Abstracts
Résumé
La littérature concernant les effets des méthodes de conception des services publics « par le design » en matière de création de valeur publique demeure lacunaire. Pour sa part, notre recherche exploite, dans le cas des services culturels d’une communauté de communes rurale, le modèle SERVQUAL et les concepts du marketing public, pour faire apparaître les résultats obtenus par une méthode de design thinking participatif. Dans ce cas, la serviabilité perçue, la cohésion sociale et l’aspect démocratique des services sont fortement et durablement accrus. Des pistes d’optimisation des pratiques de co-design de services publics existent donc.
Mots-clés :
- Services publics,
- design participatif,
- design thinking,
- co-création,
- valeur publique,
- co-design
Abstract
Concerning the effects in terms of public value creation, the literature on designing public services using “design thinking” remains incomplete. For our part, we use the SERVQUAL model and the concepts of public marketing to measure precisely, in the case of the cultural services of a rural community, the results obtained by a “participatory design thinking” method. In this case, participatory design by “design thinking” strongly and sustainably increases the coherence, the perceived helpfulness, the social cohesion and the democratic aspect of the services. Therefore, prospects for optimizing public service co-design practices can be considered.
Keywords:
- Public services,
- participatory design,
- design thinking,
- co-creation,
- public value,
- co-design
Resumen
La literatura tratando de los efectos, en términos de creación de valor público, de los métodos de diseño en los servicios públicos de tipo “design thinking” sigue siendo incompleta. Usamos, en el caso de los servicios culturales de una comunidad de comunas rurales, el modelo SERVQUAL y los conceptos del marketing público para estudiar los resultados obtenidos gracias a un método de “design thinking” participativo. En este caso, la coherencia, la utilidad percibida, la cohesión social y el aspecto democrático de los servicios aumentan de forma fuerte y sostenible. Así aparecen perspectivas de optimización para las prácticas de codiseño.
Palabras clave:
- Servicios públicos,
- diseño participativo,
- design thinking,
- co-creación,
- valor público,
- co-diseño
Article body
On estime aujourd’hui fréquemment que l’innovation « par le design » constitue un des axes forts de l’innovation dans les services publics, en France comme dans la plupart des pays développés (Coblence et Pallez, 2015; Mintrom et Luetjens, 2016; Weller et Pallez, 2017; Lefebvre, 2018). Un des champs d’action de ce « design » est la conception ou la reconfiguration des services publics (Weller et Pallez, 2017).
Pour autant, la littérature reste peu précise sur la question de la valeur publique additionnelle apportée par ces méthodes. Par création additionnelle de valeur publique, nous entendons l’accroissement de l’« efficience et de (la) capacité à atteindre effectivement les missions (de service public) » (Moore, 2000, p. 189).
Et, par ailleurs, le vocabulaire utilisé à propos des méthodes de design est peu stabilisé, ce qui complique la comparaison des travaux entre eux. On parle ainsi de « design thinking » (Mintrom et Luetjens, 2016), ou de « design » (Coblence et Pallez, 2015; Weller et Pallez, 2017), ou d’« innovation sociale » (Bornand et Foucher, 2017; Abrassart et al., 2015).
Pour sa part, notre publication ambitionne d’étudier de manière plus systématique les liens existant entre l’utilisation d’une méthode de design thinking participatif (une pratique de conduite de projet d’innovation combinant les apports du design industriel anglo-saxon et du design scandinave) et les bénéfices obtenus.
Pour cela, nous nous appuyons sur l’analyse qualitative rétrospective d’un projet mené en France dans la communauté de communes Entre Dore et allier (Puy de Dôme), dont la principale commune est Lezoux, autour de la création d’une médiathèque. Ce projet illustre en effet la méthodologie d’une institution française réputée en matière de design public, la 27ème Région[1].
D’un point de vue théorique, la création de valeur publique sera envisagée, ici, en termes de satisfaction des usagers (selon une approche de type « marketing public »). Nous ferons ainsi appel au modèle SERVQUAL, dans sa version amendée par Dupuis, Saint-Pol et Carton (2014).
Pour montrer les effets du design thinking participatif, notre article va s’organiser en quatre temps. Dans une première partie, nous présenterons le cadre théorique de notre recherche. Dans une seconde partie, nous présenterons notre méthodologie de recherche et le contexte du cas étudié. Dans une troisième partie, nous présenterons nos résultats. Dans une quatrième partie, nous discuterons la valeur de ces résultats et suggèrerons des voies de recherche et des implications managériales.
Cadrage théorique de la recherche
Caractérisation des process de conception/reconfiguration « par le design » de services publics
L’expression « design thinking » (pensée design) a émergé, au tournant des années 1990 et 2000, pour désigner des manières de faire et de penser issues du design industriel, et visant à améliorer les process d’innovation dans des firmes déjà innovantes (Hatchuel et Weil, 2003; Hatchuel, 2008; Agogué et al., 2013; Johansson-Sköldberg et al., 2013).
La théorie C-K, présentée par Hatchuel et Weil, explique que l’intention du design thinking est de « transformer des propositions indécidables, relevant de l’espace des concepts (C), en propositions vraies relevant de K (l’espace des savoirs) » (Hatchuel et Weil, 2008). En d’autres termes, il s’agit d’optimiser l’étude de la viabilité de certains concepts innovants.
Le design thinking inclut au moins deux étapes : une étape d’idéation, c’est-à-dire de génération de concepts nouveaux, et une démarche de validation technologique et de contrôle de l’acceptabilité sociale de l’innovation, qu’on appelle prototypage, puisque il s’agit de construire des « maquettes » réelles du bien ou du service permettant de tester ce bien ou ce service auprès de la « cible » de l’innovation. Tim Brown, un des designers promoteurs du design thinking, appelle pour sa part « idéation » l’ensemble de ces deux étapes. Il y ajoute deux phases : une phase préalable d’inspiration, phase empathique reposant sur des méthodes sociologiques ou ethnologiques (Brown, 2009), et une phase postérieure d’implémentation, qui vise à préparer la mise en oeuvre opérationnelle des produits. Nous reprendrons dans notre recherche l’idée d’un processus d’inspiration, d’idéation (au sens de Brown) puis d’implémentation.
Le design participatif est issu pour sa part d’une tradition scandinave (Bodker et al., 2000; Sanders et Stappers, 2008). Visant à améliorer les produits mais aussi les conditions de travail, et prenant place dans le privé comme dans le public, il se caractérise par le fait que le consommateur est un membre actif du processus de conception, par des méthodes comme des jeux de rôle ou des jeux de société ad hoc, ou encore des activités de réalisations d’objet ou de prototypage (Blomkvist et Holmlid, 2012; Schneider et al., 2010).
Une méthodologie de conception adoptant à la fois la démarche du design thinking et du design participatif peut donc être appelée « design thinking participatif » (DTP, dans la suite de notre texte).
Le DTP, comme le design participatif, peuvent être considérés comme une modalité du co-design, lui-même modalité de la co-création, elle-même dimension notable de la New Public Governance.
