques linguistiques, telles les inégalités d’accès à des ressources en français pertinentes au contexte local ou de compétences numériques liées à des défis de répertoire et de sécurité linguistique. Finalement, nous proposons des pistes de réflexion et d’action pour viser le pouvoir d’agir numérique des élèves et contribuer au rayonnement des communautés francophones minoritaires en ligne.
Mots-clés :
- inégalités numériques,
- minorités linguistiques,
- capital numérique,
- langues minoritaires sur Internet,
- compétences numériques
Abstract
Since the COVID-19 pandemic, interest in the connections between social and digital inequalities in schools has increased, but research exploring their linguistic dimension remains scarce. Drawing on a thematic analysis of verbatim transcripts from 22 semi-structured interviews conducted with Francophone teachers from schools across Ontario from March to June 2020, our study highlights how students in grades 4 to 8 experience inequalities in access (e.g., frequency and diversity of tools); skills (e.g., opportunities for learning and support at school and at home); and digital empowerment (e.g., confidence to film oneself, participate online). We also reveal how these inequalities are compounded by linguistic digital inequalities, such as access to French resources relevant to the local context or digital skills linked to linguistic repertoire and security challenges. Finally, we propose avenues for reflection and action to empower students digitally and contribute to the vitality of Francophone minority communities online.
Keywords:
- digital inequalities,
- digital capital,
- linguistic minorities,
- minority languages on the Internet,
- digital skills
Article body
1. Introduction
La crise de la COVID-19 a déclenché une série de mesures de confinement et de distanciation sociale à travers le monde, ce qui a eu un impact significatif sur le secteur de l’éducation. De mars à juin 2020, de nombreuses écoles canadiennes et internationales ont fermé, nécessitant une transition urgente vers l’enseignement à distance et en ligne. Cette transition a clairement révélé les inégalités numériques qui existent au sein de la société. Avant la crise, des recherches avaient déjà souligné que ces inégalités se manifestaient à travers des disparités en matière d’accès aux appareils et à Internet (van Deursen et van Dijk, 2019) et de compétences numériques (Gradoz et Hoibian, 2019). S’ajoutent des études récentes sur les inégalités de pouvoir d’agir numérique, c’est-à-dire la capacité pour une personne d’exploiter ses ressources et ses capacités numériques en ligne et hors ligne en vue d’influencer et de participer pleinement à la société numérique (Boyadjian, 2022; Brotcorne, 2022). À dire vrai, nous notons une préoccupation croissante sur le lien étroit entre inégalités sociales et numériques (Vassilakopoulou et Hustad, 2023; Yilmaz et al., 2023), en éducation et ailleurs. Toutefois, nous constatons des zones d’ombres dans la littérature scientifique concernant la façon dont les inégalités divisent les expériences en ligne des Canadiens et Canadiennes de façon générale (Audy et al., 2021; Chen, 2015; Hambly et Rajabiun, 2019). Qui plus est, aucune étude recensée ne s’intéresse aux expériences dans les écoles de langue française en contexte linguistique minoritaire, malgré l’intérêt croissant sur le plan international par rapport aux inégalités numériques en contextes linguistiques minoritaires (Domeij et al., 2019; Eberhard et Mangulamas, 2022; Soria, 2016).
Cette étude qualitative examine l’influence des inégalités numériques sur les expériences des élèves en Ontario, en particulier dans le contexte des écoles de langue française en situation minoritaire, peu explorées dans la littérature existante. L’article vise à mieux comprendre les inégalités numériques qui touchent les élèves du primaire des écoles de langue française de l’Ontario selon 22 membres du personnel enseignant oeuvrant dans des classes de la 4e à la 8e année (de 9 à 14 ans). Les questions qui orientent nos analyses sont les suivantes : du point de vue des membres du personnel enseignant en Ontario français, 1) quelles inégalités numériques d’accès, de compétences et de pouvoir d’agir touchent ou ne touchent pas leurs élèves? et 2) en quoi des inégalités numériques linguistiques d’accès, de compétences et de pouvoir d’agir influencent-elles ou n’influencent-elles pas les expériences de leurs élèves?
2. Recension des écrits
Dans cette section, nous proposons dans un premier temps un survol des écrits portant sur les inégalités numériques liés à l’accès et aux compétences numériques ainsi que des facteurs qui influencent ces inégalités. Dans un second temps, nous dévoilons en quoi les inégalités linguistiques parallèles aux inégalités numériques peuvent engendrer des inégalités en matière de représentation et de valorisation des cultures et des langues minoritaires dans les espaces numériques.
2.1 Un survol des écrits sur les inégalités numériques
Dans cette étude, le terme « inégalités numériques » est préféré à celui de fracture numérique pour refléter l’ensemble des complexités interdépendantes et systémiques qui dépassent l’angle binaire d’une fracture (Brotcorne, 2022), qui se divise typiquement en fonction de deux niveaux : 1) inégalités d’accès et 2) inégalités liées aux compétences numériques. Le premier niveau traite des inégalités relatives à l’accès au numérique, défini comme la mesure dans laquelle un individu a accès ou non à une connexion Internet et à des appareils numériques connectés à Internet (Chen, 2015; Harris et al., 2017). La diversité des appareils augmente les possibilités, élargissant la conceptualisation d’accès pour inclure différents accès matériels, l’entretien nécessaire pour une diversité d’utilisations, les abonnements, les frais d’entretien et la variété de qualités d’accès selon le lieu, par exemple la maison, la bibliothèque ou l’école (van Deursen et van Dijk, 2019).
Le deuxième niveau concerne l’utilisation et le développement des compétences numériques. Les recherches indiquent que, même lorsqu’un défi d’accès est surmonté, les inégalités propres à l’usage et aux compétences perdurent (Harris et al., 2017; van Deursen et van Dijk, 2019). La diversité d’activités et d’objectifs pour lesquels on utilise Internet représente des indicateurs importants du développement des compétences numériques qui deviennent de plus en plus nécessaires pour participer comme citoyen actif à la société (Chen, 2015; Collin et al., 2016; Harris et al., 2017). Il semble également qu’il y ait un fossé entre les producteurs et les consommateurs de contenu numérique, influencé par la classe sociale (Schradie, 2011). Au Canada, un accès limité mène à une utilisation réduite et moins variée d’Internet (Haight et al., 2014). Une étude québécoise a montré une corrélation entre l’indice de pauvreté scolaire et le nombre de technologies différentes utilisées par les élèves chaque semaine; plus la communauté était riche, plus les élèves étaient susceptibles d’utiliser un plus large éventail de technologies numériques (Collin et al., 2016). Parmi ces technologies, nous observons l’ordinateur de bureau ou l’ordinateur portable, le téléphone portable, la téléphonie IP (p. ex. Skype) ou encore la tablette tactile. Dans une autre étude canadienne, Darvin (2018) souligne que les adolescents qui mettent à profit leur capital économique, culturel et social pour naviguer sur Internet avec une flexibilité et une polyvalence plus grandes peuvent générer de nouveaux capitaux favorisant une plus importante mobilité sociale, par exemple en publiant un roman de fan-fiction et en soignant leur identité sur les réseaux sociaux, confirmant que les inégalités numériques d’accès et de compétences affectent l’accumulation du capital social et culturel.
