Abstracts
Résumé
Si la littérature compte de nombreuses conceptualisations et échelles validées pour mesurer le moral des salariés, aucune étude ne permet d’affirmer leur pertinence pour les dirigeants. Sur la base de 20 entretiens individuels et 360 questionnaires réalisés auprès de dirigeants français, cet article propose une conceptualisation et une mesure du moral du dirigeant. Il met en lumière la spécificité de la construction du moral des dirigeants au regard de celui des salariés mais aussi sa multidimensionnalité, l’influence des éléments personnels et professionnels, la double valence émotionnelle ainsi que son caractère non genré.
Mots-clés :
- dirigeant,
- entrepreneur,
- moral,
- émotion,
- échelle de mesure
Abstract
lthough many conceptualizations and scales exist to measure the employee’s mood, no study has confirmed their relevance to CEO. Based on 20 individual interviews and 360 questionnaires collected from French CEOs, this article proposes a conceptualization and measurement of the CEO’s mood. It highlights the specific construction of the CEO’s mood compared to the employees’ one, but also its multidimensionality, the influence of personal and professional items, the double emotional value and its non-gendered nature.
Keywords:
- CEO,
- entrepreneur,
- mood,
- emotion,
- measurement scale
Resumen
Aunque existen muchas conceptualizaciones y escalas para medir al estado de ánimo de los asalariados, ningún estudio ha confirmado su relevancia para los dirigentes empresariales. Tomando como base 20 entrevistas individuales y 360 cuestionarios recolectados entre los dirigentes empresariales, este artículo propone una conceptualización y una medición del ánimo de los dirigentes. Destaca la especificidad de su construcción respecto a la de los empleados, pero también su multidimensionalidad, la influencia de elementos personales y profesionales, la doble valor emocional así como su carácter neutro en cuanto al género.
Palabras clave:
- ejecutivo de negocios,
- empresario,
- ánimo,
- estado emocional,
- escala de medida
Article body
Parce que les dirigeants ont un rôle clé dans la vie de l’entreprise ainsi que sur la croissance et le marché de l’emploi, des recherches ont récemment attiré l’attention sur l’intérêt de développer des travaux sur leurs états affectifs (Baron, 2000; Stephan, 2018; Torrès et al., 2017). Ainsi, des études récentes ont souligné l’importance de l’état affectif des dirigeants (Torrès, 2017) et de ses effets potentiels en termes de risques psycho-sociaux, de satisfaction au travail, de santé des employés et de leur famille ou encore de santé perçue de l’entreprise (Ben Tahar et Rossi, 2012; Gentil et al., 2019, Mondelus & Torrès, 2017, Torrès et Kinowski-Moysan, 2019, Torrès et Lechat, 2017, Torrès & Thurik, 2019). Malgré cet intérêt récent, il existe aujourd’hui encore un manque flagrant de données empiriques permettant de caractériser ces états affectifs (Torrès et Lechat, 2017).
Dans la présente contribution, nous nous intéressons ainsi au moral des dirigeants, un état affectif particulier de faible intensité, « diffus et relativement durable » (Forgas 1992, p. 230). Si des chercheurs ont montré l’importance isolée du stress des dirigeants (Baron, et al., 2016; Rauch et al., 2018), de leurs doutes (Jacquemin et Lesage, 2016), ou encore de leur passion (Cardon et al., 2017), la question du moral de ces derniers est largement ignorée dans les développements actuels (Chi et al., 2015). Pourtant, des travaux appellent de leurs voeux des recherches permettant de comprendre ce qu’est le moral des dirigeants dans ses différentes facettes (Desmet et al., 2016) et ceci en prenant en compte le contexte professionnel spécifique de leur activité (Chi et al., 2015; Stephan, 2018). Ainsi, l’objet de cette étude est donc de proposer une conceptualisation du moral des dirigeants. Dans la lignée des travaux de Stephan (2018), nous faisons l’hypothèse suivant laquelle les situations d’incertitude et de compétition intense (Baron, 2000), l’exigence d’une forte disponibilité horaire (Adisa et al., 2019), les tensions et paradoxes multiples vécus au quotidien (Gentil et al., 2019) mais aussi l’importante porosité entre sphère privée et sphère professionnelle des dirigeants peuvent conduire à une conceptualisation spécifique de leur moral. Nous faisons notamment l’hypothèse que cette dernière se distingue de celle des salariés. Il s’agit donc de répondre à la question de recherche suivante : comment se conceptualise le moral des dirigeants ?
Au plan méthodologique, répondre à cette question nous a conduit à réaliser une enquête empirique avec une méthode mixte, combinant des enquêtes et analyses qualitative et quantitative (Aldebert et Rouzies, 2014). Une première étape qualitative a ainsi consisté à identifier les principales émotions exprimées par les dirigeants au sujet de leur moral au moyen d’une analyse lexicale de vingt entretiens individuels de dirigeants français. Une conceptualisation, basée sur douze émotions, a ensuite été testée sur deux échantillons (échantillon 1 de 233 et échantillon 2 de 127 dirigeants) suivant une méthode quantitative.
Parmi les principales contributions de cet article, nos résultats nous permettent de proposer une conceptualisation du moral du dirigeant basées sur sept émotions (Satisfait, Content, Enthousiaste, Heureux, Déprimé, Triste, Énervé) qui se distinguent de celles identifiées pour les salariés. Ses caractéristiques soulignent que le moral du dirigeant est constitué d’états émotionnels aux valences positives et négatives, provenant à la fois de la vie personnelle et de la vie professionnelle. Plus précisément, il apparait que la valence positive se nourrit principalement de la sphère professionnelle tandis que la valence négative est caractérisée par la sphère personnelle. Nous montrons également que le moral du dirigeant n’est pas dépendant du genre.
Le présent article est organisé de la manière suivante. Après avoir présenté une revue de la littérature autour du moral, de sa conceptualisation et des spécificités du dirigeant, nous décrivons notre méthodologie avant d’exposer nos résultats et de les discuter.
Revue de la littérature
Moral : ancrage théorique
Au sens large, le moral peut être défini comme un état affectif diffus (Forgas, 1992) affectant notre expérience, notre cognition et notre comportement (Whilhem et al., 2007). La valence de cet état affectif général peut être positive ou négative (Noval et al., 2017).
