Abstracts
Résumé
Nous mobilisons le concept de routine afin de saisir la récurrence du processus de construction des capacités dynamiques. Nous adoptons une démarche d’étude de cas au sein d’un tour-opérateur. Notre méthode qualitative permet d’identifier deux capacités dynamiques : la première est liée à la diversification des activités et la deuxième est liée au développement du réseau commercial. Nos résultats soulignent l’importance des routines existantes et nouvelles dans la construction des capacités dynamiques. Ils montrent également que le processus de construction - qui est différent en fonction de la nature émergente ou délibérée de l’opportunité - résulte de la routinisation d’une expérimentation réussie.
Mots-clés :
- Capacités dynamiques,
- routines,
- construction,
- opportunité,
- expérimentation
Abstract
We mobilize the concept of routine to capture the recurrence of the building process of dynamic capabilities. We take a case study approach within a tour operator. Our qualitative method allows identifying two dynamic capabilities: the first one is related to the diversification of activities and the second is related to the development of the commercial network. Our results underline the importance of existing and new routines in building dynamic capabilities. They also show that the building process - which is different according to the emergent or deliberate nature of the opportunity - results from the routinization of successful experimentation.
Keywords:
- Dynamic capabilities,
- routines,
- building,
- opportunity,
- experimentation
Resumen
Recurrimos al concepto de rutina con el fin de comprender la repetición del proceso de construcción de las capacidades dinámicas. Adoptamos una perspectiva de estudio de caso dentro de un turoperador. Nuestro método cualitativo permite identificar dos capacidades dinámicas: la primera está relacionada con la diversificación de las actividades y la segunda guarda relación con el desarrollo de la red comercial. Nuestros resultados ponen de manifiesto la importancia de las rutinas existentes y nuevas en la construcción de las capacidades dinámicas. También muestran que el proceso de construcción - que es distinto en función de la naturaleza emergente o deliberada de la oportunidad - es consecuencia de la rutinización de una experimentación exitosa.
Palabras clave:
- Capacidades dinámicas,
- rutinas,
- construcción,
- oportunidad,
- experimentación
Article body
Les capacités dynamiques sont définies comme l’aptitude de la firme à intégrer, construire et reconfigurer des compétences internes et externes en réponse aux changements rapides de l’environnement (Teece et al., 1997). Une capacité systématique de réponse à des changements dans un environnement dynamique conduit à la récurrence des capacités dynamiques. Or, force est de constater que très peu de travaux ont étudié les capacités dynamiques dans une approche dynamique c’est-à-dire en envisageant leur récurrence (Easterby-Smith et al., 2009). En effet, les travaux qui ont étudié le processus de construction des capacités dynamiques énoncent une succession de phases dans une approche linéaire (Pablo et al., 2007; Narayanan et al., 2009). Les travaux qui ont étudié les antécédents des capacités dynamiques montrent l’importance des caractéristiques managériales (Adner et Helfat, 2003) et des mécanismes de l’apprentissage (Zollo et Winter, 2002). Ces travaux n’expliquent pas la récurrence des capacités dynamiques.
La notion de récurrence qui caractérise les capacités dynamiques est étroitement liée à celle de routine. En effet, une routine est définie comme une activité organisationnelle répétitive (Dosi et al., 2000). A cet égard, de nombreux travaux indiquent le lien qui existe entre capacités dynamiques et routines organisationnelles (Abell et al., 2008; Parmigiani et Howard-Grenville, 2011; Felin et al., 2012; Bocquet et Mothe, 2015). Certains auteurs définissent les capacités dynamiques comme des routines de haut niveau (Winter, 2003). D’autres auteurs montrent que le développement des capacités dynamiques induit la modification des routines existantes ou la formation de nouvelles routines (Zollo et Winter, 2002; Zahra et al., 2006; Wilhelm et al. 2015). Néanmoins, la relation inverse c’est-à-dire le rôle des routines dans la construction des capacités dynamiques n’a jamais été étudié (Macher et Mowery, 2009). Or, mobiliser le concept de routine est de nature à permettre de saisir la récurrence du processus caractéristique des capacités dynamiques. Au regard des limites de la littérature, l’objet de cet article est d’étudier le rôle des routines organisationnelles dans la construction des capacités dynamiques en explorant la question suivante : comment les routines organisationnelles favorisent-elles la construction des capacités dynamiques ?
A travers notre démarche qualitative, nous étudions deux capacités dynamiques au sein d’un tour-opérateur français : il s’agit de la capacité dynamique liée à la diversification des activités et celle liée au développement du réseau commercial. La mobilisation du concept de routine permet d’apporter deux contributions à la littérature sur les capacités dynamiques. La première contribution est de montrer le rôle des routines en tant qu’antécédents de la construction des capacités dynamiques. La deuxième contribution est relative à la compréhension de la construction des capacités dynamiques à travers le mécanisme de routinisation.
Afin d’illustrer cette étude, la première partie de l’article est consacrée à une revue de littérature sur les capacités dynamiques. La méthodologie est présentée dans la deuxième partie. Les résultats font l’objet de la troisième partie et sont confrontés aux travaux de la littérature dans la partie discussion.
Cadre Théorique
Le concept de capacités dynamiques : définitions et caractéristiques
A l’origine, le concept de capacités dynamiques est défini comme « l’aptitude de la firme à intégrer, construire et reconfigurer des compétences internes et externes en réponse aux changements rapides de l’environnement » (Teece et al., 1997). Par la suite, le concept connait une évolution étant donné que certains auteurs le définissent comme des routines (Eisenhardt et Martin, 2000; Zollo et Winter, 2002; Winter, 2003). Par exemple, pour Eisenhardt et Martin (2000), il s’agit de « routines organisationnelles et stratégiques à travers lesquelles les firmes atteignent de nouvelles configurations de ressources » (p.1107). Plus récemment, les auteurs associent les capacités dynamiques à une capacité ou compétence organisationnelle. Ainsi, les capacités dynamiques sont définies comme « la capacité d’une organisation à créer, étendre ou modifier de manière intentionnelle sa base de ressources » (Helfat, 2007, p. 4) ou encore comme « la compétence à construire de nouvelles compétences » (Danneels, 2008, p.519). Parmi toutes les définitions, nous choisissons celle de Teece (2007) qui définit les capacités dynamiques comme la capacité à (1) identifier une opportunité, (2) saisir l’opportunité, (3) modifier les ressources. Nous choisissons cette définition car elle est plus opérationnelle étant donné que contrairement aux autres définitions elle énonce les phases amont à la modification des ressources.
L’approche basée sur les capacités dynamiques souffre d’une limite essentielle relative à son niveau d’abstraction élevé qui rend difficile la compréhension et l’opérationnalisation du concept (Easterby-Smith et al., 2009; Barreto, 2010). Néanmoins, on peut identifier, à travers les travaux de la littérature, cinq conditions qui permettent de caractériser une capacité dynamique. Ainsi, une capacité dynamique se caractérise par un processus (1) récurrent (Eisenhardt et Martin, 2000; Teece, 2007) et (2) stable (Zollo et Winter, 2002). Les différentes mises en oeuvre du processus doivent avoir un (3) lien entre elles (Pablo et al., 2007), doivent induire (4) la modification de la base de ressources (Teece et al., 1997; Eisenhardt et Martin, 2000) et (5) une augmentation de la performance organisationnelle (Teece et al., 1997; Eisenhardt et Martin, 2000; Teece, 2007).
