Abstracts
Résumé
La revue Liaison est parue de 1947 à 1950 sous la direction de Victor Barbeau à partir d’une formule éditoriale originale. En effet, les animateurs de la revue optent pour une diffusion restreinte, limitée qu’aux abonnés, qui se trouvent pour la plupart membres d’un réseau de coopération nommée « Servir ». Être lecteurs de la revue, dans ces conditions, c’est participer à son développement éditorial et esthétique. Dans cet article, j’étudie la singularité de ce mode d’organisation d’une revue, le rôle attribué au lectorat dans la conception de la revue, mais surtout ce qu’implique dans ce contexte éditorial singulier le recours fréquent à des écrivains argentins et plus largement hispano-américains. Ce détour argentin est significatif dans la longue durée de l’autonomisation littéraire québécoise et dans l’essor d’une pensée continentale. L’analyse de ce réseau à plusieurs branches participe d’une certaine réception de l’Amérique latine au Québec des années 1940.
Abstract
Liaison is a review magazine that was published in Montréal from 1947 to 1950 under the direction of Victor Barbeau according to an original publication formula. In fact, only those who subscribed to the review could receive it. Moreover, subscribers had to be part of a cooperative association named “Servir.” To be a reader of Liaison was to participate in its editorial and esthetical choices. In this paper, I address this unusual organizational arrangement and the role it attributes to readers in the production of the magazine, but I focus on the implications of the magazine’s frequent recourse to Argentinean and Latin-American writers within this unique editorial context. The detour into Argentinean literature represented an important component in Quebec literature’s lengthy progression towards autonomy and in the development of a continental identity. The study of this multi-faceted network contributes to a larger reception of Latin America in the 1940s in Quebec.
Article body
Dans un article qui se voulait à la fois un bilan des études faites sur l’américanité au Québec et un appel à de nouvelles voies de recherche, Benoît Melançon (1990) notait avec raison que la critique littéraire et historique s’était attardée principalement, voire exclusivement, aux liens, nombreux, mais bien souvent unilatéraux, qui existaient entre le Québec et les États-Unis lorsqu’il était question d’appartenance continentale. Il proposait alors quelques pistes, dont celle consistant à s’ouvrir au contexte hémisphérique en passant par le biais latino-américain. Avec les travaux de Gérard Bouchard (1997), de Zilá Bernd (1992, 2003), de Jean Morisset (1985), de Licia Soares de Souza (2004), de Pierre Nepveu (1998), d’Amaryll Chenady (1999) et de Patrick Imbert (1995), avec les expériences des revues Collectif Paroles, Dérives, Ruptures, avec les échanges éditoriaux entre les Écrits des Forges et des éditeurs mexicains, la littérature québécoise est entrée en dialogue avec son américanité transcontinentale depuis les années 1990, qui sont dorénavant perçues comme le moment de découverte d’une américanité hors des États-Unis pour le Québec.
Pourtant, les travaux de Nova Doyon (2012), fondés sur le comparatisme littéraire Brésil/Québec à propos du dix-neuvième siècle, jumelés à ceux de Pierre Rajotte (1994) sur le récit de voyage de Faucher de Saint-Maurice au Mexique, de Michel Lacroix (2004) sur les réseaux latins au Québec durant les décennies 1920 et 1930, de Catherine Legrand (2009) sur les missions religieuses québécoises et de Maurice Demers (2010a, 2010b) sur l’Union des Latins d’Amérique dans les années 1940 laissent voir une relation beaucoup plus profonde que cette lecture à deux temps de l’américanité québécoise. De Lionel Groulx (1961) à Gaston Miron[2], en passant par les frères O’Leary[3], Olivier Maurault (1945) et Joseph Ledit[4], un recours constant à l’Amérique latine a permis d’instaurer de nouveaux rapports de force au sein de l’identité québécoise entre les versants hexagonaux et étatsuniens, en servant en quelque sorte de tiers-inclus, d’expérience de détournement des attractions perçues parfois comme trop fortes de la part des grands corpus influents. Ainsi, François Hertel y va de cette réflexion sur la place du Canada français dans ces jeux identitaires interaméricains :
Nos relations de plus en plus nombreuses et précises avec les États du sud de l’Amérique sont extrêmement précieuses et nous devons les multiplier. Précisément parce que nous aimons les États-Unis et que nous sommes prêts à collaborer avec eux, nous devons nous affirmer devant eux comme les agents de liaison normaux et comme l’élément d’équilibre providentiel qui leur permettra une collaboration plus fraternelle et plus empreinte de sécurité avec les États de l’Amérique du sud[5].
Il en va de même de l’expérience singulière qu’est la revue Liaison, active au Québec à la fin des années 1940. Ce périodique, sous-titré Revue de littérature et d’art, accorde une grande place à l’Argentine et plus généralement à l’Amérique latine, phénomène peu courant à l’époque. La revue est parue de 1947 à 1950 sous la direction de Victor Barbeau à partir d’une formule éditoriale assez unique dans l’histoire littéraire québécoise. En effet, les animateurs de la revue optent pour une diffusion restreinte, limitée à ses abonnés, qui sont membres d’un réseau de coopération nommé « Servir ». Ce réseau est voué à plusieurs objectifs, qui couvrent les domaines de l’économie, du commerce, de la diffusion culturelle et artistique. Être lecteur de la revue, dans ces conditions, c’est participer de plain-pied à son développement, à la fois éditorial et esthétique, dans la mesure où les collaborateurs et les lecteurs ont acquiescé à certains postulats littéraires partagés par tous.