Le concept de moral est régulièrement distingué de celui des émotions. En effet, si ces dernières sont des réactions « rapide, éphémère et dynamique » (Lajante et Lux, 2020, p. 2) qui découlent d’une évaluation subjective d’un événement (Lajante et Lux, 2018), le moral peut être considéré comme un état affectif moins intense (Davis, 2009), mais relativement durable (Forgas 1992). Cependant, si la distinction du moral et des émotions n’est pas remise en cause, il apparait que le moral des individus est exclusivement mesuré par l’intermédiaire d’émotions (comme construit) au sens de Barrett (2017). Ainsi, les items émotionnels sont utilisés comme des marqueurs du moral, que l’on retrouve notamment dans les principales échelles de mesure de ce dernier (tableau 1).
Comme le montre le tableau 1, de nombreuses échelles multidimensionnelles ont été proposées pour analyser le moral des individus. Les premiers travaux académiques ont tout d’abord concerné le moral individuel en dehors de tout contexte de travail. Le premier test multidimensionnel Mood Adjectives Check List (MACL) développé par Nowlis (1965) fait état de douze dimensions telles que l’anxiété, la fatigue, la tristesse ou encore le scepticisme. Dans une perspective similaire, les mesures du moral Profile of Mood States (POMS) de McNair et al. (1971) puis POMS 2 (Heuchert et McNair, 2012) suggèrent l’existence d’une pluralité de dimensions (furieux, confus, désespéré, épuisé, amical, inquiet, énergique). Quant au test Activation-Deactivation Adjective Check List (AD ACL) de Thayer (1986, 1990), il apprécie le moral par l’état d’énergie (energic arousal) qui prédispose l’individu dans ses mouvements et agissements ainsi que par l’état de nervosité (tense arousal) qui influence ses actions, sa modération et son inhibition. Russel (1980) propose quant à lui un circomplexe croisant deux dimensions (positif/négatif et niveau d’intensité) sur lesquelles se positionnent 28 émotions. Dans cette échelle, chaque émotion est identifiée comme ayant une valence et un niveau d’intensité permettant son positionnement sur un cercle divisé en quatre secteurs émotionnels (positif intense, positif peu intense, négatif intense, négatif peu intense). Enfin, en s’appuyant sur une cohorte composée à la fois d’étudiants et d’employés, Watson et al. (1988) propose le modèle de mesure PANAS dont les 20 émotions permettent l’évaluation des dimensions positive et négative du moral (10 émotions par dimension).
La diversité de ces modèles met en évidence que, depuis plus de 40 ans, la définition et la conceptualisation du moral font l’objet de nombreux débats (Miner et al., 2005), notamment en ce qui concerne la représentation et la caractérisation des émotions marqueurs. Si Block (1957) soutenait déjà l’idée de l’existence d’une bipolarité des émotions et du moral, des recherches récentes montrent que les dimensions positive/négative permettent non seulement de capter la majorité de l’expérience émotionnelle (Larsen et Diener, 1992), mais également de caractériser le moral (Miner et al., 2005). Cela est en accord avec les échelles de mesure du moral en contexte de travail développées dans les travaux académiques.
Mesure du moral en contexte de travail
Au sein des organisations, les chercheurs considèrent que le moral fait référence à la façon dont les employés se sentent ou encore aux états affectifs ressentis lorsqu’ils sont engagés dans des activités sur leur lieu de travail (Chi et al., 2015; George et Zhou, 2007).
Développées à partir des années 2000, les échelles de mesure du moral en contexte de travail (qui concernent aujourd’hui exclusivement les salariés) se sont toutes inscrites dans une vision bipolaire du moral : positif/négatif (Tableau 2) sans autre spécification.
Ainsi, dans une étude portant sur le moral des salariés, Miner et al. (2005) utilisent une mesure à huit items : quatre à valence positive et quatre à valence négative. De même, dans une étude traitant du rôle des managers dans la production des émotions des employés, Bono et al. (2007) évaluent le moral des salariés sur la base d’une échelle à six items, incluant trois items de mesure d’un état négatif du moral et trois autres pour l’état positif, sans distinction d’intensité.
L’importance de cette distinction de valence du moral dans les organisations a conduit au développement de recherches se concentrant soit sur la dimension positive du moral (Tsai et al., 2007), soit sur sa dimension négative (Chi et al., 2015). Dans une étude traitant du lien entre moral positif des employés et performance au travail, Tsai et al. (2007) mesurent le moral dans une perspective unidimensionnelle positive, en s’appuyant sur les dix items de la dimension positive du moral de Watson et al. (1988) auxquels ont été ajoutés quatre items représentatifs des dimensions hédoniques. En se basant sur l’échelle du moral développée par Bono et al. (2007), Chi et al. (2015) montrent quant à eux que le moral négatif des employés conduit à des performances négatives au travail.
Soulignons par ailleurs que la littérature traitant du bien-être des salariés identifie certains antécédents clés de leur moral (Danna et Griffin, 1999). Parmi ces facteurs, les relations et les interactions avec le superviseur apparaissent centrales (Miner et al., 2005; Bono et al. 2007). Fitness (2000) montre par exemple qu’elles sont la principale source de colère chez les employés. Dans le même temps, Luchman et Gonzalez-Morales (2013) soulignent que le soutien social des superviseurs est une source essentielle de bien être pour eux. L’identification de ce puissant antécédent du moral des salariés est un résultat particulièrement intéressant dans le cadre de l’étude du moral des dirigeants. En effet, comme le soulignent Lechat et Torrès (2016b) ainsi que Stephan (2018), ces derniers n’ont pas de superviseurs au travail et très rarement des collègues de même niveau hiérarchique (co-dirigeants). Dans ce contexte, leur travail est relativement solitaire (Gentil et al., 2019). Ce point vient s’ajouter aux nombreuses spécificités du dirigeant, que nous développons dans la partie suivante, plaidant ainsi pour une évaluation de la spécificité du moral de ces derniers.
Singularité du dirigeant
La littérature souligne plusieurs traits de personnalités et des spécificités propres à la fonction de dirigeants qui les distinguent des employées (Stephan, 2018). Les dirigeants ont en commun d’affronter quotidiennement des obstacles, des contraintes de sentier, des demandes très élevées, l’incertitude, une compétition intense, le manque de ressources (Baron, 2000) et une disponibilité horaire constante (Adisa et al., 2019). Tous ces éléments sont identifiés comme étant plus extrêmes pour le dirigeant que pour le salarié (Stephan, 2018).
