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Depuis quelques années se développe une activité financière nouvelle : le trading automatisé s’appuyant sur la publication d’informations textuelles. Ainsi, Bowley (2010) note, dans le New-York Times, l’engouement des traders pour la lecture automatisée des informations. Par ailleurs, Thomson Reuters ou Dow Jones offrent un service de News Analytics[1] en proposant à leurs clients d’attribuer un « niveau de sentiment » aux firmes suite à une interprétation réalisée à l’aide de programmes informatiques de traitement du langage des nouvelles (news). Malgré le développement de ces technologies, la question de l’influence des médias sur les marchés financiers demeure toujours largement débattue et sans réponse tranchée. L’un des obstacles principaux à cette réponse réside dans la difficulté à transcrire les informations – de nature largement qualitative - en variables mesurables.

Dans cet article, nous proposons une tentative en ce sens en menant une étude empirique fondée sur l’analyse de contenus d’articles issus du Financial Times. Ce travail vient compléter les travaux de Tetlock (2007) et de Garcia (2013) qui identifient la capacité du contenu des journaux américains à aboutir à une mesure de sentiment des investisseurs et qui étudient l’influence de cette mesure sur le marché financier national. Cette recherche enrichit en outre le débat scientifique en transposant ce type d’analyse à l’Europe. Ce changement de zone géographique permet d’évaluer la robustesse tant de la mesure du sentiment des investisseurs fondée sur l’analyse du contenu des médias que de son lien avec les rentabilités des marchés des actions. En outre, l’hétérogénéité et la diversité des pays européens semblent particulièrement propices à une extension de l’analyse en permettant d’introduire un questionnement sur l’influence de la culture nationale. En effet, si l’on se réfère aux mesures proposées par Hofstede (2001), l’Europe connaît une large diversité culturelle. Or, selon Kastanakis et Voyer (2014), la culture possède une influence certaine sur la cognition. L’on peut donc penser que la manière dont les agents économiques effectuent leurs choix sur les marchés financiers est influencée par leur culture d’appartenance : la culture nationale viendrait ainsi interférer dans la relation entre sentiment médiatique et rentabilités des actions.

Notre construit du sentiment, proposé dans cet article, possède une influence notable sur les rentabilités du marché des actions en Europe, notamment, pour les titres des petites capitalisations, ce qui corrobore les résultats pionniers de Baker et Wurgler (2006, 2007). Bien qu’on ne puisse - comme le souligne Garcia (2013) - complètement sous-estimer le rôle informationnel de journaux tel que le Financial Times, nos résultats attestent de la capacité du contenu des médias à représenter le sentiment des investisseurs. En effet, nous observons que l’impact des nouvelles sur les cours s’inverse quelque temps après leur publication, ce qui confirme l’existence d’un effet de correction des cours fréquemment identifié dans les travaux de finance comportementale. Par ailleurs, comme pressenti, la culture nationale influence bel et bien le lien entre sentiment médiatique et rentabilités. Ainsi, l’impact du sentiment sur les rentabilités est plus prononcé dans les pays avec une culture à l’origine de biais comportementaux couramment identifiés en finance.

L’article est structuré de la manière suivante. Dans une première section, nous passons en revue la littérature portant sur la relation entre le sentiment des investisseurs, les médias et les performances boursières des entreprises. Dans une deuxième section, nous développons et présentons nos hypothèses de recherche relatives, d’une part, au lien entre sentiment mesuré à partir du contenu des médias et rentabilités des marchés des actions, d’autre part, à l’influence de la culture nationale sur cette relation. Dans une troisième section, nous présentons successivement les modalités de construction de l’indicateur de sentiment à partir des contenus d’articles de journaux, l’ensemble des données mobilisées et les statistiques descriptives afférentes. Nous exposons aussi la méthodologie empirique utilisée pour tester les hypothèses proposées. Dans une quatrième section, nous précisons et discutons les résultats obtenus. La dernière section est consacrée à la conclusion.

Effet du sentiment médiatique sur les marchés des actions

Dans cette section, dans un premier temps, nous passons en revue la littérature relative à l’influence présumée du contenu des médias sur le prix des actions. Dans un deuxième temps, nous présentons les travaux de finance comportementale montrant que le contenu des médias peut constituer une bonne mesure du sentiment des investisseurs.

Lien entre contenu des médias et rentabilité des actions

Au sein de la littérature visant à confirmer le lien entre influence des médias et cours boursiers, deux principales stratégies de recherche peuvent être identifiées : l’une consiste à étudier le lien entre les articles de journaux (volume, tonalité, catégories, etc.) et les évolutions des rentabilités des titres individuels, l’autre, la relation entre ces mêmes articles et les rentabilités du marché dans sa globalité.

Concernant le premier type d’approche, Fang et Peress (2009), Tetlock et alii (2008), Dyck et Zingales (2003) ou encore Griffin et alii (2011) mettent en évidence l’existence de relations entre la couverture médiatique, le contenu des médias et les rentabilités des actions. Alanyali et alii (2013), s’ils ne confirment pas l’existence d’une telle relation, montrent cependant que la couverture médiatique des firmes par le Financial Times est positivement liée aux volumes de transactions. La plupart des études portent sur le marché américain, à l’exception notable de Ferguson et alii (2011) qui s’intéressent au marché anglais et aux firmes du FTSE 100. Ils observent que la tonalité (positive ou négative) des articles issus de la base LexisNexis influence les rentabilités des entreprises incluses dans le FTSE 100.

Selon une perspective différente, relevant plutôt de la recherche dans le domaine de l’informatique, Fung et alii (2005) passent en revue un certain nombre de travaux dans ce domaine et identifient l’existence d’une certaine prédictibilité des prix des actions individuelles sur le marché américain à partir des contenus des médias et notamment du Wall Street Journal ou du Financial Times. Ces recherches servent principalement un objectif de stratégie de trading. Elles s’avèrent assez peu mobilisées en finance, mais leurs résultats vont néanmoins dans le même sens que ce qui se dégage dans la littérature financière : un lien existe entre prix des actions et contenu des médias.

D’autres points de vue existent. Ainsi, comme l’indique Roll (1988), les nouvelles publiées dans les journaux relatives à des titres individuels ne contribuent que peu à l’explication du prix des actions ou de leur volatilité. Toutefois, Boudoukh et alii (2013) obtiennent de meilleurs résultats que Roll (1988), mais le pouvoir explicatif des nouvelles demeure bien souvent limité pour les titres individuels. C’est pourquoi une approche globale du marché des actions s’est développée. Cette dernière relève du second type d’approche visant à étudier le lien entre médias et activité du marché dans son ensemble. A ce sujet, la littérature demeure relativement restreinte. Nous la passons brièvement en revue ci-dessous.

Niederhoffer (1971) identifie un lien significatif entre la rentabilité du S&P Composite Index et les nouvelles publiées dans le New York Times entre 1950 et 1966. Toutefois, son approche se révèle principalement descriptive et repose sur des analyses de corrélations. Niederhoffer est aussi le premier à constater que le marché financier ne réagit pas uniquement à des informations de nature économique. Dès 1971, il met en évidence la faible réaction des marchés aux événements considérés comme importants, les très fortes variations restant difficiles à expliquer. En revanche, Cutler et alii (1989) montrent que le lien entre l’information diffusée par les médias (New York Times) et l’indice S&P Composite demeure assez ténu entre 1941 et 1987. Ils analysent les cinquante variations de cours les plus amples survenues aux Etats-Unis après la deuxième guerre mondiale et constatent que les séances de bourse connaissant les variations les plus importantes sont celles pendant lesquelles aucune information de nature macroéconomique significative ne survient.

Tetlock (2007), sur la période 1984-1999, montre, en étudiant la tonalité d’une colonne du Wall Street Journal (Abreast of the Market), que cette dernière influence le prix des actifs. Il aboutit notamment à l’idée que les nouvelles à caractère négatif possèdent un effet significatif sur les rentabilités et les volumes de l’indice Dow Jones Industrial Average. Garcia (2013) mesure la tonalité des articles de deux colonnes du New York Times sur la période 1905-2005. Ses analyses vont dans le sens d’un effet significatif que la tonalité soit négative ou positive tant sur les rentabilités que les volumes de l’indice Dow Jones Industrial Average. Une contribution importante de son article réside dans l’introduction d’une variable de cycle économique, ce qui permet de mettre en évidence que l’effet des médias s’accentue en période de récession économique.