Dans cet article, j’aimerais saisir à la fois la singularité de ce mode d’organisation d’une revue culturelle, le rôle attribué au lectorat dans la conception de la revue, mais surtout ce qu’implique dans ce contexte éditorial singulier (tant endogène — la forme coopérative — qu’exogène — la conjoncture particulière de l’édition d’après-guerre) le recours fréquent et suivi à des écrivains argentins et plus largement hispano-américains. Il y a là une ouverture du réseau et un effet d’étrangeté esthétique et éditorial qui mérite notre attention, surtout à une époque où les réseaux d’influences passent principalement par la France et les États-Unis. Même si la revue n’a pas acquis un statut central dans l’histoire littéraire québécoise, ce détour argentin est significatif dans la longue durée de l’autonomisation littéraire québécoise et dans l’essor d’une pensée continentale. En analysant ce réseau à plusieurs branches, j’entends dresser une certaine réception de l’Amérique latine au Québec des années 1940, de même que la trame esthétique commune aux écrivains québécois et argentins qui participent à Liaison.
Une revue pour les pairs
La revue Liaison a duré quatre années, de 1947 à 1950, à une époque où la longévité des périodiques n’allait pas de soi. Publiée mensuellement, à raison de dix livraisons par année, Liaison est parvenue à s’imposer durant la période de ressac éditorial qui a suivi la Seconde Guerre mondiale[6], une fois que les écrivains et intellectuels hexagonaux sont retournés en France poursuivre leur aventure littéraire. Entreprise importante pour la décennie 1940, Liaison est pourtant une revue peu connue, n’ayant jamais fait l’objet d’analyses détaillées, à la différence de ses contemporaines Gants du Ciel et Amérique française. Ce silence relatif[7] peut s’expliquer par quelques pistes : la revue est fortement, et avec raison, identifiée à son animateur principal, Victor Barbeau. Or, dans la carrière prolixe de l’intellectuel, ce périodique occupe une part congrue[8], entre ses charges d’enseignement, ses Cahiers de Turc (1921-1927), la création de la Société des écrivains canadiens puis de l’Académie canadienne-française. Aussi, la revue a été victime de sa diversité; refusant de faire école[9], d’imposer un modèle littéraire, elle s’est félicitée d’ouvrir ses pages à de multiples collaborateurs, sans qu’émerge au sein même du périodique des nouveaux visages qui acquerront une reconnaissance en vertu de ce passage inaugural par les pages du périodique, comme il en va pour Hector de Saint-Denys Garneau à La Relève ou Paul Chamberland à Parti pris. Ainsi, outre Marie Lefranc, Rina Lasnier, deux écrivaines proches de Barbeau qui font paraître chacune dix textes, et l’écrivain normand Michel de Saint-Pierre, qui propose neuf articles, surtout des essais sur ses influences littéraires, aucun auteur de la revue ne publiera plus de six textes. De fait, si on exclut les chroniques périodiques, 107 auteurs différents ont publié les 205 articles de la revue, ce qui dénote que les contributions sans récidive sont majoritaires.
Ce pourcentage de renouvellement élevé est d’autant plus significatif que ceux qui collaborent à la revue doivent intégrer le système particulier mis en place par la revue. En effet, la revue table sur un système coopératif, considéré « comme la mieux équilibrée et la plus juste de toutes les tentatives de restauration économico-sociale[10] ». Pour Barbeau, le coopératisme est une voie à ouvrir au Québec de manière à conserver la structure socioéconomique libérale, où la fonction de l’élite comme classe dirigeante et organisatrice de la société est préservée, tout en atténuant les effets d’atomisation sociale qui en découlent. Dans ce contexte, Barbeau, avec d’autres, fonde en 1941 la coopérative « Servir », qui a pour mandat d’organiser la consommation, principalement culturelle. À travers une librairie, un magasin et des réseaux d’échanges entre membres[11], « Servir » planifie une consommation entre pairs, fondée sur un certain partage référentiel. Le rôle de la coopérative est d’associer les producteurs et les consommateurs, de créer un réseau de communication et d’échanges entre des sociétaires qui en viennent à avoir des intérêts communs. Ce modèle, qui ne place pas le profit, mais l’intérêt du groupe au coeur du projet associatif, cherche à promouvoir une société élitiste, où le cadre référentiel bourgeois catholique canadien-français pourrait s’épanouir. Barbeau tente de relever, selon les mots de Roger Duhamel, « le défi de la médiocrité et d’entrepren[dre] une croisade en faveur de la justesse de pensée et du bon goût dans l’expression[12] », deux marques qui évoquent la posture hiérarchique qui sera sienne pour concevoir le statut de la culture et servent à déterminer le rapport au lectorat qui anime la revue Liaison. Justesse de pensée et bon goût impliquent nécessairement un jugement sur la culture, de même que des modèles pour en rendre compte. Plus important, ces deux jalons signalent qu’un consentement implicite est nécessaire, de la part des auteurs, des critiques et des lecteurs, pour faire de ces mantras la base d’une coopération littéraire. Liaison s’adresse de facto à ceux qui partagent ce besoin d’asseoir une culture lettrée, sérieuse, élevée. Participer au projet coopératif de Liaison, c’est s’adouber de ce prédicat culturel et le considérer comme partagé par tous les sociétaires. Très rapidement, ce syndicat coopératif, qui rassemble plus ou moins 200 membres, va mettre sur pied une revue, qui sera le lieu de la mise en public du projet coopératif et le moyen de faire surgir cette culture commune livresque à laquelle les sociétaires aspirent.