La construction des capacites dynamiques
La formation d’une capacité dynamique débute par la capacité à identifier ou créer une opportunité (Teece, 2007). Dès lors qu’une opportunité est identifiée, il convient de la saisir (Teece, 2007) c’est-à-dire formuler une réponse afin de gérer toutes les activités qui vont permettre d’exploiter l’opportunité pour délivrer de la valeur aux clients (Teece, 2007). La modification de la base de ressources débute par la structuration des ressources c’est-à-dire l’acquisition, l’accumulation (développement en interne) ou la suppression des ressources (Sirmon et al., 2007). On note ensuite le management des connaissances (Teece, 2007) qui se caractérise par l’acquisition, l’intégration et la codification des connaissances (Zollo et Winter, 2002). Par la suite, intervient la phase de création de compétence qui résulte de l’intégration des ressources (Sirmon et al., 2007). La création de compétence peut se faire à travers l’amélioration ou l’enrichissement des compétences existantes ou la constitution de nouvelles compétences (Sirmon et al., 2007). La mise en oeuvre de la compétence créée est suivie du contrôle de la performance qui induit un apprentissage organisationnel (Ben-Oz et Greve, 2012).
Pour qu’il y ait construction, il faut que le processus soit récurrent c’est-à-dire qu’il se répète au moins deux fois (Altintas, 2015). Lors de la récurrence de la capacité dynamique, la compétence créée peut évoluer (Helfat et Peteraf, 2003). En effet, la compétence peut être répliquée sur un autre marché géographique ou alors être redéployée sur un marché / produit différent. La compétence peut également être renouvelée (ou améliorée) à travers des modifications majeures ou mineures. On peut également observer la recombinaison de la compétence avec une autre compétence.
Comme indiqué en introduction, les travaux qui ont étudié la construction des capacités dynamiques ont mis en avant le rôle des caractéristiques managériales (Adner et Helfat, 2003; King et Tucci, 2002; Helfat et Martin, 2015) et le rôle des mécanismes de l’apprentissage (Zollo et Winter, 2002; Zollo et Singh, 2004; Kale et Singh, 2007; Singh et al., 2007). Ces travaux n’ont pas étudié le rôle des routines dans la construction des capacités dynamiques. Or, si le processus se répète c’est qu’il y a des routines au sein de l’entreprise qui induisent sa récurrence. D’ailleurs, le lien entre capacités dynamiques et routines est souligné dans de nombreux travaux.
Liens entre capacites dynamiques et routines
Les auteurs en management stratégique définissent les capacités ordinaires comme une combinaison de routines (Amit et Schoemaker, 1993; Collis, 1994; Prahalad et Hamel, 1990; Felin et al., 2012). De manière plus précise, les auteurs les associent à des routines opérationnelles (Peng et al., 2008) liées aux activités quotidiennes de l’organisation (Parmigiani et Howard-Grenville, 2011). De manière analogue à la littérature sur les capacités ordinaires, l’approche basée sur les capacités dynamiques a également mobilisé le concept de routine. En effet, comme indiqué en introduction, les concepts de capacités dynamiques et routines sont étroitement liés. D’une part, les capacités dynamiques sont définies comme des routines (Eisenhardt et Martin, 2000; Zollo et Winter, 2002) de haut niveau (Winter, 2003). Il s’agit de routines de recherche (Peng et al., 2008) caractérisant la mémoire organisationnelle. D’autre part, les capacités dynamiques ont l’aptitude à créer ou modifier les routines (Zollo et Winter, 2002; Zahra et al., 2006). Dans cette optique, Wilhelm et al. (2015) montrent que les capacités dynamiques permettent d’améliorer l’efficacité des routines organisationnelles. Les capacités dynamiques vont donc être à l’origine de best practices c’est-à-dire des moyens efficaces de mettre en oeuvre les activités organisationnelles (Eisenhardt et Martin, 2000).
En somme, s’il existe des travaux sur l’effet des capacités dynamiques sur les routines organisationnelles, les travaux sur le rôle des routines dans la construction des capacités dynamiques sont plus rares alors que cela permettrait de saisir la récurrence des capacités dynamiques. Au regard de cette limite, cet article vise à étudier comment les routines organisationnelles favorisent-elles la construction des capacités dynamiques ? L’objectif de l’article est double : (1) étudier le rôle des routines dans la construction des capacités dynamiques, (2) étudier le processus de construction des capacités dynamiques dans une approche dynamique.
Méthodologie
L’entreprise étudiée : Voyageurs du Monde
Voyageurs du Monde est un tour-opérateur français qui a été créé en 1979 et racheté en 1996 par les dirigeants actuels, un groupe de cinq amis. Il s’agit d’un tour-opérateur spécialisé dans la conception et la commercialisation de voyages sur-mesure haut de gamme sur une centaine de destinations. Au début, implanté à Paris (siège social et agence de voyages regroupés dans le même bâtiment), Voyageurs du Monde s’est lancé dans les années 2000 dans une politique de développement de son réseau commercial. Aujourd’hui, l’entreprise compte une quinzaine d’agences de voyages dans les grandes villes françaises ainsi qu’à Bruxelles. Dans le même temps, Voyageurs du Monde a cherché à diversifier ses activités à travers l’ouverture d’hébergements de charme. Ainsi, un Riad a été ouvert à Marrakech, un bateau de croisière a été lancé sur le Nil et une Pousada a été ouverte à Salvador de Bahia. Dans le but de financer ces projets, l’entreprise a été cotée en bourse en 2006. Toutefois, les dirigeants détiennent la majorité du capital (58.5 %) dans l’objectif d’avoir une latitude dans les prises de décision. Selon la revue L’Echo Touristique, le groupe Voyageurs fait partie des quinze premiers tour-opérateurs français avec un chiffre d’affaires de 335 millions d’euros réalisé en 2013.
Phase exploratoire : opérationnalisation et identification des capacités dynamiques
La phase exploratoire avait pour objectif d’identifier les capacités dynamiques de l’entreprise. Pour ce faire, nous avons identifié les changements effectués par l’entreprise et ayant induit des modifications dans la base de ressources (Winter, 2003; Helfat et Winter, 2011). Pour l’identification des changements, nous avons utilisé des sources secondaires composés de documents internes (rapports annuels, brochures) et des documents externes (magazines spécialisés dans le tourisme tels que L’Echo Touristique, ESPACES tourisme & loisirs). Ceci nous a permis d’identifier deux catégories de changements qui se sont produits au niveau de notre cas d’étude : le développement de nouvelles activités avec l’ouverture de plusieurs hébergements (ouverture d’un Riad à Marrakech, d’un bateau de croisière sur le Nil et d’une Pousada à Bahia) et le développement du réseau commercial avec l’ouverture de plusieurs agences de voyages (14 dans les grandes villes françaises et une à Bruxelles). Nous avons choisi de nous focaliser sur ces changements. Nous avons étudié tous les changements de la catégorie lorsqu’ils étaient peu nombreux. C’est le cas des changements relatifs au développement de nouvelles activités. En revanche, pour le développement du réseau commercial, nous n’avons étudié que l’ouverture de trois agences au regard du nombre conséquent d’occurrences. Les agences étudiées sont celles de Lyon, de Lille et de Strasbourg. Lyon et Strasbourg ont été choisies parce qu’elles représentent respectivement la première et la dernière agence ouverte. Lille a été choisie parce qu’au moment de l’ouverture de cette agence, l’entreprise a informatisé ses techniques de commercialisation.