Par ailleurs, leur activité se caractérise par un haut niveau de solitude et un faible soutien au travail, rendant ainsi leur expérience de travail éprouvante sur le plan du moral (Rahim, 1996). En se référant au concept de job-design (Oldham et Hackman, 2005), Baron (2010) suggère que, comparativement aux autres catégories socioprofessionnelles, le contenu du travail des dirigeants est « surenrichi ». Ainsi, tous les axes définis dans le job design - significativité des tâches, variété des compétences, identité de la tâche, autonomie et feedback - seraient surreprésentés dans la fiche de poste des dirigeants (Baron, 2010).
Si les dirigeants bénéficient de plus d’indépendance (Binder et Coad 2013), d’autonomie (Parker et al., 2014), de flexibilité (Hundley 2001), leur métier se distingue également par le nombre élevé d’heures consacrées à leur activité professionnelle (Adisa et al., 2019) ainsi que par la pression qu’ils s’imposent en matière d’efficacité et de performance individuelles (Hambrick et al. 2005). Les dirigeants font ainsi face à des niveaux élevés de stress au travail (Lechat, 2014) qui seraient plus élevé que ceux des salariés (Jamal 1997).
Chez les dirigeants, la frontière qui existe entre les sphères professionnelles et personnelles est mince, voire non délimitée (Adisa et al., 2019). En effet, ils se concentrent principalement sur leur travail qu’ils considèrent comme primordial pour gagner de l’argent et développer leur sentiment de réussite et qu’ils n’hésitent pas à emporter dans tous leurs déplacements (Adisa et al. 2019). Ces sacrifices consentis, en temps et en efforts au travail, peuvent impacter leur parentalité (Byrne et al., 2018) ou encore entraver leur relation conjugale. Comme le souligne Stephan (2018), dans les neuf études qui ont examiné ce paramètre, le conflit travail-famille aurait un effet négatif sur le bien-être des dirigeants. Il en résulte que certains dirigeants avouent renoncer au mariage, qu’ils appréhendent comme une entrave à leur réussite professionnelle (Adisa et al., 2019).
La question du genre est enfin soulignée dans la littérature scientifique. Certaines études suggèrent notamment que les femmes entrepreneures rechercheraient davantage l’équilibre entre les deux sphères que leurs homologues masculins, et ceci afin de protéger leurs ressources énergétiques et temporelles ainsi que leur santé (Lewis et al. 2007). Cependant, des études récentes montrent que cette question d’équilibre concerne également les dirigeants masculins (Stovell et al., 2017) et que le genre ne serait pas discriminant (Adisa et al., 2019).
Hypothèses de recherche pour une conceptualisation du moral du dirigeant
Il découle de ces développements plusieurs hypothèses de recherche concernant le moral des dirigeants et sa conceptualisation.
La littérature sur le moral souligne qu’il se caractérise par des émotions positives et des émotions négatives (Russel, 1980; Bono et al., 2007). Considérées dans de nombreux travaux comme des dimensions prédominantes (Larsen et Diener, 1992; Miner et al., 2005), elles apparaissent même de manière exclusive dans les recherches portant sur la caractérisation du moral des salariés. Au regard des nombreuses situations gratifiantes ou au contraire éprouvantes auxquelles il peut être confronté en fonction du contexte économique, financier et social de la société qu’il gère, nous émettons l’hypothèse que le moral d’un dirigeant peut également être caractérisé par ces deux dimensions.
H1 : le moral du dirigeant se caractérise par des émotions positives et des émotions négatives
Nos développements précédents ont mis en évidence les particularités du dirigeant et de sa fonction. Le travail d’un dirigeant et celui d’un salarié se distinguent sur de nombreux points qui pourraient justifier une conceptualisation spécifique (Stephan, 2018). Parmi ces éléments, la porosité entre la vie professionnelle et la vie personnelle est particulièrement importante (Baron, 2010; Adisa et al., 2019), au point que les dirigeants seraient parfois dans l’incapacité de parler de leur travail comme d’un domaine de vie distinct (Vaag et al., 2014). Or, des travaux récents montrent que l’équilibre ou le déséquilibre des vies professionnelle et personnelle impactent l’état affectif des dirigeants (Gröpel et Kuhl, 2009). Sur cette base, nous postulons que leur moral peut être influencé par des émotions émanant à la fois de situations de travail, mais également de leur environnement personnel, qui tous deux interfèrent sur leur état affectif (Adisa et al., 2019). Nous postulons donc que la combinaison, qu’elle soit harmonieuse ou déséquilibrée entre vie professionnelle et vie personnelle, pourrait permettre de caractériser le moral du dirigeant.
H2 : Le moral des dirigeants est constitué d’états affectifs provenant à la fois de la vie personnelle et de la vie professionnelle
Sur la base de ces deux premières hypothèses, nous considérons donc que le moral des dirigeants est multidimensionnel. Ces dimensions seraient la résultante à la fois d’émotions positives et négatives mais aussi d’émotions liées aux vies professionnelle et personnelle.
H3 : le moral du dirigeant présente un caractère multidimensionnel
En nous appuyant sur de récents travaux excluant l’importance du genre dans l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle des dirigeants (Stovell et al., 2017, Adisa et al., 2019), nous posons l’hypothèse que le moral d’une dirigeante et celui d’un dirigeant ne seraient pas significativement différents.
H4 : le moral du dirigeant n’est pas impacté par le genre
Finalement, la littérature convergeant sur la spécificité de l’activité des dirigeants (Adisa et al., 2019; Baron, 2010; Gentil et al., 2019; Stephan, 2018), nous posons l’hypothèse suivant laquelle le moral du dirigeant, par essence vécu dans un contexte particulier, se distingue de celui d’un salarié.
H5 : le moral du dirigeant se conceptualise différemment du moral du salarié.
Méthodologie. Présentation de l’étude
Nous avons mobilisé une méthode mixte, combinant des enquêtes qualitative et quantitative : cette approche est appropriée car elle permet d’apporter un éclairage conceptuel riche et de capter un concept multi-dimensionnel, tel que le moral (Aldebert & Rouzies, 2014).