Globalement, comme l’indiquent Boudoukh et alii (2013), la littérature évoquée précédemment montre que les évolutions des marchés sont soit influencées par la diffusion d’information, soit par les actions des noise traders. On se trouve confronté au choix, désormais classique en finance, entre une explication rationnelle (efficience) et une approche comportementale du prix des actifs. Tetlock (2007) conclut plutôt en faveur de la seconde explication : le contenu des médias est pertinent pour mesurer le sentiment des investisseurs, ne fournit pas de nouvelles informations relatives aux fondamentaux et produit un effet sur les rentabilités du marché américain dans sa globalité. Dans cet article, nous nous inscrivons dans la lignée de Tetlock (2007) ou encore Garcia (2013) et nous nous concentrons sur les informations relatives au marché dans son ensemble. Ce choix se justifie par les résultats théoriques obtenus par Peng et Xiong (2006). A partir d’un modèle théorique formel construit sur l’idée que les ressources cognitives des agents économiques sont limitées, ces auteurs démontrent que les investisseurs portent principalement leur attention sur les informations à portée générale, relatives au marché ou secteur, plutôt que sur les informations spécifiques aux firmes. On en déduit tout l’intérêt d’étudier des informations ayant une portée générale.

Le contenu des médias représente une mesure du sentiment des investisseurs

Dans le domaine de la finance comportementale, le sentiment des investisseurs se définit par un optimisme ou un pessimisme excessif des investisseurs, sans raison économique objective venant expliquer cette attitude excessive. Un grand nombre de travaux ont été entrepris pour mesurer ce sentiment des investisseurs. Quatre grandes familles de mesures existent : les mesures directes déclaratives (questionnaires), les mesures directes issues de l’internet, les mesures indirectes et les mesures exogènes. Brown et Cliff (2004), ou encore Baker et Wurgler (2007) recensent un grand nombre de variables d’approximation utilisées dans la littérature financière[2]. Comme nous l’avons souligné dans la section précédente, une mesure du sentiment extraite du contenu des médias apparaît comme une piste prometteuse en ce domaine.

Doms et Morin (2004) justifient ce caractère « sentimental » des médias par l’existence de trois canaux. En premier lieu, les médias diffusent des informations sur le monde économique et les opinions des experts en ce domaine. En deuxième lieu, ils véhiculent - via la teneur de leurs contenus – des signaux sur l’économie dans son ensemble. En dernier lieu, ils produisent vraisemblablement des effets sur la mise à jour des anticipations des consommateurs. Ces auteurs valident empiriquement l’influence des médias sur l’indice de confiance de l’Université du Michigan– mesure directe désormais classique du sentiment de l’investisseur- à partir d’une étude réalisée aux Etats-Unis entre mars 1978 et juin 2003. Ces chercheurs montrent qu’après avoir contrôlé pour les fondamentaux économiques, l’humeur des individus réagit davantage à la tonalité et au volume des nouvelles économiques qu’à leurs contenus.

Par ailleurs, dans le même ordre d’idée, Tims et alii (1989), sur la base d’une analyse textuelle d’un échantillon aléatoire d’articles (publiés de 1977 à 1988) tirés des principaux journaux américains et traitant des préoccupations en matière économique, concluent que l’analyse des contenus des articles et de leur tonalité (favorable, défavorable) permet de prédire les évolutions de l’indice confiance de l’université du Michigan. Ainsi, ces auteurs relèvent que « […] les médias font plus que simplement communiquer des nouvelles sur les événements économiques; ils définissent le sens des événements. Au fond, les définitions des médias semblent être un excellent moyen pour diffuser le sentiment public sur l’économie ».

Enfin, Johnson et Tversky (1983), dans le domaine de la psychologie cognitive, montrent, dans un contexte expérimental, que la lecture d’un court extrait de journal à teneur très négative (très positive) influence l’estimation par les individus des fréquences de survenance d’un risque à la hausse (baisse) et ce sans qu’aucun lien entre le contenu de l’article et le risque évalué ne soit nécessaire. Selon eux, « [leurs] résultats alimentent l’hypothèse que nous tendons à produire des jugements compatibles avec notre état d’esprit présent (current mood), même lorsque l’objet du jugement est sans lien avec la cause de notre état d’esprit ». Ces résultats viennent expliquer pourquoi des contenus médiatiques à caractère négatif ou positif influencent le sentiment des investisseurs.

Développement des hypothèses

Dans cette section, nous présentons nos hypothèses de recherche relatives d’une part, à l’influence du sentiment des investisseurs reflété par les médias sur la rentabilité du marché des actions, d’autre part, à l’effet modérateur de la dimension culturelle nationale sur cette influence.

D’un point de vue théorique, Shu (2010) montre, en s’appuyant sur un modèle formel, que le sentiment des investisseurs produit des effets significatifs tant sur le prix des actions que sur leurs rentabilités. Il montre que le sentiment des investisseurs connaît une relation inverse avec la rentabilité attendue des actions, ce qui conforte l’idée que pour attirer des investisseurs pessimistes, peu désireux d’investir, il convient de leur offrir une forte rentabilité attendue. Par ailleurs, une abondante littérature empirique identifie des liens forts entre les mesures du sentiment des investisseurs et les rentabilités des actions (e.g., Lemmon et Portniaguina, 2006; Baker et Wurgler, 2006, 2007; Schmeling, 2006, 2009; Baker et alii, 2012). Ainsi, au regard de la littérature tant empirique que théorique, un lien entre rentabilités des actions et sentiment des investisseurs semble exister.

Toutes ces études soulignent l’importance du lien entre contenu des articles de journaux, mesure du sentiment des investisseurs individuels et rentabilités du marché des actions. Par ailleurs, Baker et Wurgler (2006, 2007) montrent que le sentiment de l’investisseur a davantage d’impact sur les titres difficiles à évaluer et sur ceux présentant des coûts d’arbitrage élevés. Les firmes de petites capitalisations sont souvent les plus difficiles à arbitrer et à évaluer. Contrairement aux firmes de grandes capitalisations, elles possèdent une très faible liquidité (Brunnermeier et Pedersen, 2003), tendent à présenter des coûts des transactions particulièrement élevés (Amihud et Mendelsohn, 1986), et parfois il est impossible de les vendre à découvert (D’Avolio, 2002). Cet ensemble d’arguments conduit à proposer l’hypothèse de recherche suivante :

H1 : le sentiment des investisseurs, mesuré par la teneur du contenu à portée générale des médias, produit un effet plus prononcé sur les rentabilités boursières des firmes de petite taille que sur celles des firmes de grande taille.

Dans l’optique de la finance comportementale, le sentiment des investisseurs peut provoquer une divergence entre le cours d’une action et sa valeur fondamentale. En effet, les investisseurs pessimistes (optimistes) ont tendance à sous-évaluer (sur-évaluer) les cours des titres difficiles à évaluer et arbitrer, ce qui est moins le cas pour les titres faciles à arbitrer et évaluer. Une fois ces écarts temporaires corrigés – les cours des actions reviennent à leurs valeurs fondamentales –, une période excessivement pessimiste (optimiste) devrait se voir suivie de niveaux élevés (faibles) des rentabilités futures. Ce propos permet de préciser la manière dont le sentiment des investisseurs impacte les rentabilités boursières futures. Cela conduit à décliner l’hypothèse H1 en deux sous-hypothèses :

H1a : Le sentiment pessimiste (à caractère négatif) des investisseurs produit un effet positif sur les rentabilités futures dans le moyen terme.

H1b : Le sentiment optimiste (à caractère positif) des investisseurs produit un effet négatif sur les rentabilités futures dans le moyen terme.

Dans cet article, nous nous inscrivons donc dans la lignée de Tetlock (2007) ou encore Garcia (2013). Afin d’enrichir le débat scientifique, nous avons choisi de mener une étude empirique sur le marché européen. Ce choix tient au fait que l’Europe représente un terrain propice pour l’introduction d’une nouvelle variable dans l’analyse : la dimension culturelle nationale. En effet, la zone européenne connaît une diversité de cultures, que ce soit dans le domaine financier ou de manière générale. Si l’on se réfère à Kastanakis et Voyer (2014), on note que la culture joue un rôle significatif dans les choix des individus et dans la manière dont ils traitent l’information et réalisent leurs décisions. Hofstede (1991, 2001) suppose que les façons dont les individus à travers le monde pensent, sentent et agissent envers les questions auxquels ils sont confrontés et les décisions qu’ils prennent sont structurées, en grande partie, par leurs environnements sociaux (famille, école, communauté de vie, etc.) et que ces « programmes » ou « cultures » diffèrent entre les nations et ont d’importantes profondes conséquences sur le fonctionnement de ces sociétés. Ainsi, Hofstede (1991, p. 260) définit la culture comme « la programmation collective de l’esprit qui distingue les membres d’un groupe ou d’une catégorie d’un autre groupe ».

De nombreuses études dans le domaine de la psychologie montrent que les paramètres culturels sont un important facteur conditionnant la prise de décision (French et alii 1960; Hofstede, 1980, 1991; Triandis, 1989). D’après Hofstede (1980, 1991, 2001), les perceptions et les actions des individus sont influencées par les croyances et les attitudes fondamentales, qui dépendent non seulement des personnalités individuelles, mais aussi des influences culturelles auxquelles les individus ont été exposés tout au long de leurs vies. En effet, ces influences culturelles nationales sont qualifiées de profondes et durables et ont souvent été citées, par les résultats des études répliquées dans différents pays, comme la cause majeure de la différenciation (Triandis, 1980, 1995).

