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Le décès de Delmas Lévesque, un de mes anciens professeurs, et longtemps un de mes proches collègues avec qui j’ai travaillé de nombreuses années à l’École des HEC de Montréal, et auquel je dois beaucoup, m’a très attristé comme tous ceux et toutes celles qui l’ont connus et aimés au cours de son existence. Sa disparition m’a amené à écrire cet hommage. Je le fais ici à plusieurs titres : en tant qu’ancien élève, ancien stagiaire de sociologie, ancien collègue de Delmas Lévesque, et comme professeur attaché à comprendre la dynamique anthropologique des organisations (Chanlat, 2023).

Né à Mont-Carmel de Kamouraska le 13 avril 1933, Delmas Lévesque, sociologue, professeur de sociologie à l’École des H.E.C, Université de Montréal, comme il se présentait lui-même, était un homme du « Bas du fleuve », comme on dit au Québec, de ce grand fleuve, le Saint-Laurent qui a été un des éléments clés de la colonisation française du Canada depuis ses origines, et dont de nombreux édifices visibles, encore de nos jours, témoignent tout au long de son cours québécois, de cette Nouvelle-France aujourd’hui disparue. C’est dans ce beau paysage historique de Kamouraska, célébré entre autres, par l’écrivaine canadienne, Anne Hébert et à la portée de ce grand fleuve, mis poétiquement en image par le cinéaste québécois, Pierre Perrault, que Delmas Lévesque, vivra son enfance et son adolescence au sein d’une de ces grandes familles québécoises, comme il en existait à l’époque.

Après des études au collègue classique de Ste-Anne-de-la-Pocatière et de sociologie à l’université, Delmas Lévesque débute sa vie professionnelle chez Québecair, en gestion des ressources humaines, avant d’être recruté en 1968 par l’École des Hautes Études Commerciales de Montréal comme sociologue où il fera toute sa carrière universitaire jusqu’à son départ en retraite. Il sera le premier spécialiste de cette discipline à intégrer le corps professoral de cette institution, fondée en 1907, un an avant Harvard, et dont la sensibilité envers les dimensions sociales du développement économique et de la gestion était une des caractéristiques de son corpus depuis ses origines, comme l’attestent historiquement les travaux d’Esdras Minville, d’Edouard Montpetit et de François-Albert-Angers (Lévesque, 1978; Harvey, 1994, 2002).

Lorsque je pense à Delmas Lévesque comme sociologue et professeur à l’ École des HEC, trois grandes figures reviennent à mon esprit, au-delà de sa bonhommie, de sa moustache légendaire, de sa solide stature et de ces sauts d’humeur passagers : celle d’un professeur passionné, celle d’un professeur enraciné et celle d’un intellectuel engagé dans le développement socioéconomique de son pays : le Québec.

Delmas Lévesque : un professeur passionné

Pour beaucoup des étudiantes et des étudiants qui ont suivi ses enseignements, on peut affirmer sans se tromper que le professeur qu’il était, ne les laissait pas indifférents. Pour ma part, j’en suis un vivant exemple; c’est bel et bien à son contact que je vais découvrir, comme jeune Parisien, la sociologie dans le cours qu’il dispense en première année dans le nouveau baccalauréat en administration des affaires qui vient d’être lancé et qui remplace l’ancienne licence. C’est dans le célèbre amphithéâtre de l’édifice néo-classique originel situé rue Viger, que je vais en effet être exposé en septembre 1968 à son premier cours et à ses exposés successifs sur les origines du capitalisme et l’émergence de la sociologie des organisations; ils vont me faire connaître non seulement des oeuvres (Weber, Durkheim, Etzioni, Crozier…) mais aussi le questionnement sociologique autour de thématiques centrales comme la domination, le pouvoir, la légitimité, la culture et la langue qui ne me quitteront plus. Par la suite, passionné par cet enseignement, je suivrai son cours de deuxième année, et bien sûr, celui qu’il introduira alors en troisième année, intitulé « Administration et culture » où il fera alors oeuvre de pionnier en reliant les éléments de gestion à l’expérience collective propre à un pays, tout en se distinguant du courant de gestion comparée qui était alors à la mode et qui comparait le modèle américain aux autres existants dans le monde non communiste (Webber, 1969). Cette posture, comme les lecteurs de Management international le savent bien, conduira plus tard, à la création d’un champ nouveau : celui du management interculturel (Hofstede, 1980; d’Iribarne, 1989, d’Iribarne et al, 2022; Davel, Chanlat et Dupuis, 2008; Chanlat et Pierre, 2018; Barmeyer, Baush et Mayrhofer, 2021).