La co-création peut être définie comme un processus dans lequel différentes parties prenantes échangent des ressources, avec pour résultat une création de valeur (Leclercq et al., 2016). Le co-design, quant à lui, qui existe aujourd’hui dans le domaine des services publics, est l’aspect de « conception » de la co-création, qui comporte trois autres aspects (le co-lancement, la co-production ou co-délivrance, la co-évaluation[2]). Les 4 « Co » relèvent souvent, mais pas exclusivement, de la « New Public Governance[3] », qui inclut (entre autres) le fait que l’usager devient co-créateur du service public (Alford, 2009; Osborne et Strokosch, 2013). Récemment, un article de Giorgia Nesti (2018) a décrit les formes et les conséquences de plusieurs pratiques actuelles de co-design s’apparentant au DTP et issues de « Living Labs Urbains »[4].
Les connaissances actuelles en matiere de création de valeur publique induite par les méthodes de conception par le design thinking participatif
La littérature la plus fiable d’un point de vue méthodologique concernant les effets du DTP dans le domaine des services publics évoque uniquement des « effets sociaux » et des « effets personnels non matériels ».
Les effets sociaux sont l’apparition de nouveaux collectifs humains, et la « prise de pouvoir » des personnes engagés. L’apparition de nouveaux collectifs est ainsi mentionnée dans un article portant sur un projet de reconfiguration des bibliothèques de Montréal utilisant une méthodologie de design thinking participatif[5] (Abrassart et al., 2015), tandis que l’article déjà cité de Nesti (2018) évoque la « prise de pouvoir » des personnes engagées dans le processus de conception.
Les effets personnels non matériels correspondent au plaisir qu’il y a à participer à des démarches de conception (Nesti, 2018).
Selon la littérature, les méthodes de DTP, dans certains cas, ont par ailleurs des limites. Nesti (2018) évoque ainsi des difficultés à maintenir la motivation des volontaires qui participent au processus, des difficultés à impliquer les fonctionnaires, et un caractère relativement temporaire de l’action des Living Labs Urbains. Le manque de durabilité de ces organisations s’expliquerait par le fait que leur création et leur maintien en activité découle souvent de la volonté d’un homme seul, responsable politique ou fonctionnaire. Il conduit à l’absence de « programmes continus d’innovation locale ». Concernant les fonctionnaires, Coblence et Vivant (2017) relèvent pareillement une acculturation éphémère des fonctionnaires mis en contact avec la pensée design.
La littérature concernant la co-création indique pour sa part qu’en matière de création de valeur publique, celle-ci a des résultats variables (Brandsen et Guenoun, 2019; Bovaird et al., 2019). Les résultats de la co-création ne sont pas uniquement positifs (il peut y avoir des effets pervers), et pas toujours positifs, du point de vue de l’amélioration de la qualité des services publics (idem). Tout dépendrait des circonstances, et des formes de co-création considérées. Les auteurs que nous venons de citer estiment aussi conjointement qu’une des conditions nécessaires pour que la co-création soit efficace est qu’elle soit méthodique ou formalisée, ce qu’elle n’est pas toujours.
Un objectif : décrire plus systématiquement la création de valeur publique dans le cas d’une pratique de conception « par le design thinking participatif »
Les articles que nous avons mentionnés ci-dessus ont selon nous un défaut principal : ils n’ont pas abordé de manière suffisamment systématique la notion de création de valeur publique, et donc ils oublient d’en étudier beaucoup de dimensions potentielles. Pour notre part, nous ambitionnons de fournir des résultats plus approfondis dans ce domaine. Nous utiliserons pour ce faire les apports du « marketing des services publics »
La création de valeur publique peut être définie comme « quelque chose qui ajoute de la valeur à la sphère publique et est évalué par les citoyens » (Bennington et Moore, 2011). On peut aussi parler d’une adéquation entre des moyens et des fins publiques (Moore, 2000, p. 189, voir citation supra).
Les fins assignables aux services publics ayant pu varier selon les courants politiques, les périodes de l’histoire, et selon les individus, on peut dire aussi que la valeur publique est multidimensionnelle et subjective.
Concernant la muldimensionnalité, Kelly (2003) a précisé que les citoyens ne doivent pas être considérés uniquement comme des utilisateurs des prestations publiques, mais comme des « propriétaires » du service public, ce qui induit au moins une autre logique, celle de personnes attentives à l’équilibre financier des services publics ou à leur « productivité ». Par ailleurs, l’apparition dans les services publics de méthodes managériales issues du secteur privé (« New public management », Hood et Jackson, 1991), a contribué à multiplier les critères d’appréciation de la valeur publique (Alemán et al., 2018; Abdullah et Zamhari, 2013). Abdullah et Zamhari pointent ainsi en 2013, comme objectifs potentiels des administrations d’Etat, la compétitivité économique et l’orientation en faveur du marché, à côté d’objectifs plus anciens comme l’équité ou la justice[6]. Bovaird et Loeffler (2012), quant à eux, suggèrent de prendre en compte la valeur pour chaque individu et la valeur pour des groupes plus larges auxquels appartient l’individu (famille, amis, par exemple), la valeur sociale (qui est une création directe de cohésion sociale, ou d’un support pour des interactions sociales), la valeur environnementale, et la valeur politique de « soutien aux processus démocratiques ».
Par ailleurs, le « marketing » des services publics (Alemán et al., 2018) reconnaît le caractère subjectif de la création de valeur publique, et conçoit couramment la création de valeur comme une amélioration de la qualité telle que la perçoit l’usager (« qualité perçue »).
Cette vision « marketing » des services publics s’est déployée depuis le début des années 2000 (Alemán et al., 2018). Elle s’articule autour de l’idée d’existence de points communs entre les services publics et les services privés (Mabey and Skinner, 1998; Kouzmin et al. 1999, Kotler and Lee, 2011).
La qualité perçue a été pour sa part définie par Zeithaml (1988) comme l’expression par le consommateur ou l’usager d’un sentiment de supériorité ou d’excellence d’un produit. Elle a deux aspects essentiels : elle est subjective, et, pour être établie, elle n’a besoin que du discours des acteurs.
La qualité perçue peut être mesurée à propos de différentes dimensions du service, d’où l’idée de construire des « échelles de qualité » (Lehtinen and Lehtinen, 1982; Parasuraman et al., 1988).
Parmi ces échelles, l’échelle SERVQUAL a été très largement utilisée pour évaluer la qualité de service procurée par les administrations publiques (Azmi et al., 2009). Cette échelle, présentée initialement par Parasuraman et al. (1988), a été simplifiée ultérieurement par Parasuraman et al. (1991) (Goudarzi et Guenoun, 2010; Dupuis et al., 2014; Alemán et al., 2018).