Les études de Hofstede (1980, 1991, 2001) sur la différenciation des groupes culturels nationaux sont fondées sur l’idée que les cultures sont différentes selon les pays, et que ces différences peuvent être mesurées par l’évaluation de spécificités dans plusieurs dimensions de base de toutes les cultures nationales. Par le biais d’un raisonnement théorique et d’une analyse statistique des réponses d’une enquête faite au sein d’IBM et de ses 50 filiales à travers le monde, Hofstede a identifié plusieurs dimensions sur lesquelles chaque pays peut être évalué et positionné. Au final, Hofstede a identifié les dimensions suivantes de la culture nationale : la distance hiérarchique, le contrôle de l’incertitude, l’individualisme et le collectivisme, la dimension masculine/féminine, l’orientation court terme/long terme.

Dans le domaine de la finance, Stulz et Williamson (2003) indiquent que la culture importe. Statman (2008) soutient que, dans une perspective financière - d’allocation d’actifs -, « les cultures varient, et la culture importe ». Reuter (2011) effectue une très large revue de la littérature sur le lien entre finance et culture. Il identifie l’importance du rôle attribué à l’approche dimensionnaliste dans le domaine. Selon Vinken et alii (2004), cité par Reuter (2011, p. 91), le dimensionnalisme se définit comme « la recherche d’un ensemble d’axes très synthétiques et ayant le plus de sens avec pour objectif l’explication d’un large spectre d’attitudes, croyances, styles de vie, et diversité de pratiques parmi de larges populations et/ou organisations à travers toutes les sociétés ». Un exemple classique d’une telle approche se trouve dans les travaux de Hofstede (1980, 2001). Faisant principalement référence à ces travaux, Reuter (p. 123) précise qu’une « approche flexible et pragmatique utilisant des références dimensionnalistes ad hoc, fondée sur une délimitation précise des mécanismes à l’oeuvre représente la direction de recherche la plus prometteuse en finance ». C’est dans cette perspective que nous nous plaçons ici. Ainsi, nous cherchons à cerner si les différences culturelles au sens de Hofstede[3] interviennent dans l’explication de l’influence du sentiment extrait des médias sur les rentabilités des marchés des actions en Europe. Plus précisément, faisant suite à l’hypothèse H1 supra, nous nous demandons si l’impact de la mesure de sentiment extraite des médias se révèle plus prononcé pour les pays les plus culturellement enclins à des comportements de sur-réaction ou grégaires.

Nous pouvons ainsi formuler une seconde hypothèse de recherche :

H2 : la culture influence la relation entre sentiment des investisseurs et rentabilités des actions.

Dans le domaine financier, les résultats des études sur l’influence des différences culturelles sur les marchés des actions montrent que trois dimensions (individualisme, contrôle de l’incertitude et masculinité) jouent individuellement un rôle clair dans l’explication des mauvaises évaluations sur les marchés financiers (Chui et alii 2001; Schmeling, 2009; Lucey et Zhang, 2010). Nous détaillons à présent l’influence attendue de ces trois dimensions sur le lien entre sentiment médiatique et rentabilités boursières.

L’individualisme fait référence à la manière dont les individus se préoccupent plus d’eux que des autres. Par opposition, le collectivisme reflète le degré d’intégration des individus au sein d’un groupe. De plus, les pays collectivistes sont des pays dans lesquels les individus sont intégrés dans des groupes forts, dans lesquels le consensus fait règle. Selon Hofstede (1980) des niveaux élevés de collectivisme indiqueraient une tendance à des comportements grégaires. Ce comportement moutonnier peut être vu comme la résultante de tendances comportementales corrélées entre les individus. Les actions des noise traders sont corrélées parce qu’ils reproduisent les actions des autres en s’appuyant sur des anticipations exagérément optimistes ou pessimistes. Cette propension à investir avec le groupe est exactement ce qui est supposé guider la relation entre sentiment des investisseurs et rentabilités des actions sur les marchés financiers. Ainsi, dans les pays fortement individualistes, on devrait observer une influence moindre du sentiment des investisseurs sur les rentabilités des actions. Ceci conduit à formuler l’hypothèse suivante :

H2a : l’individualisme (collectivisme) atténue (amplifie) la relation entre sentiment des investisseurs et rentabilités des actions.

Le contrôle de l’incertitude semble a priori la dimension la plus pertinente pour fonder une explication comportementale des rentabilités des actions (Lucey et Zhang, 2010). Selon Hofstede, le contrôle de l’incertitude mesure le degré selon lequel une culture conditionne ses membres à réagir face à de nouvelles situations ou à des situations inattendues. Dans les pays présentant un haut degré de contrôle de l’incertitude, les gens préfèrent des situations prévisibles, sont réticents à supporter des risques et sont supposés plus émotifs que dans les pays à faible degré de contrôle de l’incertitude. Ainsi, cette mesure peut être utilisée comme une variable d’approximation (proxy) pour évaluer la propension des individus à sur-réagir. Cette sur-réaction expliquerait la relation négative constatée entre sentiment médiatique et rentabilité des actions. L’hypothèse suivante peut alors être proposée :

H2b : un faible (haut) niveau de contrôle de l’incertitude atténue (amplifie) la relation entre sentiment des investisseurs et rentabilités des actions.

La masculinité se réfère à une préférence dans la société pour la réalisation, l’affirmation de soi et la réussite matérielle. Du point de vue des psychologues, dans des domaines tels que la finance, les hommes sont plus sur-confiants que les femmes (Barber et Odean, 2001). En outre, dans le domaine des marchés financiers, les investisseurs ayant un excès de confiance réagissent de manière excessive quand ils investissent dans des actions (Daniel et alii, 2001). Ainsi, dans les pays à forte masculinité, les gens sont plus enclins à la sur-confiance et sont donc susceptibles de réagir de façon excessive quand ils investissent dans les marchés financiers, tout en se comportant de façon conservatrice dans les pays à faible masculinité. En outre, l’excès de confiance et la sur-réaction sont généralement accompagnés par des rentabilités plus faibles pour le marché dans son ensemble. Ceci produit l’hypothèse suivante :

H2c : un haut (faible) degré de masculinité amplifie (atténue) la relation entre sentiment des investisseurs et rentabilités des actions.

La figure 1 ci-dessous récapitule l’ensemble des hypothèses développées dans cet article.

Figure 1

Présentation des hypothèses de la recherche

Présentation des hypothèses de la recherche

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Méthodologie et présentation des données

Dans cette section, nous justifions et présentons, dans un premier temps, la construction de l’indicateur de sentiment à partir du contenu des médias. Puis, dans un deuxième temps, nous détaillons la méthodologie et exposons les autres variables mobilisées dans l’analyse. Enfin, nous présentons quelques statistiques descriptives relatives à l’ensemble des données.

Construction de la variable de sentiment médiatique

Afin de mesurer le sentiment des investisseurs à partir des contenus issus des médias, nous avons choisi de produire des mesures de comptage de mots à connotation positive ou négative dans une colonne d’article du Financial Times publiée tous les jours, sauf le lundi, sur la période courant du 27/09/2007 au 30/12/2011. En ce sens, nous nous situons dans la lignée de Tetlock (2007) et de Garcia (2013). Cette colonne analyse les nouvelles économiques et financières. Dans ce qui suit, nous débutons en exposant les éléments ayant conduit au choix de ce journal et à la colonne « The Short View ». Dans un second temps, nous présentons comment nous avons extrait une mesure de sentiment à partir de cette colonne.

La colonne, « The Short View » (TSV dans ce qui suit), est publiée du mardi au vendredi. Les données textuelles ont été extraites de la base de données Factiva et transformées au format txt. Sur notre période de travail, nous avons étudié 833 TSV et, en moyenne, une TSV compte 316 mots. Cette colonne inclut des nouvelles dans l’esprit de Shiller (2000, p. 105)[4] telles qu’elles ont été mobilisées par Tetlock (2007) et Garcia (2013). Il s’agit d’une analyse de la situation économique et financière internationale, généralement en Europe. En ce sens, elle n’apporte pas nécessairement de nouvelles informations sur les marchés financiers. Elle produit un avis général sur la situation économique et financière et sur les marchés financiers. Sur le site internet du Financial Times, il est indiqué que la colonne TSV apporte un point de vue en matière de décisions d’investissement et qu’elle s’inscrit dans une perspective de court terme. Il est, en outre, noté qu’elle tente d’expliquer les raisons du comportement des investisseurs et des marchés[5]. Comme le souligne Garcia (2013), ce type de colonne constitue un « candidat naturel pour une mesure de l’excitation et de l’agitation » des marchés financiers.