2.2 Facteurs influençant les inégalités numériques
Plusieurs facteurs influencent les inégalités numériques. La relation entre le statut socioéconomique et les inégalités numériques est une question qui a longtemps préoccupé les chercheuses et chercheurs, car les familles dont le statut socioéconomique est plus élevé ont tendance à disposer d’une accessibilité plus importante (Chen, 2015; van Deursen et van Dijk, 2019). D’autres études ont relevé des liens entre les inégalités numériques et des facteurs sociodémographiques, notamment la race et l’ethnicité (Hargittai, 2010; Rafalow, 2018; Robinson et al., 2015); le statut d’immigrant (van Deursen et van Dijk, 2019); l’âge (Haight et al., 2014) et la situation géographique, particulièrement en zones rurales et isolées (Lai et Widmar, 2021; McMahon et al., 2021). Le niveau d’éducation de l’utilisateur et de ses parents influence aussi l’accès et les compétences numériques, entrainant des effets intergénérationnels (Hargittai, 2010; van Deursen et van Dijk, 2019). Les parents moins habiles technologiquement se fient davantage à l’école pour enseigner à leurs enfants à faire les « bons » usages du numérique (Fontar et al., 2018). Pourtant, bien que des chercheuses et chercheurs aient souligné l’importance d’étudier comment l’intégration du numérique en milieu scolaire pourrait atténuer les inégalités numériques extrascolaires, les études sur ce sujet restent insuffisantes (Brotcorne, 2022; Selwyn, 2016). En s’intéressant aux inégalités numériques dans le domaine de l’éducation, il importe de souligner que des écarts existent entre régions, écoles, et également entre les membres du personnel enseignant et les élèves, selon leurs expériences scolaires et extrascolaires (Brotcorne, 2022; Fenoglio, 2021).
2.3 Le numérique et les langues minoritaires
Les inégalités numériques reflètent souvent les inégalités structurelles de la société. En effet, les utilisations en ligne de langues minoritaires préoccupent des sociolinguistes un peu partout dans le monde depuis plus d’une décennie (Eberhard et Mangulamas, 2022). Les études révèlent des inégalités linguistiques qui sont parallèles aux inégalités numériques et la renforcent, car les langues majoritaires dominantes, principalement l’anglais, dominent les espaces numériques, créant des opportunités numériques inégales pour les langues minoritaires (Domeij et al., 2019; Eberhard et Mangulamas, 2022; Soria, 2016). Les langues moins représentées en ligne deviennent alors « numériquement menacées », ce qui signifie qu’elles sont à risque de perdre leur pertinence et visibilité sur les plateformes numériques. Cela engendre des inégalités en matière d’accès à l’information et aux services dans leur langue, de dignité numérique, c’est-à-dire la capacité de maintenir et de valoriser ses langues et cultures dans l’espace numérique, voire de survie linguistique. Ceci souligne la nécessité d’accroître la présence et l’utilisation des langues minoritaires sur Internet (Soria, 2016; Low et al., 2022).
Bien que le français ait une visibilité en ligne relativement solide à l’échelle internationale, représentant environ 3,5 % du contenu en ligne selon les données de l’Organisation internationale de la Francophonie (2022), les francophones en milieu minoritaire au Canada continuent de faire face à des inégalités numériques. Ces inégalités sont exacerbées par des rapports de pouvoir inégaux qui influencent les représentations et les usages du numérique au sein des communautés minoritaires francophones (Eisenlohr, 2004). Chaput et Champagne (2012) notent également un manque de contenus en ligne reflétant les variétés de français et d’identités des communautés francophones partout au Canada. Les recherches sur les expériences des jeunes en contexte linguistique minoritaire francophone sont insuffisantes, mais montrent que ces derniers utilisent majoritairement l’anglais sur les réseaux sociaux (Cotnam-Kappel et Woods, 2020), phénomène constaté dans une recherche sur la fracture numérique linguistique de la messagerie (texting divide) qui confirme une prédominance de l’anglais pour les messages texto (Eberhard et Mangulamas, 2022). Sachant que le poids démographique des francophones hors Québec diminue, étant passé de 3,6 % en 2016 à 3,3 % en 2021 (Statistique Canada, 2021), nous relevons que
les citoyens doivent également avoir la possibilité de développer les compétences linguistiques et numériques nécessaires pour utiliser leurs langues et pour profiter des nouvelles possibilités qu’offrent les technologies linguistiques. Le personnel enseignant et les chercheuses et chercheurs en contextes linguistiques minoritaires ont un rôle important à jouer pour que cela se produise.
traduction libre, Domeij et al., 2019, p. 115[1]
Pellerin (2017) souligne l’urgence d’offrir aux élèves vivant en contexte francophone minoritaire la chance de développer des compétences multimodales, c’est-à-dire la capacité d’utiliser et d’intégrer divers modes de communication tels que le texte, l’image, le son et la vidéo, qui leur permettraient de créer de nouveaux modes d’expression et d’engagement en français en ligne. En outre, une analyse de 25 articles touchant les pratiques pédagogiques soutenues par les TIC auprès d’apprenantes et apprenants autochtones souligne le potentiel des approches adaptées aux cultures locales, par exemple la narration numérique ainsi que la création de contenus numériques et de romans graphiques pour l’enseignement et l’apprentissage des langues et des littératies (Li et al., 2021). En effet, bien que les conditions sociales et numériques existantes créent d’importantes inégalités, Internet peut aussi représenter un nouvel espace pour renforcer la présence d’une langue, une étape essentielle pour le pouvoir d’agir des communautés minoritaires (Belmar et Glass, 2019).
3. Cadre conceptuel
Cette étude adopte une approche critique du numérique en éducation, encore peu explorée (Selwyn, 2016), gardant en tension le dévoilement des formes d’inégalités qui divisent les individus et la poursuite de transformation sociale individuelle et collective (Collin et al., 2022). Elle est guidée par deux concepts clés : les inégalités numériques et le capital numérique.