Pour mémoire, cette deuxième version du « modèle » SERVQUAL indique que la qualité d’un service public peut s’exprimer dans cinq dimensions :
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La tangibilité, correspondant à l’adaptation et au confort des lieux d’accueil, installations et équipements;
-
La fiabilité, c’est-à-dire la capacité à rendre le service attendu, et à respecter les modalités de délivrance (régularité, permanence);
-
L’assurance, correspondant à la compétence et au professionnalisme des agents;
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La serviabilité des agents;
-
L’empathie manifestée par les agents.
Nous pensons pour notre part que l’on peut être, par certains aspects, plus complet, et par d’autres plus synthétique. Pour cette raison, nous reprendrons à notre compte les propositions émises par Dupuis, Saint-Pol et Carton (2014). Ils proposent en effet une troisième version du modèle SERVQUAL, qui assimile la serviabilité perçue des agents et l’empathie qu’ils manifestent[7], et qui ajoute parmi les dimensions de la qualité :
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Une dimension d’éthique correspondant à l’égalité de traitement ou à la prise en compte particulière de personnes en difficultés;
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Une dimension de cohérence liée à l’adaptation aux besoins dans leur dimension qualitative et quantitative et à la diversité et au renouvellement de l’offre;
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Une dimension d’accessibilité aux multiples facettes;
-
Une dimension de disponibilité, liée essentiellement à la présence d’une information claire et accessible.
Au final, les aspects possibles de la création de valeur publique peuvent donc selon nous être résumés sous la forme d’un tableau récapitulatif détaillant les différentes dimensions de « logiques de propriétaires » et de « logiques d’usagers ».
Méthode, et contexte du cas
Méthode
La recherche est de type qualitatif, et repose sur un cas[8]. Le recueil des matériaux empiriques s’est effectué dans le cadre méthodologique de l’enquête H2020 « Cocreation Value in Public Services » commandée par la Commission Européenne[9].
Le choix du cas de la reconfiguration des services culturels (principalement : médiathécaires) de la communauté de communes « entre Dore et allier » (principale commune : Lezoux) résulte de la présence de cet exemple sur le site de la 27ème Région. De nombreux documents secondaires étaient exploitables, ce qui constituait un avantage pour la recherche. De plus, les services de cette médiathèque, au moment des entretiens réalisés (entre juillet 2018 et juillet 2019), étaient opérationnels depuis un an ou deux, si bien que les usagers avaient eu le temps de se forger un avis sur les services prodigués.
La collecte de données primaires a pris essentiellement la forme d’entretiens semi-directifs portant sur la nature du processus de reconfiguration par le design, l’appréciation qualitative que les acteurs portaient sur ce processus, et les résultats à court terme, à moyen terme et à long terme de ce processus[10].
Le tableau 2 présente les différentes catégories de personnes interrogées, la dénomination que nous leur attribuerons par la suite, et la durée des entretiens. Les usagers ont été interrogés soit lors d’entretiens individuels, soit lors d’entretiens collectifs. Mmes G, H et I sont qualifiées d’usagères expertes, car elles ont participé au processus de conception des services de la médiathèque et/ou à l’animation de certaines activités proposées.
Par ailleurs, la collecte des données primaires a pris la forme d’une observation du bâtiment de la médiathèque, de ses équipements techniques et des interactions qui s’y déroulaient, durant une journée et demie.
Des données secondaires ont également été utilisées pour compléter et contrôler les informations obtenues par entretien. Ces sources secondaires sont :
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Des documents d’archives de l’organisation;
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Le site internet de la médiathèque;
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Les articles de presse disponibles sur internet concernant la médiathèque;
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Les données de la 27ème Région disponibles sur internet, dont le « carnet de résidence » (document présentant les étapes et les méthodes de la 27ème Région dans le cas de Lezoux, que nous appellerons CDR par la suite).
Le codage des entretiens a été effectué manuellement. Une analyse qualitative, thématique et horizontale des différentes phrases énoncées a été menée, avec l’objectif d’identifier et de confronter les propos des acteurs concernant les phases de conception des services, les résultats concrets de ces phases de conception, les satisfactions retirées par les usagers des services, et la perception des relations interpersonnelles qui sont intervenues dans la conception des services ou dans la délivrance des services. On peut donc parler de codage a priori à partir des concepts établis par la littérature existante.
Contexte du cas
Le processus étudié est la reconfiguration d’un service d’accès à la culture dans une communauté de communes rurale située à une trentaine de kilomètres de Clermont-Ferrand.
Au point de départ du projet, en 2012, le territoire de la communauté de communes était doté uniquement de petites bibliothèques anciennes, présentes dans 12 communes sur 14, où le service de prêt était assuré par des bénévoles. Il comptait aussi une vieille salle de spectacle.
Souhaitant étoffer les services culturels disponibles sur la communauté de communes, la présidente de l’époque, et son adjointe à la culture, ont fait appel aux services et aux financements de la 27ème Région. La méthode utilisée par les designers[11] de la 27ème Région a consisté en une résidence étalée sur six mois durant l’année 2012, pendant lesquels ils ont été présents au total trois semaines sur place tous les deux mois. L’équipe de « designers » était en fait une équipe pluridisciplinaire, composée de deux designers formés dans des écoles de design « industriel » (dont M. A), mais aussi d’un directeur d’une association d’artistes et d’architectes, d’une sociologue, et d’un bibliothécaire spécialisé dans les questions de « Tiers lieux » numériques[12].
Le processus de conception peut être considéré comme un processus de design thinking au sens où on peut identifier une phase d’inspiration, une phase d’idéation et une phase d’implémentation. Le processus en question peut être qualifié également de design participatif, puisqu’il a impliqué les habitants de la communauté de communes par des jeux de rôles et du prototypage.
La première semaine a été celle de l’inspiration. Concrètement, les « designers » ont organisé des réunions avec la population. Des expériences diverses en matière de bibliothèque ont été évoquées, la population a réagi. Un mur de post-it a résumé les idées et opinions de tous les participants aux réunions. Un blog a été tenu. Les réunions étaient complétées par des discussions dans les bars et les restaurants, des visites dans le réseau de petites bibliothèques déjà présent, et au collège. Une analyse des spécificités du territoire a été menée.
La deuxième semaine de présence des « designers » de la 27ème Région a été une semaine d’idéation. La phase d’établissement des hypothèses a comporté, par exemple, l’organisation d’une soirée de rencontre autour de la question des jeux vidéo, avec des jeunes, leurs parents et un concepteur de jeux vidéo. Des ateliers participatifs ont également été menés. Ils comportaient des jeux de rôles amenant des personnes à prendre la place d’autres utilisateurs aux caractéristiques sociales différentes de la leur. Plusieurs prototypes ont été réalisés et testés :
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un prototype physique d’une cabine de téléchargement numérique 24 h/24 s’appuyant sur des contenus libres de droits;
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un prototype de service de livraison à domicile de livres empruntés;
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un autre prototype de service, la circulation entre abonnés de « malles itinérantes » composées par chacun selon ses goûts a fait l’objet d’un début de test.