Par ailleurs, le choix de ce journal et de cette colonne connaît d’autres justifications. Le choix d’un média au format papier s’appuie sur le fait que les informations de ce type de support sont disséminées au même moment auprès des intervenants sur le marché (Dyck et Zingales, 2003) et se justifie sur la base des travaux de Althaus et Tewksbury (2000). Ces auteurs montrent que les lecteurs de la version papier et de la version on line du New York Times ne voient pas leur attention attirée par les mêmes informations et, en conséquence, qu’ils ne retiennent pas le même type d’information. Ainsi, la structure linéaire d’un journal implique que le lecteur se concentre plus sur les premières rubriques, alors que la lecture sur internet permet au lecteur de s’orienter directement vers ses centres d’intérêt. Dans une même perspective, Thurman et Myllylahti (2009), lors de l’analyse du passage d’un journal financier finlandais d’une version papier à une version complètement digitale soulignent que le choix du tout électronique produit des effets substantiels sur le contenu du journal.

Le choix du Financial Times tient à plusieurs éléments. Siganos (2013) précise que le « Financial Times est le journal le plus influent et ayant le plus de crédibilité parmi les investisseurs ». Selon les statistiques de circulation de l’International Federation of Audit Bureaux of Circulations (IFABC), ce journal est l’un des journaux financiers payants le plus diffusé au monde après le Wall Street Journal et il est le premier journal financier en Europe[6]. Par ailleurs, dans le tableau n°1 figurent les résultats de l’enquête mondiale réalisée par Global Capital Markets Survey auprès de 6456 décideurs dans le monde de la finance. Selon cette enquête, le Financial Times est le journal financier le plus lu en Europe. On remarque qu’il est aussi lu dans d’autres zones géographiques.

La colonne sélectionnée, TSV, apparaît en page de garde de la section 2 du Financial Times, « Companies & Markets ». Autrement dit, cette colonne connaît une large probabilité d’être lue du fait de son emplacement au sein du Financial Times. En effet, Hansen (1994) indique que le positionnement d’un article dans un journal importe, parce que l’attention décline après les pages 2 à 6. De plus, il montre que plus l’article est long, plus la proportion qui en est lue apparaît faible. La TSV correspond en tout point à ces résultats.

Au regard de ces éléments, on peut penser que la teneur des articles TSV devrait constituer une bonne mesure du sentiment des investisseurs. En outre, cette mesure devrait produire plus d’effets dans les zones pour lesquelles le lectorat est le plus important. Ainsi, cette mesure devrait avoir davantage d’influence sur les rentabilités des indices de marché européens. En outre, la propension - identifiée dans la littérature et appelée « biais local » (home bias) – des investisseurs à placer leurs fonds sur leurs marchés nationaux (cf. par exemple Anderson et alii (2011)) renforce cette idée.

Afin d’extraire le sentiment des contenus des articles de journaux, nous avons choisi de compter les occurrences de mots à connotation positive et négative dans chaque article. Pour cela, nous avons suivi la littérature et nous nous sommes appuyés sur une approche fondée sur des dictionnaires[7] : elle consiste à comparer les mots contenus dans chacun des articles à un dictionnaire recensant les mots positifs et négatifs. Suite aux travaux de Tetlock (2007) ou encore Ferguson et alii (2011), et pour des raisons de robustesse, nous avons mobilisé deux dictionnaires : le dictionnaire psychosocial Harvard-IV-4 et celui de Loughran et McDonald[8]. L’extraction des occurrences positives et négatives des mots de chaque dictionnaire a été menée avec le logiciel R et le package RcmdrPlugin.temis. Nous utilisons plusieurs mesures pour évaluer le sentiment des investisseurs. Elles sont constituées par la fraction de mots positifs ou négatifs par articles (Garcia, 2013). Chaque jour, en utilisant les deux dictionnaires, nous comptons le nombre de mots positifs Pt et le nombre de mots négatifs, Nt.; Tt indique le nombre total de mots par article. Nous définissons le sentiment optimiste issu des médias ainsi : Pt/ Tt et le sentiment pessimiste par : Nt/ Tt.

Tableau 1

Lectorat moyen des versions papier des journaux

Lectorat moyen des versions papier des journaux
Source : Global Capital Markets Survey (2011)

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Le tableau n°2 ci-dessous présente des statistiques pour ces mesures. Un premier constat au vu du tableau n°2 est que les deux dictionnaires amènent à des mesures assez différentes. Ainsi, l’écart entre les proportions de mots à caractère positif et à caractère négatif, si elles sont proches pour le dictionnaire General Inquirer, apparaissent fort différentes (trois fois plus élevées) pour celui de Loughran et McDonald. Il apparaît donc utile d’introduire une variable de contrôle concernant le lexique de mots utilisés, car des variations substantielles existent entre les deux approches. Cette précaution se voit renforcée si l’on consulte les coefficients de corrélation linéaire qui montrent que les mesures si elles sont liées, ne le sont pas parfaitement. L’utilisation du dictionnaire de Loughran et McDonald permet d’identifier moins de mots à connotation positive ou négative que le dictionnaire General Inquirer (rapport allant de 1,5 (mots à connotation négative) à 4 (mots positifs)). Ceci tient peut-être au fait que le dictionnaire General Inquirer a une portée très généraliste, alors que celui de Loughran et McDonald a été élaboré selon une perspective financière.

Tableau 2

Statistiques descriptives et corrélations relatives aux variable sentiment issues de la colonne « The Short View »

Statistiques descriptives et corrélations relatives aux variable sentiment issues de la colonne « The Short View »

Ce tableau présente les statistiques descriptives et les corrélations relatives aux variables sentiment issues de la colonne « The Short View » du Financial Times sur la période allant du 27 septembre 2007 au 30 décembre 2011. Les données sont journalières. Chaque variable sentiment média est basée sur une analyse de contenu d’articles issus du Financial Times. NGI est la fraction de mots à connotation négative par rapport au nombre total de mots selon la classification du dictionnaire General Inquirer Harvard IV-4. PGI est la fraction de mots à connotation positive par rapport au nombre total de mots selon la classification du dictionnaire General Inquirer Harvard IV-4. NLMD est la fraction de mots à connotation négative par rapport au nombre total de mots selon la classification du dictionnaire de Loughran et McDonald. PLMD est la fraction de mots à connotation positive par rapport au nombre total de mots selon la classification du dictionnaire de Loughran et McDonald.

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Les statistiques présentées ici sont très proches de celles produites par Garcia (2013). Par ailleurs, on observe que les proportions de mots à caractère négatif sont plus importantes que celles à mots positifs. Ceci est en pleine cohérence avec les propos de Fogarty (2005). Sa recherche concerne le domaine des sciences politiques et il indique qu’une longue littérature en ce domaine a montré que les journalistes sont plus enclins à véhiculer des nouvelles à caractère négatif, car elles suscitent plus l’intérêt de leurs lecteurs.

Présentation des données boursières et de la méthodologie

Présentons à présent les données boursières utilisées dans l’analyse. Cette étude empirique concerne les marchés des actions européens. Ce choix s’inscrit dans une perspective de corroboration : en sélectionnant une autre zone géographique, nous éprouvons ainsi la robustesse des effets identifiés dans les études antérieures de Tetlock (2007) et Garcia (2013). Ainsi que le suggèrent Bossaerts et Hillion (1999), cette nouvelle collecte de données[9] relative à une période de temps et à une zone géographique différentes permet de s’assurer de la validité des résultats obtenus, autrement dit, la relation identifiée, si elle est confirmée, ne sera pas fortuite (spurious relationship).

Le modèle général que nous estimons pour étudier l’impact de la variable de sentiment médiatique sur les rentabilités boursières s’écrit comme suit :

forme: 2048946n.jpg est la variable dépendante qui mesure la rentabilité boursière moyenne sur k-période(s) du portefeuille de titres du pays i. Cette dernière est mesurée de deux manières : soit elle représente la rentabilité d’un portefeuille de firmes de petites capitalisations (Small Cap), soit elle représente la rentabilité d’un portefeuille de firmes de grandes capitalisations (Large Cap). Les données sont journalières et portent sur la période allant du 27/09/2007 au 30/12/2011. Les indices de rentabilité utilisés proviennent de la base de données Eurofidai[10]. SENT est la variable sentiment médiatique (optimiste ou pessimiste) dont la construction a été détaillée supra. k est l’horizon de prévision retenu. Dans cette étude, nous retenons des horizons de prévision de k = 1, 10, 30, 60, 90 et 180 jours. Le modèle a un caractère prédictif dans la mesure où nous utilisons la valeur actuelle de la variable de sentiment pour prévoir les rentabilités boursières futures d’un portefeuille de titres sur un horizon donné.