Par la suite, nos sources primaires ont consisté en des entretiens narratifs dans l’objectif de recueillir des précisions sur les changements retenus. Nous avons choisi des acteurs directement impliqués dans les changements étudiés (directeur général, directeur d’activité, directeur de destination, chef de produit, directrice des ressources humaines, conseiller voyages).
L’objectif de la collecte de données était de décrire les événements relatifs à chaque changement et à les configurer dans un ordre chronologique afin de reconstituer une histoire (Creswell, 2007). Pour ce faire, nous avons mené les entretiens selon la méthode narrative afin de garantir la richesse des données collectées (Pentland, 1999) et afin d’atteindre une grande précision du phénomène étudié à travers un recueil de données sur des facteurs contextuels (Langley, 1999) en retraçant des processus organisationnels (Pentland, 1999). De manière plus précise, nous avons demandé aux acteurs interviewés de nous expliquer comment les changements ont été mis en oeuvre. Nous avons mené au total vingt deux entretiens exploratoires entre janvier et décembre 2009 qui représentent vingt deux heures d’entretien. La durée des entretiens varie entre 30 minutes et 1h30. Tous les entretiens ont été enregistrés et retranscrits en intégralité.
Nous avons analysé les données collectées lors de la phase exploratoire par la méthode narrative (Langley, 1999; Boje, 2001; Creswell, 2007). Dans un premier temps, nous avons procédé à un codage descriptif (Miles et Huberman, 1994) afin de retracer le processus de chaque changement. Le processus de chaque changement a été retracé avec des codes reprenant les termes des répondants. Par la suite, nous avons fait une analyse de second ordre pour obtenir des thèmes théoriques (Miles et Huberman, 1994). Pour ce faire, nous avons regroupé en meta codes (Miles et Huberman, 1994) les codes descriptifs qui caractérisent chaque phase de chaque changement en mobilisant les concepts issus de notre cadre conceptuel qui sont : identification d’une opportunité, saisie de l’opportunité, structuration des ressources, management des connaissances, création des compétences, mise en oeuvre des compétences et contrôle de la performance (voir annexe 1).
Ce travail de codage a été réalisé pour chaque changement. Nous avons donc obtenu trois processus dans chaque catégorie de changement. Nous avons ensuite comparé le processus de chaque changement à l’intérieur de chaque catégorie de changements ainsi que les résultats en termes de modifications de ressources et compétences. Lorsque le processus répondait aux cinq conditions que nous avons énoncées dans la littérature qui permettent de caractériser une capacité dynamique, nous avons conclu qu’il s’agissait d’une capacité dynamique (voir tableau 1). Ceci nous a conduit à conclure que les processus de développement de nouvelles activités et de développement du réseau commercial sont des capacités dynamiques. Le processus du premier changement caractérise la formation et le processus du deuxième changement caractérise le déploiement des capacités dynamiques. Ces processus sont illustrés par des verbatim dans la partie « Résultats ».
Phase d’enquête et de contrôle : étude de la formation et du déploiement des capacités dynamiques
Après avoir retracé le processus de formation et de déploiement des deux capacités dynamiques, nous avons poursuivi la collecte des données à l’aide d’entretiens semi-directifs narratifs. L’objectif était de collecter des données plus fines et plus précises sur les phases des processus afin de mieux comprendre comment les activités à l’origine de la formation et du déploiement des capacités dynamiques ont été mises en oeuvre et si elles ont été mises en oeuvre de la même manière lors de la formation et du déploiement des capacités dynamiques. Le but était de comprendre si ces activités se routinisent entre la formation et le déploiement des capacités dynamiques.
Les entretiens ont été menés à l’aide d’un guide d’entretien que nous avons élaboré à partir des données collectées lors de la phase exploratoire. Le guide d’entretien comprenait, pour chaque capacité dynamique, les différentes phases qui caractérisent le processus de formation et de déploiement. La phase exploratoire nous a, au préalable, permis d’identifier les activités qui interviennent dans chaque phase. Lors de la phase d’enquête et de contrôle, nous avons cherché à identifier comment ces activités ont été mises en oeuvre c’est-à-dire par quels moyens et par quels acteurs.
En ce qui concerne le choix des répondants, nous avons interviewé les personnes qui ont été directement impliquées dans les capacités dynamiques. Par exemple, pour la capacité dynamique liée à la diversification des activités, nous avons interrogé le président, le directeur général, le directeur général délégué qui est aussi le directeur d’activité du département Europe/Monde Arabe, le directeur des hébergements et des chefs de produits. Nous avons veillé à interroger au moins trois personnes différentes par capacité dynamique afin de trianguler les données et de recouper les informations émanant des entretiens. Au total, pour cette phase nous avons mené dix neuf entretiens qui représentent vingt et une heures d’entretiens qui ont été tous enregistrés et retranscrits en intégralité. Les entretiens ont été menés entre décembre 2009 et juin 2011.
Pour analyser les données collectées lors de cette phase, nous avons cherché à lier chaque phase du processus de formation et de déploiement des capacités dynamiques à une cause ou une explication afin d’identifier des thèmes théoriques (Miles et Huberman, 1994) (voir annexe 2). L’objectif était de comprendre comment les activités intervenant dans chaque phase du processus de formation et de déploiement des capacités dynamiques ont été mises en oeuvre. Ainsi, nous avons cherché à associer à chaque activité une manière de faire pour la formation et le déploiement des capacités dynamiques (voir annexe 2). Par la suite, nous avons comparé les manières de faire intervenant dans chaque capacité dynamique. Ceci nous a permis d’identifier des best practices transversales aux deux capacités dynamiques (voir annexe 3).
Résultats : Construction Des Capacités Dynamiques
La capacité dynamique liee a la diversification des activites
La capacité dynamique liée à la diversification des activités a été formée et déployée dans le cadre de la diversification des activités dans l’hôtellerie et dans la croisière. L’entreprise a créé trois hébergements : un Riad à Marrakech, un bateau de croisière sur le Nil et une Pousada à Bahia. La création de ces trois hébergements met en évidence trois processus de mise en oeuvre (ou occurrences) de la capacité dynamique. Nous retraçons le processus de création du Riad et du bateau de croisière car ces deux premières créations suffisent pour illustrer le rôle des routines dans la construction de la capacité dynamique.
Formation de la capacité dynamique : ouverture d’un Riad
Conformément à la littérature, la formation de la capacité dynamique fait intervenir trois phases à savoir l’identification d’une opportunité, la saisie de l’opportunité et la modification des ressources (structuration des ressources, management des connaissances, création de compétences, mise en oeuvre des compétences, contrôle de la performance) (voir tableau 2).