Insérée à l’intérieur d’un cadre culturel déjà fixé, où la collaboration est fondée sur une même idée de la culture lettrée et élitaire, la création de Liaison pose un geste initial téméraire et impose un système de contraintes. D’emblée, le syndicat détermine que la revue ne sera pas distribuée en librairie. Pour l’obtenir, il faut devenir membre de « Servir » et s’engager pour l’année. De plus, pour y publier, il est également impératif d’être sociétaire. C’est dire qu’aux deux extrémités de la chaine du livre, les auteurs et les lecteurs se retrouvent amalgamés dans un projet commun, qui est de « servir la littérature canadienne d’expression française[13] ». Ce message est réitéré dans le numéro 17 : « Tous les collaborateurs de Liaison sont membres de Servir. Lecteurs et écrivains forment donc une seule et même famille, la seule du genre au Canada[14]. »
En vertu de ce réseau d’échanges de livres et des ramifications dans le commerce aux détails, le syndicat se positionne comme un diffuseur culturel en attachant les divers maillons de la chaîne du livre (les auteurs, les lecteurs et les animateurs de la revue) à un organisme où chaque sociétaire fait valoir ses goûts et ses projets et doit les défendre comme communs à l’équipe[15]. Il en résulte une création en équipe, chaque auteur étant aussi le lecteur de son collègue. En effet, le concept d’« équipe » est à prendre au sens littéral; il ne concerne pas uniquement les écrivains qui participent au projet, mais aussi les lecteurs : « il s’agit de l’offrande de toute une équipe : lorsque, au lieu d’un public anonyme et jamais entièrement le même, l’on a affaire à des lecteurs connus, dont plusieurs sont nos familiers, nos amis, à des lecteurs fidèles et qui ont contribué à la réalisation de notre grand dessein[16]! » La singularité de Liaison tient davantage dans son cadre administratif que dans sa proposition littéraire; derrière le syndicat se cache un bassin d’auteurs et de lecteurs, qui perdent entre eux leur anonymat et leur distance; tous sont alors attachés aux destinées de la revue. Si Barbeau a les commandes en main, il est quand même assisté d’une équipe, divisée entre le Conseil d’Administration du syndicat et celui de la revue. Pour représenter les écrivains, Rina Lasnier, Victor Barbeau, Léo-Paul Desrosiers, Alain Grandbois et François-Albert Angers sont élus. Pour assurer le même rôle chez les lecteurs, Berthe Trépanier, Émilien Blais, Roméo Boucher et Roger Viau[17] sont mandatés.
Dès le premier numéro, une structure se met en place, qui ne sera pas bouleversée durant toute l’existence de la revue. Chaque livraison, sans thématique spécifique, est un florilège qui s’appuie sur le programme suivant : le syndicat profite de la page initiale pour donner des nouvelles de ses activités et surtout pour inviter les sociétaires à trouver de nouveaux membres lecteurs. Le directeur de la revue, Barbeau, signe ensuite un court texte de présentation des articles, en insistant sur la vie intellectuelle des périodiques culturels. S’en suivent quelques textes substantiels, que ce soit des nouvelles, des poèmes, des extraits de roman, des essais, des lettres d’archives, des portraits d’écrivains, d’artistes ou d’intellectuels. Dans chaque parution, il y a de trois à sept textes de la sorte, ne dépassant jamais les 10 pages. C’est le genre de la nouvelle qui prime. Vient ensuite la section consacrée aux chroniques, qui prennent de plus en plus de place dans la revue et assurent sa continuité. S’il existe une identité à ce périodique, outre sa structure, c’est moins dans les oeuvres de création qu’elle se trouve que dans l’assiduité de certains chroniqueurs et dans la volonté de couvrir le champ culturel québécois et mondial de la manière la plus large possible. Ainsi, des chroniques sont consacrées au domaine artistique[18], à la littérature, à la langue, à la médecine, à la radio sans que le Québec soit l’unique aire culturelle commentée. Celle sur les disques s’attarde principalement à la musique classique européenne, celle à propos du cinéma couvre d’abord les productions hollywoodiennes, alors que celle sur les arts commente les expositions présentées à Montréal. Les recensions de livres alternent entre les oeuvres québécoises et les auteurs consacrés français, à l’agréable exception de quelques chroniques ponctuelles vouées à l’examen des lettres anglaises, canadiennes ou étatsuniennes, présentées par des spécialistes de ces corpus, dans un réel souci herméneutique. Par ailleurs, il faut noter que plus de vingt chroniqueurs fourniront également des articles substantiels, ce qui montre la perméabilité au sein de la revue entre le travail de création et celui de lecture, les deux participant à la refondation des lettres au Québec.
Dans cette structure, la création est fortement encouragée, puisque le sommaire met surtout en évidence ce type de collaboration. S’y succèdent des auteurs consacrés, mais appartenant à des horizons divers (Alain Grandbois, Robert Choquette, Léo-Paul Desrosiers, Lionel Groulx, Gustave Lamarche, Albert Laberge, Marcel Dugas, etc.), des nouveaux venus déjà connus (Yves Thériault, Roger Lemelin, Germain Guèvremont, Clément Marchand), de même que des auteurs qui tentent leur chance pour l’une des première fois (Jacques Ferron, Gérard Bessette). Une telle alternance entre les générations et les degrés de reconnaissance participe du fait que la revue, en raison de son modèle coopératif, cherche à rassembler tous les écrivains jugés dignes autour d’une même pratique de la littérature, qui est celle de la communication entre pairs. Le fait que la revue soit proche de la Société des écrivains canadiens et qu’elle note systématiquement l’appartenance des membres de l’Académie canadienne-française collaborant à Liaison signale qu’elle se perçoit comme un cénacle, où une relative autonomie est établie pour la littérature consacrée, seuls les pairs et les lecteurs sortis de l’anonymat par le syndicat ont ainsi droit d’intervenir dans le jugement posé sur les oeuvres éditées.
Cette écriture entre pairs ne se traduit toutefois pas par une hégémonie stylistique ou par une vision unique des lettres canadiennes-françaises. Dans de nombreux textes de présentation, Barbeau se targue d’une grande diversité dans les sujets abordés, d’une variété de styles et de genres publiés. Force est de lui donner raison sur ce point. La revue, dans le contexte des années 1940, est diversifiée, au point de courir le risque de perdre son identité, si on la compare à Gants du ciel, par exemple, beaucoup plus précise quant à ses orientations esthétique et philosophique. Si Barbeau a été un virulent pourfendeur, dans ses Cahiers de Turc, du régionalisme[19], et s’il a maintenu ses affinités avec Dugas, qu’il publie de manière posthume (nos 3, 4, 12), la revue accueille néanmoins beaucoup d’auteurs appartenant à la mouvance autrefois décriée et sur laquelle le directeur revient périodiquement. Par exemple, dans sa recension de Marie Didace de Germaine Guèvremont, dans le numéro 10, Barbeau écrit :
Pour être — ce qui est tout naturel — le plus ancien, le roman régionaliste n’était pas, chez nous, le plus heureux. Avec plus de précipitation que de justesse, on a tout de suite incriminé le genre au lieu de s’en prendre aux apprentis malhabiles et ignares qui y étalaient leur navrante bêtise. Eux seuls, pourtant, étaient coupables[20].