Nous intégrons également des variables de contrôle censées représenter les principales sources de risque auxquelles sont exposés nos portefeuilles d’arbitrage. Les variables utilisées pour tenir compte des caractéristiques de risque des portefeuilles sont celles des modèles de Fama et French (1993) et Carhart (1997). Elles portent sur la période allant du 27/09/2007 au 30/12/2011 et proviennent de la base de données Eurofidai. Rm-Rf est la rentabilité excédentaire du marché. SMB est l’écart entre la rentabilité du portefeuille composé de titres de faibles capitalisations boursières et celle du portefeuille incluant les grandes capitalisations boursières. HML est la différence entre la rentabilité du portefeuille de titres dont le ratio book-to-market est élevé et celle du portefeuille de titres dont le ratio book-to-market est faible. UMD représente l’écart de rentabilité entre les portefeuilles ayant eu les plus fortes et les plus faibles rentabilités passées.

En nous appuyant sur la régression prédictive du modèle général (1), nous menons deux approches distinctes. En premier lieu, nous estimons une régression en données de panel. L’objectif est alors d’introduire dans la même régression tous les pays afin de tester l’impact de la variable de sentiment médiatique sur les rentabilités boursières en Europe. Notre échantillon de travail comporte 16 pays[11]. En effet, l’intérêt de l’utilisation des données de panel réside dans le fait qu’on peut tirer partie de la double dimension, individuelle et temporelle, de l’information disponible. De surcroît, cette technique économétrique permet d’améliorer la fiabilité statistique des tests empiriques des régressions prédictives (Ang et Bekaert, 2007).

Nous avons mené des tests empiriques pour évaluer la pertinence de la spécification de notre modèle en données de panel. Nous avons d’abord procédé au test de Fischer portant sur la nullité de l’ensemble des paramètres. La valeur du test permet de rejeter à un seuil de 1 % l’hypothèse nulle d’homogénéité des effets individuels. Ainsi, la méthode d’estimation à effet fixe est plus adéquate que la simple méthode d’estimation avec données empilées (pooled model). Nous avons également comparé le modèle à effets individuels fixes par rapport au modèle à effets aléatoires par le test d’Hausman. La méthode d’estimation à effet fixe s’est révélée systématiquement préférable à la méthode d’estimation à effet aléatoire. Effet, la réalisation statistique du test d’Hausman implique le rejet à un seuil de 1 % de l’hypothèse nulle, ce qui confirme l’existence d’effets fixes.

La forme fonctionnelle de la modélisation en données de panel avec contrôle pour les effets fixes spécifiques aux pays et aux années est la suivante :

Le modèle économétrique à effets fixes admet une constante spécifique individuelle pour chaque pays (forme: 2048948n.jpg) et un seul coefficient estimé pour chaque variable explicative pour l’ensemble des pays.

Lors de la prise en compte de la dimension culturelle nationale, la méthode d’estimation demeure identique (modèle (2) à effets fixes) et est appliquée sur deux échantillons de pays différents. Les échantillons ont été constitués sur la base de trois variables incarnant la culture nationale (individualisme, contrôle de l’incertitude et masculinité) : un premier échantillon a été composé en incluant tous les pays pour lesquels la variable considérée est inférieure ou égale à la médiane et le second, les pays avec des variables supérieures à la médiane. Les variables culturelles relatives à l’individualisme, au contrôle de l’incertitude et à la masculinité sont empruntées à Hofstede[12]. Tous ces scores relatifs aux cultures nationales sont constants sur la période d’étude.

En deuxième lieu, un modèle en séries temporelles est testé, sur chaque pays séparément, afin d’isoler l’effet individuel de la variable sentiment sur la rentabilité boursière de chaque pays. Plus précisément, nous estimons simultanément le modèle général (1) pour l’ensemble des horizons de prévision (k = 1, 10, 30, 60, 90 et 180 jours) dans un système d’équations de régression en effectuant un test d’hypothèse de la forme suivante : forme: 2048949n.jpg. Autrement dit, nous tentons de cerner si le coefficient prédictif moyen estimé sur les différents horizons de prévision de la variable sentiment est significativement différent de zéro. En termes empiriques, la variable de sentiment médiatique a un impact sur les rentabilités boursières d’un pays i si le coefficient estimé moyen sur les différents horizons de prévision de la variable SENT est significativement différent de zéro.

Les fortes autocorrélations dans le tableau n°2 indiquent un fort degré de persistance des variables de sentiment mobilisées dans notre étude. Les coefficients d’autocorrélation d’ordre 1 enregistrés sont de l’ordre de 0,6. La littérature sur la prévision financière a identifié de nombreux biais liés à l’utilisation des régressions prédictives faisant intervenir des variables retardées. En particulier, plusieurs auteurs montrent qu’une forte persistance des variables prédictives entraîne des biais importants dans l’estimation des coefficients des régressions prédictives, ainsi que dans l’estimation des statistiques de t de Student (Stambaugh, 1999; Valkanov, 2003 et Ferson et alii, 2003). D’après ces auteurs, ce problème s’accroît lorsque la régression prédictive est estimée dans le cas d’une population finie et il s’accentue d’autant avec le degré de persistance de la variable prédictive retardée. Afin de contourner ces biais, nous utilisons la technique du bootstrap par blocs, technique préconisée par Gonçalves et White (2005)[13].

Présentation et discussion des résultats

Dans cette section, dans un premier temps, nous présentons et discutons les résultats de l’étude empirique relatifs aux estimations en données de panel. Dans un second temps, nous détaillons et analysons les résultats des estimations en séries temporelles par pays. Enfin, dans un dernier temps, nous abordons les résultats des estimations prenant en compte les différentes dimensions culturelles.

Résultats des estimations en données de panel

Les résultats des estimations pour le coefficient associé à la variable sentiment[14] en données de panel, sans prise en compte de la dimension culturelle, apparaissent dans les tableaux n°3 et 4 ci-dessous. Comme attendu, la performance des titres à petites capitalisations boursières est influencée par la variable sentiment médiatique. En revanche, le sentiment de l’investisseur n’influence pas la performance des portefeuilles à fortes capitalisations boursières, ce qui vient corroborer l’hypothèse H1.

Plus précisément, nous notons une relation négative (positive) significative entre l’indicateur de sentiment pessimiste (optimiste) décalé de 1 et 10 jours et les rentabilités des petites capitalisations boursières. Le phénomène s’inverse lorsque l’indicateur de sentiment est retardé de 30 à 90 jours : survient alors une relation positive (négative) entre l’indicateur de sentiment pessimiste (optimiste) à l’instant t et les rentabilités boursières futures (t+k). L’impact du choc s’amortit ainsi au cours du temps et converge vers zéro après 180 jours. Ces résultats permettent de valider les hypothèses H1a et H1b.

Par ailleurs, notons que le pouvoir prédictif de l’indicateur de sentiment optimiste au sens de Loughran et McDonald est non significatif. Ce résultat s’explique par le fait que l’utilisation du dictionnaire permet d’identifier un nombre plus faible de mots à connotation positive que celle du dictionnaire General Inquirer. Cette moindre identification – certainement liée à la portée moins générale du dictionnaire de Loughran et McDonald – conduit à produire un indicateur qui capte moins bien l’humeur positive des investisseurs. L’utilisation du dictionnaire General Inquirer assure que l’on mesure probablement mieux l’humeur des investisseurs, puisque le sentiment de ces derniers représente les anticipations non justifiées par les indicateurs économiques et financiers fondamentaux. En effet, la portée générale de ce dictionnaire fait que la mesure ne se limite pas aux seules dimensions économiques et financières[15].

A la lumière de ces résultats, nous pouvons conclure que la plupart des coefficients estimés dans le modèle (2) sont significatifs et ont les signes attendus. En effet, un niveau élevé de l’indicateur de sentiment pessimiste (optimiste) provoque une baisse (hausse) des cours des entreprises de faible capitalisation durant les dix premiers jours, mais une hausse (baisse) au-delà. En revanche, les grandes entreprises plus faciles à évaluer et à arbitrer ne montrent pas une forte dépendance au facteur de sentiment médiatique. Notre résultat corrobore l’un des fondements de la finance comportementale selon lequel il existe un effet de correction des cours constaté sur les titres difficiles à évaluer et à arbitrer. En effet, un niveau élevé de sentiment pessimiste (optimiste) prédit une pression à la baisse (hausse) des cours suivie d’un retour vers les niveaux fondamentaux.