Au-delà des travaux de la littérature, nos analyses permettent de comprendre que la formation de la capacité dynamique résulte de routines liées à des activités de reporting et des remontées d’information. Nos analyses font également ressortir que la formation de la capacité dynamique induit des activités ad hoc (voir tableau 2) mises en oeuvre de manière spécifique à l’entreprise : il s’agit de best practices. Ces best practices sont la différenciation, la construction des ressources en interne, la proximité des dirigeants avec le terrain, le recrutement relationnel et la localisation dans des zones spécifiques.
Identification de l’opportunité
L’identification de l’opportunité émane de la détection d’un signal relatif à une faiblesse commerciale sur la destination Maroc. La détection du signal résulte de deux activités répétitives : il s’agit de l’activité de reporting et d’une remontée d’information. C’est lors d’une activité de reporting que l’entreprise détecte une faiblesse commerciale sur la destination Maroc : « Et bien on a regardé sur le Maroc toutes les analyses possibles sur la demande qu’on a eue, sur comment évolue le chiffre d’affaires. Et c’est là qu’on a vu que nos activités sur le Maroc étaient faibles » (Directeur Général, décembre 2009). Parallèlement à l’activité de reporting, l’entreprise détecte également une demande de la clientèle pour des Riads : « Les Riads ont commencé à être connus parce qu’il y a eu des reportages dans Marie Claire, Maison, des choses comme ça, voilà ça commençait à être dans l’air du temps et nos clients nous disaient ‘Moi je veux dormir dans quelque chose comme ça’ » (Directeur des hébergements, juin 2010). Lorsque les conseillers voyages détectent une information émanant de la clientèle, ils la font remonter à la direction. Ces informations sont prises en compte par les dirigeants et sont abordées lors des réunions hebdomadaires : « Alors c’est souvent les conseillers Voyageurs qui détectent une information, qui ensuite vont faire remonter l’information à leur directeur. Tous les mardis matin on a une réunion où justement on discute de ces questions, de ces remontées, de ces idées, de ces difficultés » (Directrice des ressources humaines, juin 2010). Le signal détecté à travers l’activité de reporting et les remontées d’informations amène les dirigeants à identifier une opportunité qui consiste à diversifier les activités avec l’ouverture d’un hébergement de charme à Marrakech : « Maintenant ça a l’air un peu incongru de dire qu’on a un Riad à Marrakech ! Mais à l’époque ça n’était pas le cas. Vous imaginez comme on est bon sur la destination si on est capable de faire ça ! Ça apporte un crédit énorme et une originalité » (Directeur Général, janvier 2010).
Saisie de l’opportunité
L’identification de l’opportunité d’ouvrir un Riad à Marrakech conduit les dirigeants à faire une étude de rentabilité afin de mesurer la faisabilité du projet. L’activité de l’entreprise sur le Maroc est suffisante pour remplir l’hébergement : « On a tout un tas d’études préalables qui sont faites. Pour le Riad, ça a été assez simple et rapidement évident qu’on avait la capacité de le remplir » (Directeur Général, janvier 2010). L’hébergement doit avoir des caractéristiques distinctives afin de se différencier de la concurrence : « Le support doit nous apporter un élément fort de communication parce que c’est un truc historique parce que c’est un truc rare parce que c’est un endroit qui a une certaine magie ». (Directeur Général, décembre 2009). Les dirigeants prennent la décision de se différencier des offres existantes en fournissant un service de qualité dans un Riad de plus grande taille : « Donc on a eu l’idée de faire quelque chose avec le service que nos clients attendent. Et puis qu’il soit relativement grand avec une douzaine de chambres » (Directeur Général, janvier 2010).
Structuration des ressources
Le partenaire local de l’entreprise qui a une excellente connaissance du marché recherche et sélectionne des bâtiments correspondant aux critères définis par les dirigeants : « C’est lui (le réceptif[1] marocain) qu’on a missionné pour nous trouver la première liste d’une cinquantaine ou une soixantaine de Riads à visiter et puis à estimer » (Directeur des hébergements, juin 2010). Le directeur général se déplace sur la destination afin de visiter les bâtiments et afin d’en sélectionner un qui correspond aux critères de l’entreprise : « C’est essentiellement A-C (le directeur général) et puis de temps en temps, si j’étais sur place, il nous arrivait tous les deux de visiter les biens » (Directeur des hébergements, juin 2010). Un bâtiment se situant dans un quartier historique dans la Medina de Marrakech est retenu. Cette zone est choisie par les dirigeants parce qu’elle permet de se différencier en termes d’emplacement : « Dans la Medina, on ne trouve pas de Riad neufs. Je crois qu’il est du 18e, il a une vraie histoire et il est près d’une école Coranique, vraiment ancienne à Marrakech dans un quartier où il y a toujours eu beaucoup de pèlerinages » (Directeur des hébergements, février 2010). L’entreprise entreprend en interne des travaux de rénovation et de restauration : « Après le rachat du bâtiment, il a fallu faire des travaux. Le Riad on l’a presque reconstruit de A à Z » (Directeur des hébergements, juin, 2010). Une directrice d’hôtel faisant partie du réseau de l’entreprise est recrutée : « Notre réceptif qui visitait pas mal d’hôtels était très ami avec une directrice d’hôtel. C’est elle qu’on a recruté » (Directeur Général, janvier 2010).
Management des connaissances et création de la compétence relative à la commercialisation du Riad
Parallèlement, l’entreprise constitue une équipe de vente spécialiste du Maroc et forme les conseillers voyages afin qu’ils acquièrent la compétence relative à la commercialisation de la nouvelle prestation hôtelière : « Il a fallu se constituer une équipe. On a fait beaucoup de voyages de reconnaissance[2], on a envoyé peut-être 20 ou 25 personnes par petits groupes de 6, visiter notre Riad, visiter Marrakech, d’autres Riads, pour avoir une force de vente conséquente » (Directeur Général, janvier 2010).
Mise en oeuvre de la compétence
La nouvelle compétence créée est associée à la compétence de conception de voyages sur-mesure afin de commercialiser des voyages sur-mesure incluant le Riad : « On a monté un peu tous les produits classiques en incluant notre hébergement. C’est vrai que quand on allait sur notre site, quand on arrivait sur le Maroc, 99 % de nos produits incluaient la Villa Nomade (nom du Riad) » (Directeur des hébergements, juin 2010).
Contrôle de la performance
Le contrôle de performance réalisé suite à l’ouverture du Riad et à la commercialisation des voyages incluant le Riad révèle des résultats positifs et souligne le développement de la destination Maroc : « Ça a dynamisé les ventes de manière très très forte. Donc on a eu une croissance très très régulière, au minimum de 15 jusqu’à 30 % par an » (Directeur Général, septembre 2010).
Déploiement de la capacité dynamique : lancement d’un bateau de croisière
Le déploiement de la capacité dynamique fait intervenir les mêmes phases que le processus de formation. Nos analyses montrent que le déploiement de la capacité dynamique résulte de routines organisationnelles (notamment les activités de reporting) qui permettent d’identifier une nouvelle opportunité. Les activités ad hoc développées lors de la formation de la capacité dynamique interviennent lors du processus de déploiement : ceci caractérise la routinisation des activités ad hoc. Ces activités sont mises en oeuvre de la même manière que lors du processus de formation : ce qui illustre l’institutionnalisation des best practices. Le processus de déploiement met néanmoins en évidence que la manière de mettre en oeuvre certaines activités peut évoluer si celle-ci ne donne pas satisfaction. On remarque en effet que lors du déploiement de la capacité dynamique ce sont les dirigeants qui se déplacent dans la destination afin de trouver un bateau de croisière répondant à leurs critères étant donné que les bateaux trouvés par le partenaire local ne les satisfont pas.