3.1 Les trois niveaux d’inégalités numériques
Inspirée de la typologie d’inégalités numériques proposée par Bihr et Pfefferkorn (2008), notre étude définit les inégalités numériques en fonction de trois niveaux : 1) les inégalités de l’avoir, concernant les différences socialement produites d’accès et de types d’accès aux technologies numériques; 2) les inégalités du savoir qui touchent la distribution inégale de compétences en littératies numériques; et 3) les inégalités de pouvoir d’agir numérique qui ont trait à la capacité de mettre à profit son bagage technologique pour s’exprimer et servir ses intérêts et ceux de sa communauté. L’expression pouvoir d’agir (Le Bossé, 2003) traduit ici la notion du terme anglais empowerment dans la mesure où le terme pouvoir reflète ce besoin de capacité. Nous nous alignons ainsi avec Beauchamps (2018) qui explore en quoi les groupes minoritaires tirent parti des occasions offertes par Internet pour accroître leur pouvoir ou leurs capacités d’agir à travers des bénéfices tirés de leur utilisation d’Internet. En effet, la capacité ou non de l’individu à convertir ses accès et ses compétences dans divers domaines (p. ex. pour son éducation, son emploi et sa vie citoyenne) constitue un bénéfice social qui se traduit en retombées tangibles de son usage d’Internet (Ragnedda, 2018; van Deursen et Helsper, 2018). La recherche s’accorde sur les deux premiers niveaux d’inégalités, soit les inégalités de l’avoir et du savoir. Cependant, c’est le troisième niveau, les inégalités du pouvoir, qui démontre que les inégalités ne sont pas figées et qu’elles influencent la vie sociale des acteurs soulignés (Le Mentec, 2016). Ce constat ne fait cependant pas encore consensus et préoccupe les chercheuses et chercheurs du domaine. Ces différences notables dans la distribution de ressources, de savoirs et de pouvoir sont « des traductions pratiques de formes de rapports sociaux fondés sur des injustices sociales » (Granjon, 2010, p. 45) et ainsi constitutives d’inégalités sociales. Pour articuler les liens entre les inégalités numériques et la reproduction d’inégalités sociales (Bourdieu, 1979), nous privilégions le concept de capital numérique (Ventrella et Cotnam-Kappel, 2024).
3.2 Le capital numérique
Avant de définir le capital numérique, il est important de savoir ce qu’est le capital culturel. Le concept bourdieusien de capital culturel (Bourdieu et Passeron, 1970; Bourdieu, 1979), un concept majeur en sociologie de l’éducation pour expliquer le rôle de l’école dans la reproduction des inégalités sociales (Draelants et Ballatore, 2014), fournit un cadre pour conceptualiser et mesurer les inégalités numériques en fonction d’un nouveau type de capital, soit celui de capital numérique (Fluckiger, 2008; Ragnedda et Ruiu, 2020; Rayou et Ria, 2020). Brotcorne (2022) définit le capital numérique comme « l’accumulation d’un ensemble de ressources externes (accès aux technologies numériques et à Internet en particulier) ainsi que de capacités et d’aptitudes intériorisées dans des dispositions spécifiques (compétences numériques dans ses multiples formes […]) » (p. 94). Le capital numérique inclut ainsi les dimensions d’accès et de compétences numériques (Ragnedda, 2018) et est transmis, s’accumule et peut se transformer en avantages réels, incluant une transformation en capital social, politique, économique et culturel en raison des divers résultats de la performance numérique de l’acteur social. Certains bénéfices d’une augmentation d’accès, d’usage et de compétences identifiés dans les recherches incluent des avantages économiques (p. ex. occasions d’emploi plus nombreuses, augmentation de salaire), avantages sociaux (p. ex. réseaux plus larges), politiques (p. ex. recherche d’informations, engagement dans des discours politiques, votes) et scolaires (p. ex. amélioration de notes, application de connaissances acquises) (Brotcorne, 2022; van Deursen et Helsper, 2018). Cette répartition hétérogène de biens et compétences, qui se convertissent en capitaux, se comprend mieux comme un spectre de pratiques contextuelles à saisir (Granjon, 2022). Le concept de capital numérique met ainsi en lumière la multidimensionnalité et l’intersectionnalité des inégalités numériques, qui ne sont pas seulement mesurables en termes de dimensions économiques et culturelles, mais également par les compétences et attitudes intériorisées (Ragnedda et Ruiu, 2020). Selon Plantard (2021), le confinement à partir de mars 2020 a mis en évidence des difficultés pratiques liées à l’utilisation des technologies numériques qui vont au-delà des problèmes d’accès, par exemple celles liées à l’usage des technologies des parents dans l’accompagnement scolaire de leurs enfants qui sont exacerbées par des inégalités importantes en termes d’expérience et de capital numérique. Dans cette étude, nous adoptons le concept de capital numérique pour souligner que les différentes inégalités se renforcent mutuellement, qu’elles ont un effet cumulatif entrainant d’importantes conséquences sociales.
4. Choix méthodologiques
Nous avons privilégié une approche qualitative de type étude de cas exploratoire dans le but d’approfondir un phénomène social complexe et mieux comprendre le contexte entourant le cas (Anadón, 2006; Roy, 2021). Dans notre étude, le contexte des écoles de langue française en milieu minoritaire, en Ontario, fait autant partie du cas que la problématique des inégalités numériques que nous explorons. Pour comprendre le sens que donnent les membres du personnel enseignant à leur réalité et à celles de leurs élèves, nous avons privilégié l’entrevue semi-dirigée pour les interroger sur leurs expériences, expertises et représentations (Savoie-Zajc, 2021).
4.1 Participantes et participants
Nous avons privilégié un échantillonnage de choix intentionnel (Creswell et Poth, 2024; Savoie-Zajc, 2021), c’est-à-dire que nous avons choisi des membres du personnel qui enseignaient de la 4e à la 8e année dans des écoles de langue française en Ontario. La présente recherche s’inscrit dans une étude de cas plus large (n=53) qui comparait les expériences des membres du personnel enseignant dans des écoles de langue anglaise (n=31) (voir Ventrella et Cotnam-Kappel, 2024; Hagerman et al., 2021) et des écoles de langue française (n=22). Cet article se concentre uniquement sur les expériences de 22 membres du personnel enseignant oeuvrant dans les écoles de langue française.