Tableau 3

Influence du sentiment des investisseurs sur la performance des petites capitalisations boursières

Influence du sentiment des investisseurs sur la performance des petites capitalisations boursières

Ce tableau présente les résultats de la régression en données de panel du modèle (2). Les données sont journalières et couvrent la période allant du 27 septembre 2007 au 30 décembre 2011. Formellement, le modèle économétrique à estimer se présente comme suit :

forme: 2048950n.jpg

La variable dépendante exprime la rentabilité moyenne sur k-période(s) du portefeuille des petites capitalisations boursières. SENT est l’indicateur de sentiment basé sur une analyse de contenu d’articles issus du Financial Times. NGI est la fraction de mots à connotation négative par rapport au nombre total de mots selon la classification du dictionnaire General Inquirer Harvard IV-4. PGI est la fraction de mots à connotation positive par rapport au nombre total de mots selon la classification du dictionnaire General Inquirer Harvard IV-4. NLMD est la fraction de mots à connotation négative par rapport au nombre total de mots selon la classification du dictionnaire de Loughran et McDonald. PLMD est la fraction de mots à connotation positive par rapport au nombre total de mots selon la classification du dictionnaire de Loughran et McDonald. Rm-Rf est la rentabilité excédentaire du marché. SMB est l’écart entre la rentabilité du portefeuille composé de titres de faibles capitalisations boursières et celle du portefeuille incluant les grandes capitalisations boursières. HML est la différence entre la rentabilité du portefeuille de titres dont le ratio book-to-market est élevé et celle du portefeuille de titres dont le ratio book-to-market est faible. UMD représente l’écart de rentabilité entre les portefeuilles ayant eu les plus fortes et les plus faibles rentabilités passées. Les coefficients estimés et les statistiques de test ont été corrigés par la technique du bootstrap par blocs. Adj. R2 est le R2 ajusté de la régression. ***, **,* désignent respectivement les degrés de significativité au seuil de 1 %, 5 %, et 10 %.

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Les mesures de sentiment pessimiste produisent un effet plus important sur les rentabilités des firmes de petites capitalisations, comme en attestent les niveaux des coefficients en valeur absolue pour chaque horizon. Ce constat va dans le sens du propos de Peeters et Czapinski (1990) qui indiquent que les décideurs – même si lors du processus de recherche d’information se dirigent plutôt vers l’information positive – retiennent néanmoins essentiellement le négatif pour fonder leur choix. Cette idée se retrouve dans les travaux de Kahneman et Tversky (1979) ou encore de Simonton et Baumeister (2005).

Enfin, les coefficients de détermination ajustés vont de 2 à 5 % sur l’ensemble des horizons de prévisions. De tels faibles niveaux de pouvoirs explicatifs des régressions sont pleinement en ligne avec la littérature antérieure (Lemmon et Portniaguina, 2006; Schmeling 2009; Baker et alii, 2012) et résultent du caractère prédictif de la relation estimée entre le sentiment et les performances boursières.

Résultats des estimations en séries temporelles par pays

Les résultats des estimations en séries temporelles pour chaque pays figurent dans le tableau n°5 ci-dessous. La statistique présentée pour chaque pays représente le coefficient moyen prédictif de la variable de sentiment estimé sur tous les horizons de prévisions (k = 1 à 180 jours).

Tableau 4

Influence du sentiment des investisseurs sur la performance des grandes capitalisations boursières

Influence du sentiment des investisseurs sur la performance des grandes capitalisations boursières

Ce tableau présente les résultats de la régression en données de panel du modèle (2). Les données sont journalières et couvrent la période allant du 27 septembre 2007 au 30 décembre 2011. Formellement, le modèle économétrique à estimer se présente comme suit :

forme: 2048952n.jpg

La variable dépendante exprime la rentabilité moyenne sur k-période(s) du portefeuille des grandes capitalisations boursières. SENT est l’indicateur de sentiment basé sur une analyse de contenu d’articles issus du Financial Times. NGI est la fraction de mots à connotation négative par rapport au nombre total de mots selon la classification du dictionnaire General Inquirer Harvard IV-4. PGI est la fraction de mots à connotation positive par rapport au nombre total de mots selon la classification du dictionnaire General Inquirer Harvard IV-4. NLMD est la fraction de mots à connotation négative par rapport au nombre total de mots selon la classification du dictionnaire de Loughran et McDonald. PLMD est la fraction de mots à connotation positive par rapport au nombre total de mots selon la classification du dictionnaire de Loughran et McDonald. Rm-Rf est la rentabilité excédentaire du marché. SMB est l’écart entre la rentabilité du portefeuille composé de titres de faibles capitalisations boursières et celle du portefeuille incluant les grandes capitalisations boursières. HML est la différence entre la rentabilité du portefeuille de titres dont le ratio book-to-market est élevé et celle du portefeuille de titres dont le ratio book-to-market est faible. UMD représente l’écart de rentabilité entre les portefeuilles ayant eu les plus fortes et les plus faibles rentabilités passées. Les coefficients estimés et les statistiques de test ont été corrigés par la technique du bootstrap par blocs. Adj. R2 est le R2 ajusté de la régression. ***, **,* désignent respectivement les degrés de significativité au seuil de 1 %, 5 %, et 10 %.

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Au regard des résultats obtenus, on constate que l’hypothèse H1 n’est pas validée pour l’ensemble des pays. Sur les 16 pays, pour les firmes de petites capitalisations boursières, 10 (8) pays présentent un coefficient prédictif positif (négatif) significatif au minimum au seuil de 5 % pour la variable sentiment médiatique pessimiste (optimiste) évaluée en s’appuyant sur le dictionnaire General Inquirer. Les valeurs des signes de ces coefficients – que la mesure du sentiment soit pessimiste ou optimiste – corroborent l’hypothèse centrale de la théorie du sentiment de l’investisseur. Les périodes caractérisées par un pessimisme (optimisme) élevé sont suivies par de forts (faibles) niveaux de rentabilités (De Long et alii, 1990). Pour les grandes capitalisations boursières, l’effet de la variable de sentiment médiatique apparaît dans l’ensemble faible et non significatif. Les résultats associés à la mobilisation du dictionnaire de Loughran et McDonald ne sont pas détaillés ici pour des raisons de place. Ils ne viennent pas modifier les résultats précédents[16].

Ces résultats par pays vont dans le même sens que ceux de certaines études précédentes. Sur le marché allemand, Schmeling (2006) montre que le sentiment de l’investisseur particulier – mesuré par l’enquête sentix – influence l’évolution des cours boursiers. En France, Roger (2014) construit une mesure du sentiment des investisseurs s’appuyant sur les transactions des investisseurs individuels français d’un important intermédiaire financier. Il trouve que cette dernière influence significativement la performance des titres. Des résultats semblables ont été également enregistrés sur les marchés espagnol et britannique (Corredor, Ferrer et Santamaría, 2011; Baker et alii, 2012). Puisque ces études utilisent d’autres mesures du sentiment, elles contribuent à apporter une certaine validité externe à l’hypothèse H1.

Tableau 5

Influence du sentiment des investisseurs sur la performance des entreprises pour les pays individuels

Influence du sentiment des investisseurs sur la performance des entreprises pour les pays individuels

Ce tableau présente les résultats de la régression en séries temporelles, sur chaque pays séparément, du modèle (1). Les données sont journalières et couvrent la période allant du 27 septembre 2007 au 30 décembre 2011. Formellement, le modèle économétrique à estimer se présente comme suit :

forme: 2048954n.jpg

La variable dépendante exprime la rentabilité moyenne sur k-période(s) du portefeuille de titres étudié. Il représente soit le portefeuille de firmes de petites capitalisations (Panels A et B), soit le portefeuille de firmes de grandes capitalisations (Panels C et D). représente le coefficient moyen prédictif de la variable de sentiment estimé sur tous les horizons de prévisions (k = 1 à 180 jours). SENT est l’indicateur de sentiment basé sur une analyse de contenu d’articles issus du Financial Time. NGI est la fraction de mots à connotation négative par rapport au nombre total de mots selon la classification du dictionnaire General Inquirer Harvard IV-4. PGI est la fraction de mots à connotation positive par rapport au nombre total de mots selon la classification du dictionnaire General Inquirer Harvard IV-4. Les coefficients estimés et les statistiques de test ont été corrigés par la technique du bootstrap par blocs. ***, **,* désignent respectivement les degrés de significativité au seuil de 1 %, 5 %, et 10 %.

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On observe que tous les pays ne sont pas affectés de la même manière. On peut ainsi se demander si l’effet du sentiment médiatique sur les marchés des actions nationaux ne tiendrait pas à un taux d’audience plus fort du Financial Times dans les pays les plus impactés par le sentiment. Toutefois, l’enquête Global Capital Markets Survey ne produit pas des résultats par pays, mais par grandes zones géographiques. Ces données ne sont donc pas disponibles. En outre, les pays étudiés et l’effet du sentiment médiatique sont hétérogènes. Par ailleurs, il semble peu probable que l’effet du sentiment médiatique sur le marché financier soit complètement déterminé par l’audience. Ainsi, dans le tableau 5, on observe que l’effet du sentiment médiatique est plus important au Portugal qu’au Royaume-Uni, alors même que l’on peut imaginer que le Financial Times est plus diffusé et certainement plus lu au Royaume-Uni qu’au Portugal. Ce résultat va peut-être dans le sens d’une plus grande rationalité des investisseurs au Royaume-Uni. Enfin, à la lecture de l’article de Siganos (2013), il est clair que le Financial Times est un « outil de travail » pour tous les financiers et les traders quel que soit le pays considéré[17].