Delmas Lévesque : un professeur enraciné

Cet intérêt chez Delmas Lévesque pour la sociologie de l’organisation, et la culture en particulier, part de l’idée que toute expérience sociale est le fruit d’un contexte socio-historique et que, sans cette connaissance préalable, on se condamne à ne rien comprendre à la dynamique sociale. Son enracinement québécois va renforcer chez lui cette idée face à la déferlante des idées américaines que connaissent la gestion et son enseignement au cours des années 60-80, et dont le courant de la gestion comparée, cité plus haut, est un bel exemple. Cela va déboucher sur un très beau texte, « Essai sur notre culture », paru en 1978 dans la revue l’Action nationale, en deux volets (Lévesque, 1978ab), et repris dans les classiques des sciences sociales sur le site de l’Université du Québec à Chicoutimi (Lévesque, 2004ab).

Dans la belle langue qui est la sienne, il rappelle ainsi son intention :

Il ne sera pas question ici de ces petits mondes simples, archaïques, dont on retrace les structures et dont on dégage les fonctions. Il ne sera pas question non plus de ces valeurs mystérieuses qui arrivent à point nommé pour qualifier l’insolite et l’imprévu, surtout lorsqu’il s’agit de résistance au changement. Il ne sera pas question enfin d’exotisme charmant. Nous n’entendons pas réduire la culture à ces « fragilités » historiques attendrissantes, ni à ces « boîtes noires » des choses inexpliquées, ni à ces « dépaysements » reposants.

Il ne s’agit pas des « cultures » ici, pas plus que des valeurs ou des cuisines nationales. Il s’agit de l’expérience collective d’un peuple qui se poursuit à travers le temps et l’espace, à la recherche de son accomplissement. Une vie collective qui se fait et se défait à la fois, une vie qui tâtonne et cherche son chemin à travers mille obstacles. Démarche qui n’a rien de linéaire. Démarche essentiellement empirique. Vie qui se meut d’elle-même mais aussi mue par son environnement. Parcours sinueux, marqué par des arrêts et des reprises, des plis et des replis, des mues et des mutations. Parfois allure aisée, parfois agonie d’efforts. Une praxis !

1978, p.5-7

Il ajoute un peu plus loin :

Un peuple produit sa culture, par expérience historique, selon les formes et les contenus d’une époque donnée. Un peuple dépasse en amont et en aval sa culture du moment. Un même peuple peut fort bien expérimenter, habiter des cultures différentes, successivement. À travers ces identités culturelles successives, à la fois distinctes et indissociables de son identité profonde, un peuple forge son psychisme propre. Une identité historique sous des identités d’époque. Nous avons vécu à l’époque féodale, on nous a définis de culture traditionnelle, nous venons d’entrer dans la civilisation de la modernité. Il s’agit toujours du même peuple.

Traditionnels ou pas, nous sommes une tradition, c’est-à-dire une continuité historique qui se continue. Chemin faisant, nous avons tissé la toile d’une solidarité, faite d’une relation unique, sorte de complicité profonde entre nous. Rattachés à une même expérience collective, nous y trouvons toute la signification du caractère unique de cette expérience, irréductible à toute autre. Une relation unique au monde, dont l’exclusivité et la primauté ne sont que les deux faces d’une même pièce. À l’intérieur de la maison que nous habitons, les choses, les gestes, les événements, revêtent les significations que nous convenons entre nous de leur donner. Pour comprendre, il faut participer à l’expérience.

Lévesque, 1978/2004, p. 5-7

Comme on peut lire, ces propos restent toujours d’une grande actualité.