Étant donné l’importance du contexte linguistique minoritaire dans cette étude, notre échantillonnage a été orienté par la géographie en ciblant un minimum de cinq personnes participantes qui venaient du Nord, du Sud et de l’Est ontarien pour mieux comprendre les expériences du personnel enseignant dans différentes régions de l’Ontario où le poids démographique des francophones varie de façon importante. Ce choix n’a pas été fait dans une optique de représentativité, mais plutôt pour chercher une variété de perspectives (Creswell et Poth, 2024), reconnaissant ainsi la diversité des contextes géographiques et sociolinguistiques des francophones de la province (Cotnam-Kappel, 2018). Ainsi, nous présentons les perspectives d’enseignants de trois régions distinctes : le Nord ontarien, où environ 22,6 % de la population est francophone selon la définition inclusive de la province, l’Est avec 15,4 %, et le Sud avec 2,1 % (ministère des Affaires francophones de l’Ontario, 2022). Les membres du personnel enseignant ont été recrutés via les médias sociaux, facilitant l’accès à des personnes issues de zones géographiques étendues (Darko et al., 2022), selon un principe de premier arrivé, premier servi. Twitter a été utilisé par l’équipe de recherche en raison de la nature ouverte et gratuite de cet outil, qui permet d’accéder aux publications sans nécessiter de liens d’amitié ou de connexion préalable. Notre échantillon, réparti dans neuf conseils scolaires catholiques et publics et seize écoles à travers la province, est composé de 22 enseignantes et enseignants, dont 19 femmes et 3 hommes : 10 proviennent de la région de l’Est (3 conseils scolaires et 7 écoles), 6 du Nord (3 conseils scolaires et 4 écoles) et 6 du Sud (3 conseils scolaires et 5 écoles) (cf. Tableau 1). Chacune des 16 écoles de langue française comprend une ou deux enseignantes ou enseignants qui ont participé à notre étude.
4.2 Collecte et analyse des données
De mars à juin 2020, soit dans les premiers mois de la crise de la COVID-19, les participantes et participants ont consenti à une entrevue semi-dirigée de 45 à 60 minutes menée et enregistrée via Zoom. Le guide d’entrevue semi-dirigée priorisait des questions ouvertes et permettait une flexibilité pour approfondir certains aspects selon les réponses reçues (Savoie-Zajc, 2021), par exemple la thématique des défis particuliers en contextes ruraux qui a émergé dans plusieurs conversations (voir Hagerman et al., 2021). Ce guide comprenait des questions concernant les activités numériques de leurs élèves à l’école et en dehors de l’école, et qui les invitaient à indiquer si et de quelle manière leurs élèves sont touchés par les inégalités en matière d’accès, de compétences ou de pouvoir d’agir numérique et en quoi ces inégalités sont liées ou non à leurs langues. Les entrevues ont été transcrites en français et importées dans le logiciel d’analyse Dedoose (v.9.0.78) avec lequel notre équipe a collaboré à plusieurs séries de codage à partir de codes a priori et inductifs (Miles et al., 2020). Les codes a priori reflétaient la structure organisationnelle et le contenu du guide d’entrevue (p. ex. accès, compétences, pouvoir d’agir), nous permettant d’analyser des morceaux thématiques dans les paragraphes (Miles et al., 2020) afin de construire de manière inductive des codes reflétant les nuances des perspectives du personnel enseignant. Notre démarche inductive a permis d’identifier et de faire émerger des catégories (Blais et Martineau, 2006) touchant le rôle du personnel enseignant, le rôle des parents, la crise de la COVID-19, les sentiments des enseignantes et enseignants à l’égard des technologies, les besoins et expériences en ligne des élèves, les inégalités d’accès, de compétences et de pouvoir d’agir ainsi que la langue.
5. Présentation des résultats
L’objectif de cette étude était de comprendre les inégalités numériques affectant les élèves du primaire dans les écoles de langue française de l’Ontario, selon la perspective du personnel enseignant. Leurs propos sont divisés en trois parties : inégalités numériques liées à l’accès, aux compétences et au pouvoir d’agir, le tout mis en perspective avec les inégalités numériques linguistiques. Nous centrons leurs voix en intégrant des verbatims des entrevues tout en entremêlant des fréquences représentant le nombre de répondantes et répondants qui abondent dans le même sens par rapport à l’échantillon total (Miles et al., 2020) pour démontrer la prévalence de certaines idées ou expériences ou illustrer la diversité des perspectives (Duchesne et Haegel, 2008), renforçant ainsi la pertinence des résultats (Paillé et Mucchielli, 2021).
5.1 Inégalités numériques liées à l’accès au numérique
Basée sur les dires des répondantes et répondants, cette section présente les conditions d’accès au numérique de leurs élèves en salle de classe, aussi bien sur le plan matériel que linguistique.
5.1.1 Accès à Internet et aux outils numériques en salle de classe
Se préoccuper du sens donné par le personnel enseignant quant aux inégalités numériques requiert une vue d’ensemble des conditions d’accès au numérique que vivent leurs élèves. Plus de deux tiers ont indiqué que leurs élèves ont accès à Internet à l’école tous les jours pour réaliser leurs activités en ligne; près d’un tiers ont déclaré ne pas y avoir accès tous les jours : deux à trois fois par semaine et une fois par semaine (cf. Tableau 2). Ils expliquent que l’utilisation d’Internet en salle de classe dépend notamment de la situation d’apprentissage et du travail à réaliser, des difficultés d’apprentissage rencontrées, du niveau scolaire des élèves et de leurs habiletés avec la technologie. Tous ont indiqué que leurs élèves ont accès à Internet à partir d’un ordinateur en salle de classe, sauf une personne qui a indiqué avoir recours au local informatique partagé de l’école. Le Tableau 2 présente une liste des principaux outils utilisés et leur récurrence selon les propos recueillis. Comme le souligne le participant P36, l’accès à Internet est « essentiel » pour développer les compétences numériques des élèves :
il faut absolument que tous les élèves ont accès à l’Internet […] à la maison et à l’école. Si on veut développer ces compétences, ils ont besoin d’avoir accès à leur propre machine. Tous comme ils ont besoin de leurs propres cahiers et leurs propres crayons. C’est essentiel.
5.1.2 Inégalités numériques liées à la quantité d’outils numériques disponibles
Lors des discussions autour des inégalités numériques qui touchent leurs élèves en salle de classe, plusieurs enseignantes et enseignants mentionnent le fait qu’ils éprouvent des difficultés quant à la quantité d’outils numériques disponible en tout temps. Près d’un tiers (8/22) disent devoir réserver et partager des appareils, principalement des Chromebook et des iPad, avec d’autres enseignantes et enseignants. Il arrive également que leurs élèves ne bénéficient pas d’un ratio 1:1 lorsqu’ils y ont accès. Ils relatent que cette situation pose des défis quant à l’accès au quotidien ou en temps opportun aux outils numériques, et entraîne un problème d’organisation, aussi bien logistique que pratique, quant aux activités à réaliser en classe.
Avant la crise de la COVID-19, les personnes répondantes ignoraient si leurs élèves avaient accès ou non à Internet ou à un ordinateur à la maison. La grande majorité (18/22) estime aujourd’hui, à la suite de discussions avec leurs élèves sur la situation engendrée par l’apprentissage à la maison lors du confinement généralisé, que certaines inégalités d’accès touchent au moins quelques-uns de leurs élèves à la maison. Elles disent fréquemment que la quantité d’outils numériques au sein d’un même foyer fait défaut, et que cette situation nécessite le partage d’outils dans ce foyer. Par conséquent, cette situation aurait pour effet de diminuer le temps passé sur ces outils et le fait d’accéder à Internet. Dans certains cas, la lenteur ou la qualité de la connexion Internet due à la situation géographique a également été mentionnée. Soulignons qu’à quelques reprises, il a été mentionné que les élèves qui ne possédaient pas un ordinateur à la maison se sont vu prêter un Chromebook ou un autre type d’ordinateur portable par leur conseil scolaire pour faciliter l’apprentissage à la maison durant ce contexte de crise.