La troisième semaine peut être considérée comme une première phase d’implémentation. Tout d’abord, les « designers » ont présenté les résultats des expérimentations tests[13]. L’équipe a illustré ses propositions « à travers des scénarii et des représentations visuelles »[14]. A été conçu, à titre d’« output[15] » à destination des financeurs/commanditaires, le CDR, consistant en un résumé des travaux, et incluant un « plan des usages »[16]. Ce plan a été complété de commentaires détaillés, dont des scénarii d’usage[17]. Une sorte de « feuille de route » de différents tests complémentaires à mener auprès de la population après la résidence de la 27ème Région a également été produite[18].
Une deuxième phase de l’implémentation a été pilotée par les médiathécaires et l’adjointe à la culture avant l’ouverture[19].
Cette phase 2 d’implémentation n’a d’ailleurs pas été une pure phase d’implémentation. Les médiathécaires ont en effet continué à réfléchir aux services à proposer, et à faire évoluer leur concept. La co-conception a alors pris la forme de discussions informelles des bibliothécaires avec la population lors des marchés hebdomadaires. Une enquête par questionnaire auprès de 2000 personnes a également été envoyée par la poste et distribuée dans la rue. Les médiathécaires ont également continué à avoir d’une pratique d’essai des solutions de services avant mise en oeuvre.
Résultats
Une acculturation forte des designers locaux aux méthodes de la 27ème Région, qui prolonge le processus de co-design
Les médiathécaires qui ont été embauchés pour travailler à Lezoux possédaient généralement leur propre expérience préalable du métier de bibliothécaire ou de médiateur culturel. Mais ils ont été séduits par les méthodes de la 27ème Région et s’en sont inspirés ensuite pour faire évoluer « en continu », jusqu’au moment de l’enquête, les services de la médiathèque. Dans un entretien vidéo datant de 2017[20], M. D confirme la prégnance du modèle de prototypage : « La solution n’est pas avant, elle est aussi dans le cadre de l’expérimentation, quand concrètement on est confronté à la manière dont l’outil est utilisé par ceux qui l’utilisent. ». Mme E, l’adjointe de M. D, qui n’a pas participé à la résidence de la 27ème Région, utilise la notion d’expérimentation à plusieurs reprises. Mme F, bibliothécaire recrutée un an après la résidence, met l’accent sur la pratique de co-conception issue de la 27ème Région : « Je n’ai pas vécu la résidence de la 27ème Région, mais elle a laissé une trace sur ce qu’on avait envie de faire de ce projet (…). On est une sorte de grand réservoir de ressources qui sont valorisées, “décidées”, par les gens qui y travaillent[21], mais également les habitants) (…) ».
Le processus de DTP a donc favorisé, dans le cas de cette médiathèque, l’apparition d’une nouvelle culture professionnelle chez les médiathécaires, une culture reposant sur l’expérimentation et sur la participation des usagers à la définition des objectifs de la médiathèque.
Concrètement, aujourd’hui, les usagers participent, tous les six mois, à la définition de la programmation culturelle. Dans ce cadre, les activités culturelles proposées dans le cadre de la médiathèque sont largement (à hauteur de 50 à 60 %) co-définies avec les usagers, qui font des demandes d’activités ou des propositions d’animation. On peut citer, par exemple, en 2019, une activité menée autour de la réalisation de vitraux, un atelier de création de cosmétiques, des tournois de jeux vidéo, la construction d’une grainothèque, la mise en place de bacs potagers. Le principe de la participation des usagers à la conception des activités offertes se double d’un principe de co-production, expérimenté lors de la période de travaux, et prolongé ensuite. La première activité de ce genre a été l’activité de « Yarn bombing[22] » pilotée par Mme G. Aujourd’hui, le principe de la co-production s’exprime par un slogan : « la médiathèque dont vous êtes le héros ». Les usagers sont aussi très régulièrement consultés pour le choix du fonds de la médiathèque.
Peut-on parler d’une activité de co-design, voire de DTP, durant l’ensemble de la période considérée ? S’agissant d’une médiathèque, il est difficile de distinguer précisément le service rendu des activités proposées. En tout cas, lorsqu’un problème apparaît dans l’usage des locaux, les usagers sont consultés. L’utilisation du terme design paraît donc appropriée. Il paraît cependant douteux que la phase d’idéation soit aussi complexe, depuis que les médiathécaires s’occupent de co-conception, que lorsque des designers professionnels sont intervenus. On parlera donc plus de co-design que de DTP proprement dit.
Du point de vue des logiques d’usagers, une forte création de valeur sur plusieurs points
Tangibilité
Concernant la tangibilité du service, les aspects de confort ont été particulièrement soignés dans certains domaines.
Le processus de design de la 27ème Région a conduit ainsi à l’établissement d’un vaste « hall d’entrée » polyvalent. Ce lieu intermédiaire a une fonction d’accueil, de cafeteria/lieu de détente des anciens comme des adolescents (il y a des tables basses et des fauteuils), ce qui permet des activités plus bruyantes qu’à l’intérieur, mais il permet aussi de consulter la presse quotidienne voire de travailler dessus. Il contient aussi des dispositifs d’information sur les activités de la médiathèque. Il sert également de lieu d’exposition. Le statut de ce lieu a évolué petit à petit au fil des premiers mois de fonctionnement de la médiathèque et continue à évoluer, grâce au principe de participation/prototypage de la médiathèque.
L’espace réservé aux adolescents a été également, dès le départ, doté de vastes matelas qui permettent aux adolescents de lire ou de se reposer.
Serviabilité perçue des agents
La culture de la co-conception est interprétée par les acteurs comme de la serviabilité ou de l’empathie. Les usagers interprètent le fonctionnement participatif de la médiathèque comme l’expression de sentiments manifestés par les médiathécaires à leur égard : « On se croit toujours les rois du monde quand on est à leurs côtés » (Mme G). « On est toujours impliquées dès le départ, on nous demande notre avis, et on tient compte de notre avis » (une autre utilisatrice experte). Mme C évoque une « considération » à l’égard de la population au travers des processus participatifs, qui déteint sur le mode d’exercice du service (par exemple, lorsqu’il s’agit d’aider les personnes frappées d’illectronisme à utiliser internet).
Cohérence
Toutes les personnes interrogées (bibliothécaires et usagers parlent de la diversité et l’abondance des ressources, ainsi que du grand nombre d’activités proposées.