En rejetant l’échec du courant régionaliste sur le dos des auteurs, tout en procédant à la célébration de Guèvremont, Barbeau participe d’une relecture importante du rapport au terroir, qui sera entreprise dans Liaison principalement par le biais de la littérature argentine.
L’Argentine de Liaison, un cas de transfert culturel
En raison de ses chroniques sur les lettres de langue anglaise, en vertu de ses chroniqueurs culturels installés en France (Véber, Saint-Pierre, Drogoul, etc.), par ses reproductions de nouvelles, d’essais et de témoignages provenant d’écrivains catholiques français (Henry de Montherlant, Hervé Bazin, La Varende, etc.), par ses intermèdes citationnelles consacrées aux Tagore, Gabriel Marcel, George Duhamel et autres Rémy de Gourmont, Liaison a été vu comme un périodique qui associait la littérature canadienne-française aux grandes traditions humanistes européennes. Or, un autre type de collaboration avec l’étranger a peu été remarqué : l’avènement d’une référence argentine et plus largement latino-américaine.
En effet, Liaison décide, dès son premier numéro, de présenter des auteurs étrangers dans sa section de création. Si l’on fait fi des écrivains francophones (Français et Belges) pour qui la question de la traduction ne se pose pas, 12 auteurs argentins (pour un total de 16 textes) sont publiés dans la revue, en traduction. Quel est le sens de ce recours aux lettres argentines dans les années 1940? Qui permet ces contacts? Que révèlent-ils sur les lettres canadiennes-françaises? Dans quel contexte cette référence émerge-t-elle? Un bref examen du transfert culturel à l’oeuvre dans Liaison permettra de mieux saisir cette expérience assez unique dans le corpus littéraire du Québec.
Sur les 205 articles de la revue, 16 sont écrits par des latino-américains, mais qui sont tous passés par l’Argentine au cours de leur carrière littéraire. Ce nombre semble peu élevé, mais 8 % des articles[21] d’une revue en provenance d’un pays à ce moment peu valorisé au sein de la « République mondiale des lettres[22] », selon le syntagme figé de Pascale Casanova (2008), alors que la traduction d’une autre langue que l’anglais vers le français est très rare au Québec, cela dénote un choix délibéré et significatif. Le transfert culturel s’enclenche d’ailleurs dès le premier numéro, avec la traduction d’une nouvelle de l’écrivain Enrique Amorim, membre du mouvement Boedo, groupe qui vise à s’inscrire dans la réalité populaire argentine (urbaine[23] et campagnarde). Cette nouvelle, la première de trois (nos 1, 5, 30) de la part de cet auteur, s’apparente à ce que les romanciers du Cône sud nomment alors le modernisme, dans sa phase régionale : mise en évidence de l’immensité et de l’hostilité de l’environnement, description de l’âpreté de la vie agraire, solitude humaine, violence des rapports sociaux, bestiaire dangereux et intriguant, fatalisme d’un monde sans dieu, mais avec des coutumes strictes. À l’occasion chez Amorim[24], ce vertige de la béance spatiale est comblé par un sentiment communautaire, qui donne accès à une vision nostalgique de la vie campagnarde. La nouvelle « La saulaie », qui raconte l’effet dévastateur d’une nuée de sauterelles dans une saulaie isolée[25], n’est pas annoncée par Barbeau et aucune indication n’est fournie pour déterminer le traducteur. Déjà dans les numéros subséquents, le directeur prend soin de mieux cerner ce recours à l’Argentine lettrée[26], en signalant constamment la provenance des auteurs, sans jamais la présenter comme singulière ou innovatrice. De fait, les courtes notices disent précisément un certain naturel dans le transfert, comme s’il allait de soi de proposer aux lecteurs de la revue ces oeuvres venues d’Argentine.
La sélection opérée parmi le corpus argentin est plus orientée que le reste de la publication. Les auteurs mis à contribution sont pour la plupart contemporains, à la notable exception de Domingo Faustino Sarmiento, ancien président de la république et célèbre auteur de Facundo o Civilización y Barbarie, texte fondateur, publié en 1845, de la lecture latino-américaine de la « frontière », au sens que lui donnent l’historiographie étatsunienne et Fernando Ainsa (1993), puisqu’on y suit les tribulations d’un caudillo, Facundo Quiroga, issu de la pampa et qui accède au pouvoir par le force, contre la capitale, axée sur la vie européenne. Le texte présenté dans le numéro 9 de Liaison, tiré du chapitre deux de Facundo, insiste sur la figure argentine par excellence, celle du gaucho, qui est ici traitée sur un mode ethnographique, pour en décrire les différentes inclinaisons. Le mot du directeur[27] de même que la note qui accompagne le texte insistent sur la féodalité campagnarde de l’Argentine du dix-neuvième siècle, ce qui a pour effet de rendre légendaires ces descriptions « curieuses et pittoresques[28] » du « rastreador[29] » et autres chanteurs.
La nouvelle est le genre privilégié, et Horacio Quiroga, qui est décédé en 1937, figure au premier plan, avec deux textes. D’abord, Liaison édite « À la dérive », tiré des Contes de la forêt vierge (1918), où Paulin, isolé dans une nature effroyable, cherche à survivre à une morsure de vipère :
Le Parana coule là au fond d’une immense fosse, dont les parois hautes de cent mètres, l’encagent funèbrement. Au-dessus des berges bordées de noirs blocs de basaltes, s’élève la forêt, noire aussi. En face, sur les côtés, derrière, l’éternelle muraille lugubre, au pied de laquelle l’eau pleine de remous se précipite en tourbillons incessants et boueux. Le paysage est agressif, il y règne un silence de mort[30].