Tout en étant très enraciné dans ce Québec qui lui est cher, Delmas Lévesque, reste par ailleurs ouvert sur le monde. Comme son séminaire « Administration et culture » le montre, en faisant appel à de nombreuses expériences étrangères, il est en effet fasciné par les singularités qui peuvent s’exprimer sur tous les continents, notamment en matière de développement socioéconomique et de justice sociale. Ce séminaire, introduit en 1970, est une nouveauté à l’École des HEC, et constituera un espace propice à réfléchir sur ces sujets, notamment sur ce qu’on appelle à l’époque la sociologie du développement (Balandier, 1971; Amin, 1973); au cours des années, il va d’ailleurs susciter de nombreuses vocations chez certains des étudiants et des étudiantes qui le suivent. Plusieurs poursuivront en effet des études doctorales, comme ce fut mon cas. Ce sera également un lieu de réflexion privilégié pour s’interroger sur la société québécoise, son présent, son futur et sa place dans la dynamique capitaliste contemporaine nord-américaine, à un moment où le Québec connaît de profonds changements (Dupuis, 1995). C’est ce contexte qui va l’amener à terme à s’engager dans la voie indépendantiste, et à aider à bâtir pour la société québécoise, un projet de société plus démocratique, plus solidaire et plus respectueux de son environnement (Lévesque, 1977).

Delmas Lévesque : un intellectuel engagé dans le développement du Québec

Fédéraliste à son arrivée à l’École des HEC, on est en 1968 en pleine « Trudeaumanie » au Canada, Delmas Lévesque va en effet changer à la suite des évènements d’octobre 70 et de la politique que Pierre Elliot Trudeau va mener à l’égard du Québec; et devenir clairement indépendantiste comme beaucoup d’autres Québécois et Québécoises à cette époque. Conscient des particularités et des vulnérabilités de la société québécoise, il le rappelle ainsi dans l’article déjà cité précédemment :

L’expérience collective unique à laquelle nous appartenons et de laquelle nous sommes solidaires nous confère une identité propre. Par elle, nous sommes quelqu’un de quelque part. Une identité en-deçà et au-delà des identités de circonstances et d’époques. Nous sommes plus que nos identités culturelles successives.

Une expérience à la fois héritage et projet. Ancêtres, vivants, générations futures, se rattachent au même courant, à la même tradition. Passé, présent, avenir, appartiennent au même continuum. L’héritage se projette dans le futur, le projet prend racine dans le passé. Bien avant de naître, nos descendants font partie de notre tradition. Les rejets, les crises, les ruptures survenus ou à venir, n’y peuvent rien, malgré les apparences.

Cette tradition qui constitue notre peuple en un NOUS cohésif, nous allons essayer d’exprimer sa condition fondamentale, relater quelques-unes de ses expériences les plus significatives et dégager le cours récent de sa démarche.

Lévesque, 1978/2004, p.7

Il ajoute :

« Notre expérience collective, ramenée à ses conditions les plus essentielles et les plus existentielles, semble tenir à quelques données fondamentales qui constituent en quelque sorte le substrat de notre condition humaine, Notre peuple a été, pour ainsi dire, coulé dans cinq données de base : l’origine, le nombre, le pays, l’isolement, la dépendance. »

1978/2004, p. 8

C’est à partir de ce constat sociohistorique qu’il va alors chercher à développer des leviers qui permettront à la société québécoise de se renforcer et de s’épanouir à sa juste mesure (Lévesque, 1977). Comme le rappelait récemment un de ses anciens étudiants, Vincent Calvez, aujourd’hui, professeur à l’ESCAA d’Angers : « Delmas Lévesque aimait à dire : « Entreprendre est un des plus beaux mots de la langue française ». C’est la raison pour laquelle il va s’intéresser de près au mouvement coopératif car il le voit comme un mouvement sociétal de développement pour la société québécoise, qui alliant logique entrepreneurial, logique socioéconomique et démocratie, est une alternative au capitalisme prédateur :