Identification de l’opportunité
Lors d’une activité de reporting réalisée après l’ouverture de hébergement à Marrakech, il a été détecté une faiblesse commerciale sur l’Egypte : « Quand on sait combien de français vont en Egypte, c’était anormal qu’on ait aussi peu de clients. On savait qu’on était en dessous de nos capacités » (Directeur des hébergements, juin 2010). Les dirigeants décident de répliquer la solution qui a été appliquée pour pallier la faiblesse commerciale sur le Maroc. Toutefois, l’Egypte étant commercialisée à travers des croisières, les dirigeants identifient l’opportunité de se différencier à travers les caractéristiques du bateau pour proposer des croisières : « Donc, on s’est dit, on part faire une croisière a priori en bateau et pour avoir un bateau tant qu’à faire autant que ce soit un bateau un peu hors du commun, pour qu’on puisse exister vis-à-vis de l’extérieur » (Directeur Général, décembre 2009). La décision de lancer un bateau de croisière est favorisée par les résultats positifs induits par l’ouverture du Riad à Marrakech : « Si ça n’avait pas marché sur le Maroc, on se serait dit bon ce n’est pas le bon moyen de procéder donc on arrête. Comme ça a marché, donc on s’est dit, on va faire la même chose sur l’Egypte » (Directeur Général, janvier 2010).
Saisie de l’opportunité
L’étude de rentabilité révèle que les ventes sur l’Egypte sont faibles pour rentabiliser le lancement d’un bateau de croisière. Malgré cela, les dirigeants maintiennent leur décision de lancer un bateau de croisière sur le Nil : « On a calculé nos ventes sur l’Egypte, et au vu des clients qu’on avait c’était beaucoup plus risqué. Il a fallu ne pas en tenir compte » (Directeur des hébergements, juin 2010). Les dirigeants souhaitent là aussi se différencier à travers la création d’un marché de luxe pour des croisières sur le Nil : « Quand nos concurrents vendaient des semaines, avion compris, à 500 euros, nous, on vendait juste la croisière à 1500 euros. Et, avec l’avion et l’hôtel on doit tourner autour de 2500 ou 3000 euros. Donc on a créé en quelque sorte un marché de luxe sur les croisières en Egypte, avec un atout qui était un bateau unique et absolument pas imitable » (Président, mai 2011).
Structuration des ressources
C’est le partenaire local qui est chargé de rechercher un bateau. Toutefois, les bateaux sélectionnés par le partenaire local ne correspondent pas aux critères définis par les dirigeants : « On avait un réceptif qui nous a trouvé quelques bateaux. On en a visité une soixantaine, tous plus horribles les uns que les autres, il n’y avait vraiment rien à en tirer » (Directeur des hébergements, juin 2010). Les dirigeants n’étant pas satisfaits, ils décident d’aller sur place afin de rechercher eux-mêmes un bateau. Ils parviennent à trouver un bateau historique qui peut leur permettre de se différencier de la concurrence : « On est donc partis avec mon associé, on a visité 150 bateaux, et en désespoir de cause à 3 heures du matin sur un quai désaffecté du Caire on est tombé sur le Sudan (le nom du bateau). C’était une merveille, avec une machine à vapeur d’origine, c’était le dernier bateau historique à vapeur » (Directeur Général, janvier 2010). Le bateau est rénové et restauré par l’entreprise qui reçoit l’aide du père du président qui est un ingénieur à la retraite : « Il a fallu vraiment le rénover de fond en comble. Pour ça, on a eu de la chance car le père de J-F.R (le président) qui est un ingénieur à la retraite, complètement fasciné de mécanique et très compétent, c’est lui qui l’a pris en main, il s’est passionné pour ce bateau » (Directeur des hébergements, juin 2010).
Management des connaissances et création de la compétence relative à la commercialisation des croisières sur le Nil
La force de vente est formée à la commercialisation de la nouvelle prestation. L’entreprise se constitue ainsi d’une équipe de vente spécialisée dans la commercialisation de croisières sur le Nil : « Tout le monde y est allé faire des formations. On a aujourd’hui 35 spécialistes de l’Egypte » (Directeur des hébergements, juin 2010).
Mise en oeuvre de la compétence
La compétence de commercialisation de croisières est associée à la compétence de conception de produits afin de proposer des produits incluant des croisières sur le Nil : « On présente ce bateau et tout tourne autour du bateau » (Directeur du département Monde Arabe, décembre 2010).
Contrôle de la performance
La commercialisation des croisières sur le Nil permet d’atteindre l’objectif fixé avec une hausse des ventes sur l’Egypte : « On était à peu près à 1 million d’euro sur l’Egypte, en 99, donc avant d’avoir le bateau. Maintenant on est à 7 millions 700 milles. Donc c’est devenu le deuxième pays de Voyageurs du Monde » (Directeur des hébergements, juin 2010).
La capacité dynamique liee au developpement du reseau commercial
La capacité dynamique liée au développement du réseau commercial a été formée et déployée dans le cadre de l’ouverture d’agences de voyages en province. Nous présentons l’ouverture de la première agence à Lyon et l’ouverture de l’agence de Lille. Ces deux ouvertures suffisent pour illustrer le rôle des routines dans la construction de la capacité dynamique.
Formation de la capacité dynamique : Ouverture d’une agence de voyages à Lyon
La formation de la capacité dynamique liée au développement du réseau commercial fait intervenir les trois phases de notre cadre conceptuel à savoir l’identification d’une opportunité, la saisie de l’opportunité et la modification des ressources (structuration des ressources, management des connaissances, création de compétences, mise en oeuvre des compétences, contrôle de la performance) (voir tableau 3).
Comme pour la capacité dynamique précédente, nos analyses montrent que la formation de la capacité dynamique liée au développement du réseau commercial résulte de routines organisationnelles (analyse du fichier client) permettant d’identifier une opportunité (voir tableau 3). La formation de cette capacité dynamique induit des activités ad hoc qui sont mises en oeuvre en répliquant les best practices développées et enregistrées dans la mémoire organisationnelle lors de la construction de la capacité dynamique liée à la diversification des activités.
Identification de l’opportunité
L’analyse du fichier client réalisée régulièrement permet de détecter une faiblesse commerciale liée au taux de transformation des prospects en clients qui est plus faible en province qu’à Paris : « A Paris pour un client on avait un prospect, par contre à Lyon pour un client dans le fichier j’avais sept prospects » (Directeur Général, décembre 2009). Les dirigeants identifient le développement d’un réseau commercial en province comme une opportunité de pénétration de marché : « Donc on s’est dit comment aller capter ces clients ? Bon et bien on va aller s’installer et on verra ce que ça donne » (Directeur Général, décembre 2009).