Durant les entretiens, nous avons cherché à comprendre quels étaient les points de vue des répondantes et répondants face aux besoins de leurs élèves en matière d’accès à Internet. La moitié estime que les besoins des élèves en matière d’accès à Internet ne sont pas une priorité, car ces derniers ont accès à Internet et aux outils numériques aussi bien en classe qu’à la maison; quant à l’autre moitié, elle estime que ce besoin est assez criant pour les raisons que nous avons pu évoquer, comme la disponibilité et le partage d’outils numériques.
5.2 Inégalités numériques linguistiques liées à l’accès numérique
Quant aux inégalités linguistiques liées à l’accès numérique, près d’un tiers (6/22) nous font part de leur difficulté à trouver des applications et des outils numériques adéquats en français, en ligne. Par exemple, ils soulignent qu’une grande majorité des ressources gratuites et certaines ressources disciplinaires privilégiées dans les écoles (p. ex. Prodigy Math) ne sont disponibles qu’en anglais. Le participant P18 précise : il y a beaucoup d’« applications qui existent, que l’on essaie de ne pas trop utiliser parce qu’ils sont uniquement en anglais » et ajoute que « Prodigy, c’est un jeu qui est anglophone, mais c’est un jeu qui gagnerait à être utilisé en français, qu’on pourrait utiliser davantage […] ils ont l’impression de jouer, ils oublient qu’ils font les maths ». Les participants P34 et P39 indiquent que la recherche de ressources francophones demande plus de temps de fouille. Quant à P32, il mentionne : « On traduit, on traduit, on traduit à plus finir, là! »; ou encore, P8 déclare créer ses propres tutoriels vidéo en français, sur comment faire une bonne recherche en ligne, par exemple. Ces propos mettent en lumière les difficultés qu’ils peuvent rencontrer pour proposer un outil ou une ressource en français à l’élève, les efforts exigés pour s’ajuster et relever certains défis, comme traduire en français ou produire ses propres ressources, et l’incidence sur le temps de préparation d’une activité. Par ailleurs, ils disent parfois limiter l’utilisation de certains outils ou ressources qui seraient pertinents pour les élèves, car ceux-ci sont offerts uniquement en anglais.
Plusieurs déclarent que les ressources en langue française disponibles sur Internet sont souvent conçues dans des contextes où le français est la langue majoritaire, notamment en France et au Québec. Ceci peut constituer un enjeu linguistique et identitaire pour les élèves de l’Ontario (P8, P10, P23, P33 et P35). Ils précisent que ces ressources reflètent des réalités différentes du contexte franco-ontarien, qu’elles peuvent ne pas être en lien avec le programme-cadre local et que les élèves peuvent parfois avoir de la difficulté à comprendre le vocabulaire et la variété différente de français privilégiée :
Je trouve le plus grand défi dans ce contexte, c’est souvent ce qu’on trouve à l’Internet… vient de la France, qui est un français très différent du mien, que celui des élèves franco-ontariens du Nord. Tu sais, on a un accent très différent […] Et même les ressources du Québec, souvent, sont différentes de notre français, langue de souche. C’est souvent plus difficile pour les élèves de comprendre le contexte de l’information d’un site Web parce qu’il y a tellement de mots inconnus.
P33
Le « manque » de ressources en ligne pertinentes ou propres au contexte linguistique minoritaire crée parfois des malaises chez les élèves qui « peuvent être gênés de parler français en ligne » (P55). À dire vrai, le participant P36 souligne le besoin pour des « références culturelles, des modèles » locaux, car il observe que la situation actuelle dans sa salle de classe qui est de « rire des autres, critiquer les autres, ça n’aide pas non plus » la participation en français en ligne.
Après avoir exposé les représentations des répondantes et répondants concernant les inégalités numériques liées à l’accès au numérique, la prochaine section présente celles liées à l’utilisation et au développement de compétences pour tirer profit du numérique.
5.3 Inégalités numériques liées aux compétences numériques
Basée sur les dires des répondantes et répondants, cette section expose les facteurs perçus comme influençant les inégalités de compétences numériques des élèves, aussi bien sur le plan scolaire, familial que linguistique.
Plus de la moitié (12/22) pensent que les compétences numériques des élèves sont différentes d’un élève à un autre, et expliquent qu’elles dépendraient de la confiance qu’ils ont en eux-mêmes ou encore de l’habileté qu’ils entretiennent avec la technologie (P5, P12, P17, P19, P24, P29, P39) et du temps d’accès ou d’exposition à Internet (P4, P8, P32, P34, P36). Par exemple, les élèves « pourraient certainement profiter de plus de temps pour développer leurs compétences, mais ils apprennent très vite comment utiliser des choses technos » (P34). Plusieurs (7 sur 22) s’accordent sur l’idée d’offrir aux élèves des occasions pour développer leurs compétences numériques (P3, P10, P12, P17, P18, P19, P29). Les occasions souvent mentionnées sont l’enseignement 1) de l’utilisation de l’ordinateur, notamment pour la lecture en ligne, la recherche en ligne, le traitement de texte et les présentations, 2) de la conduite et la sécurité en ligne et 3) de la citoyenneté numérique.
Un autre point soulevé est la nécessité d’assurer une certaine forme d’uniformisation, de continuité dans les apprentissages avec le numérique. Par exemple, « quand on leur donne ou on met un projet à l’ordinateur, bien, c’est pour tout le monde. À l’école, on avance en même temps » (P18); ou : « À l’école, j’essaie d’offrir le même niveau d’exposition à la technologie à mes élèves », ajoute P5.
Selon les propos des répondantes et répondants, l’univers familial semble avoir une influence sur le développement de compétences numériques des élèves, principalement en raison du soutien reçu, mais aussi parce que certains élèves sont en mesure de transférer ce qui a été appris à la maison une fois à l’école : « Des parents qui sont très habiles avec les outils technologiques […] peuvent encadrer les enfants. Ils peuvent regarder le travail qu’ils font pour leur donner des conseils, pour les encourager » (P24). Après avoir constaté un manque d’accès aux outils numériques à la maison lors du confinement généralisé durant la crise de la COVID-19 et à l’apprentissage à la maison, P4, P28, P34, P35 et P43 déclarent avoir ajusté la quantité de devoirs à faire chez soi, et avoir eu tendance à favoriser et à maximiser le temps de travail sur les outils numériques en salle de classe.