A ce propos, le lien causal entre la diversité des services proposés par la médiathèque et le processus d’idéation inclus dans la méthodologie de design thinking utilisée apparaît clairement sur certains points. Pour Mme C, la notion de « tiers lieu » (évoquée pour la première fois par les designers de la 27ème Région) a été un catalyseur dans la réflexion sur la nature et la philosophie des services, dans le sens de cette diversité : « un tiers lieu, c’est un lieu où tout est possible », un lieu polyvalent (…) ». Le CDR et le plan sommaire ont posé le principe de polyvalence du site. Le lieu devait proposer un mix de services sociaux et de services culturels, la présence d’un auditorium en même temps que d’une médiathèque proprement dite, le fait que l’auditorium soit polyvalent (avec des projections de cinéma, des conférences, des spectacles, des réunions…), le fait qu’il y ait une salle de jeux vidéo, un petit fab lab avec imprimante 3D et brodeuse numérique, une grande cuisine, une salle dédiée au jeu vidéo…
La méthodologie participative et l’expérimentation ont permis d’envisager sans inquiétude l’implantation d’un service atypique. Ainsi, la présence d’une salle de jeux vidéo a été validée lors de la rencontre organisée autour des jeux vidéo.
Des limites existent cependant dans l’adaptation des services de la médiathèque aux besoins des différents segments de la population. Les médiathécaires et leur responsable politique avouent à demi-mots une situation d’échec dans l’adaptation de la médiathèque au public adolescent. Par exemple, les comportements des adolescents dans le hall d’entrée de la médiathèque et à proximité de la médiathèque ne sont pas ceux attendus et peuvent causer des problèmes (de bruit, principalement). Ces difficultés s’expliquent peut-être par les pratiques des designers de la 27ème Région lors de leur résidence. M. A explique en effet qu’avec les jeunes, une approche participative est trop coûteuse en temps, et qu’il vaut mieux avoir une démarche consistant à consulter des personnes au contact des jeunes (coach de foot, assistante sociale…).
Accessibilité
L’accessibilité du bâtiment était dès le début une préoccupation de toutes les parties prenantes. L’implantation de la médiathèque au centre du village, à proximité de grands parkings existant déjà, contribuent à rendre ce lieu (par ailleurs de plein pied) particulièrement accessible.
L’influence du DTP de la 27ème Région sur l’accessibilité physique de la médiathèque n’est cependant pas prouvée, sauf, peut-être, au travers de l’idée d’articuler de manière optimale des lieux aux fonctionnalités diverses.
A l’issue des dernières phases d’implémentation, on constate aussi que la médiathèque est fréquemment ouverte le dimanche, alors même qu’elle est supposée être fermée, ceci parce des évènements correspondant à des projets co-créés y ont lieu. Les médiathécaires laissent même assez souvent la clé des lieux à des personnes qui ne sont pas médiathécaires. Les aspects participatifs de la médiathèque (en matière de conception, et de fonctionnement) ont donc conduit à une forte amplitude horaire d’ouverture. Cela n’est pas d’ailleurs sans poser quelques problèmes de surcharge de travail pour les agents.
Disponibilité
Le principe de l’appel à la participation de personnes non médiathécaires à l’animation d’activités dans le cadre de la médiathèque, et l’accent mis sur la proposition d’activités de groupes « communautaires » induit l’utilisation de beaucoup de moyens de communication. La médiathèque est dotée, en plus d’un site internet, d’une page facebook, d’une page instagram, mais aussi d’un tableau d’information digitale Steeple board dans le Hall.
Du point de vue des logiques de propriétaires, une forte création de valeur également
Soutenabilité économique
Du point de vue de la soutenabilité économique, les résultats de l’utilisation du DTP paraissent mitigés. En effet, le fait d’avoir « ouvert le champ des possibles » a débouché sur un projet relativement coûteux[23]. D’ailleurs, lorsque la majorité politique à la Communauté de Communes a changé, les pistes issues du design de la 27ème Région ont été contestées. Cependant, il faut noter que le recours à des animateurs bénévoles pour un grand nombre d’activités a tendance à améliorer le rapport qualité/prix des actions menées dans la médiathèque. D’après la maire à l’origine du projet, le fait d’avoir implanté sur le même lieu des services sociaux en même temps que la médiathèque proprement est aussi un vecteur d’économies, certaines infrastructures étant partagées.
Soutenabilité sociale
Apparue lors de la phase de conception encadrée par la 27ème Région, la notion de travail avec les institutions culturelles et sociales locales (maisons de retraite, centres de travail pour personnes handicapées, écoles) fait partie des dimensions d’équité ou de justice sociale présents.
Le côté polyvalent du support de services créé ici permet aussi, selon les gestionnaires de la médiathèque, d’inciter davantage les gens à avoir des activités culturelles.
Concernant l’aspect de cohésion sociale ou la création éventuelle d’un support à des interactions sociales, le projet de médiathèque puis la vie de la médiathèque sont particulièrement marqués, dès la conception, par la constitution de plusieurs communautés très actives autour de l’équipement. D’après M. A, il s’agit d’une constante des méthodes de design participatif. La phase de présence des designers de la 27ème Région a été marquée par un fort engouement chez certaines personnes. Un phénomène de contre-don[24] s’est par exemple enclenché à partir de la phase d’intervention des designers de la 27ème Région [perçue comme un « cadeau » fait à la population] lorsqu’une des participantes aux réunions de la résidence, et fervente adepte du test des « malles itinérantes », Mme G, artiste, a proposé l’activité de Yarn Bombing. De manière générale, la nature participative de la médiathèque contribue à la prolongation d’effets de don/contre-dons. En effet, le développement du principe des animateurs bénévoles favorise des dynamiques d’engagement et de reconnaissance réciproques entre certains membres de la population et les bibliothécaires.
Soutenabilité démocratique
Il faut faire à nouveau référence, ici, à l’aspect participatif de la médiathèque. Sur ce point, le travail de conception du service effectué par la 27ème Région n’était qu’embryonnaire. La dimension participative de la médiathèque n’est apparue qu’après. En effet, le CDR mentionnait seulement comme attentes de la population « le développement et la mise en valeur des cultures locales » et une « pédagogie active »[25]. Le travail des médiathécaires s’est donc surajouté à celui de la 27ème Région. Mais il y a une continuité, le principe de la participation étant présent initialement dans la méthodologie de conception et ayant été pérennisé par la suite[26].
Des problèmes de « démocratie » ont cependant existé dans le DTP. En l’occurrence, on peut pointer certaines limites dans la représentativité des personnes consultées lors des interventions de la 27ème Région. M. A indique ainsi que « ce qui (nous) intéresse, ce n’est pas la quantité, (…) c’est plutôt d’aller voir les différents usages et pratiques, de voir les extrêmes, en quelque sorte ». On a déjà évoqué, supra, la difficulté à prendre réellement en compte le point de vue des adolescents. L’un des usagers interrogés, un bénévole qui travaillait dans les anciennes petites bibliothèques précédant la mise en place de la médiathèque, pense aussi que les bénévoles qui étaient déjà présents dans les petites vieilles bibliothèques ont été insuffisamment consultés.
Discussion, voies de recherches et implications managériales potentielles
Discussion
L’étude que nous avons menée a permis, dans un cas, de mettre en avant les points suivants concernant la création de valeur publique via le DTP :
-
Le DTP peut engendrer une acculturation durable aux méthodes de co-design chez les fonctionnaires en charge du service.