Contexte de l’étude : phase préliminaire qualitative
Entre juillet et octobre 2016, vingt entretiens semi-directifs de dirigeants d’un réseau français de dirigeants (Annexe 1) ont été réalisés. L’échantillonnage a été réalisé de manière à garantir une hétérogénéité des profils. Au cours des entretiens, nous avons cherché à comprendre comment les dirigeants décrivaient leurs états moraux (contexte, nature et conséquences). Dans un premier temps, l’entretien portait sur leur parcours professionnel et le contexte d’entreprise. Dans un second temps, nous abordions le moral du dirigeant. Finalement, étaient évoqués les situations entrepreneuriales (Girin, 1990) et leurs effets positifs et négatifs sur le moral.
Une fois les entretiens retranscrits, deux analyses de données ont été mises en oeuvre. La première analyse qualitative (à l’aide d’un codage large sous Nvivo 11) a permis d’appréhender les états moraux et les situations de gestion marquantes, au cours desquelles les dirigeants interrogés les ont ressentis. Cette première étape a mis en évidence de façon exploratoire que certaines émotions pouvaient, a priori, être rattachées au contexte professionnel ou à l’inverse au contexte hors professionnel. Ainsi, des émotions telles que la tristesse, la déprime, le calme ou encore la détente ont régulièrement été identifiées par les dirigeants comme émanant de la sphère personnelle, avec un effet indirect sur la sphère professionnelle. À l’inverse, certaines émotions ont clairement été mobilisées par de nombreux dirigeants pour caractériser des situations de travail : la satisfaction, l’enthousiasme, le stress ou encore la fatigue. Sur la base du codage qualitatif des vingt entretiens, le Tableau 3 illustre le positionnement a priori professionnel/hors professionnel de certaines émotions. Cette distinction, faite par les dirigeants entre les émotions attachées au contexte professionnel ou à la sphère personnelle, a contribué au développement de l’hypothèse H2, en appui de la littérature, et ceci sans qu’une conclusion ne puisse être avancée à ce niveau de développement de l’analyse.
Une seconde analyse par occurrences réalisée par Alceste, nous a permis de sélectionner les états moraux jugés les plus significatifs dans le discours des dirigeants. Pour cela, une analyse de leurs fréquences d’apparition dans les entrevues (Tableau 4) a été réalisée à la lumière des principaux modèles d’évaluation du moral évoqués précédemment. Douze items significatifs ont ainsi été retenus dans l’optique de conceptualiser le moral des dirigeants : enthousiaste, satisfait, heureux, stressé, énervé, tendu, content, calme, détendu, fatigué, triste, déprimé.
Étude quantitative
L’étude quantitative a été menée, conformément aux recommandations de Churchill (1979), alternativement sur deux échantillons de dirigeants français afin d’apprécier la fiabilité et la validité de la conceptualisation proposée. Les réponses ont été recueillies anonymement par le biais de questionnaires administrés au cours des seconds semestres 2017 (échantillon 1 de 233 dirigeants) et 2018 (échantillon 2 de 127 dirigeants). Cette récolte de données a bénéficié du soutien d’un réseau de dirigeants (MEDEF). En relayant notre étude auprès de ses adhérents (dont 95 % sont des TPE, PME et ETI), nous sommes ainsi parvenus à obtenir un panel global de 360 questionnaires complets et exploitables.
Afin de mieux appréhender les 12 variables retenues nous avons étudié leurs relations bilatérales afin de mettre en évidence d’éventuelles structures de liaisons linéaires entre les émotions (non connues à priori). La synthétisation des variables initiales sous forme de composantes principales (ACP) nous a permis d’envisager la construction d’un modèle ne présentant pas de multi colinéarité entre les variables. Cette construction (Harrison et al., 2020), répond à notre objectif qui était de développer une conceptualisation inédite du moral des dirigeants.
Comme le préconise le paradigme de Churchill (1979), une démarche de validation a ensuite été mise en oeuvre afin de réduire le risque d’erreurs (aléatoires et systématiques). Cette méthodologie prévoit d’apprécier la fiabilité et la validité de la mesure par la vérification de plusieurs propriétés psychométriques telles que sa cohérence interne et sa stabilité. Dans une première phase exploratoire, il est recommandé d’apprécier la fiabilité de la structure factorielle retenue en soumettant le questionnaire (construit à partir des items identifiés) auprès d’un premier échantillon. Après avoir validé la cohérence interne de la mesure, il s’agit ensuite de tester la stabilité de sa structure et le maintien des propriétés psychométriques auprès d’un deuxième échantillon. Enfin, la validité doit être évaluée afin d’apprécier sa capacité à mesurer le phénomène étudié.
Les caractéristiques des deux échantillons donnent l’opportunité d’évaluer la robustesse de la mesure en renforçant sa validité. Tout d’abord, l’emploi d’un échantillon comprenant 50 % d’entreprises de plus de 100 salariés et un second incluant majoritairement des entreprises de moins de 10 salariés (50 %) permet de considérer les éventuelles différences dans le contenu de la fonction de dirigeants entre une TPE et une entreprise de plus grande taille (PME/ETI) eu égard de leurs contraintes spécifiques. De cette manière, il est possible de tester l’influence de la taille des entreprises sur la modélisation du moral des dirigeants. Par ailleurs, la bonne proportion de femmes dirigeantes dans nos deux échantillons permet d’appréhender les effets potentiels du genre, au regard de la charge mentale que ces dernières pourraient supporter dans leur sphère personnelle. Enfin, pour réduire le risque d’apparition d’erreurs aléatoires, le terrain d’étude a été constitué de manière à garantir une stabilité dans les conditions de collecte de données en éliminant le facteur de saisonnalité (second semestre pour les deux échantillons) et le facteur conjoncturel (pas de changement significatif dans l’environnement économique français).
Pour toutes les questions portant sur les états émotionnels et le moral ressentis au cours des trois derniers mois, une échelle de Likert en cinq points a été proposée, à l’instar de la plupart des recherches sur le moral des salariés (Bono et al., 2007; Tsai et al., 2007; George et Zhou, 2007; Chi et al., 2015). Dans cette étude, les questions pour les 12 émotions ont été les suivantes : « Au cours du dernier trimestre, je me suis senti(e) [*émotion* par exemple “déprimé”] ». Le dirigeant devait se prononcer sur une échelle à 5 points allant de « pas du tout » à « totalement ». Pour sa part, l’auto-évaluation du moral a été évaluée à l’aide d’une échelle allant de « très mauvais » à « très bon ». Soulignons ici que des biais de mémoire peuvent apparaitre lorsque des personnes doivent rapporter des émotions de façon rétrospective. Cependant, Parkinson et al. (2015) ont montré que l’évaluation des émotions faite rétrospectivement par les participants était relativement proche de celle faite instantanément, ce qui confirme la validité d’une mesure rétrospective. L’utilisation d’une mesure a posteriori des émotions et affects est une pratique fréquente et validée par les travaux académique notamment en psychologie[1]. Dans notre étude, le choix d’une évaluation a posteriori sur les trois derniers mois a été retenue afin de garantir une cohérence avec la « vie » de l’entreprise. En effet, le trimestre est une base temporelle classique dans la production de documents d’analyse comptable, financière et commerciale.