Durant les entretiens, nous avons cherché à comprendre quelles étaient les représentations des répondantes et répondants face à un soutien pour le développement des compétences numériques. Plus des trois quarts (17 sur 22) ont estimé que la question du développement des compétences numériques est une priorité importante à prendre en compte.
5.4 Inégalités linguistiques de compétences numériques
Concernant les inégalités linguistiques de compétences numériques, plusieurs (9 sur 22) ont déclaré que les défis de compréhension de la langue française ou un répertoire linguistique limité en français, notamment de la terminologie associée à Internet et à la navigation Web, peuvent influencer le développement de compétences numériques des élèves à l’école. P34 explique :
[…] ça peut les limiter parce qu’ils n’ont pas toujours nécessairement le vocabulaire pour tout comprendre […] la plupart vont se débrouiller en anglais à la maison, donc ils peuvent développer des compétences numériques à la maison sur certaines plateformes, juste comme de leur choix, mais à l’école, c’est un peu un défi.
P18 indique que ses élèves « ont le réflexe de chercher en anglais des ressources avant de chercher en français […] ils n’acquièrent pas les mêmes compétences nécessairement, à ce niveau-là, au niveau de la recherche. Oui, peut-être que pour certains, ça aurait un impact ». Plusieurs ont exprimé le fait qu’ils invitent leurs élèves à intégrer divers outils numériques ou stratégies pour apprendre en français en ligne, par exemple :
-
rechercher le sens d’un mot à partir du dictionnaire, d’un moteur de recherche (P4, P35)
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utiliser des traducteurs pour traduire l’information (P10, P17, P18, P4, P35) – bien que la recherche en ligne en français soit encouragée (P17)
-
apporter et faire le suivi des corrections dans un document en utilisant un outil, comme Antidote, qui explique les erreurs/règles (P32).
Face à ces défis linguistiques, certains recommandent de ralentir le rythme et d’allouer plus de temps de pratique en classe aux élèves.
Après avoir exposé les représentations des répondantes et répondants des inégalités numériques liées à l’utilisation et au développement de compétences pour tirer profit du numérique, la section qui suit présente celles liées au pouvoir d’agir numérique.
5.5 Inégalités de pouvoir d’agir numérique : « Il y a quand même une grosse différence d’un élève à l’autre »
Le fait que les élèves aient ou non une certaine aisance/habileté dans l’utilisation du numérique semble créer des inégalités entre eux lors de la réalisation d’activités en salle de classe. Six répondantes ou répondants déclarent que l’aisance/habileté de l’élève avec la technologie aurait une influence sur son sentiment de pouvoir d’agir numérique. En ce sens, P5 déclare à propos des inégalités en termes de confiance :
C’est lié directement au fait de, si l’enfant est à l’aise avec la technologie; vrai ou pas, je pense que l’un apporte à l’autre. Donc, je pense que mon élève est bien soutenu, il a accès, il est capable d’explorer dans un cadre bien entouré, dans un cadre soutenu des parents, puis que s’il développe un certain intérêt, il se sent empoweré à le faire […].
De même, P19 estime qu’« il faudrait qu’ils ont une bonne compétence numérique pour être confiants ». Cette aisance/habileté semble influencer la motivation de l’élève à proposer et à créer des projets numériques. P10 explique que si les élèves n’ont pas
la même facilité d’utilisation des outils, bien nécessairement, il y en a qui vont être capables de proposer des projets, de se filmer à la maison, d’amener ça en salle de classe, de proposer des projets pour l’école. Puis, il y en a d’autres qui vont un peu rester dans l’ombre par rapport à ça.
Plusieurs indiquent que les accès à Internet, les outils numériques et le soutien d’un proche à la maison auraient également une influence sur le pouvoir d’agir numérique : selon P19, pour les élèves n’ayant « pas accès à Internet normalement, ça reflète un peu leur sentiment de leur confiance […] ils n’ont pas tout le contrôle […] ils ne peuvent pas bien l’utiliser; je pense que ça, ça joue un peu dans leurs sentiments ». De son côté, P23 estime qu’en classe, les élèves ont ce dont ils ont besoin, mais l’accès à la maison peut faire qu’ils vivent un sentiment de contrôle ou de stress face au numérique :
à la maison, c’est difficile, j’ai l’impression qu’il y en a […] qui ont un accès très facile aux ressources, donc ils les utilisent plus souvent […] À ce moment-là, eux autres, ils se sentent bien en contrôle de la situation, puis ils ont l’impression qu’ils connaissent tout. Tandis qu’il y en a qui sont vraiment stressés par rapport à ça […] je pense qu’à ce niveau-là, il y a quand même une grosse différence d’un élève à l’autre.
Durant les entretiens, nous avons cherché à comprendre quelles étaient les perceptions des répondantes et répondants face à un soutien pour développer le pouvoir d’agir numérique chez leurs élèves. Deux tiers ont estimé qu’une certaine forme de soutien serait nécessaire pour que les élèves puissent développer leur pouvoir d’agir numérique. L’autre tiers estime que ce soutien n’est pas une priorité. Celles et ceux en faveur d’une forme de soutien proposent quelques pistes : la promotion d’un dialogue ouvert et respectueux en classe, la valorisation de l’estime de soi ou encore la sollicitation et l’implication de chaque élève lors de projets particuliers, c’est-à-dire de ne pas nécessairement toujours faire appel aux élèves les plus compétents pour réaliser plus rapidement une tâche spécifique.
5.6 Inégalités linguistiques de pouvoir d’agir
Plusieurs répondantes et répondants expriment aussi en quoi le bagage linguistique des jeunes est lié aux inégalités de pouvoir d’agir numérique qu’ils subissent. Lorsque nous avons demandé à P12 si ses élèves vivent ce type d’inégalités, sa réponse a été :
Totalement, oui, mais c’est vraiment biaisé parce qu’il y a un lien avec la langue. Tu sais, j’ai rarement eu un élève qui s’est fâché parce qu’il n’arrive pas à faire telle ou telle chose sur Internet parce que c’est relié à ses compétences numériques. Non, c’est lié avec les compétences liées à la langue.
P12 explique que c’est une question de confiance avec la langue lorsqu’ils se filment ou qu’ils écrivent dans un document collaboratif : « Ils ont très peu de vocabulaire en français… pis fait que, ouais, fait que ça, ça vient vraiment beaucoup toucher leur sentiment de pouvoir. » En outre, il semble que, pour certains élèves, l’anglais facilite l’écriture et la communication en ligne. Ils font alors le choix de mettre à profit leurs compétences en anglais pour mieux profiter du potentiel du numérique, par exemple pour mieux communiquer leurs idées aux autres :
Je pense que ç’a peut-être un peu à voir avec les compétences puis sentiment de pouvoir […] Il y en a qui vont juste écrire en anglais pour être capable d’écrire vite, puis de bien dire leurs idées aux autres. Puis en français, ils vont décider de pas parler.