Les termes dépréciatifs pour qualifier le paysage, jumelés à un registre de la fatalité, ont pour effet de rendre le poids de l’ennemi qu’est la nature, et d’indiquer comment elle rend tout individu excentré par rapport à lui-même, à la dérive, déboussolé, proche de la folie. La nature est une épreuve insurmontable, comme le réitère la seconde nouvelle, « Les fugitifs » (no 18), axée sur l’exploitation des bûcherons, sur la folie de la vie solitaire, sur les excès des rares jours de congé et sur la prison qu’est la grande forêt au service des patrons. Ainsi, les deux textes choisis illustrent à merveille l’approche de Quiroga où « ses contes dramatisent l’opposition entre la raison et la volonté de l’homme, d’une part, et l’hostilité qui caractérise le monde naturel, d’autre part[31] ».
Le sillon tracé par Sarmiento, Amorim et Quiroga est approfondi dans les autres nouvelles. En effet, le paysage est le coeur de la représentation, d’une part en abordant le style de vie rude, violent, mais adapté à ce territoire évidé des plaines chez Mateo Booz[32] où coutumes religieuses, jalousie et rituel s’affrontent, chez Estanislao S. Zeballos[33], où l’errance tourne au cauchemar, à la disette, à la survie[34], ou chez Juan Carlos Davalos[35] qui arpente les sommets enneigés des Andes dans une lente et fatale transhumance bovine. D’autre part, la veine de Ezechiel Martinez Estrada[36], de Ricardo Güiraldès[37], d’Amado Nervo[38] et de José Lion Depetre[39] insiste sur le pittoresque dans une perspective soit touristique, soit mémorialiste, qui montre le caractère en bonne partie révolu de l’espace frontalier argentin, tenu dès lors pour une source de tradition, de transmission capable d’alimenter un imaginaire résolument urbain. D’ailleurs, Depestre continuera ce travail dans une chronique voyage qu’il rédige durant quelques numéros (nos 25, 26, 27), où, par le biais d’expéditions de chasse, il en profite pour décrire des coins reculés de l’Amérique du Sud, tout en procédant à une ethnographie ethnocentriste, voire raciste, des populations amérindiennes rencontrées[40].
Ainsi, tous les auteurs argentins publiés dans Liaison appartiennent de près ou de loin à la mouvance régionaliste, dans la mesure où ils font paraître des textes qui mettent en évidence le terroir gaucho des grandes plaines argentines. Or, ce qui les intéresse, ce n’est pas tant le pittoresque que le rapport existentiel entre un mode de vie marginal, violent, isolé et le territoire hostile abritant ces hommes de la pampa. Il en résulte une écriture assez tellurique, centrée sur un bestiaire menaçant, sur une nature travaillée par la main humaine, mais toujours dangereuse, inquiétante, porteuse d’un mode de vie sans luxe, sans repère. La culture qui s’y déploie est vouée à l’éphémère, aux transmissions impossibles, aux mémoires oublieuses du vent, si bien que le drame qui se joue dans ce désert est celui d’un effacement, d’une dissolution de l’individu dans l’immensité d’une frontière sauvage où la folie, la mort, la vie ardue au sein d’une nature inviolable ont tôt fait de révéler l’horreur d’une existence hors d’une culture réconfortante. La sélection opérée par Liaison laisse entrevoir une lecture du régionalisme, non plus comme foyer d’une culture stable, celle d’un mode de vie canadien-français essentialisé, mais bien comme drame de la perte, comme conflit avec les éléments, comme expérience de l’isolement qui donne son sel au recours à la culture.
Dans ce contexte, récupérer des auteurs argentins, c’est travailler à l’avènement d’une écriture nouvelle de la campagne et des grands espaces canadiens, où la communauté n’est pas assurée par le travail du sol, où les coutumes sont problématisées, où le recours à l’altérité n’est pas vu comme la menace première. Liaison, en ce sens, reconfigure le régionalisme à la manière d’Yves Thériault[41], en mettant en scène des drames individuels dans la mesure où les êtres ploient sous la violence d’une nature indomptée. Les allusions à Charles-Ferdinand Ramuz ailleurs dans la revue[42] signalent qu’une voie s’ouvre autour d’un régionalisme renouvelé, à un moment où la ville est mise en représentation, non sans quelques problèmes s’il faut s’en fier aux interventions de Barbeau, à propos de Roger Lemelin[43], et de Marie Lefranc[44], à propos de Clément Marchand :
La Ville dévoreuse, la ville tentaculaire à laquelle il est dangereux pour le poète de revenir, à travers des chemins qui furent battus par un autre, qu’ils soient d’acier, de fer, de flammes ou de sang. À la décrire, la plume devient lourde comme marteau; les mots […] nous blessent l’oeil et les oreilles.
Une sélection est donc opérée, mais comment se réalise-t-elle? Qui en sont les médiateurs? Quel réseau permet le passage de ces auteurs argentins vers le Québec à une époque où la traduction au Québec est encore peu pratiquée? Deux éléments doivent être distingués, même s’ils sont à mettre en parallèle : le travail de traduction et le réseau qui permet le transfert. S’il y certainement passage de connaissance littéraire entre l’Argentine et le Québec, le circuit d’une telle mobilité référentielle est assez nébuleux, notamment parce que les traces concrètes de l’échange sont rares, que la revue est avare de commentaires sur ce point (les éditoriaux minimisant les informations fournies en les considérant comme intelligibles pour les lecteurs de l’époque rassemblés dans le syndicat coopératif) et que l’interculturalité entre le Québec et le Cône sud est susceptible de détours par la France, comme l’a montré Michel Lacroix (2004) pour les décennies précédentes.
Quoi qu’il en soit, des hypothèses peuvent être émises. D’abord, il est possible de penser que des échanges ont lieu entre les périodiques des deux pays. Barbeau, dans son mot du directeur, signale l’existence de trois périodiques latino-américains[45] dont il transmet les énoncés quant à l’avenir des revues culturelles. L’échange pourrait alors s’alimenter par une commune position socioculturelle sur le territoire américain : la volonté de constituer un corpus littéraire au sein d’une aire culturelle excentrée des grands centres légitimés. Pour nourrir son plaidoyer sur la création en revue et le coopératisme culturel par le biais argentin, Barbeau doit avoir sous la main des exemplaires de ces titres.