La matrice des corrélations entre les 12 émotions et les caractéristiques des dirigeants (taille de l’entreprise, secteur d’activité et genre) n’a révélé aucune corrélation significative entre les items et les variables caractéristiques des dirigeants dans les deux échantillons.
Résultats : Étude des différents liens entre les émotions
Structure factorielle
Dans un premier temps, l’étude statistique des 12 items de nos deux échantillons a été réalisée afin de mesurer les corrélations entre les différentes variables et apprécier les caractéristiques de leur distribution. Tout en validant l’hypothèse de normalité, cette étape préliminaire n’a révélé aucun problème de multi-colinéarité entre les items. Avec une valeur de 0,817 et 0,789 respectivement pour les échantillons 1 et 2 (Tableau 6), l’indice de Kaiser-Meyer-Olking (KMO) a permis de vérifier la bonne qualité des échantillonnages (valeur jugée bonne lorsqu’elle est proche ou supérieure à 0,8). Ce résultat a également été confirmé par le test de sphéricité de Bartlett.
Afin d’explorer la structure sous-jacente des données, une première ACP a été implémentée sur les 12 items de notre échantillon 1. Sur la base du critère du coude de Cattell, quatre dimensions (ProPositif, Pronégatif, PersoPositif, et PersoNégatif) ont été retenues lesquelles permettent de restituer 77,1 % de la variance des items. Après rotation Varimax, la matrice des corrélations des 12 items avec les dimensions témoigne de la qualité de leur représentation (Tableau 7). L’utilisation de ces quatre dimensions apparait pertinente pour restituer l’information contenue dans les 12 items et apprécier leurs relations.
À partir de l’analyse des poids factoriels de la première dimension (ProPositif), on remarque que cette dernière est fortement liée aux émotions positives de satisfaction, d’enthousiasme et de joie. Nous suggérons que les items « Satisfait, content, enthousiaste et heureux », qui sont apparus associés aux émotions positives professionnelles au cours de l’étude qualitative, peuvent être la conséquence d’un contexte de travail favorable pour le dirigeant. Par exemple, ce contexte peut intervenir suite à la signature d’un nouveau contrat par l’entreprise, à la réalisation de bons résultats financiers ou encore en présence d’un climat social satisfaisant. De la même manière, la deuxième dimension (ProNegatif) semble associée à la lecture de nos entretiens à des émotions professionnelles, mais cette fois-ci négatives (« Stressé », « Tendu » et « Fatigué »). Ces dernières seraient liées aux événements vécus par le dirigeant dans le cadre de ses fonctions, tels que le constat de pertes financières, de risques économiques importants ou encore de problèmes de trésorerie. Quant aux troisième et quatrième dimensions (PersoPositif et PersoNegatif), elles renvoient dans nos entretiens à des émotions personnelles respectivement positives (« Calme » et « Détendu ») et négatives (« Déprimé », « Triste » et « Enervé »). Nous suggérons grâce à l’analyse qualitative, que ces dernières font généralement référence à des émotions de l’individu découlant de situations personnelles (relations familiales, amicales, etc.). Enfin, avec des valeurs supérieures à 0,7 (de 0,75 à 0,87), les alphas de Cronbach (calculés pour chaque dimension après rotation) témoignent du degré élevé de cohérence interne du modèle et du caractère unidimensionnel de chacune des quatre composantes.
Étude confirmatoire
Tests statistiques et définition du modèle
Afin de confirmer les résultats obtenus précédemment, une deuxième ACP portant sur les 12 items de l’échantillon 2 (N=127) a été effectuée. Il s’agissait de vérifier la cohérence des quatre dimensions identifiées ainsi que du modèle de conceptualisation du moral proposé. Comme pour le premier échantillon, quatre dimensions ressortent de l’analyse, lesquelles reconstituent 75,32 % de la variance des items. Comme le montre la nouvelle matrice des composantes (Tableau 8), la qualité de représentation des items s’est légèrement améliorée. La similarité entre les résultats obtenus sur les deux échantillons tend à confirmer la cohérence interne du modèle obtenu.
Ces résultats renforcent également sa validité en suggérant que la taille de l’entreprise n’influence pas la manière de mesurer le moral des dirigeants. Les plus fortes contraintes pesant sur les TPE ou encore l’absence de délégations (contrairement à de nombreuses ETI) n’auraient donc pas d’effet sur cette évaluation.
De tels résultats suggèrent une conceptualisation spécifique du moral des dirigeants (figure 1). Soulignons ici que le genre est inclus en variable de contrôle au regard des fréquentes distinctions faites entre les genres dans la littérature sur les questions de frontière entre vie privée et vie professionnelle (Lewis et al., 2007)
Test du modèle
Ce modèle a été testé sur le jeu de données des deux échantillons réunis (n = 349) en suivant les recommandations de Churchill (1979) et MacKenzie et al. (2011). Notons que la taille de ce nouvel échantillon est inférieure à la somme des deux échantillons initiaux (n = 360) en raison de l’absence de réponse de certains individus à la dernière question portant sur l’évaluation directe de leur moral (ces trois derniers mois, mon moral était : « très mauvais » à « très bon »). Les indices d’ajustement sont bons (notamment le SRMR inférieur à 0,05). Comme le montre le Tableau 9, seules deux relations sont significatives à 1 %. Il s’agit, d’une part, des émotions négatives identifiées comme plus particulièrement attachées à la vie personnelle (PersoNegatif : « déprimé, triste et énervé »), et, d’autre part, des émotions positives plus particulièrement perçues par le dirigeant dans la cadre de sa vie professionnelle (ProPositif : Satisfait, content, enthousiaste et heureux). La fiabilité et la validité convergente du modèle présentent de bons résultats. Les indices de Jöreskog (bon si supérieur à 0,7) et l’AVE (bon si supérieur à 0,5) sont respectivement de 0,91 et 0,71 (ProPositif) et 0,86 et 0,66 (PersoNegatif). Soulignons ici comme l’indique les flèches du modèle qu’il s’agit de dimensions du moral et non d’antécédents du moral. Les dimensions reflètent le construit mais ne le forment pas. Ces résultats nous permettent de valider les trois premières hypothèses. En effet, le moral des dirigeants comporte des émotions positives, mais également négatives (validation de H1). De plus, le moral des dirigeants est le reflet d’états affectifs provenant à la fois de la vie personnelle et de la vie professionnelle (validation de H2). Découlant de ces deux premières hypothèses, il apparaît que le moral du dirigeant présente un caractère multidimensionnel (H3) : émotions positives et négatives et états affectifs provenant du travail et du hors travail. Enfin, soulignons que la variable de contrôle Genre (selon une double modalité homme/femme), testée selon les recommandations de Hair et al. (2022), est non-significative et n’impacte donc pas le pouvoir explicatif du modèle. En validant notre hypothèse H4, ce résultat nous permet de conclure que le modèle peut être utilisé auprès de tous les dirigeants, hommes ou femmes sans distinction.