Saisie de l’opportunité
Une liste des villes d’implantation est élaborée en fonction de la représentativité des villes dans le fichier clients. La première ville sélectionnée est Lyon : « Donc on a commencé par une ville qui était la plus importante, qui est Lyon et qui était la ville où on avait le plus de clients déjà avant d’ouvrir » (Directeur du réseau commercial, mars 2010). Les dirigeants prennent la décision d’ouvrir des agences de petite taille comprenant quatre conseillers voyages : « A Lyon on a commencé avec une petite agence et avec une équipe de quatre personnes parce que de toute façon on n’avait pas l’argent pour recréer un truc aussi gros qu’ici (Paris) » (Directeur Général, décembre 2009). L’entreprise choisit de manière systématique de s’implanter dans des lieux spécifiques : « Et partout en région, ça a été un peu la logique, se mettre dans des lieux atypiques souvent classés aux monuments de France » (Directeur du réseau commercial, juin 2010).
Structuration des ressources
C’est le directeur général lui-même qui se charge de chercher un local commercial : « J’ai pris mon bâton, je suis allé sur place, j’ai fait la ville à pied, j’ai repéré les quartiers, j’ai cherché des locaux » (Directeur Général, décembre 2009). Un local commercial est loué et entièrement rénové par l’entreprise : « Ce sont des locaux qui sont nus, il n’y a rien, tout est refait totalement » (Directeur du réseau commercial, mars 2010). Une équipe commerciale est ensuite constituée avec les membres de l’agence de voyages de Paris. Ceci permet à l’entreprise d’avoir recours à des conseillers expérimentés afin de transposer plus rapidement leur savoir-faire dans l’agence de Lyon : « Donc, pour Lyon ce sont des conseillers Voyageurs de Paris qui sont allés travailler dans la nouvelle agence. Ceci nous a fait gagner du temps dans la transposition de la manière de faire de Voyageurs du Monde » (Directrice des ressources humaines, juin 2011).
Management des connaissances
La directrice de l’agence est également choisie en interne : « On a créé un poste de responsable d’agence. On y a envoyé l’une de nos directrices de destination qui était en lien avec le directeur général. C’était quelqu’un qui avait une expérience de management » (Directrice des ressources humaines, juin 2011).
Création et mise en oeuvre de la compétence relative à la commercialisation de voyages en province
L’ouverture de l’agence de voyages à Lyon nécessite de créer une nouvelle compétence dans la mesure où le nombre de conseillers de la nouvelle agence n’est pas suffisant pour commercialiser toutes les destinations : « A quatre vendeurs comment je fais pour promettre à mes clients que je leur mets en face d’eux un spécialiste qui connaît tous les pays ? A Paris c’est facile il y en a 150 en bas (…) Avec 4 vendeurs, on ne peut pas couvrir 80 pays » (Directeur Général, septembre 2010). Face à cette problématique, l’entreprise crée un système qui permet d’affecter le client à un spécialiste de la destination qui se trouve dans une autre agence. Cette mise en relation se fait par téléphone : « On s’est dit voilà c’est simple, le vendeur de Lyon va accueillir le client et il va lui dire ‘voila, moi je ne suis pas spécialiste du Vietnam par contre à Paris j’ai un vrai spécialiste du Vietnam et je vais vous mettre en relation avec lui et il va vous construire votre voyage’ » (Directeur Général, septembre 2010).
Contrôle de la performance
Le contrôle de la performance montre que l’entreprise a réussi à augmenter le chiffre d’affaires réalisé avec les clients originaires de la ville de Lyon : « Alors qu’on était dans un rapport de 1 à 8, on est passé de 1 à 4. On transforme mieux nos prospects en clients. Le chiffre d’affaires de Lyon, on faisait 300 000 €, aujourd’hui on est à 7 ou 8 millions d’euros » (Directeur Général, septembre 2010).
Déploiement de la capacité dynamique : Ouverture d’une agence à Lille
L’ouverture de l’agence de Lille débute par la structuration des ressources étant donné que l’opportunité initiale consistait à ouvrir plusieurs agences de voyages et que l’entreprise a élaboré une liste des villes d’implantation. La saisie de l’opportunité consistait à identifier les caractéristiques des agences de voyages : ce qui a été fait lors de l’ouverture de la première agence de voyages. Néanmoins, comme pour la capacité dynamique liée à la diversification des activités, les activités ad hoc relatives à la modification des ressources, développées lors de la formation de la capacité dynamique interviennent également lors du déploiement de la capacité dynamique. Ceci illustre donc la routinisation de ces activités ad hoc qui sont mises en oeuvre en répliquant les best practices précédemment développées.
Structuration des ressources
Les résultats positifs réalisés après l’ouverture de la première agence de voyages renforcent la volonté des dirigeants à poursuivre leur politique de développement du réseau commercial : « Je me suis dit de toute façon rien que pour cet accroissement là ça vaut le coup d’y aller » (Directeur Général, janvier 2010). Des agences de voyages ont donc été ouvertes à Toulouse puis à Marseille. Suite à l’ouverture de ces agences, l’entreprise mesure la performance réalisée afin de retracer l’évolution du chiffre d’affaires et du nombre de clients. Les courbes qui retracent l’évolution du chiffre d’affaires ont la même allure que celle qui a été élaborée suite à l’ouverture de l’agence de Lyon : « Pendant que je laissais Lyon et Toulouse se développer, j’ouvrais Marseille. Je vois en gros que mes courbes, je peux les plaquer les unes sur les autres » (Directeur Général, janvier 2010). Le contrôle de la performance permet au directeur général d’identifier deux critères qui permettent de dire si l’ouverture d’une agence de voyages est susceptible d’être rentable : « La courbe d’expérience qui s’est fabriquée nous permet de prévoir en fonction du nombre de clients qu’on a déjà dans une ville, et la taille de la ville ou de l’agglomération urbaine, sur la base du chiffre d’affaires, quand est-ce que je peux rentabiliser un point de vente » (Directeur Général, janvier 2010).
La ville de Lille remplissait ces deux critères c’est-à-dire le nombre de clients et la taille de la ville. L’entreprise décide donc d’ouvrir une agence de voyages dans cette ville. Cette décision amène le directeur général à chercher un local. Le local choisi est situé en centre ville et se caractérise par une architecture particulière : « Lorsqu’on a pris la décision de créer Lille, on a commencé par la recherche de locaux, c’est A- C (le directeur général) qui s’en est occupé. (…)A Lille, avant c’était une banque. (…) L’immeuble est magnifique, la visibilité est extraordinaire avec une grande vitrine » (Directrice des ressources humaines, juin 2011). L’entreprise constitue une équipe commerciale avec du personnel de l’agence de Paris : « On a fait un appel à une candidature interne pour savoir s’il y avait des gens qui étaient intéressés par Lille » (Directrice des ressources humaines, mars 2011).
Amélioration et mise en oeuvre de la compétence
Le système d’affectation des clients développé lors de l’ouverture de l’agence de Lyon est informatisé à travers le développement d’un logiciel développé en interne par le directeur informatique : « Au début, c’était comme ça (par téléphone), bon maintenant ça a un peu évolué. Maintenant : ‘Monsieur j’ai pris votre demande’, il rentre dans un système, ça envoie un mail à un système centralisé, informatisé qui cherche le vendeur le plus compétent sur le pays et le plus disponible. Ça lui affecte automatiquement la demande. Le client reçoit lui-même un mail disant ‘Ça y est mon spécialiste m’a été affecté’. Et ils enclenchent une relation à travers Internet » (Directeur Général, mai 2010).