P23
Ceci explique peut-être pourquoi une grande majorité observe une préférence marquée des élèves pour la langue anglaise en ligne. P35 précise : « Au nord de l’Ontario, même si nous sommes dans une école francophone, le défi, c’est de faire parler nos élèves en français », raison pour laquelle d’autres expliquent profiter du numérique pour faire découvrir des artistes francophones, jouer de la musique en français, proposer des projets en ligne avec l’actualité et la francophonie de la région et être un modèle authentique.
6. Discussion
Cette étude explore, selon le point de vue du personnel enseignant, les inégalités numériques et linguistiques qui peuvent affecter leurs élèves. Nous avons analysé les propos de 22 enseignantes et enseignants de 4e à la 8e année, répartis dans 16 écoles de langue française, en Ontario. Dans cette discussion, nous mettons d’abord en lumière les disparités d’accès au numérique qui entravent le développement de compétences numériques des élèves, en soulignant comment ces disparités sont façonnées par des facteurs locaux distincts. Ensuite, nous abordons la question du manque de ressources francophones et de l’importance d’interventions ciblées pour augmenter les opportunités de participation et de création numériques des jeunes en français. Nous concluons en soulignant l’importance selon les enseignantes et enseignants de prioriser l’accès et le développement de compétences numériques avant le développement d’un pouvoir d’agir numérique des élèves.
6.1 L’accès inégal au numérique : un frein au développement des compétences numériques des élèves
Nous observons que l’accès à Internet et le soutien pour le développement des compétences numériques sont des préoccupations que les enseignantes et enseignants de notre étude ont jugé plus importantes que celle d’un soutien au développement du pouvoir d’agir chez leurs élèves. En effet, la question de l’accès au numérique semble apparaitre comme une priorité pour les répondantes et les répondants. Comme rapporté dans la section résultats, l’accès à Internet est « essentiel » pour développer les compétences numériques des élèves, « il faut absolument que tous les élèves ont accès à l’Internet » (P36). Bien que selon eux, leurs élèves aient accès à Internet et aux appareils numériques à l’école, nous notons des disparités parfois importantes, entre 1) la fréquence d’accès, par exemple trois quarts déclarent que leurs élèves bénéficient d’un accès quotidien alors que 3 sur 22 déclarent que leurs élèves ont un accès limité à une fois par semaine; 2) le ratio 1:1 pour deux tiers vs le partage d’appareils pour l’autre tiers; et 3) la diversité des appareils comme les Chromebook ou les iPad. Cette situation semble problématique dans la mesure où ces disparités ne favorisent pas, au sens de van Deursen et van Dijk (2019), les opportunités d’accumuler une plus grande variété de compétences numériques. Nous avons également constaté dans les propos des répondantes et répondants des disparités dans l’accès aux outils numériques des élèves à domicile. En nous basant sur les travaux canadiens traitant de cette question, nos résultats corroborent le fait que cet accès limité à la maison pourrait restreindre leur autonomie et leur possibilité de développer des compétences numériques (Chen, 2015; Collin et al., 2016). Nos résultats confirment l’importance de considérer le continuum des inégalités d’accès, allant au-delà d’une simple dichotomie non-accès/accès (Brotcorne, 2022; Granjon, 2022). Ces conditions d’accès évoluent continuellement et sont façonnées par des facteurs locaux distincts : par exemple les disparités dans l’accès aux outils numériques et aux ressources éducatives ainsi que dans les occasions de développement professionnel pour le personnel enseignant. Ces éléments sont particulièrement saillants dans le contexte francophone minoritaire (Cavanagh et al., 2016), surtout parce que la formation au numérique est considérée comme un levier essentiel pour contrer ces inégalités (Gradoz et Hoibian, 2019).
6.2 Manque de ressources pertinentes : vers des interventions ciblées pour promouvoir les occasions de participation et de création numériques en français
L’enjeu des compétences numériques semble également un point non négligeable dans la mesure où plus du deux tiers des répondantes et répondants considèrent comme important de les développer et de les renforcer dans le contexte scolaire. Cette nécessité s’inscrit dans un contexte où la vastitude d’Internet est circonscrite par la ou les langues que l’on maîtrise (Soria, 2016). Environ la moitié des participantes et participants rapportent que les possibilités offertes par le numérique à l’école pour leurs élèves sont limitées, notamment à cause d’une pénurie de ressources en français et d’enjeux linguistiques et identitaires liés aux contenus issus de contextes francophones majoritaires. Il est à noter que l’étendue de la connaissance des personnes participantes sur les ressources disponibles, nous pensons à celles fournies par le ministère de l’Éducation de l’Ontario, le Centre franco-ontarien de ressources pédagogiques (CFORP) ou la Télévision française de l’Ontario (TFO), par exemple, n’est pas clairement établie dans notre étude. Cela dit, l’accès restreint à des ressources adaptées se traduit par un surplus de travail pour le personnel, forcé à traduire, à modifier ou à créer du matériel pédagogique, ce qui affecte leur temps de préparation. Cette situation limite également les occasions pour les élèves de renforcer leurs compétences numériques en français. Ces obstacles, ancrés dans des inégalités d’accès, se doublent de défis de compréhension du français et de répertoire linguistique qui peuvent limiter la capacité des élèves à comprendre et à naviguer sur les plateformes numériques. Pour surmonter ces obstacles, les participantes et participants suggèrent l’utilisation de dictionnaires, d’outils de traduction et de correction ainsi que l’application de techniques de modelage pédagogique. Ces stratégies visent à développer des littératies traditionnelles et numériques en français.
Nous soutenons que l’usage du numérique par les jeunes en Ontario français constitue une pratique culturelle significative. Cette pratique est façonnée par leurs expériences sociales, scolaires et extrascolaires, et par la prédominance de l’anglais sur le français. Les enseignantes et enseignants rapportent une utilisation fréquente, sinon exclusive, de l’anglais par leurs élèves en ligne en contexte extrascolaire, confirmée par des études sur les médias sociaux (Cotnam-Kappel et Woods, 2020) et la consommation médiatique (St-Onge, 2021). En classe, ils disent se concentrer sur la recherche en ligne et le traitement de texte, négligeant les compétences liées à la participation en ligne en français, comme le montre une étude sur les élèves du secondaire en Ontario français (Cotnam-Kappel et Woods, 2020). Granjon (2010) souligne l’importance d’analyser les « non-usages » du numérique pour appréhender les inégalités qu’ils reflètent, notamment « d’une “in-capabilité” pratique à tirer bénéfice des potentialités économiques, sociales et/ou culturelles » des espaces numériques qui sont les produits intériorisés d’inégalités sociales (p. 72). Ces non-usages paraissent aussi liés aux inégalités numériques linguistiques dans le cas des jeunes Ontariennes et Ontariens qui choisissent le silence, qui « vont décider de pas parler » (P23), une tendance qui met en lumière un enjeu social inquiétant et souligne la nécessité d’interventions ciblées pour augmenter les occasions numériques de participation et de création en français pour ces jeunes à l’école. La puissance de l’intelligence artificielle, notamment l’IA générative, fournit également une direction tangible pour le rayonnement des langues minoritaires en ligne, car elle propose des reformulations et traductions sans jugement et facilite la création rapide de contenus par et pour la communauté minoritaire (Low et al., 2022).