Finalement, au regard des résultats statistiques, il apparaît que le moral du dirigeant est reflété par deux grandes dimensions : les émotions vie personnelle négatives liées à la vie personnelle et familiale du dirigeant et les émotions vie professionnelle positives qui sont attachées à sa vie professionnelle. Ces résultats se retrouvent dans les entretiens où les répondants déclarent être tristes ou déprimés quand un évènement personnel les affecte (décès d’un proche, enfant en échec scolaire…) et être enthousiastes et heureux quand ils franchissent une étape majeure pour leur entreprise (décrocher un gros contrat avec un nouveau client, par exemple). Ces résultats distinguent la conceptualisation du moral des dirigeants de celle du moral des salariés et nous permettent de valider notre hypothèse H5.
Discussion
Nos résultats ont permis de proposer une conceptualisation inédite de la mesure du moral du dirigeant adaptée au contexte de leur activité, répondant ainsi à une carence de recherche sur le sujet (Stephan, 2018). Deux dimensions positive et négative (liées à la vie professionnelle et personnelle) reflètent ainsi le moral du dirigeant et permettent de le mesurer simplement, en posant 7 questions courtes (Annexe 2) ou en identifiant certains mots clés dans une retranscription d’entretien.
D’abord, ces résultats enrichissent l’état des connaissances sur le rapport au temps de travail et hors travail des dirigeants. À la différence des conceptualisations préexistantes sur le moral des employés (Bono et al., 2007; Tsai et al. 2007; George et Zhu, 2007; Chi et al., 2015), nos résultats soulignent l’importance conjointe des émotions liées à la fois à la vie professionnelle et personnelle du dirigeant. L’axe émotionnel interprété comme relatif au domaine professionnel (sur la base de l’étude qualitative) exprime la dimension positive et englobe le fait d’être satisfait, content, enthousiaste et heureux. Quant à celui afférent au milieu personnel, il exprime la dimension négative et regroupe la déprime, la tristesse et l’énervement. Notre modèle montre que le moral du dirigeant est constitué des émotions vécues dans ces deux sphères, eu égard de leur porosité pour le dirigeant (Adisa et al., 2019).
Ensuite, les résultats de cette étude tendent également à questionner l’importance du calme, de la détente et du sommeil sur le bien-être à court terme des dirigeants, que soutiennent certains développements récents (Williamson et al. 2020). En effet, la sphère personnelle apparaît surtout comme un facteur potentiel de dégradation du moral lorsque des émotions négatives intenses sont ressenties. Quant aux émotions positives de cette sphère, leur lien avec le moral des dirigeants n’est pas significatif. Ainsi, la sphère personnelle interviendrait comme une source potentielle de difficultés, ce qui pourrait sans doute expliquer le choix de certains dirigeants de ne pas développer leur vie personnelle (Adisa et al., 2019). Nous considérons qu’une interprétation alternative est possible : nos résultats mettent en évidence une forme d’acceptation émotionnelle du dirigeant, qui voudrait que le positif de sa vie personnelle et que le négatif de sa vie professionnelle soient ressentis comme des états affectifs ordinaires sans lien avec son moral de dirigeant. On pourrait résumer la situation de l’évaluation du moral du dirigeant de la manière suivante : les émotions positives dans la vie personnelle du dirigeant sont des états attendus qui ne vont pas l’aider à mieux faire tourner son entreprise (une augmentation ou une baisse des émotions positives n’a donc pas d’influence sur son moral), mais les émotions négatives provenant de sa vie personnelle (problème familial majeur, par exemple) sont vécues comme des épreuves, pouvant l’impacter durablement. De plus, comme les émotions négatives vécues dans sa vie professionnelle (comme le stress ou la fatigue) sont quotidiennes, il s’agit aussi d’un état attendu. Par contre, les réussites (nouveau contrat avec un client important par exemple, donnant lieu à des projets sur la durée) sont plus rares et affectent positivement et durablement son moral. Il ne s’agit pas ici d’affirmer que le calme, la détente ou le sommeil ne sont pas utiles au bien-être du dirigeant mais plutôt qu’elles n’ont pas de lien significatif avec la variation exprimée de son moral à moyen terme (3 mois).
Nos résultats suscitent également une nouvelle réflexion sur la nature genrée du moral. Les premières études suggéraient que les dirigeantes étaient plus attentives à la recherche d’un équilibre entre les sphères professionnelles et personnelles que leurs homologues masculins (Lewis et al., 2007). Les résultats de notre étude viennent, au contraire, confirmer les résultats de Stovell et al. (2017) et Adisa et al. (2019) en suggérant qu’il n’existerait pas de différence de genre dans la construction du moral. Les individus interrogés seraient avant tout des dirigeants confrontés aux mêmes obligations, tensions et satisfactions, avant d’être des femmes ou des hommes.