Plus concrète semble la piste française. Dans Liaison, le biais français est encore dominant : les chroniqueurs les plus réguliers sont français, dont Jean Mauduit qui devient dans la décennie 1940 le directeur de La Revue des deux mondes. Or, les liens entre l’Argentine et la France sont nombreux durant l’entre-deux-guerres. Parmi ceux-ci, deux méritent notre attention : d’abord, la création de la revue Sur en 1931 sous le patronage de Victoria O’Campo qui s’associe à une part de l’intelligentsia française (Drieu de La Rochelle, Jules Supervielle, Roger Caillois, Jacques Maritain) qui aura, dans certains cas, des liens forts avec la vie culturelle montréalaise (humanisme intégral, revue Gants du Ciel[46] de Guy Sylvestre, collaborateur à Liaison), surtout avec l’Occupation française qui accentue le triangle Buenos Aires / Paris / Montréal. Ensuite, la publication durant cinq ans de La Revue Argentine, sous la direction d’Edmond de Narval (pseudonyme d’Octavio González Roura, inventeur de la « gomina » pour les cheveux), qui consacre 32 numéros à établir une reconnaissance réciproque des lettres des deux pays, en se plaçant dans l’optique de La Nouvelle Revue française[47]. Quiroga, Amorim et Estrada y sont publiés en traduction, de même que Güilardès, qui y trouve le premier traducteur[48] de son classique Don Segundo Sombra (1927). La francophilie de Liaison pourrait bien être en concordance avec la posture adoptée pour la revue franco-argentine, qui aurait servi de truchement au transfert vers le Québec. Le fait que Pierre-Charles Roncal ait traduit un texte dans le numéro 14 va en ce sens, dans la mesure où il collaborait activement à La Revue Argentine dans le même rôle.
Le réseau entre le Québec et l’Argentine a aussi d’autres ramifications, qui court-circuitent le détour français. Ainsi, la Société des écrivains canadiens, cofondé puis présidé par Barbeau, axe une partie de son travail de promotion des lettres du Québec dans des ambassades culturelles en Amérique du Sud. La Société a multiplié de 1937 à 1944 les activités culturelles avec les pays latins des Amériques, ce qui faisait d’ailleurs partie du mandat initial de la Société, puisqu’elle visait à « intéress[er] la critique française et sud-américaine à leurs oeuvres[49] » et à faire « paraître leurs articles [ceux des membres] dans les journaux et périodiques de l’Europe et de l’Amérique du Sud[50] ». Ainsi, des ouvrages canadiens-français sont expédiés dans les universités mexicaines, brésiliennes et argentines avec l’aide du Secrétariat de la province de Québec, une exposition de livres, financée par le gouvernement fédéral, sillonne l’Amérique du Sud en 1943, des bulletins bibliographiques sont envoyés vers ces mêmes pays. Enfin, autour des célébrations du tricentenaire de la fondation de Montréal, un concours poétique est organisé en 1942 avec pour thème la ville. Un Gala clôture ces célébrations, « auxquelles nous avons associé, dans une commune pensée de solidarité latine, les représentants diplomatiques des pays latins d’Amérique[51] ». Sous la présidence de Barbeau,
[d]e 1936 à la fin des années 1950, la Société [des écrivains canadiens] participe à des expositions à l’étranger, notamment à New York et en Amérique du Sud en 1942, au Venezuela en 1954 et à Bruxelles en 1958. La plupart du temps, les ouvrages sont achetés par le secrétariat de la Province puis offerts aux bibliothèques des pays hôtes, ce qui permet à la production canadienne-française de rejoindre de nouveaux publics. Cette ouverture des frontières repose sur un réseau institutionnel constitué d’écoles, d’universités, de centres culturels et d’ambassades. Les relations diplomatiques de Jean Bruchési y sont sans doute pour quelque chose[52].
Par ailleurs, il faut se rappeler qu’outre Victor Barbeau, l’un des membres les plus actifs de cette Société est Olivier Maurault[53], alors recteur de l’Université de Montréal. Celui-ci est un animateur culturel très influent dans les cercles latins qui s’organisent autour du Québec et du Mexique, étant souvent mandaté pour accompagner des étudiants qui se rendent dans ce pays. Il est donc au fait des accords et des rapprochements entre les Latins des Amériques[54]. Il y a tout lieu de croire qu’une part des échanges de la Société, et par extension de Liaison, passe par ce biais catholique et latin. Une nuance s’impose ici : les principaux contacts de Maurault sont mexicains, alors que les oeuvres littéraires publiées dans Liaison proviennent d’Argentine. Mais Maurault, grâce à ses liens avec André Dagenais[55] est reçu en Argentine en 1946[56] pour des conférences, ce qu’il relate dans Par voies et par chemins de l’air (1947).
Néanmoins, la filière institutionnelle est intéressante en vertu des mouvements concrets (et bidirectionnels) d’échanges (livres, publicités, voyages) et de la bilatéralité des sociétés d’écrivains. De fait, Ezechiel Martinez Estrada, auteur d’un texte ethnographique sur la pampa argentine et la vie des habitants de ce nord désertique (no 8), a été président de la Sociedad Argentina de Escritores (SADE) de 1942 à 1946, association qui est le pendant sud-américain de la Société des écrivains canadiens, qui a été dirigé par Victor Barbeau jusqu’en 1944. Estrada est aussi un collaborateur de la célèbre revue Sur, qui publie les nouvelles de Jorge Luis Borges et qui est dirigée par Victoria O’campo. Celle-ci a été associée à Roger Caillois, le « découvreur » de Borges en France, dans l’expérience de la revue Lettres françaises, l’une des publications outre-mer des écrivains français sous l’Occupation[57], avec Gants du ciel et autres périodiques québécois et new-yorkais.
