La Révolution tranquille demeure un repère, sinon un idéal dans les représentations collectives dominantes de la société québécoise contemporaine. En ce sens, ce « moment fondateur » continue d’influencer les débats politiques, sociaux et culturels du Québec d’aujourd’hui. Or, malgré son importance manifeste, nous sommes d’avis que plusieurs chantiers de recherche méritent d’être entrepris et poursuivis afin de mieux saisir les contours comme les effets de la Révolution tranquille. Il importe aussi, selon nous, de nuancer divers aspects qui proviennent du récit qu’on se fait de ce phénomène, lequel est nourri notamment par la mémoire des personnes qui ont oeuvré directement à cet épisode marquant de notre histoire récente. Entre autres, on peut penser aux études sociohistoriques fondées sur les théories critiques du genre, où la participation des femmes et des groupes marginalisés est mise en évidence ; aux perspectives autochtones qui permettent de faire ressortir les rapports coloniaux complexes qui ont encore cours durant cette période ; aux nombreux regards des intellectuelles et intellectuels de l’époque qui alimentent autant l’univers proprement littéraire, artistique que scientifique et qui contribuent aux débats d’idées qui ont pris forme, etc. Les textes rassemblés ici constituent le deuxième volet du dossier thématique Regards intellectuels sur la Révolution tranquille dont la problématique et la justification historiographique ont été présentées en détail dans les pages du numéro précédent (vol. XXIII, no 1). Tout comme les articles du premier volet, les contributions publiées dans celui-ci ont pour objectif d’approfondir ce moment déterminant dans la trajectoire de la société québécoise. Plus précisément, il s’agit d’alimenter les connaissances sur la Révolution tranquille par le biais des « regards intellectuels ». Portés par les acteurs et actrices qui ont vécu la révolution ou définis par les chercheurs et chercheuses qui conceptualisent et interprètent la société québécoise des années 1960 et 1970, ces regards offrent autant de vitrines pour mieux interpréter les contours de cette période charnière et les multiples effets qui lui sont associés. Les trois textes originaux de ce numéro font appel de près ou de loin à des concepts et à des notions qui nuancent ou bonifient notre compréhension de certains phénomènes clés de la Révolution tranquille : enjeux mémoriels, balises identitaires, colonialisme, valeurs et représentations, démocratie et citoyenneté. Les analyses qui y ont été menées viennent renouveler l’historiographie des années 1960 et 1970 au Québec. Concrètement, elles contribuent notamment à l’élargissement de notre compréhension des diverses manifestations de la culture politique québécoise et de la création par différents acteurs sociopolitiques d’un univers intellectuel propre à la Révolution tranquille. Bien entendu, le travail en la matière est loin d’être terminé. Nous espérons que les lectrices et les lecteurs de Mens y verront là une invitation à entretenir un dialogue critique avec les thèses présentées dans ce numéro. D’abord, Sophie Imbeault analyse le discours des intellectuels indépendantistes des années 1960 et la manière dont ceux-ci développent une critique du colonialisme britannique, en prenant à partie les symboles de ce pouvoir. Elle montre également l’influence déterminante de l’École de Montréal et de ses historiens néonationalistes sur les écrits politiques des intellectuels indépendantistes, notamment au sujet de leur interprétation de la Conquête britannique de 1760. Ensuite, Emmanuel Bernier s’intéresse aux courriers des lecteurs de la presse quotidienne québécoise des années 1960. Il cherche à savoir si les écrits de la population de la ville de Québec, qui s’exprime dans le journal Le Soleil, témoignent d’un intérêt pour les valeurs postmatérialistes, en lien avec les nombreuses réformes sociopolitiques proposées par les élites politiques de l’époque. Enfin, Stéphane Savard s’interroge sur la manière dont la notion de démocratie participative, qui circule alors …
IntroductionRegards intellectuels sur la Révolution tranquille, II
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Jean-Philippe Carlos
Université YorkFélix Mathieu
Université de WinnipegStéphane Savard
Université du Québec à Montréal
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