De plus, dans la poursuite des principaux modèles de conceptualisation et d’évaluation du moral des salariés (Bono et al., 2007; Chi et al., 2015), nous mettons en exergue la double valence émotionnelle du moral. En effet, nos résultats suggèrent que les émotions négatives personnelles telles que la déprime, la fatigue et la tristesse reflètent un moral du dirigeant dégradé lorsqu’elles sont exprimées. Les aléas de la vie personnelle seraient donc à prendre en considération. Par ailleurs, nous montrons que la satisfaction, le contentement, l’enthousiasme ou encore le fait d’être heureux (qualifiées d’émotions positives professionnelles) sont également le reflet des variations du moral chez le dirigeant. En ce sens, nos résultats corroborent ceux de Baron concernant la recherche d’affects positifs des dirigeants dans la création d’entreprise (Baron, 2010). En effet, les dirigeants seraient motivés à créer et diriger des entreprises afin d’obtenir « un environnement de travail hautement enrichi » (Baron, 2010, p. 370), c’est-à-dire un niveau élevé d’autonomie, des responsabilités importantes ou encore une complexité de la tâche.
Finalement, nos résultats corroborent et étoffent ainsi ceux de Stephan (2018), Torrès et Lechat (2017) et Gentil et al. (2019), qui soulignent la nécessité de produire des métriques et conceptualisations spécifiques des états affectifs des dirigeants. En effet, le moral des dirigeants se caractériserait par des émotions à valences positive et négative (tout comme le moral des salariés) spécifiques s’inscrivant respectivement dans les sphères professionnelle et personnelle, alors que les métriques développées pour les salariés ne font pas cette distinction. Cette différenciation vient ainsi enrichir la conceptualisation du moral. La 1ère colonne du Tableau 10 explicite les dimensions identifiées tout en permettant une comparaison avec les conceptualisations du moral des salariés. En apportant un éclairage sur la singularité du moral des dirigeants (Tableau 10), notamment en identifiant des émotions spécifiques aux deux dimensions que nous caractérisons, cette étude ouvre de nouvelles perspectives de recherche questionnant l’importance de la porosité entre les sphères professionnelle et personnelle sur la construction du moral.
Conclusion
Cette recherche visait à conceptualiser le moral des dirigeants. Si la littérature compte de nombreuses conceptualisations et échelles validées pour mesurer le moral des salariés au travers de leurs émotions, aucune étude ne permettait d’affirmer leur pertinence pour les dirigeants (Stephan, 2018). Nos résultats montrent que la conceptualisation et la mesure du moral du dirigeant est différente de celles développées jusqu’à présent pour les salariés.
Notre contribution principale réside ainsi dans la proposition d’une conceptualisation spécifique du moral du dirigeant. Couplant deux étapes de recherche, qualitative (20 entretiens) puis quantitative (N1 = 233; N2 = 127, dirigeants), deux dimensions (sphères personnelle, négative et professionnelle, positive) évaluées par sept items ont été identifiées. Alors que la dimension personnelle significative mesure la déprime, la tristesse et l’énervement (3 items), la dimension professionnelle mesure la satisfaction, le contentement, l’enthousiasme et l’état heureux de l’individu (4 items) — Annexe 2.
Nos résultats sont innovants puisqu’aucune conceptualisation spécifique n’est recensée dans la littérature sur le moral des dirigeants. Nous montrons que le moral du dirigeant se distingue de celui du salarié dans sa conceptualisation (Stephan, 2018) en mettant en évidence 7 émotions vécues qui la reflètent. Les émotions qui le construisent présentent des différences (Tableau 10) et trouvent leur source dans deux dimensions (négative : personnelle; positive : professionnelle) qui n’ont pas été identifiées et discutées dans la littérature portant sur les échelles de mesures construites pour les salariés.
L’identification de cette double valence dans la construction du moral est particulièrement intéressante en termes de levier d’actions. Au plan managérial, deux axes de travail ressortent comme pertinents : d’une part, le moral n’est pas ici corrélé avec le genre des répondants ou la taille de l’entreprise, ce qui signifie que tout dirigeant est concerné. D’autre part, certaines émotions identifiées (réussite d’un projet important, problème personnel majeur) sont le miroir du moral du dirigeant, tandis que d’autres (stress, fatigue, tension, absence de calme) semblent inéluctables et acceptées par les dirigeants. Ces dernières n’affectent pas significativement la variation du moral du dirigeant. Mais ce qui est le plus marquant pour eux et est lié fondamentalement à leur moral (d’une façon plus stable et pérenne), ce sont les événements très perturbateurs de la vie personnelle ou les excitations fortes, liées au succès de leur métier de dirigeant et à la réussite du projet collectif d’entreprise. C’est ce qu’ils évoquent quand ils parlent de leur moral : leur passion et, dans le même temps, la difficulté à faire face, à toutes les responsabilités, tensions et pressions liées à leur métier et aux difficultés de la vie courante.
De ce point de vue, il apparaît pertinent pour les dirigeants de partager sur leurs réussites, difficultés, paradoxes et questionnements, par exemple avec des méthodes de codéveloppement ou d’accompagnement par des pairs (Champagne, 2021). Il peut être aussi intéressant de développer des formations, accompagnements (coaching par exemple) ou méthodes permettant d’analyser les situations problématiques et d’insister sur les réussites et moments positifs au plan professionnel dans l’optique d’accroitre leur perception de bien-être au travail. Enfin, des approches visant à développer le capital psychologique des dirigeants (Luthans et al. 2008), nous semblent pertinentes pour améliorer leur moral. En effet, la priorité pour une personne qui travaille dans un environnement de stress permanent et qui souhaite améliorer son moral n’est pas d’être totalement calme ou détendu (ce qui est particulièrement difficile à atteindre), mais plutôt de chercher à ne pas être énervé ou déprimé dans la sphère personnelle. Des méthodes de relaxation (méditation, autohypnose, sophrologie…) peuvent permettre de travailler sur ces deux paliers (non-énervement, non-déprime; calme et détente).
La portée de nos résultats est néanmoins soumise à des limites inhérentes à notre choix d’échantillon de dirigeants français, excluant ainsi ceux exerçant leur activité dans un environnement différent. Cette étude ouvre ainsi deux principales perspectives de recherche importantes concernant la mesure du moral des dirigeants. La première concerne l’étude de l’influence de la culture du pays, mais aussi du cadre d’exercice des dirigeants (degré de soutien des institutions publiques et de réseaux d’entrepreneurs, niveau de coopération entre entreprises, facilité d’accès aux financements…) sur leurs états émotionnels et leur moral. En réponse à la proposition de Stephan (2018) de développer des recherches sur le sujet dans des contextes culturels différents, notre étude propose un début de réponse en France. Par la suite, cette conceptualisation pourrait être testée dans les nombreux pays et territoires francophones, de façon à valider sa généralisation ou, au contraire, à identifier des biais culturels. La seconde perspective porterait sur l’approfondissement de notre résultat concernant l’absence de lien significatif avec le stress. Il s’agirait de tenter d’identifier les variables modératrices qui neutralisent son effet sur le moral, et ainsi de comprendre ce qui permet aux dirigeants de vivre avec ce stress constant.