Les traducteurs impliqués dans le transfert culturel sont peu nombreux, surtout que des traductions ne sont pas attribuées. Le plus actif est Francis de Miomandre, qui s’occupe de trois textes, ceux de Quiroga, déjà traduits en France sous sa gouverne, et le dernier d’Amorim. Bien que la carrière littéraire de Miomandre se soit déroulée en France, au sein de la droite catholique, il a été un sociétaire et un collaborateur à Liaison, en soumettant un article historique (no 14). À cela s’ajoutent d’autres traducteurs français comme Gaston Adam, Pierre-Charles Roncal et l’hispaniste Marcel Bataillon. Du côté québécois, la seule contribution avouée est de Madeleine Grandbois, nouvelliste régionaliste, auteure de Maria de l’hospice (1945), qui collabora assez régulièrement à la revue. Sa contribution permet à Liaison d’effectuer une percée du côté de la poésie, alors que l’esthétique classique et intimiste de Fernandez Moreno est mise de l’avant dans le numéro 16. Considérant qu’outre Grandbois, les traducteurs impliqués dans l’échange n’occupent qu’un rôle périphérique dans l’équipe éditoriale, il faut soumettre l’hypothèse que le transfert s’effectue à une autre échelle que celui de la révélation du savoir littéraire argentin par le biais d’un passeur culturel.
Conclusion
La recension de Liaison montre que la revue s’est engagée dès le départ à promouvoir un lieu d’échange culturel où les acteurs impliqués formeraient une équipe partageant sinon des goûts esthétiques, du moins une même définition de la culture et de l’art comme détermination sociale. Liaison, en créant un réseau et un syndicat coopératif de consommation culturel, participe à une autonomisation des arts en les affranchissant d’un marché économique et en les éloignant des relents du discours nationaliste de repli. En joignant les lecteurs et les auteurs dans une confrérie commune, où l’anonymat est levé, Barbeau et les autres animateurs de la revue plaident pour un modèle culturel élitiste.
Or, il faut voir ce réseautage serré, centré sur une reconnaissance réciproque des acteurs culturels du Québec, comme un moyen d’asseoir la légitimité de l’écriture canadienne-française, tant par la diversité des oeuvres et des auteurs que par le discours d’accompagnement qui accentue la valeur culturelle attribuée au domaine artistique. Dans ce contexte, le recours à l’étranger sert de garant et de déplacement, suivant l’origine du biais exogène et la valeur générale attribuée au corpus qui soutient ce référent. Si la reconnaissance française est normalisée, comme en font foi la présence d’autorités culturelles à la barre des chroniques et la récurrence des auteurs français impliqués, l’avènement d’une référence argentine participe davantage d’une mutation et d’un déplacement que d’une consécration.
En recourant fréquemment au corpus littéraire et essayiste argentin, transféré par les jeux de traduction, Liaison s’aventure sur un terrain encore assez neuf, sans pour autant en faire l’enjeu du périodique. La naturalisation opérée vient alors appuyer à la fois une connivence entre les corpus, une collaboration qui prend la forme de relations diffuses mais constantes et un réalignement proposé du corpus canadien-français du côté d’un régionalisme tellurique et tragique[58], où le drame existentiel des Amériques, à savoir le vertige de l’espace démesuré et le choc d’une altérité incommensurable, se joue en contiguïté dans l’espace continental. Sans qu’un discours sur l’américanité ou sur la latinité soit explicitement proposé par Liaison, l’Argentine littéraire dévoilée révèle bien une ouverture canadienne-française vers le Sud, de même qu’une soif de connaissance de cette aire encore à découvrir. Il n’est donc pas étonnant de retrouver alors dans les archives de la revue une lettre de Barbeau adressée à Guy Sylvestre qui signale : « un papier sur les lettres brésiliennes ferait mieux mon affaire[59] » que la conférence que lui proposait l’ambassadeur canadien au Brésil, M. Désy. Dans les années 1940, la littérature sud-américaine, certes de manière moins importante que les États-Unis et la France, est apparue comme un lieu de renouvellement des lettres au Québec et la revue a tenté de « servir » de « liaison » pour effectuer cette percée.
Appendices
Note biographique
Michel Nareau est professeur adjoint au Département d’études françaises du Collège militaire royal du Canada à Kingston, où il enseigne la littérature québécoise. Il travaille sur les questions de l’américanité, des études comparatistes interaméricaines, de la représentation du sport dans la littérature et des transferts culturels. Il a fait paraître en 2012 au Quartanier l’essai Double jeu. Baseball et littératures américaines. Il vient de diriger un numéro de la revue Globe sur les revues culturelles au Québec. Il est aussi critique littéraire depuis 2006 pour Nuit blanche et directeur des Cahiers Victor-Lévy Beaulieu.
Notes
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[1]
Cet article s’inscrit dans le cadre d’un projet de recherche financé par le CRSH (2012-2014), réalisé avec Maurice Demers de l’Université de Sherbrooke et intitulé « Mise en récit de l'Amérique latine au Québec : transferts de sens d'une autochtonie continentale, 1940-2010 ».
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[2]
J’en ai pour preuve cet article de Beaudet, tirée de l’Album Miron, qui reproduit un entretien accordé par le poète en 1957 : « Ces derniers mois pour ne pas dire ces dernières années, Miron a lu une foule de poètes sud-américain et nord-américains, ce qui l’a amené à la découverte suivante : il y a, sans aucun doute, une poésie continentale américaine. Plus dynamique en Amérique du Nord, plus tellurique en Amérique du Sud. » (Marie-Andrée Beaudet, Album Miron, Montréal, Les Éditions de l’Hexagone, 2006, p. 81.)
