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Le management de la créativité est considéré, désormais, comme un des défis majeurs à relever par les dirigeants d’entreprises et, plus largement, par la société, comme l’a rappelé la Commission Européenne, qui a labellisé l’année 2009 « Année européenne de la créativité et de l’innovation ». C’est ainsi que les entreprises développent de nouveaux dispositifs organisationnels favorisant la créativité, permettent l’émergence, la sélection, la capture et l’implémentation d’idées créatives, tels que les laboratoires d’innovation ouverte, les Fab Labs internes, les communautés d’innovation ou les concours à idées. Or, force est de constater que le management de la créativité organisationnelle pose encore de nombreuses questions non encore résolues.
Ce dossier thématique répond à ce besoin et suit le courant de la créativité organisationnelle initié par des chercheurs précurseurs dans les années 90, notamment T. Amabile, C. Carrier, G. Elkvall, C. Ford, R. Griffin, J. Sawyer, T. Lubart, R. Woodman et leurs équipes. Eux et, dans leur lignée les chercheurs de la communauté en management stratégique jusqu’en 2017, ont mis en lumière le rôle en particulier de trois facettes du management de la créativité organisationnelle : (i) la gestion des idées, (ii) la gestion des frontières et (iii) le développement des capacités organisationnelles comme pilier de la créativité organisationnelle. Ce cahier étudie ces facettes à travers cinq articles, résultant d’une sélection rigoureuse et approfondie des 24 propositions d’articles reçues, puis des 12 articles soumis chacun à trois évaluateurs.
Dans le premier article de ce cahier, Thomas Gillier, Mickaël Buffart, Victor Liger et Gerald Piat, se sont intéressé à l’émergence des idées en observant le parcours des idées lors d’un concours d’innovation. Leurs analyses avancent deux contributions. Premièrement, ce ne sont finalement pas les idées considérées comme les plus créatives qui ont été présentées et sélectionnées. Deuxièmement, les idées sélectionnées sont davantage celles générées lors de la phase d’idéation en solo. Cette recherche confirme ainsi l’importance d’organiser une phase d’idéation en solo dans les sessions de créativité, mais aussi les difficultés rencontrées par les participants à sélectionner les idées les plus originales.
Puis, Guy Parmentier, Sévérine Le Loarne-Lemaire et Mustapha Belkhouja explorent l’effet du genre sur la génération et la sélection des idées. Une analyse économétrique réalisée sur l’évaluation de 100 idées de produits nouveaux proposées par 463 étudiants, montre que les idées proposées par des équipes majoritairement composées de garçons ou de filles sont aussi créatives que les équipes mixtes quand elles sont évaluées par des experts. En revanche quand les idées sont présentées à des pairs, les idées des groupes mixtes sont moins bien évaluées. Cette recherche conclut que la perception de la qualité créative des idées est sensible aux genres des émetteurs.
Le troisième article de Nicolas Aubouin et Alexandra Le Chaffotec analyse, quant à lui, le rôle des open labs dans les institutions publiques. En créant des espaces hybrides et souples, ces dispositifs organisationnels participent au renouvellement de la gestion des espaces, des relations aux usagers et de l’organisation des équipes. Les études de cas menées dans le champ culturel et dans celui la santé, amènent les auteurs à identifier les sources de la créativité organisationnelle, d’une part, et, d’autre part, les dynamiques de la propagation des idées créatives en lien avec ces nouveaux lieux.
Le quatrième article, écrit par Valérie Mérindol et David W. Versailles, analyse les laboratoires d’innovation ouverte pour caractériser les capacités hautement créatives et repérer les conditions de leur développement. A partir d’étude de cas exploratoires, les auteurs mettent en évidence les caractéristiques suivantes : un design organisationnel constitué d’un lieu de travail ouvert et convivial, de la liberté d’exploration dans un cadre défini, d’une hiérarchie aplatie avec la présence de leaders transformationnels, et, enfin, de dispositifs spécifiques favorables à l’acquisition et l’articulation d’une grande variété de connaissances et à la création d’une réserve d’idées.
Dans le cinquième article, Margot Leclair examine les pratiques quotidiennes des acteurs créatifs dans l’industrie de la mode. L’auteur analyse leurs tentatives pour dépasser les contraintes économiques. Elle identifie alors trois types de pratiques qui sous-tendent la production créative : un jeu avec le marché, une singularité cultivée et un art de la fugue. Ces pratiques construisent une zone d’ambiguïté qui permet aux acteurs de créer, tout en cultivant une position constamment évasive au sein de leurs organisations.