-
Le DTP peut satisfaire durablement certaines logiques d’usagers, en effet la tangibilité du service est ici bonne, la serviabilité perçue des agents excellente, la cohérence (sous sa forme de diversité) également (même s’il faut nuancer un peu). L’accessibilité est bonne également.
-
En matière de logiques de propriétaires, la cohésion sociale découlant du DTP paraît également particulièrement bonne et durablement assurée, de même que la soutenabilité démocratique.
-
Des limites apparaissent en matière d’aspect démocratique du service, et de soutenabilité financière[27].
La discussion que nous allons mener autour de ces résultats va s’effectuer dans deux directions :
-
Une explicitation et une explication de l’originalité de ces résultats par rapport à la littérature spécifique (et lacunaire) concernant le DTP;
-
Une relecture de nos résultats au regard de la littérature (beaucoup plus étendue, et parfois très généraliste) concernant la co-cocréation.
Si l’on compare nos résultats à ceux des travaux antérieurs concernant le DTP, on trouve à la fois des points communs, des différences, et des résultats complémentaires.
L’apparition de nouveaux collectifs au travers du processus de DTP avait déjà été mentionnée par d’autres auteurs, elle réapparaît dans le cas étudié, sous notre rubrique « soutenabilité sociale ». Des interactions sociales fortes se sont développées autour de la conception de la médiathèque, et après sa conception. De même, on voit se développer des dynamiques de type « prise de pouvoir », que nous avons décrites plus explicitement comme étant des situations d’engagement et de don/contre-dons (même rubrique que précédemment) ou comme l’apparition d’une logique participative [rubrique « soutenabilité démocratique »]. Nous avons par ailleurs retrouvé, chez les participants au processus de conception, des sentiments de plaisir, qui concernent le fait d’être écouté, pris en considération (rubrique : serviabilité perçue).
Des différences avec les travaux antérieurs existent toutefois. En effet, dans le cas étudié, on observe un maintien des activités de co-design des services (et de co-design des activités pratiquées), le tout dans la durée (7 ans, en l’occurrence). La participation des usagers aux processus de co-production ou de co-design ne s’affaiblit pas. En somme, on semble avoir affaire à une sorte de « programme continu d’innovation sociale », contrairement à ce qui avait été observé par Nesti (2018) dans le contexte des Living Labs Urbains. Une autre différence est une forme d’acculturation durable des fonctionnaires aux méthodes de design thinking participatif, et une motivation au travail particulière induite par les méthodes participatives chez eux. Ces phénomènes sont observés pour la première fois lors d’une recherche portant sur l’application des méthodes de design thinking.
Enfin, la connaissance de la création de valeur permise par le processus de design thinking participatif est bien plus approfondie que dans les précédents travaux, grâce à l’analyse systématique que nous avons faite des dimensions de la valeur publique. La mobilisation des notions de tangibilité, de serviabilité perçue, de cohérence, d’accessibilité, de cohésion sociale, de soutenabilité démocratique, permet de caractériser de manière plus précise la création de valeur qui a eu lieu.
Concernant la durabilité des pratiques de co-conception présentes dans notre cas, des facteurs individuels peuvent avoir joué. M. D indique qu’il était politiquement sensible aux démarches participatives avant de faire l’expérience du DTP. Cela semble avoir joué un rôle prépondérant dans la perpétuation de pratiques participatives par la suite. Mme C se présente également comme séduite, à l’issue du passage de la 27ème Région, par la méthode. Par la suite, les différents bibliothécaires recrutés se sont vus présenter un projet de « médiathèque participative », et leur adhésion à ce projet était une condition de leur recrutement, cela explique qu’ils aient prolongé les pratiques initiales.
De plus, il est évident que l’adossement du processus de design participatif de services publics à une structure appelée à durer (notamment dans son financement), et dotée de fonctions relativement bien identifiée, possède des avantages par rapport au cas des Living Labs Urbains étudiés par Nesti (2018), aux attributions floues et souvent temporaires.
Par ailleurs, les outils utilisés par les designers de la 27ème Région (Carnet de Résidence et plan des usages) pour transmettre aux fonctionnaires les résultats et les méthodes de leur démarche se sont révélés puissants et pertinents. Les concernant, on peut parler d’objets-frontière, (Faulx et al., 2010), c’est-à-dire d’objets particulièrement aptes à favoriser une transmission d’expérience entre plusieurs personnes au fil du temps lors d’un processus d’innovation.
Pour finir, il se trouve que, les activités culturelles, de par leur caractère ludique, et fréquemment créatif, sont particulièrement adaptées pour susciter un engagement favorable à la co-conception auprès des personnes qui y participent, et ce, durablement. Ce n’est pas la première fois dans la littérature concernant le DTP que ce point est souligné[28] (Nesti, 2018). Les activités culturelles créent aussi assez facilement des liens, par l’affirmation de goûts communs qu’elles permettent, ou la collaboration qu’elles peuvent nécessiter (théâtre — réalisation de travaux manuels d’ampleur, etc). Ces dynamiques individuelles et collectives peuvent renforcer la participation aux activités de co-conception de la médiathèque.
Dans notre première partie, nous avons indiqué que la littérature concernant la co-création, qui est une littérature plus générale que celle concernant le DTP, mais dont relève naturellement le DTP, était mitigée concernant les résultats de cette méthodologie, et pointaient une insuffisance de formalisation (Brandsen et Guenoun, 2019; Bovaird et al., 2019).
Par rapport à ce discours, qui ne tranche pas définitivement sur les apports de la co-création, il va de soi qu’examiner une seule forme de co-design, et ce au travers d’un seul cas, favorise le fait d’obtenir des résultats plus tranchés. En l’occurrence, à Lezoux, la création de valeur publique additionnelle paraît forte, si l’on en juge en termes de satisfaction perçue.
Par rapport à la question de la formalisation, également évoquée par cette littérature (voir notre première partie), on peut dire que, s’agissant de l’intervention de 27ème Région, et du design thinking en général, la méthodologie paraît relativement bien définie (avec, notamment, le triptyque inspiration, idéation et implémentation, qui inclut le prototypage).
Brandsen et Guenoun (2019), comme Bovaird et al. (2019), estiment également conjointement que la co-création comporte généralement un risque, qui est d’accroitre l’écart entre les citoyens « sachants », qui souvent participent volontiers à la co-création, et des citoyens « ignorants », qui ne participent pas à la « prise de pouvoir » des usagers. Cet écart pourrait être même générateur de manque de qualité, lorsque des « sachants » interviennent pour co-concevoir, de manière inadaptée, des services destinés à des « ignorants ».
Il est difficile de juger précisément, dans le cas de Lezoux, de la représentativité des personnes qui sont intervenus (et interviennent encore) dans les processus de co-conception[29]. Cependant, on peut penser que la pratique systématique du prototypage (préconisée par Bovaird et al., 2019) a permis de réduire l’écart entre ce qui était souhaité par quelques-uns et ce qui était apprécié par le plus grand nombre.