Les pays les plus impactés par le sentiment sont, par ordre décroissant, l’Italie, le Portugal, la Grèce, l’Allemagne et la France. Ainsi, puisque ces pays ne présentent pas des caractéristiques homogènes en termes de taille et de localisation géographique, on peut penser que la culture nationale joue un rôle au sein de la relation entre sentiment médiatique et rentabilités boursières en Europe. Ce résultat est en pleine cohérence avec la présence d’effets fixes dans notre modèle corroboré par le test d’Hausman.

Estimations en données de panel : l’influence de la culture nationale

Les résultats des estimations pour le coefficient associé à la variable sentiment en données de panel, avec introduction d’une dimension culturelle, sont présentés dans les tableaux n°6 à 11 ci-après.

De manière générale, quelle que soit la dimension culturelle considérée, on relève que l’impact du sentiment médiatique est faible et non significatif sur les rentabilités boursières des firmes de grandes capitalisations pour les deux échantillons constitués en fonction d’un critère de dimension culturelle.

Pour les entreprises de petites capitalisations boursières, l’effet du sentiment est proche de celui relevé précédemment, i.e. le coefficient prédictif associé à la variable de sentiment médiatique pessimiste (optimiste) est négatif (positif) dans le très court terme (k = 1 à 10) et devient positif (négatif) ensuite (k = 30 à 90) pour les pays ayant un indice d’individualisme faible (pays collectivistes). En revanche, les rentabilités boursières des pays ayant un indice d’individualisme élevé n’attestent pas une forte dépendance au facteur sentiment médiatique. L’hypothèse H2a est ainsi validée. En effet, la culture collectiviste de ces pays tend à engendrer des comportements moutonniers, ce qui renforce les liens entre les décisions des individus non rationnels, guidées par le sentiment. Ceci accroît alors les effets du sentiment médiatique sur les marchés financiers.

Un effet semblable est observé pour les pays ayant un fort niveau de contrôle de l’incertitude. Ce résultat corrobore l’hypothèse H2b. Dans ces pays, cette volonté de contrôle rend les individus plus émotifs que ceux des pays avec un faible degré de contrôle de l’incertitude. Face à des situations imprévues, ces individus émotifs réagissent de manière excessive : ainsi, un trop grand optimisme (pessimisme) amène à une sur-évaluation (sous-évaluation) des cours, suivie d’une correction des cours et donc à une faible (forte) rentabilité future.

Dans les pays présentant un fort niveau de masculinité, on observe que le sentiment pessimiste médiatique exerce une pression à la baisse sur les cours des actions à court terme (coefficients k = 1 à 10 négatifs), pression suivie par un retour vers les niveaux fondamentaux à moyen terme (coefficients k = 30 à 90 positifs). L’effet inverse se voit observé pour un sentiment optimiste. Les individus des pays à forte masculinité sont empreints d’une plus grande sur-confiance et ont donc une plus grande propension à la sur-réaction, ce qui explique ces résultats et confirme l’hypothèse H2c.

Une autre stratégie empirique consiste à conserver tous les pays dans une même régression (modèle (2)) en introduisant pour chaque dimension culturelle une variable d’interaction avec la variable de sentiment (dimension culturelle × sentiment). Les résultats – disponibles sur demande – montrent que les coefficients associés à ces mesures d’interaction sont significatifs, ce qui confirme le rôle modérateur de la culture sur la relation entre sentiment et rentabilités boursières des petites entreprises.

Cette triple validation des hypothèses H2a, H2b et H2c contribue à asseoir la validité de l’hypothèse H2. Dans les pays où les individus sont présumés plus sujets aux biais psychologiques, moins rationnels, l’influence du sentiment des investisseurs est plus élevée. La culture nationale influence donc le lien entre l’effet du sentiment des investisseurs et les rentabilités des marchés des actions en Europe.

Pour les trois hypothèses H2a, H2b et H2c, l’effet du sentiment médiatique est plus important si ce sentiment est pessimiste que s’il est optimiste. Ce constat conforte ce qui a déjà été observé précédemment : les individus accordent plus d’importance à ce qui possède un caractère négatif. Enfin, il apparaît que l’impact du pessimisme des investisseurs est plus important et plus prégnant que celui de l’optimisme pour les pays les plus culturellement susceptibles d’être sujets aux biais psychologiques. Ainsi, l’asymétrie identifiée supra se voit accentuée pour ce type de pays.

Tableau 6

Influence du sentiment des investisseurs sur la performance des petites capitalisations boursières : effet de l’individualisme

Influence du sentiment des investisseurs sur la performance des petites capitalisations boursières : effet de l’individualisme

Ce tableau présente les résultats de la régression en données de panel du modèle (2). Les données sont journalières et couvrent la période allant du 27 septembre 2007 au 30 décembre 2011. La variable dépendante exprime la rentabilité moyenne sur k-période(s) du portefeuille des titres à petites capitalisations boursières. Les échantillons ont été constitués sur la base de la variable individualisme. L’échantillon « pays au-dessous de la médiane » est composé des pays pour lesquels la variable individualisme est inférieure ou égale à la médiane. L’échantillon « pays au-dessus de la médiane » est composé des pays pour lesquels la variable individualisme est supérieure ou égale à la médiane. SENT est l’indicateur de sentiment basé sur une analyse de contenu d’articles issus du Financial Time. NGI est la fraction de mots à connotation négative par rapport au nombre total de mots selon la classification du dictionnaire General Inquirer Harvard IV-4. PGI est la fraction de mots à connotation positive par rapport au nombre total de mots selon la classification du dictionnaire General Inquirer Harvard IV-4. NLMD est la fraction de mots à connotation négative par rapport au nombre total de mots selon la classification du dictionnaire de Loughran et McDonald. PLMD est la fraction de mots à connotation positive par rapport au nombre total de mots selon la classification du dictionnaire de Loughran et McDonald. Les coefficients estimés et les statistiques de test ont été corrigés par la technique du bootstrap par blocs. Adj. R2 est le R2 ajusté de la régression. ***, **,* désignent respectivement les degrés de significativité au seuil de 1 %, 5 %, et 10 %.

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Tableau 7

Influence du sentiment des investisseurs sur la performance des grandes capitalisations boursières : effet de l’individualisme

Influence du sentiment des investisseurs sur la performance des grandes capitalisations boursières : effet de l’individualisme

Ce tableau présente les résultats de la régression en données de panel du modèle (2). Les données sont journalières et couvrent la période allant du 27 septembre 2007 au 30 décembre 2011. La variable dépendante exprime la rentabilité moyenne sur k-période(s) du portefeuille des titres à grandes capitalisations boursières. Les échantillons ont été constitués sur la base de la variable individualisme. L’échantillon « pays au-dessous de la médiane » est composé des pays pour lesquels la variable individualisme est inférieure ou égale à la médiane. L’échantillon « pays au-dessus de la médiane » est composé des pays pour lesquels la variable individualisme est supérieure ou égale à la médiane. SENT est l’indicateur de sentiment basé sur une analyse de contenu d’articles issus du Financial Time. NGI est la fraction de mots à connotation négative par rapport au nombre total de mots selon la classification du dictionnaire General Inquirer Harvard IV-4. PGI est la fraction de mots à connotation positive par rapport au nombre total de mots selon la classification du dictionnaire General Inquirer Harvard IV-4. NLMD est la fraction de mots à connotation négative par rapport au nombre total de mots selon la classification du dictionnaire de Loughran et McDonald. PLMD est la fraction de mots à connotation positive par rapport au nombre total de mots selon la classification du dictionnaire de Loughran et McDonald. Les coefficients estimés et les statistiques de test ont été corrigés par la technique du bootstrap par blocs. Adj. R2 est le R2 ajusté de la régression. ***, **,* désignent respectivement les degrés de significativité au seuil de 1 %, 5 %, et 10 %.

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Tableau 8

Influence du sentiment des investisseurs sur la performance des petites capitalisations boursières : effet du contrôle de l’incertitude

Influence du sentiment des investisseurs sur la performance des petites capitalisations boursières : effet du contrôle de l’incertitude

Ce tableau présente les résultats de la régression en données de panel du modèle (2). Les données sont journalières et couvrent la période allant du 27 septembre 2007 au 30 décembre 2011.. La variable dépendante exprime la rentabilité moyenne sur k-période(s) du portefeuille des titres à petites capitalisations boursières. Les échantillons ont été constitués sur la base de la variable contrôle de l’incertitude. L’échantillon « pays au-dessous de la médiane » est composé des pays pour lesquels la variable contrôle de l’incertitude est inférieure ou égale à la médiane. L’échantillon « pays au-dessus de la médiane » est composé des pays pour lesquels la variable contrôle de l’incertitude est supérieure ou égale à la médiane. SENT est l’indicateur de sentiment basé sur une analyse de contenu d’articles issus du Financial Time. NGI est la fraction de mots à connotation négative par rapport au nombre total de mots selon la classification du dictionnaire General Inquirer Harvard IV-4. PGI est la fraction de mots à connotation positive par rapport au nombre total de mots selon la classification du dictionnaire General Inquirer Harvard IV-4. NLMD est la fraction de mots à connotation négative par rapport au nombre total de mots selon la classification du dictionnaire de Loughran et McDonald. PLMD est la fraction de mots à connotation positive par rapport au nombre total de mots selon la classification du dictionnaire de Loughran et McDonald. Les coefficients estimés et les statistiques de test ont été corrigés par la technique du bootstrap par blocs. Adj. R2 est le R2 ajusté de la régression. ***, **,* désignent respectivement les degrés de significativité au seuil de 1 %, 5 %, et 10 %.