Contrôle de la performance
L’ouverture de l’agence de Lille permet d’une part de fidéliser les clients qui étaient dans le fichier de l’entreprise et d’autre part d’attirer de nouveaux clients : « Ça a plusieurs effets, à la fois revitaliser le fichier clients existants. Et le deuxième effet, c’est l’effet Click and Mortar, c’est le fait qu’être présent physiquement dans une région nous permet aussi de drainer plus de demandes, de nouveaux clients sur notre site web provenant de la région » (Directeur du réseau commercial, juin 2010).
Discussion
Le rôle des routines dans la construction des capacités dynamiques
La première contribution de cette recherche est qu’elle permet de comprendre le rôle des routines dans la construction des capacités dynamiques. Notre recherche prolonge ainsi les travaux qui ont étudié les sources de la construction des capacités dynamiques (Adner et Helfat, 2003; King et Tucci, 2002; Helfat et Martin, 2015; Zollo et Singh, 2004; Kale et Singh, 2007; Singh et al., 2007) et les travaux qui ont étudié l’effet des capacités dynamiques sur les routines organisationnelles (Zollo et Winter, 2002; Zahra et al., 2006; Wilhelm et al., 2015). Nos résultats montrent le rôle de deux types de routines dans la construction des capacités dynamiques. Il s’agit des routines existantes c’est-à-dire celles qui existaient dans l’entreprise avant la construction des capacités dynamiques et des nouvelles routines c’est-à-dire celles qui se sont formées lors de la construction des capacités dynamiques.
Le rôle des routines existantes dans la construction des capacités dynamiques
Nos résultats mettent en évidence trois routines : l’activité de reporting, l’analyse du fichier client et les remontées d’information par les opérationnels. Ces routines permettent de détecter des signaux qui indiquent des faiblesses commerciales et la demande de la clientèle. L’analyse stratégique de ces signaux par les dirigeants induit l’identification d’une opportunité qui est la première étape de la mise en oeuvre des capacités dynamiques (Teece, 2007). La volonté de saisir l’opportunité induit un processus d’expérimentation qui marque la formation d’une capacité dynamique. Le caractère répétitif (Dosi et al., 2000) de l’activité de reporting, de l’analyse du fichier client et des remontées d’information, induit la détection de nouveaux signaux (faiblesses commerciales et demande de la clientèle). L’analyse stratégique de ces signaux par les dirigeants permet d’identifier une nouvelle opportunité. L’exploitation de cette opportunité conduit à la mise en oeuvre du processus qui a été expérimenté lors de la formation de la capacité dynamique. La répétition du processus illustre la construction de la capacité dynamique. Par conséquent, nous pouvons formuler la proposition suivante :
Proposition 1a : Le développement de routines permettant de détecter des signaux et d’identifier des opportunités favorisent la construction des capacités dynamiques.
Nos résultats soulignent le fait que des routines de nature différente sont à l’origine de la construction de capacités dynamiques de nature différente. En effet, notre étude montre que la construction des deux capacités dynamiques résulte de routines permettant de faire des analyses de nature différente. Ainsi, la construction de la première capacité dynamique (liée à la diversification des activités) résulte d’une routine qui permet de faire des analyses sur le chiffre d’affaires réalisé sur chaque destination. La construction de la deuxième capacité dynamique (liée au développement du réseau commercial) résulte d’une routine qui permet de mesurer le taux de transformation des prospects en clients dans les différentes villes de France. Les analyses permettent de détecter des signaux relatifs à des faiblesses commerciales qui sont de nature différente : les faiblesses commerciales sont d’une part relatives à la faiblesse des ventes sur certaines destinations et d’autre part à la faiblesse du taux de transformation des prospects en clients dans certaines villes de France. L’analyse stratégique de ces faiblesses induit des opportunités de nature différente. S’agissant d’opportunités de nature différente, la saisie de celles-ci nécessite de développer des capacités dynamiques de nature différente. Une première capacité dynamique est développée pour diversifier les activités. Une deuxième capacité dynamique est développée pour ouvrir des agences de voyages.
Proposition 1b : Plus une entreprise développe des routines permettant de réaliser différents types d’analyse plus elle a de chances de construire des capacités dynamiques de nature différente.
Le rôle des nouvelles routines dans la construction des capacités dynamiques
La formation d’une capacité dynamique induit de nouvelles activités : il s’agit d’activités ad hoc qui sont répliquées pour exploiter une nouvelle opportunité. Le caractère récurrent de ces activités souligne la routinisation de celles-ci (Dosi et al., 2000). Ainsi, conformément à la littérature, nos résultats montrent que le déploiement (deuxième occurrence) des capacités dynamiques favorise le développement de nouvelles routines (Zollo et Winter, 2002; Zahra et al., 2006). Toutefois, nos résultats permettent de prolonger les travaux de la littérature en indiquant que les routines qui se forment lors de la construction de la première capacité dynamique sont à l’origine du développement de best practices (Eisenhardt et Martin, 2000). Ceci s’explique par le fait que les activités ad hoc mises en oeuvre lors de la formation de la première capacité dynamique donnent satisfaction : ce qui souligne la pertinence des activités et le bien-fondé de la manière de mettre en oeuvre ces activités (best practices). La réussite de la formation de la capacité dynamique induit un apprentissage (Zollo et Winter, 2002) relatif à la manière d’exploiter une opportunité. Ainsi, lorsque l’entreprise souhaite saisir une opportunité de même nature, elle a recours aux activités qui ont été développées précédemment étant donné qu’elles ont donné satisfaction. Ces activités sont mises en oeuvre de la même manière : ce qui est à l’origine de la réplication des best practices. Par la suite, lorsque l’entreprise identifie une opportunité de nature différente (dans le cadre de la formation d’une autre capacité dynamique), elle mobilise les mêmes best practices enregistrées dans la mémoire organisationnelle. La mobilisation de ces best practices favorise la réussite de la construction de la nouvelle capacité dynamique.
Proposition 2 : La construction d’une capacité dynamique induit le développement de best practices qui s’institutionnalisent au sein de l’entreprise et garantissent la réussite de la construction d’une nouvelle capacité dynamique.
Processus de construction des capacités dynamiques à travers une perspective de routinisation
La deuxième contribution de l’article est que notre étude permet de caractériser le processus de construction des capacités dynamiques par une perspective de routinisation (voir figure 1). Ainsi, nos résultats montrent que les capacités dynamiques se forment suite à l’identification d’une opportunité (Teece, 2007) qui induit une étape d’expérimentation. L’expérimentation se caractérise par un processus de réponse (c’est-à-dire une réaction) face à une nouvelle situation. L’expérimentation induit les phases de notre cadre conceptuel (voir figure 1). La dernière phase relative au contrôle de la performance révèle des résultats positifs pour les deux capacités dynamiques. Ainsi, conformément à la littérature, nos analyses montrent que la réussite d’une expérimentation est un facteur qui favorise sa routinisation (Cyert et March, 1963; Levitt et March, 1988). La routinisation de l’expérimentation est favorisée par l’apprentissage expérimental (Levitt et March, 1988; Huber, 1991; Levinthal et March, 1993). En effet, lorsque l’entreprise souhaite saisir une opportunité de même nature à celle qui a été saisie lors de la formation de la capacité dynamique, elle a recours au processus qui a été expérimenté au préalable. Le processus expérimenté se routinise et caractérise la construction de la capacité dynamique.