Concernant le caractère plutôt ouvert ou fermé de l’innovation, les avis divergent entre les auteurs que nous avons cités. Brandsen et Guenoun (2019) préconisent plutôt des objectifs « clairement identifiés » pour la co-création, Bovaird et al. (2019) parlent de stratégies qui sont bonnes quand elles ne sont pas totalement rectilignes et restent ouvertes.
On peut dire que, dans le cas de Lezoux, les objectifs étaient clairs (fournir un équipement culturel élaboré et adapté à un village qui n’avait pas grand-chose, et les services qui allaient avec), mais que les résultats ont été assez inattendus dans certains domaines, ce qui témoigne du caractère ouvert du processus[30]. Il semble donc possible de combiner à la fois des éléments de cadrage concernant les objectifs généraux et la méthode, et une ouverture en matière de contenu des biens et services proposés.
En résumé, le design thinking participatif paraît ici constituer une méthode qui permet d’apporter de nombreuses réponses aux problèmes qui se posent dans certains processus de co-création (notamment, les questions d’efficacité en matière de création de valeur publique, de durabilité de cette efficacité, de « démocratie » dans le design, ou encore d’ouverture de l’innovation), en apportant une méthode bien normée de co-design. Notre grille d’analyse a permis aussi de mesurer l’ampleur de la création de valeur engendrée par le DTP.
Implications managériales potentielles
Les implications managériales potentielles de nos résultats sont multiples.
Le premier point est que, dans les cas de conception/reconfigurations de services publics, le design thinking participatif semble pouvoir être préconisé avec profit.
Ensuite, si l’adhésion de la population paraît facilement réalisable, avec la mobilisation d’outils de conception ludiques, la mobilisation des fonctionnaires eux-mêmes n’est pas acquise d’emblée et doit être travaillée.
A ce propos, on peut imaginer plusieurs solutions :
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N’impliquer dans le processus que des agents qui ont manifesté leur accord;
-
Recruter des agents qui sont déjà sensibilisés à ce type de design;
-
Bien former, si nécessaire, les personnels qui doivent accompagner ce type de pratiques;
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Si le co-design ou le DTP ne sont pas pilotés par les fonctionnaires eux-mêmes, les impliquer le plus tôt possible dans le processus, et, si nécessaire, mettre à leur disposition des objets frontière particulièrement bien conçus;
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Permettre aux agents qui ont acquis une certaine expérience de co-design de mobiliser régulièrement leurs compétences, afin d’éviter une disparition de ces savoir-faire.
Le recours à des intervenants extérieurs ou intérieurs spécialisés (designers professionnels formés à la méthode du design thinking participatif) peut s’avérer nécessaire, soit pour initier un processus, soit pour transmettre la culture relative à la pratique considérée.
Enfin, pour que les processus de design participatif ou de DTP se perpétuent dans la durée, une institutionnalisation véritable, rattachée à des moyens humains, financiers, et à un effort de formation, est sans doute nécessaire, au niveau des services publics. L’ampleur de cette institutionnalisation sera cependant, probablement, variable selon que le choix est fait d’un recours à des designers internes ou à des interventions externes.
Voies de recherche potentielles
Au travers de notre étude, le design thinking participatif apparaît comme une méthodologie efficace de conception/reconfiguration des services publics, voire un outil très intéressant de New Public Governance.
Pour être sûr de ce résultat, il faudrait évidemment étudier des cas bien plus nombreux d’application de cette méthodologie aux services publics.
Pour s’assurer de la durabilité des effets de la méthode, il faut examiner, dans la durée, l’évolution de plusieurs domaines où des interventions similaires de designers (ou des tentatives d’application du design thinking participatif sans intervention de designers professionnels) ont eu lieu.
L’étude de cas s’étant produit dans différents domaines de l’action publique, dans des services de différentes tailles ou doté d’une organisation différente, touchant différents publics dans différents contextes (aide, soin, éducation, mise en oeuvre de l’ordre public, etc) paraît indispensable pour confirmer nos résultats.
A terme, il faudrait aussi tâcher de voir si, lorsque des éléments de mise en oeuvre du design thinking participatif varient, les résultats varient. On pourrait aussi comparer, dans une logique d’optimisation, les résultats obtenus au moyen du design thinking participatif et ceux permis par d’autres méthodes de conception. Dans une même logique d’optimisation, il conviendrait aussi de comparer la qualité des résultats obtenus, et leur coût de mise en oeuvre.
D’autres voies de recherche sont également possibles :
-
Utiliser dans d’autres domaines notre grille d’analyse de la création de valeur publique;
-
Approfondir l’exploration des relations de don/contre-don, de manière systématique, dans tous les domaines dont traite le management;
-
Explorer de manière plus systématique l’utilité des dispositifs ludiques de co-conception dans les domaines d’utilité publique.
Conclusion
Nous avons pu démontrer, dans un cas précis de projet de reconfiguration de service public local, que la démarche de design thinking participatif avait pu favoriser l’amélioration de la cohérence de l’offre de service, l’amélioration de la serviabilité perçue des agents prestataires, et la cohésion sociale au sein de la population observée. La transformation durable de la culture professionnelle des fonctionnaires en charge du service est également notable, et elle semble ouvrir la voie à une forme d’amélioration « en continu » des services publics.
Le design thinking participatif apparaît aussi comme un outil très intéressant pour la mise en oeuvre de la Nouvelle Gouvernance Publique.
Cependant, on ne peut considérer que le design thinking participatif a toujours les conséquences que l’on vient de montrer. En effet, un seul cas ne suffit pas à établir la validité d’une théorie. Par conséquent il faudrait dans le futur multiplier les études de cas pour confirmer les résultats auxquels nous arrivons et conclure à la pertinence de l’idée d’un design thinking participatif qui constituerait, en quelque sorte, le « chaînon manquant » de la New Public Governance dans le domaine de la conception/configuration des services publics.
Appendices
Remerciements
Je remercie feu Laurent SEVOZ, Michael GANDON, Valérie FRANCOIS, Emmanuel COBLENCE et Véronique FAVRE-BONTE pour leur soutien durant la rédaction de cet article. Je remercie aussi tout particulièrement Jean-Christophe LACAS, Marie-France MARMY et Adrien DEMAY (agence DETEA) pour leur gentillesse et leur disponibilité, ainsi que toutes les autres personnes interrogées.
Note biographique
Pascal ARNAUD : Après avoir poursuivi un cursus de normalien en Sciences Sociales à l’Ecole Normale Supérieure de Cachan (France), Pascal ARNAUD a enseigné en lycée, BTS et classe préparatoire aux grandes écoles de commerce en tant qu’agrégé de l’enseignement secondaire. Il est actuellement doctorant en gestion au Laboratoire LUMEN de l’Université de Lille.
Notes
-
[1]
La 27ème Région est une association fondée en 2008 sous l’impulsion de l’Association des Régions de France et de la Caisse des Dépôts pour mener à bien des projets de conception de services. Elle regroupe des agences de design et des acteurs indépendants, consultants ou spécialistes de sciences sociales ou de design, et ces organismes publics.