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Tableau 9

Influence du sentiment des investisseurs sur la performance des grandes capitalisations boursières : effet du contrôle de l’incertitude

Influence du sentiment des investisseurs sur la performance des grandes capitalisations boursières : effet du contrôle de l’incertitude

Ce tableau présente les résultats de la régression en données de panel du modèle (2). Les données sont journalières et couvrent la période allant du 27 septembre 2007 au 30 décembre 2011. La variable dépendante exprime la rentabilité moyenne sur k-période(s) du portefeuille des titres à grandes capitalisations boursières. Les échantillons ont été constitués sur la base de la variable contrôle de l’incertitude. L’échantillon « pays au-dessous de la médiane » est composé des pays pour lesquels la variable contrôle de l’incertitude est inférieure ou égale à la médiane. L’échantillon « pays au-dessus de la médiane » est composé des pays pour lesquels la variable contrôle de l’incertitude est supérieure ou égale à la médiane. SENT est l’indicateur de sentiment basé sur une analyse de contenu d’articles issus du Financial Time. NGI est la fraction de mots à connotation négative par rapport au nombre total de mots selon la classification du dictionnaire General Inquirer Harvard IV-4. PGI est la fraction de mots à connotation positive par rapport au nombre total de mots selon la classification du dictionnaire General Inquirer Harvard IV-4. NLMD est la fraction de mots à connotation négative par rapport au nombre total de mots selon la classification du dictionnaire de Loughran et McDonald. PLMD est la fraction de mots à connotation positive par rapport au nombre total de mots selon la classification du dictionnaire de Loughran et McDonald. Les coefficients estimés et les statistiques de test ont été corrigés par la technique du bootstrap par blocs. Adj. R2 est le R2 ajusté de la régression. ***, **,* désignent respectivement les degrés de significativité au seuil de 1 %, 5 %, et 10 %.

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Tableau 10

Influence du sentiment des investisseurs sur la performance des petites capitalisations boursières : effet de la masculinité

Influence du sentiment des investisseurs sur la performance des petites capitalisations boursières : effet de la masculinité

Ce tableau présente les résultats de la régression en données de panel du modèle (2). Les données sont journalières et couvrent la période allant du 27 septembre 2007 au 30 décembre 2011. La variable dépendante exprime la rentabilité moyenne sur k-période(s) du portefeuille des titres à petites capitalisations boursières. Les échantillons ont été constitués sur la base de la variable masculinité. L’échantillon « pays au-dessous de la médiane » est composé des pays pour lesquels la variable masculinité est inférieure ou égale à la médiane. L’échantillon « pays au-dessus de la médiane » est composé des pays pour lesquels la variable masculinité est supérieure ou égale à la médiane. SENT est l’indicateur de sentiment basé sur une analyse de contenu d’articles issus du Financial Time. NGI est la fraction de mots à connotation négative par rapport au nombre total de mots selon la classification du dictionnaire General Inquirer Harvard IV-4. PGI est la fraction de mots à connotation positive par rapport au nombre total de mots selon la classification du dictionnaire General Inquirer Harvard IV-4. NLMD est la fraction de mots à connotation négative par rapport au nombre total de mots selon la classification du dictionnaire de Loughran et McDonald. PLMD est la fraction de mots à connotation positive par rapport au nombre total de mots selon la classification du dictionnaire de Loughran et McDonald. Les coefficients estimés et les statistiques de test ont été corrigés par la technique du bootstrap par blocs. Adj. R2 est le R2 ajusté de la régression. ***, **,* désignent respectivement les degrés de significativité au seuil de 1 %, 5 %, et 10 %.

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Tableau 11

Influence du sentiment des investisseurs sur la performance des grandes capitalisations boursières : effet de la masculinité

Influence du sentiment des investisseurs sur la performance des grandes capitalisations boursières : effet de la masculinité

Ce tableau présente les résultats de la régression en données de panel du modèle (2). Les données sont journalières et couvrent la période allant du 27 septembre 2007 au 30 décembre 2011. La variable dépendante exprime la rentabilité moyenne sur k-période(s) du portefeuille des titres à grandes capitalisations boursières. Les échantillons ont été constitués sur la base de la variable masculinité. L’échantillon « pays au-dessous de la médiane » est composé des pays pour lesquels la variable masculinité est inférieure ou égale à la médiane. L’échantillon « pays au-dessus de la médiane » est composé des pays pour lesquels la variable masculinité est supérieure ou égale à la médiane. SENT est l’indicateur de sentiment basé sur une analyse de contenu d’articles issus du Financial Time. NGI est la fraction de mots à connotation négative par rapport au nombre total de mots selon la classification du dictionnaire General Inquirer Harvard IV-4. PGI est la fraction de mots à connotation positive par rapport au nombre total de mots selon la classification du dictionnaire General Inquirer Harvard IV-4. NLMD est la fraction de mots à connotation négative par rapport au nombre total de mots selon la classification du dictionnaire de Loughran et McDonald. PLMD est la fraction de mots à connotation positive par rapport au nombre total de mots selon la classification du dictionnaire de Loughran et McDonald. Les coefficients estimés et les statistiques de test ont été corrigés par la technique du bootstrap par blocs. Adj. R2 est le R2 ajusté de la régression. ***, **,* désignent respectivement les degrés de significativité au seuil de 1 %, 5 %, et 10 %.

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Ces résultats montrent que la culture nationale produit des effets sur les marchés financiers nationaux, ce qui conforte l’idée selon laquelle les investisseurs issus de cultures différentes sont sujets à des biais distincts et vient ainsi confirmer le propos de Statman (2008).

Conclusion

Cet article propose une nouvelle mesure du sentiment de l’investisseur en Europe, qui s’appuie sur les contenus d’un journal financier de référence, le Financial Times. Les motivations sous-jacentes à cette mesure résultent des travaux de recherche dans le domaine de la psychologie cognitive. L’étude du lien entre cette mesure de sentiment médiatique et les rentabilités boursières des entreprises européennes conforte l’explication comportementale de l’évolution des cours des actions. En effet, nos résultats attestent d’une capacité prédictive de la mesure de sentiment médiatique. Par ailleurs, son effet sur les rentabilités est plus prononcé pour les firmes de petite taille - plus difficiles à arbitrer ou évaluer – et donc plus sujettes à l’influence du sentiment des investisseurs. L’effet du sentiment pessimiste apparaît plus important : cette asymétrie s’inscrit dans la lignée des résultats relevés en psychologie cognitive, indiquant une plus grande importance des événements de nature négative dans un processus de prise décision (Johnson et Tversky, 1984; Peeters et Czapinski, 1990). En outre, un accroissement de l’indicateur de sentiment médiatique pessimiste (optimiste) entraîne une baisse (hausse) des cours des actions à court terme, suivie d’une hausse (baisse) dans le moyen terme. Cette correction des prix des actions corrobore les résultats de l’approche comportementale de De Long et alii (1990) ou encore de Baker et Wurgler (2006, 2007).

Le choix de mener une analyse transnationale et européenne a permis d’introduire une dimension culturelle dans notre analyse. Il s’avère que la culture nationale exerce une influence notable sur la relation entre le sentiment des investisseurs et les rentabilités boursières. Ainsi, elle vient soit atténuer, soit exacerber l’influence du sentiment. En effet, l’effet du sentiment est plus prononcé dans les pays où les individus sont culturellement plus enclins à être affectés par des biais psychologiques (sur-confiance, comportements grégaires, etc.).

Une perspective de recherche intéressante consisterait à étudier l’influence du contenu des nouvelles issues d’autres médias. En effet, Thurman et Myllylahti (2009) étudient le basculement d’un journal financier finlandais d’une version papier vers une version totalement électronique et ils indiquent (p. 699) : « alors que la version papier diffusait des informations relatives aux entreprises et aux marchés, sa version digitale se concentre plus sur les centres d’intérêt du lecteur […] ». Les contenus entre la version électronique et la version papier semblant différer, il semble ainsi pertinent de prolonger cette recherche à partir du contenu des sites internet des journaux.