Appendices
Annexes
Annexe 1. Entretiens exploratoires
Annexe 2. Échelle liée à la conceptualisation de mesure du moral du dirigeant
Remerciements
Les auteurs tiennent à remercier les trois évaluateurs pour leurs propositions constructives qui ont contribué à l’amélioration de ce papier. Les quatre auteurs. e. s ont apporté une contribution significative à la présente étude.
Notes biographiques
Caroline Ruiller : Maître de conférences HDR en sciences de gestion à l’IGR-IAE de l’Université de Rennes 1 et chercheuse au CREM (Centre de Recherche en Economie et en Management) CNRS UMR 6211, ses recherches portent sur la qualité de vie au travail : compétences émotionnelles des managers, organisation du travail, politiques et pratiques de GRH en soutien au bien-être au travail.
Emmanuelle Fromont est Maître de Conférences à l’IGR-IAE de l’Université de Rennes 1 (France) et membre du laboratoire CREM (CNRS — UMR 6211). Ses principaux axes de recherches portent sur les outils d’évaluation des risques et de la performance des entreprises ainsi que sur les facteurs de création de valeur. Ses travaux ont donné lieu à des publications dans des revues scientifiques telles que Industry and Innovation, Comptabilité Contrôle Audit, Revue OFCE, Bankers, Markets, Investors.
Frédérique Chédotel est professeur à l’Université d’Angers, membre du laboratoire GRANEM et directrice adjointe de l’IAE d’Angers. Ses travaux actuels portent les dynamiques collectives dans un contexte de transformation, le moral des dirigeants, l’apprentissage du changement par l’art et le téléenseignement.
Gulliver Lux est professeur agrégé à l’École des sciences de la gestion (ESG) de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Il est titulaire d’un doctorat en sciences de gestion de l’Université de Rennes, en France. Ses recherches portent principalement sur les outils de mesure de la performance dans une perspective psychosociale. Il s’intéresse notamment aux émotions en lien avec les outils de gestion. Il a publié ses travaux dans des revues académiques telles que Accounting Auditing & Accountability Journal, Public Organization Review, Comptabilité Contrôle Audit, Accounting Perspectives, et Frontier in Psychology.
Note
-
[1]
Par exemple les échelles internationales de mesure du stress, de l’anxiété ou de la dépression comme la GAD-7 (Spitzer et al, 2006), la PSS10 (Cohen et al., 1983), le SCARED (Birmaher et al., 1997) ou encore le DSRSC (Birleson et al., 1987) ont recours à des évaluations a posteriori sur 1 semaine (DSRSC), 2 semaines (GAD-7), 1 mois (PSS10) ou 3 mois (SCARED).
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Appendices
Biographical notes
Caroline Ruiller: Associate Professor in management sciences at the IGR-IAE of the University of Rennes 1 and researcher at CREM (Centre for Economics and Management Research) CNRS UMR 6211, her research focuses on the quality of life in the workplace: managers’ emotional competences, work organisation, HRM policies and practices to support well-being at work.
Emmanuelle Fromont is an Associate Professor at the IGR-IAE of the University of Rennes 1 (France) and is a member of the CREM research Laboratory (CNRS-UMR 6211). Her research interests focus on Risk and Performance assessment tools as well as on Value Creation factors. Her researches have been published in scientific journals such as Industry and Innovation, Comptabilité Contrôle Audit, Revue OFCE, Bankers, Markets and Investors.
Frédérique Chédotel is full professor at the University of Angers, member of the GRANEM laboratory and vice dean of the “IAE Angers” school of management. Her current research focuses on collective dynamics in a context of organizational transformation, entrepreneur’s mood, learning about change through art, and distance learning.
Gulliver Lux is Associate Professor of Management at the Ecole des sciences de gestion (ESG), University of Quebec at Montreal (UQAM). He holds a PhD in Management Sciences from Rennes University, France. His research focuses on performance measurement tool from an psychosocial perspective. He is particularly interested in emotions in relation to management tools. He has published his work in academic journals such as Accounting Auditing & Accountability Journal, Public Organization Review, Accounting Auditing Control, Accounting Perspectives, and Frontier in Psychology.
Appendices
Notas biograficas
Caroline Ruiller: Profesora titular de ciencias de la gestión en el IGR-IAE de la Universidad de Rennes 1 e investigadora en el CREM (Centre de Recherche en Economie et en Management) CNRS UMR 6211, sus investigaciones se centran en la calidad de vida en el trabajo: competencias emocionales de los directivos, organización del trabajo, políticas y prácticas de gestión de recursos humanos en apoyo del bienestar en el trabajo.
Emmanuelle Fromont es profesora del IGR-IAE de la Universidad de Rennes 1 (Francia) y miembro del laboratorio CREM (CNRS - UMR 6211). Sus principales intereses de investigación son las herramientas de evaluación de riesgos y resultados y los factores de creación de valor. Su trabajo ha dado lugar a publicaciones en revistas científicas como Industry and Innovation, Comptabilité Contrôle Audit, Revue OFCE, Bankers, Markets and Investors.
Frédérique Chédotel es profesora titular de la Universidad de Angers, miembro del laboratorio GRANEM y vicedecana de la escuela de gestión “IAE Angers”. Sus investigaciones actuales se centran en las dinámicas colectivas en un contexto de transformación organizativa, el estado de ánimo de los empresarios, el aprendizaje del cambio a través del arte y la formación a distancia.
Gulliver Lux es profesor asociado de gestión en la Escuela de Ciencias de la Gestión (ESG) de la Universidad de Quebec en Montreal (UQAM). Es doctor en Ciencias de la Gestión por la Universidad de Rennes (Francia). Su investigación se centra en la herramienta de medición del rendimiento desde una perspectiva psicosocial. Está especialmente interesado en las emociones en relación con las herramientas de gestión. Ha publicado sus trabajos en revistas académicas como Accounting Auditing & Accountability Journal, Public Organization Review, Accounting Auditing Control, Accounting Perspectives y Frontier in Psychology.