L’analyse des résultats révèle que, selon le personnel enseignant, leurs élèves ne sont pas tous égaux face au numérique et que la situation s’améliorerait s’ils bénéficiaient de plus de soutien et de ressources reflétant leurs communautés linguistiques. Notre étude définit le capital numérique comme un amalgame de l’accès numérique individuel des élèves, de leurs compétences et de leur sentiment de pouvoir d’agir. Les différences de capital numérique entre élèves sont donc enracinées dans les inégalités façonnées par leurs autres capitaux, faisant ainsi que certains tirent profit du numérique alors que d’autres « vont un peu rester dans l’ombre par rapport à ça » (P10). Ignorer ces inégalités, comme le montre le manque de conscience des disparités d’accès à domicile révélées pendant la crise de la COVID-19, entrave le développement du capital numérique chez leurs élèves, qui peut ensuite être transféré dans des formes de capital social et culturel incarné (Bourdieu, 1979). Les inégalités linguistiques et numériques peuvent aussi entraîner une accumulation différenciée de capital numérique chez les élèves en contexte minoritaire, similaire à l’impact des disparités de classe sociale sur les pratiques et les dispositions des jeunes vis-à-vis du numérique (Collin et al., 2016; Darvin, 2018; Boyadjian, 2022).
6.3 Priorité aux compétences numériques et développement progressif du pouvoir d’agir numérique
Bien que plusieurs participantes et participants favorisent le soutien au pouvoir d’agir numérique des élèves, ils le jugent moins prioritaire que l’accessibilité et les compétences numériques. Plusieurs attribuent cela à la jeunesse des élèves, suggérant que le pouvoir d’agir se développera naturellement avec le temps (P5, P8, P17). P5 précise : « La façon dont je le vois, c’est plus une finalité, mais on a tellement d’autres choses à faire avant que de se rendre là. » La nature des inégalités de pouvoir d’agir exprimées par les participantes et participants nous rappelle les relations de renforcement entre les niveaux d’inégalités numériques : en effet, la combinaison des inégalités d’accès et de compétences semble avoir un impact sur ce que les enseignantes et enseignants décrivent comme la « confiance », le « sentiment de contrôle » ou les « attitudes » envers le numérique. Ces compétences et attitudes contribuent à un certain degré de capital numérique qui influence ensuite la qualité et le type d’activités en ligne ainsi que les bénéfices et résultats tangibles de notre utilisation Internet (Ragnedda et Ruiu, 2020). Même si un enseignant fait en sorte qu’« à l’école, on avance en même temps » (P18), Brotcorne (2022) nous rappelle que tous les élèves ne parviennent pas nécessairement à transformer ces occasions d’accès ou de compétences en pouvoir d’action ayant un impact sur les expériences et types d’usages du numérique. Van Deursen et van Dijk (2019) soulignent que ces dimensions sont cruciales pour comprendre les inégalités dans les usages et les bénéfices tirés du numérique, ce qui explique pourquoi l’accessibilité et les compétences doivent être priorisées avant le développement du pouvoir d’agir numérique.
7. Conclusion
Les résultats de notre recherche soulignent la nécessité de créer des ressources numériques francophones ciblées qui visent précisément le développement des compétences numériques des jeunes et qui tiennent compte du contexte minoritaire et des variétés de français locales. Ces ressources devraient non seulement renforcer la sécurité linguistique des élèves en ligne, mais aussi les habiliter à devenir des créateurs de contenu francophone reflétant leur réalité linguistique plutôt que seulement des consommateurs du numérique. En plus du développement de ces ressources, la création et la circulation d’artéfacts culturels numériques par les élèves ou le personnel enseignant : balados, blogues, vidéos ou contenus multimodaux, etc., pourraient aussi mettre de l’avant leurs variétés de français et offrir l’occasion aux acteurs de s’engager dans une forme d’activisme culturel. Ajoutons à cela que les participantes et participants de l’étude proposent des pistes de solution pour faire vivre la francophonie en ligne. Par exemple, promouvoir la découverte d’artistes francophones et développer des projets de création en ligne ancrés dans la communauté francophone locale. Ceci nous amène à considérer l’importance de créer de nouveaux espaces numériques dédiés à la francophonie et à la citoyenneté numérique des jeunes des écoles de l’Ontario français (Cotnam-Kappel et Woods, 2020) qui leur permettrait de socialiser dans leur langue et de se définir (Forgues et al., 2020). Ces espaces doivent être linguistiquement sécurisants, où le français est utilisé librement et avec respect, et sans rivalité avec la langue majoritaire anglaise, comme le préconisent Belmar et Glass (2019).
Pour conclure, nous recommandons l’élaboration de politiques provinciales et de projets d’inclusion numériques locaux pour créer des occasions plus équitables en matière de distribution du capital numérique. Ces initiatives devraient : 1) améliorer continuellement les conditions d’accès, en termes de qualité et de diversité, et ce, dans des contextes scolaires et extrascolaires; 2) fournir au personnel enseignant les outils, ressources et connaissances nécessaires pour offrir des occasions d’apprentissage variées en littératies numériques, qui touchent non seulement la navigation et la sécurité, mais aussi la création, le codage et la participation en ligne, en français (Cotnam-Kappel, 2018); et 3) susciter un sentiment de pouvoir d’agir numérique chez les élèves afin qu’ils puissent tirer profit d’une meilleure distribution de ressources matérielles et de savoirs numériques qui leur permettrait de participer de façon active et significative à une société numérique plus inclusive et plus juste. Cette étude, la première de ce genre sur les inégalités linguistiques numériques à l’école en Ontario français, tend finalement à souligner que les actions proposées doivent tenir compte des interactions entre inégalités numériques et linguistiques propres au contexte francophone minoritaire, justifiant le besoin pour des projets et politiques propres aux communautés linguistiques minoritaires qui visent l’épanouissement numérique de celles-ci.
Appendices
Note
-
[1]
« Citizens must also be given the opportunity to develop the linguistic and digital competences needed to use their languages and make use of the new possibilities that language technology has to offer. Teachers and researchers in minority languages have an important role to play in making this happen. » [traduction libre] (Domeij et al., 2019, p. 115).
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