Parmi nos institutions économiques, écrit-il, le mouvement coopératif a peut-être le plus contribué à retenir notre substance collective. Profondément autochtone, il plonge des racines dans notre Histoire, se nourrit au terroir, s’étend au territoire. Comme entrepreneurs, certains coopérateurs n’ont rien à envier à personne. En quête « d’entrepreneurship », on n’a pas assez regardé de ce côté, semble-t-il. Qualifié de traditionnel, le mouvement coopératif a désormais pignon sur rue et voit s’accrocher à lui des aspirations nationales et sociales. Sa taille, son originalité, sa fidélité justifient les unes et les autres. C’est beaucoup lui demander quand même. N’empêche que l’éclatement de l’homme libéral en « homo economicus », « homo politicus », « homo socius », en un mot, en spécialisations distantes et incommunicables, trouve un commencement de réponse dans une formule coopérative qui intègre le social, l’économique et le politique au sein de l’entreprise. L’homme n’y est pas non plus réduit à la dimension production-consommation. Doté d’une règle du jeu coopératif, le mouvement pourrait jouer un rôle majeur dans le développement du Québec, équilibrant d’autant le rôle de l’État. Le mouvement coopératif fait la preuve que l’on peut, à l’époque moderne, compter sur le vieux fonds québécois.

Lévesque, 1978b, p.16

Influencé, entre autres, par les travaux menés par François-Albert Angers, figure tutélaire du coopératisme québécois, il participera donc tout naturellement en 1975 à la fondation à HEC-Montréal du Centre de gestion des coopératives, (Lévesque et al, 1980), notamment avec deux autres collègues de l’École, le regretté Jean-Guy Desforges, un professeur de gestion récemment diplômé de l’Université de Pittsburgh, qui jouera un grand rôle à l’École durant cette période, et Benoit Tremblay, un de ses anciens étudiants qui revient de Paris où il a fait ses études doctorales sous la direction du pape de la sociologie de la coopération : Henri Desroche (1914-1994) à l’École Pratique des Hautes Études (Desroche, 1976); il en sera le premier coordonnateur, et Marie-Claire Malo, la première secrétaire, laquelle deviendra par la suite une des spécialistes reconnues de la gestion des coopératives (Malo, 2001; Demoustier et Malo, 2012), elle qui, ayant été aussi une étudiante de Delmas Lévesque, suivra tout comme Benoit Tremblay, ses études doctorales à Paris (Demoustier et Malo, 2012). Le centre, renommé depuis l’Institut international des coopératives Alphonse-et-Dorimène Desjardins, s’affirmera peu à peu comme un des principaux centres de recherche internationaux dans le domaine (Malo, Vézina & Audebrand, 2012).

C’est dans ce cadre que Delmas Lévesque va rédiger certains articles, seul ou avec d’autres, notamment avec Jean-Guy Desforges et Benoit Tremblay un article pionnier sur la tension propre à la coopérative entre l’association et l’entreprise sous l’influence d’un autre grand spécialiste de la coopération français, Claude Vienney (Vienney, 1980; Desforges, Lévesque & Tremblay, 1979; Desforges & Vienney, 1980; Malo & Bouchard, 2002), qu’il contribuera à l’organisation d’un important colloque international sur les coopératives ouvrières de production (Martel, Lévesque et al, 1984), et que certains de ces articles vont devenir des classiques et des jalons dans la réflexion sur le mouvement coopératif québécois et sur l’école de Montréal dont l’originalité va tourner justement autour des diverses tensions qui se font jour au sein d’une coopérative tout au long de son cycle de vie (Lévesque et al., 1980, 1982; Malo, Vézina et Audebrand, 2012).

Dans son bel « essai sur notre culture », cet amoureux de la langue française défend également un style qui, aujourd’hui, connait un regain de popularité chez certains chercheurs en gestion (Moriceau, Letiche et Le Theule, 2019) face aux écrits qui en sont souvent dénués :

Aux fins du présent essai, écrit-il, il nous apparaît plus important de signifier que de démontrer. Le langage symbolique, fait d’allégories, de métaphores, d’images, de comparaisons, nous semble à cet effet un véhicule plus apte à la signification que le langage scientifique. Cependant nous emprunterons à ce dernier le langage conceptuel nécessaire à une vision synthétique, Quoique le texte ne soit pas exempt d’éléments d’analyse, il ne se situe pas pour autant sur ce terrain.