Proposition 3a : La réussite d’une expérimentation conduit l’entreprise à remettre en oeuvre le processus expérimenté qui se routinise et caractérise la construction d’une capacité dynamique.
La formation des capacités dynamiques induit la création d’une compétence. Nos résultats montrent que lors du déploiement des capacités dynamiques, les compétences créées sont amenées à évoluer (Helfat et Peteraf, 2003). En effet, même si les changements opérés lors de la formation et du déploiement des capacités dynamiques sont de même nature, il existe néanmoins certaines différences en termes de caractéristiques du produit et marchés ciblés. Par exemple, pour la capacité dynamique liée à la diversification des activités, lorsque l’entreprise souhaite lancer un bateau de croisière, outre la gestion d’hôtel, elle doit également développer une compétence de navigation fluviale. La compétence initiale de gestion d’hôtel est donc recombinée (Helfat et Peteraf, 2003) à la compétence de navigation fluviale. Pour la capacité dynamique liée au développement du réseau commercial, la compétence de commercialisation de voyages en province est renouvelée (Helfat et Peteraf, 2003) c’est-à-dire améliorée via un processus informatisé. Cette compétence est également répliquée (Helfat et Peteraf, 2003) dans d’autres zones géographiques.
Proposition 3b : Les compétences créées lors de la formation des capacités dynamiques sont amenées à évoluer lorsque l’entreprise trouve une solution pour améliorer la compétence ou lorsque le produit offert et le marché ciblé sont différents lors des différentes occurrences.
Nos résultats montrent que le processus de construction des capacités dynamiques est différent en fonction de la nature émergente ou délibérée de l’opportunité. Ainsi, lors de la première occurrence de la capacité dynamique, si l’opportunité est de nature à être répliquée qu’une seule fois (par exemple on veut ouvrir un Riad à Marrakech), le processus se construit de manière émergente. En effet, le processus se répète au fur et à mesure que l’entreprise détecte un nouveau signal et identifie une nouvelle opportunité. Ainsi, le processus de construction de la capacité dynamique se caractérise par (1) l’identification d’une première opportunité (qu’on ne va répliquer qu’une seule fois), la saisie de cette opportunité et la modification des ressources, ainsi que par (2) l’identification d’une nouvelle opportunité, la saisie de cette nouvelle opportunité et la modification des ressources. Chaque occurrence du processus induit donc les trois phases énoncées par Teece (2007).
Proposition 3c : Lorsque la construction d’une capacité dynamique est émergente, le processus de formation et le processus de déploiement font intervenir trois phases c’est-à-dire l’identification d’une opportunité, la saisie de l’opportunité et la modification des ressources.
En revanche, lors de la première occurrence, si l’opportunité est de nature à être répliquée plusieurs fois (comme l’ouverture de plusieurs agences de voyages), le processus se construit de manière délibérée et planifiée. En effet, on sait lors de l’identification de l’opportunité que celle-ci sera répliquée plusieurs fois. Dans ce cas de figure, la formation de la capacité dynamique fait intervenir les trois phases (identification, saisie et modification) (Teece, 2007). Par contre, le déploiement de la capacité dynamique ne fait intervenir que la phase de modification des ressources dans la mesure où il s’agit de répliquer la même opportunité qui est saisie de la même manière.
Proposition 3d : Lorsque la construction d’une capacité dynamique résulte de la réplication délibérée et planifiée d’une même opportunité sur d’autres marchés, le processus de déploiement de cette capacité dynamique ne fait intervenir que la phase de modification des ressources.
Conclusion
L’objectif de notre recherche était de mobiliser le concept de routine afin de saisir la récurrence du processus de construction des capacités dynamiques. Notre recherche apporte deux contributions à la littérature sur les capacités dynamiques. Tout d’abord, notre recherche montre le rôle des routines dans la construction des capacités dynamiques. Notre recherche permet donc de prolonger les travaux qui se sont essentiellement focalisés sur les caractéristiques managériales (Adner et Helfat, 2003; Helfat et Martin, 2015) et les mécanismes de l’apprentissage (Zollo et Winter, 2002; Zollo et Singh, 2004; Singh et al., 2007) pour expliquer la construction des capacités dynamiques. Notre recherche complète également les travaux qui étudient le rôle des capacités dynamiques dans la création ou la modification des routines (Zollo et Winter, 2002; Zahra et al., 2006; Wilhelm et al., 2015) en montrant la relation inverse. Ensuite, notre recherche permet de caractériser les capacités dynamiques par un processus de routinisation. Elle prolonge ainsi les travaux qui ont étudié la construction des capacités dynamiques dans une approche linéaire et statique.
A ces contributions s’ajoutent certaines limites qui nous amènent à formuler des perspectives de recherche. Tout d’abord, l’étude d’un cas unique ne permet pas de généraliser les résultats. Il conviendrait alors de mener des études au sein d’autres entreprises dans le secteur du tourisme ou dans d’autres secteurs d’activité afin de tester les propositions formulées dans cet article. Ensuite, notre recherche ne permet pas de comprendre comment les routines existantes qui jouent un rôle important dans la construction des capacités dynamiques ont été développées. Néanmoins, notre recherche montre que le développement de ces routines requiert de recueillir, de stocker et de traiter des données sur les activités de l’entreprise. Par conséquent, dans la continuité de cette recherche, il serait intéressant d’étudier le rôle du système d’information dans le développement de ces routines.
Appendices
Annexes
Annexe 1. Illustration de l’analyse des données pour l’ouverture du Riad
Annexe 2. Codage des données pour la capacité dynamique liée à la diversification des activités
Annexe 3. Codage des données permettant d’identifier des best practices
Remerciements
Nous remercions très sincèrement les deux évaluateurs de la revue Management International pour leurs précieux commentaires qui nous ont grandement permis de faire évoluer le papier jusqu’à sa publication.
Note biographique
Gulsun Altintas est Maître de Conférences à l’IAE de Valenciennes et membre du laboratoire IDP (Institut du Développement et de la Prospective). Elle enseigne le management stratégique et la théorie des organisations. Ses travaux de recherche portent sur les capacités dynamiques et la résilience.
Notes
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Appendices
Biographical note
GulsunAltintas is Associate Professor at IAE of Valenciennes and member of the labarotory IDP (Institut du Développement et de la Prospective). She teaches strategic management and organizational theory. Her research topics are on dynamic capabilities and resilience.
Appendices
Nota biográfica
Gulsun Altintas es profesora titular de la IAE de Valenciennes (Francia) y miembro del laboratorio IDP (Institut du Développement et de la Prospective, Instituto de Desarrollo y Prospectiva). Es profesora de gestión estratégica y teoría de las organizaciones. Sus trabajos de investigación se centran en las capacidades dinámicas y la resiliencia.