Si ces cinq articles novateurs contribuent au champ du management de la créativité organisationnelle, nous souhaitons qu’ils stimulent les lecteurs pour encore mieux comprendre l’émergence, la collecte, la sélection et l’implémentation des idées créatives. Enfin, ce cahier n’aurait pu voir le voir le jour sans le travail des auteurs et le soutien des évaluateurs sollicités. Nous tenons à les remercier tous sincèrement.
Creativity management is now being viewed as one of the main challenges to be met by business leaders and, more broadly, by the society as recalled by the European Commission, which has designated 2009 as the European Year of Creativity and Innovation. Consequently, companies are developing new organizational arrangements that promote creativity, i. e. the emergence, selection, capture and implementation of creative ideas, such as open innovation laboratories, in-house Fab Labs, innovation communities or idea contests. However, the management of organisational creativity still raises numerous outstanding questions.
This thematic file addresses this gap. It is aligned with organizational creativity literature initiated by early researchers in the 1990s, including T. Amabile, C. Carrier, G. Elkvall, C. Ford, R. Griffin, J. Sawyer, T. Lubart, R. Woodman and their teams. They and, in their footsteps, researchers from the strategic management community up to 2017, have highlighted the role of three aspects of organizational creativity management: (i) the management of ideas, (ii) the border management and (iii) the development of organizational capacity as a pillar of organizational creativity. This issue examines these aspects through 5 articles, resulting from a rigorous and in-depth selection of the 24 proposals received, followed by 12 articles submitted each to three evaluators.
In the first paper in this issue, Thomas Gillier, Mickaël Buffart, Victor Liger and Gerald Piat focused on the emergence of ideas by exploring the path of ideas in an innovation contest. Their analysis provides two contributions. Firstly, the most creative ideas were not finally presented and selected. Secondly, the selected ideas are more likely to be those generated during the individual ideation phase. This research thus supports the importance of organization of a solo brainstorming phase in the creativity sessions, but also that shows the challenges experienced by participants in the selecting phase in creativity management.
Then Guy Parmentier, Sévérine Le Loarne-Lemaire and Mustapha Belkhouja explore the gender effect on the generation and selection of ideas. An econometric analysis carried out on the evaluation of 100 new product ideas submitted by 463 students shows that the ideas submitted by teams composed mainly of boys or girls are as creative as mixed teams when appraised by experts. However, when ideas are submitted to peers, mixed group ideas are less well reviewed. This research is finding that the perception of the creative value of ideas is gender-sensitive.
The third-article by Nicolas Aubouin and Alexandra Le Chaffotec analyses the role of open labs in public institutions. Through the creation of hybrid and flexible spaces, these organizational arrangements are contributing to the renewal of space management, user relations and team organization. Case studies in the cultural and in the health field have brought the authors to identify what are the sources of organizational creativity, on the one hand, and, on the other, what are the dynamics of spreading creative ideas in relation to these new places.
In this fourth article, Valérie Mérindol and David W. Versailles analyze open innovation laboratories in order to characterize highly creative capacities and to identify the conditions for these to develop. Based on the exploratory case studies, the researchers highlight the main characteristics of an organizational design that consists of an open and user-friendly workplace, freedom to explore within a well-defined framework, a lean hierarchy with transformational leaders, and finally, specific arrangements for acquiring and articulating a wide spectrum of knowledge and creating a pool of ideas.
In the fifth article, Margot Leclair examines the daily practices of creative actors in the fashion industry. The author analyses their endeavours to overcome economic constraints. It identifies three types of practices that underlie creative production: a game with the market, a grown up singularity and an art of the fugue. These practices build an area of equivocation that allows actors to create, while they maintain a constantly evasive position within their organizations.
The five original articles contribute to the field of organizational creativity management, but we hope that they will stimulate readers to better understand the emergence, collection, selection and implementation of creative ideas. Finally, this issue couldn’t have seen the light of day without the authors’ work and the support of the reviewers. We are grateful to them all for that.
La gestión de la creatividad se considera hoy como uno de los principales desafíos a los cuales se enfrentan los líderes empresariales y, de forma más general, la sociedad. La Comisión Europea confirma esa dinámica designando el año 2009 como “Año Europeo de la Creatividad y la Innovación”. De ese modo, las empresas desarrollan nuevos arreglos organizativos que fomentan la creatividad, es decir, la emergencia, selección, captación e implementación de ideas creativas, tales como laboratorios de innovación abierta, laboratorios Fab Labs internos, comunidades de innovación o concursos de ideas. Sin embargo, podemos observar que la gestión de la creatividad organizacional sigue planteando muchas cuestiones sin resolver.
