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La réflexion quant à la mise en place de ce numéro thématique s’est faite avant la situation pandémique. En tant qu’éditeurs invités, nous voulions alors tenter d’illustrer le rôle que pouvait avoir un espace de coworking pour un entrepreneur. Autrement dit, dans quelle mesure ce type de lieu pouvait représenter en soi une source de ressources pour le milieu entrepreneurial ? Nous souhaitions y voir aborder diverses propositions de définitions, une genèse des tiers lieux en général et des espaces de coworking en particulier. Nous espérions aussi mettre l’accent sur des espaces de coworking, dans différentes régions et/ou pays, pour mettre en évidence la complexité et la diversité du processus, ou encore des modalités de gouvernance et de management présents en ces lieux. Au travers du contenu de ce numéro ces attentes initiales semblent avoir été comblées, mais au-delà, ce numéro contribue aussi à donner davantage de précisions sur les profils, trajectoires professionnelles et motivations des entrepreneurs des espaces de coworking (les membres/utilisateurs mais aussi les fondateurs). Il y est aussi démontré toute la diversité des formes d’apprentissage collectif existant au sein des espaces de coworking, mais aussi des enjeux géographiques (localisation des activités, mobilités des individus) de l’entrepreneuriat collectif.

De plus, bien au-delà de nos attentes, les propositions retenues démontrent aussi toute la diversité des situations qu’un entrepreneur peut être amené à vivre, y compris dans un espace de coworking et que fréquenter ce type de lieu n’assure pas, pour autant, la mise en réseau et la réussite entrepreneuriale. Très souvent mis en avant pour ces bienfaits, les espaces de coworking possèdent aussi certaines imperfections. Présentés comme des lieux de liberté, certains des auteurs de ce numéro ont démontré qu’une hiérarchie pouvait y prendre place. Utilisés comme exemple de lieu de collaboration et d’ouverture, certains articles décrivent aussi la présence de formes de rivalités. En somme, ce numéro thématique contribue à une meilleure compréhension des modalités de fonctionnement d’un espace de coworking et son effet potentiellement positif sur l’entrepreneuriat, mais tout en nuançant le propos et en mettant en exergue que cet impact bénéfique du lieu n’est pas acquis. Les scenarii possibles y sont multiples et les situations plus complexes qu’il n’y paraît.

Dans ce numéro, Hélène Bussy-Socrate, Olivia Chambard et Nicolas Aubouin explorent ainsi la question de l’embodiment au sein des espaces de coworking au travers d’un travail ethnographique dans différents incubateurs. Stéphanie Bouchet, Jean-Yves Ottoman, Émilie Hennequin et Papa Alioune Meïssa Mbaye analysent quant à eux la manière dont les espaces de coworking sont des catalyseurs de l’intention entrepreneuriale, alors que Didier Chabaud, Philippe Eynaud et Nathalie Raulet-Croset s’intéressent à la façon dont ces espaces encouragent les projets d’entrepreneuriat dans l’économie sociale et solidaire. Mylène Capo-Chichi, Anne-Laure Saives et Annie Camus explorent la question de la créativité dans les espaces de co-working. À partir d’une autre façon de comprendre les espaces de co-workiing, Fabio James Petani, Didier Chabanet et Damien Richard ont étudié la mobilité spatiale de coworkers dans diverses villes.

Enfin, au moment de la parution de ce numéro, deux années de pandémie se sont écoulées. La Covid-19 semble avoir aussi redistribué les cartes différemment. Certaines activités entrepreneuriales, tout comme certains espaces de coworking ont cessé leur activité, d’autres projets et d’autres lieux se sont aussi créés. La pandémie a davantage accru et même, dans une certaine mesure, banalisé la possibilité de télétravailler à la maison et a requestionné le temps, tout comme l’organisation du travail traditionnel.

Certaines personnes et certains projets ne sont pas nécessairement adaptés au travail à domicile, on peut alors observer des effets négatifs au travail en solitaire pour les télétravailleurs, comme pour l’activité des entrepreneurs, l’espace de coworking peut, dès lors, fournir une option intéressante, entre le bureau classique et le domicile. La fréquentation des espaces de coworking pourrait donc être une solution hybride permettant le télétravail, mais sans les risques d’isolement que pourrait ressentir un travailleur ou un entrepreneur qui travaille à son domicile. Ces lieux semblent donc pouvoir continuer d’exister y compris dans un monde postpandémique qu’il nous tarde d’atteindre désormais.