Lévesque, 1978, p.7

Le lecteur l’aura compris, Delmas Lévesque, tout comme son prénom, n’était pas un professeur banal. Si, selon les critères d’aujourd’hui, il n’a pas beaucoup écrit, ce qu’il a publié, demeure des textes de réflexions qui comptent, et qui méritent d’être lus et relus; quant à ses enseignements, il reste vivants pour ceux et celles qui, comme moi, ont eu la chance, de les suivre. Il est en effet associé à un monde qui valorisait encore l’enseignement oral, la réflexion à haute voix, la lecture et l’échange autour d’écrits fondamentaux, un monde qui privilégiait les contenus sur la méthode, la pertinence sociale sur « la publication dans des revues classées », qui avait un grand respect pour les ouvrages et rappelait le caractère collectif de toute réflexion :

« La pratique « libérale » ne s’accommode pas, voici des siècles, de la signature anonyme d’une oeuvre, fût-elle collective. L’impératif « individualiste » ne doit pas pour autant nous interdire de nous reconnaître un immense tribut à la collectivité qui nous inspire. Il convient de signaler que cette collectivité commence avec les collègues, en particulier, les plus immédiats. »

Lévesque, 1978, p.

Lorsqu’on jette un regard rétrospectif sur son travail, Delmas Lévesque apparaît comme un des premiers pionniers québécois de l’enseignement de la sociologie de l’organisation, de l’entreprise, et de ce qu’on appelle aujourd’hui le management interculturel, il appartient à ce type de professeurs qui sont devenus des maîtres pour bon nombre d’entre nous, par leur extrême respect des étudiants, leur invitation permanente au dialogue et le souci de leur développement, tout en ayant été, dans mon cas par la suite, tout à tour son stagiaire attitré et son collègue, ce dont je me suis toujours honoré (Chanlat, 2023).

Au cours de toutes ces années où je l’ai fréquenté, j’ai pu découvrir d’autres facettes de sa personnalité : son amour pour sa famille, notamment pour sa femme Francine et ses enfants, sa francophilie, sa passion pour l’histoire, notamment du Québec, son souci de justice sociale, sa sensibilité aux aspects symboliques de l’existence collective, à la langue, son goût pour la culture, la fête et les plaisirs de la table. Enfin, Delmas Lévesque, il faut le rappeler, avait de grandes exigences à l’égard de l’École des HEC de Montréal comme institution : celles de contribuer au développement du Québec à travers ses recherches, ses publications et ses enseignements afin d’apporter sa voix dans le concert international des réflexions sur l’administration des affaires, comme on dit au Québec.

« Nous voulons, écrivait-il, un pouvoir économique qui se mêle intimement à l’expérience collective et s’en rende solidaire. Nous voulons un pouvoir politique qui réponde aux impulsions émanant de sa collectivité. Un pouvoir transparent aux siens, un pouvoir légitime. » (Lévesque, 1978, p.13). Car, « La culture a besoin de moyens matériels pour vivre et grandir à l’aise. Nécessaire accouplement « du sens et de la puissance » (Balandier, 1971), de la signification et du pouvoir.

Idem, p.13

L’École des HEC de Montréal faisait partie de ces moyens matériels (Sabourin, 2005).

Autrement dit, Delmas Lévesque, en sociologue, et en lecteur de Braudel, inscrivait sa réflexion dans la longue durée, et avait bien compris que « Le fondement des sciences humaines, leur centre de référence constant, comme l’a écrit Georges Gusdorf, c’est l’homme concret dans sa présence historique. » (Gusdorf, 1963/2014, p. 237). De ce point de vue, il était en phase avec ce qu’Hannah Arendt écrivait dans La crise de la culture : « ... ma conviction est que la pensée elle-même naît d’événements de l’expérience vécue et doit leur demeurer liée comme aux seuls guides propres à l’orienter. » (Cité par Revault d’Allonnes, 1998, p. 8)

J’espère que ce modeste hommage publié dans Management international, une des revues dirigées par l’École des HEC de Montréal, dont certaines thématiques ne sont pas éloignées des réflexions abordées hier par Delmas Lévesque encouragera son lectorat à relire certains de ses écrits qui constituent, encore aujourd’hui, une source de réflexions sur la société québécoise et le développement socioéconomique du monde.