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Après le numéro spécial sur les archives de traducteurs, dirigé par Anthony Cordingley et Patrick Hersant, nous reprenons nos numéros réguliers et cette fois dans les temps. Nous renouons également avec la parité linguistique de la revue puisque figurent dans ce numéros quatre articles en espagnol, trois en français et trois en anglais.
Le premier texte vient du sud du Chili. Il analyse les pratiques et les stratégies orthographiques et traductologiques du professeur Manuel Manquilef, considéré comme le premier écrivain mapuche, informant et collaborateur d’études ethnographiques, puis auteur, traducteur et transcripteur de récits ethnographiques. L’article adopte une approche glottopolitique pour comprendre comment cet intellectuel mapuche construit une représentation de la langue autochtone (mapudungun) au moyen de son travail de transcription, d’écriture et de traduction.
Le deuxième est basque. Il offre un vaste panorama (754 oeuvres) de la littérature d’enfance et de jeunesse en langue française traduites en langue basque. Après analyse du public de ces oeuvres, des auteurs et des traducteurs, et finalement du lieu de publication, l’auteure observe l’émergence de deux systèmes différents d’un côté et de l’autre de la frontière, malgré le fait que les langues source (français) et cible (basque) sont les mêmes.
Toujours en provenance d’Espagne, mais en anglais cette fois, un article qui analyse l’utilisation de la traduction audiovisuelle (TAV) comme ressource pédagogique dans l’enseignement primaire. Il examine la perception qu’ont les élèves du sous-titrage interlinguistique et du doublage créatif pour apprendre l’anglais à l’école. Avec un échantillon de 120 élèves, 10 établissements et, pour instruments de recherche, un questionnaire et l’observation en classe, l’auteur souligne l’opinion positive des élèves quant à l’utilisation de la TAV dans l’apprentissage des langues, avec une légère préférence pour le doublage.
La traduction indirecte est le sujet de l’article suivant qui révèle le rôle intermédiaire de la Russie soviétique dans la réception de Victor Hugo en Chine. L’auteur utilise la théorie du transfert culturel et notamment la notion de tiers établies par Michel Espagne, et les outils méthodologiques des recherches sur la traduction indirecte pour analyser des traductions indirectes et examiner l’image romantique de Hugo en Chine imprégnée des théories marxistes soviétisées. Il souligne ainsi le rôle décisif de tiers de la Russie soviétique dans la réception chinoise de Hugo, sur le plan de la circulation et de la traduction, ainsi que sur celui de l’interprétation.
Le cinquième texte porte sur le roman policier considéré comme un vrai transgenre, ou genre transnational. Le roman étudié, La muerte me da de Cristina Rivera Garza, consiste en une narration polyphonique qui renouvelle le classique anglo-saxon sous un ordre féminin choral. L’objectif est la recherche de méthodologies intersectionelles pour l’élaboration d’une critique féministe transnationale ayant pour objet les manifestations des « transnationalités minimales ».
Suivent deux articles qui s’occupent d’évaluation. Le premier traite de l’interprétation. Plus précisément, il s’agit d’une étude empirique pour évaluer l’utilité de la notation analytique (ARS) par rapport au jugement comparatif (CJ), la première fondée sur des descripteurs objectifs et la seconde sur des critères subjectifs. Deux groupes d’évaluateurs/juges de différentes expertises de notation ont appliqué CJ et ARS pour évaluer 40 échantillons d’interprétation consécutive anglais-chinois. L’analyse des données quantitatives suggère que l’ARS globale a surpassé CJ en matière de validité, fiabilité, praticité et acceptabilité. Il propose également des pistes de recherche pour améliorer la compréhension de l’interprétation de l’évaluation.
Le second aborde le regard de l’étudiant sur l’évaluation en traduction. En effet, l’étudiant étant au centre du processus, ses expériences et ses opinions autour de l’évaluation sont riches en enseignement. Les auteures analysent 46 entrevues d’étudiants universitaires et concluent que les étudiants accordent beaucoup d’importance à l’évaluation continue et la pratique réitérée d’activités de traduction. Cependant, les étudiants réclament un feedback plus approfondi et critiquent la réalisation d’examens sous certaines conditions.
Outre ses fonctions habituelles, la citation dans un article scientifique peut également contribuer à rehausser l’efficacité et la précision du langage utilisé pour exprimer le contenu de l’article en retraçant et analysant des emplois antérieurs d’un terme afin d’en préciser le sens. L’auteure de l’article suivant présente les types de renseignements métalangagiers ou sémantiques qu’une telle citation, appelée marqueur sémantique, est susceptible de contenir. Le corpus qui sert à l’analyse couvre plusieurs disciplines en sciences humaines et sociales.
L’avant-dernier article est une étude bibliométrique, comme on commence à en voir de plus en plus dans notre domaine, ce qui est une heureuse tendance. Il s’agit d’une analyse bibliométrique de la recherche en traduction journalistique produite entre 2000 et 2019. Elle s’appuie sur un corpus de 396 entrées sur la traduction et l’interprétation journalistique dans Translation Studies Bibliography (TSB). L’analyse explore de catégories applicables à chaque entrée du corpus, à savoir l’auteur/le directeur, l’année, la langue, le type, la revue et la maison d’édition. Ensuite, les sujets et les champs déterminants à partir des mots-clés dans les entrées annotées de la TSB, ainsi que des substantifs récurrents dans les résumés.
Le numéro se termine sur un article qui examine la traduction des technolectes juridiques dans la presse. L’auteure se fonde sur la méthodologie de la juritraductologie composée de trois étapes : l’étape sémasiologique, l’étape de droit comparé et l’étape onomasiologique. Le but est de décrypter, comparer et recrypter les notions juridiques d’une langue et d’un système juridique à l’autre. Deux technolectes juridiques issus de la presse générale (to be charged, mise en examen) illustrent ce processus à visée terminologique.
En prime, nous publions une deuxième entrevue, celle de Bernd Stefanink qui retrace les origines, la situation présente et l’avenir de l’herméneutique en traduction.
Comme à l’habitude, six recensions ferment le numéro.
Le prochain numéro thématique sortira en avril 2022, dirigé par Christine Ji et Michael Oakes, et portera sur les corpus. Les lecteurs se rendront compte que la tradition du 3e numéro spécial a été quelque peu bouleversée ces dernières années. La raison est simple : les directeurs de numéros spéciaux n’ont pas toujours pleine conscience des impératifs éditoriaux liés à un numéro de Meta et se trouvent souvent pris par le temps. Qu’à cela ne tienne, que le numéro spécial paraisse en décembre ou en avril ne change pas grand-chose pour la revue.
Je vous souhaite une bonne lecture !