-
[2]
Bovaird et al., 2019
-
[3]
Nouvelle Gouvernance Publique, modèle de gestion de la puissance publique émergent mis en oeuvre et décrit surtout depuis les années 70 (Alford, 2009; Osborne et Strokosch, 2013; Brandsen et Guenoun, 2019). D’après Osborne et Strokosch (2013), la nouvelle gouvernance publique est caractérisée par l’interaction d’acteurs multiples et un accent mis sur le partenariat et la collaboration.
-
[4]
D’après l’article en question, les « Living Labs Urbains » sont des organisations qui pratiquent une approche de recherche innovante s’efforçant de développer et de tester des nouvelles technologies et stratégie destinées à résoudre des problèmes sociaux complexes ». Selon cette définition, les « Living Labs Urbains » auraient donc les pratiques d’idéation et de prototypage caractéristiques du design thinking d’après la théorie C-K. S’agissant de laboratoires qui pratiquent le co-design, on peut même parler de design thinking participatif. Les cas observés par Nesti concernaient des services publics, des projets d’intérêt publics et des projets d’urbanisme.
-
[5]
Le terme utilisé par les auteurs est celui de « design social », mais les pratiques décrites correspondent à la définition que nous avons donnée du design thinking participatif.
-
[6]
On retrouve ainsi un glissement des « résultats » aux « bénéfices » évoqué par Bovaird et Loeffler (2012).
-
[7]
Ce qui est plus logique, dans une optique de qualité perçue.
-
[8]
La question de l’existence d’une relation causale réelle entre des formes de conception de service et des formes de valeur publique observées se pose évidemment, s’agissant d’un seul cas. C’est pourquoi notre recherche est exploratoire et établit davantage pour le moment une corrélation plus qu’une causalité. Pour autant, il peut être intéressant de constater que, spontanément, les parties prenantes ou les observateurs d’un phénomène se déroulant dans le temps émettent tous ou presque tous, sans se concerter, le jugement selon lequel certains mécanismes (liens de causes à effet) sont à l’oeuvre. En effet, cela renforce la probabilité qu’un lien de causalité existe réellement (Miles et Huberman, 2003; Lincoln et Guba, 1985).
- [9]
-
[10]
On a laissé les interviewés choisir les aspects du service qui, pour eux, intervenaient dans leur appréciation de la qualité perçue. C’est la raison pour laquelle certaines dimensions potentielles de la création de valeur envisagées par la théorie ne font l’objet d’aucune analyse infra.
-
[11]
Concepteurs, en Français.
-
[12]
Pour mémoire, selon Oldenburg (1997, notre traduction), les troisièmes lieux ou tiers lieux sont ceux qui « accueillent les rassemblements réguliers, volontaires, informels et favorablement attendus d’individus au-delà des domaines de la maison et du travail ».
-
[13]
Source : CDR, p. 41 et 43.
-
[14]
Source : CDR, p. 10.
-
[15]
Produit, en Français.
-
[16]
Il s’agissait d’un plan sommaire des locaux à créer, et un listing de ce qui se passe dans ces locaux, et des échanges (physiques, informationnels) avec l’environnement.
-
[17]
Source : CDR, p. 49-59.
-
[18]
p. 45.
-
[19]
Ce temps 2 d’implémentation s’est étalé sur une période plus longue que prévue (2013-2018), à cause de travaux de fouilles rendues nécessaires (selon la réglementation française) par la découverte de vestiges archéologiques sur le site de construction. On peut préciser la chronologie comme suit :
-
2013-2014 : choix de l’architecte, travail de conception du bâtiment (architecte), recrutement de la première adjointe de M. D, puis de la médiatrice culturelle (future directrice de la programmation), Mme F.
-
2014-juin 2017 : Fouilles archéologiques, intervention du spécialiste des Tiers Lieux, puis construction du bâtiment et recrutement du reste de l’équipe de bibliothécaires (2016-2017).
-
-
[20]
Vidéo présente dans un MOOC de l’ESSEC, https://fr.coursera.org/lecture/innovation-publique-pensee-design/mediatheque-intercommunale-de-lezoux-woy2V
-
[21]
Idem.
-
[22]
« Forme contemporaine de street art dans laquelle des articles tricotés et crochetés sont attachés à des parties du paysage urbain », selon la définition de Mann (2015).
-
[23]
Nous n’avons pu accéder à aucune donnée comptable précise, cependant les responsables politiques et les médiathécaires ont indiqué à plusieurs reprises qu’il paraîtrait difficile d’accroître encore les coûts liés aujourd’hui au fonctionnement de la médiathèque. Il faut peut-être relativiser, les différents médiathécaires n’ayant pas été embauchés tous en même temps, si bien qu’on peut supposer qu’il y a eu un pilotage relativement maîtrisé de l’aspect financier du projet.
-
[24]
Enoncée pour la première fois par Mauss (1923), la théorie du don/contre-don explique qu’un don engendre la plupart du temps un contre-don, lequel engendre un contre-don, et ainsi de suite (Mauss, 1923; Pihel, 2008; Adla et Gallego-Roquelaure, 2018). Par ce mécanisme d’échange, les satisfactions des acteurs vont s’entretenir durablement, lorsque l’échange apparait comme relativement équilibré, ou des insatisfactions vont apparaître pour un des partenaires, ce qui va conduire à une interruption du cycle par la partie qui s’estime désavantagée.
-
[25]
Il était aussi question « d’échanges de savoir-faire » et de « convivialité », mais plus rapidement.
-
[26]
Pour plus de détail sur les processus participatifs, voir supra.
-
[27]
Ce point mériterait cependant d’être approfondi.
-
[28]
Ce point est également évoqué par la littérature en matière de co-création par les entreprises privées et leurs consommateurs, notamment la littérature sur les « plateformes d’engagement ».
-
[29]
Hormis dans le cas spécifique des adolescents, déjà évoqué.
-
[30]
Entre autres éléments inattendus au départ, on peut citer la présence d’un fab lab, d’une salle de jeux vidéo, d’une cuisine, d’un coin jeunesse doté de matelas, le principe des animations réalisés par des usagers.
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Appendices
Biographical note
Pascal ARNAUD: After studying Social Sciences (Economics and Sociology) at the Ecole Normale Supérieure de Cachan (France), Pascal ARNAUD taught Economics and Management in high school and higher education as a high level teacher of secondary education. He is currently a Doctoral Student in Management at the LUMEN Laboratory of the University of Lille.
Appendices
Nota biográfica
Pascal ARNAUD: Después de estudiar Ciencias Sociales (Economía y Sociología) en la Ecole Normale Supérieure de Cachan (Francia), Pascal ARNAUD enseñó Economía y Gestión en institutos y educación superior, como profesor de nivel superior de educación secundaria. Actualmente es doctorando en gestión en el Laboratorio LUMEN de la Universidad de Lille.