Este dossier temático responde a esta necesidad inscribiéndose en el campo de estudios dedicados a la creatividad organizacional. Esa corriente de investigación toma su fuente en la década de 1990, incluyendo autores como T. Amabile, C. Carrier, G. Elkvall, C. Ford, R. Griffin, J. Sawyer, T. Lubart, R. Woodman y sus equipos. Inscribiéndose en ese linaje, los investigadores de la comunidad gerencial estratégica han destacado tres aspectos de la gestión de la creatividad organizacional en particular: (i) la gestión de las ideas, (ii) la gestión fronteriza y (iii) el desarrollo de la capacidad organizacional como tema central de la creatividad organizacional. Este cuaderno de trabajo examina estos aspectos a través cinco artículos, resultantes de una rigurosa y minuciosa selección de las 24 propuestas recibidas, siguen 12 artículos presentados a tres evaluadores cada uno.
En el primer artículo de este libro, Thomas Gillier, Mickaël Buffart, Victor Liger y Gerald Piat, analizaron el surgimiento de ideas observando el recorrido de las ideas durante un concurso de innovación. Sus análisis presentan dos contribuciones. En primer lugar, no fueron las ideas que en última instancia se consideraron las más creativas las que fueron presentadas y seleccionadas. En segundo lugar, las ideas seleccionadas son más propensas a ser las que se generaron durante la fase de ideación sola. Esta investigación confirma así la importancia de organizar una fase de ideas en las sesiones creativas, pero también insiste sobre las dificultades encontradas por los participantes en la selección de las ideas más originales.
Luego Guy Parmentier, Sévérine Le Loarne-Lemaire y Mustapha Belkhouja exploran el efecto del género en la generación y selección de ideas. Un análisis econométrico de la evaluación de 100 nuevas ideas de producto propuestas por 463 estudiantes, basado en un análisis econométrico, muestra que las ideas propuestas por equipos compuestos principalmente por niños o niñas son tan creativas como equipos mixtos cuando son evaluadas por expertos. Sin embargo, cuando las ideas fueron presentadas, las ideas de grupos mixtos resultaron sub-evaluadas. Esta investigación concluye que la percepción de la calidad creativa de las ideas es sensible al género.
El tercer artículo de Nicolas Aubouin y Alexandra Le Chaffotec destaca y analiza la función de los laboratorios abiertos en las instituciones públicas. Apoyandose en la creación de espacios híbridos y flexibles, estos los autores explican como esos sistemas organizativos contribuyen a la renovación de la gestión del espacio, las relaciones con los usuarios y la organización del equipo. Los estudios de caso en los medios culturales y sanitarios llevan a los autores a identificar las fuentes de la creatividad organizacional, por un lado. Por otro, la dinámica de la propagación de las ideas creativas ligadas a estos nuevos espacios.
El cuarto artículo, escrito por Valérie Mérindol y David W. Versailles, analiza los laboratorios de innovación abierta para entender sus capacidades altamente creativas e identificar las condiciones de su desarrollo. Basándose en estudios de caso exploratorios, los autores destacan las siguientes características: un diseño organizacional que consiste en un lugar de trabajo abierto y amigable, libertad de exploración dentro de un marco definido, una jerarquía horizontal con líderes transformacionales. Finalmente, esos espacios deben tener arreglos específicos dedicados a la adquisición y articulación de una amplia variedad de conocimientos y la creación de un conjunto de ideas.
En el quinto artículo, Margot Leclair examina las prácticas cotidianas de los actores creativos de la industria de la moda. La autora analiza los intentos de superar las limitaciones económicas. Identifica tres tipos de prácticas que subyacen a la producción creativa: un juego con el mercado, una singularidad cultivada y un arte de huir. Estas prácticas construyen un área de ambigüedad que permite a los actores de crear, mientras cultivan una posición constantemente evasiva dentro de sus organizaciones.
Si bien estos cinco artículos innovadores contribuyen al campo de la gestión de la creatividad organizacional, esperamos que estimulen a los lectores para un mejor entendimiento del surgimiento, la recopilación, la selección y la implementación de ideas creativas. Por último, este cuaderno no se habría podido producir sin el trabajo de los autores y el apoyo de los evaluadores solicitados. Les agradecemos sinceramente a todos.