-
[3]
Dostaler et Walter O’Leary se sont intéressés très tôt à l’Amérique latine, d’abord au sein de l’Union des Latins d’Amérique avec Paul Bouchard (Maurice Demers, « L’autre visage de l’américanité québécoise. Les frères O’Leary et l’Union des Latins d’Amérique pendant la Seconde Guerre mondiale », Globe. Revue internationale d’études québécoises, vol. 13, no 1, 2010a, p. 125-146; Michel Lacroix, « Lien social, idéologie et cercles d’appartenance : le réseau “latin” des Québécois en France, 1923-1939 », Études littéraires, vol. 36, no 2, 2004, p. 51-70). Ils ont représenté la latinité idéologique et fascisante des années 1930 qui associait le Québec et le Mexique dans une même défense du catholicisme, avant de migrer graduellement vers des positions pro-Cuba au cours des années 1960, comme une grande partie de la gauche québécoise autour de la lecture faite à Parti pris à propos de la décolonisation et de la lutte de libération nationale. D’ailleurs, une étude serait à entreprendre sur le rôle de Cuba dans les développements sociaux et culturels du néonationalisme québécois, comme en fait fois la publication, parmi d’autres manifestations, du journal d’Ernesto Guevara aux Éditions Parti pris en 1968. (Voir Gérard Fabre, « Les passerelles internationales de la maison d’édition Parti pris », Revue de Bibliothèque et archives nationales du Québec, no 2, 2010, p. 8-9.)
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[4]
Joseph Ledit a été le rédacteur le plus assidu de la revue Relations pour rapporter l’actualité latino-américaine aux catholiques québécois. De 1941 à 1961, il a publié plus de 75 articles où il interprète les événements de l’Amérique latine à la lumière de la position cléricale québécoise.
-
[5]
François Hertel, « Le Canada français en Amérique », La Nouvelle Relève, vol. 2, n° 9, 1943, p. 542.
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[6]
Sur cette question, voir les travaux de Jacques Michon (2004) sur l’édition québécoise, de même que l’analyse de la polémique autour de La France et nous de Robert Charbonneau (1993).
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[7]
Seule Andrée Fortin consacre quelques pages à cette revue, pour mettre en évidence son autonomie littéraire, en vertu de son mode de fonctionnement et de son lectorat captif et dégagé des contraintes extralittéraires. (Andrée Fortin, Passage de la modernité. Les intellectuels québécois et leurs revues (1778-2004), Québec, Les presses de l’Université Laval, 2006, p. 143.)
-
[8]
J’en ai pour preuve le fait que Chantale Gingras, qui étudie le rôle de la correspondance de Barbeau dans sa carrière littéraire ne consacre que six pages aux riches lettres liées à cette revue. (Chantale Gingras, Victor Barbeau. Un réseau d’influences littéraire, Montréal, Les Éditions de l’Hexagone, 2001, p. 78-84.)
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[9]
Libre financièrement […], “Liaison” l’est tout autant intellectuellement. Si elle n’a pas de commanditaires à ménager, elle n’a pas, non plus, d’idéologie à servir, de programme à appliquer. On souffrira bien que je le répète une fois encore afin de dissiper toute ambiguïté s’il en est. En fondant cette revue, nous n’avons eu d’autre ambition que d’offrir à nos compatriotes des textes variés, soignés et vivants. Qu’ils soient de bonne foi et de bonne facture nous suffit. Parce que nous nous sommes associés pour des fins communes, également profitables aux consommateurs et aux producteurs, il ne s’ensuit pas que cette communauté d’intérêts doit s’étendre à nos jugements et à nos opinions.
Victor Barbeau, « Le premier bourgeon s’est ouvert », Liaison, no 1, 1947, p. 2 -
[10]
Barbeau, cité par Michèle Martin, Victor Barbeau. Pionnier de la critique journalistique, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1997, p. 49.
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[11]
On trouve la trace la plus concrète de ce réseau d’échanges dans la section finale de la revue, consacrée au courrier, où des sociétaires affichent leurs besoins ou leurs services, que ceux-ci soient financiers, scientifiques, livresques (ouvrages neufs et usagés), pharmaceutiques, alimentaires, etc. Il s’agit là d’un travail publicitaire, mais fait entre connaissances.
-
[12]
Roger Duhamel, « Victor Barbeau ou le combat pour l’esprit », Wyczynski, Paul, François Gallays et Sylvain Simard (dir.), L’essai et la prose d’idées au Québec, Montréal, Fides, 1985, p. 454.
-
[13]
Victor Barbeau, La société des écrivains canadiens, Montréal, Les Éditions de la Société des écrivains canadiens, 1944, p. 19.
-
[14]
Victor Barbeau, « Mot du directeur », Liaison, no 17, 1948, p. 386.
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[15]
Victor Barbeau, « Le premier bourgeon s’est ouvert », Liaison, no 1, 1947, p. 2.
-
[16]
Victor Barbeau, « Le premier bourgeon s’est ouvert », Liaison, no 1, 1947, p. 1.
-
[17]
Il est intéressant de noter que Viau, fabricant des biscuits éponymes, est aussi écrivain, auteur d’un roman urbain, Au milieu, la Montagne, publié en 1951. Au moment de l’élection du premier conseil d’administration de la revue, il travaillait à des contes qui paraîtront en 1948 aux Éditions de l’Arbre. Ce choix de Viau comme représentant des lecteurs montre la proximité entre les auteurs et les lecteurs.
-
[18]
Il faut noter que les collaborateurs de ces chroniques sont soit Canadiens français, soit Français. Les plus assidus (Michel Véber, pour les 16 premiers numéros, Michel de Saint-Pierre, à partir du numéro 7 et François Drogoul à partir du numéro 17 traitent de cinéma; Jacques Simard, pour 38 numéros, couvre les disques; Géraldine Bourbeau rédige 34 chroniques sur les arts visuels; Jean Mauduit consacre 20 chroniques aux pièces théâtrales montées à Paris) tiennent la chronique durant la durée de Liaison et proposent de cette manière une vision de la culture tout en cadastrant la lecture de la production contemporaine. Ceux qui ont alors le plus d’autorité dans ce domaine sont, outre Barbeau (21 chroniques variées) et Bourbeau, des collaborateurs étrangers.
-
[19]
En 1966, Barbeau réédite quelques essais critiques publiés de 1919 à 1961 dans un ouvrage intitulé La face et l’envers. Il commence celui-ci avec une attaque contre le régionalisme ayant l’incipit suivant : « Quelle mélasse d’idées! Il me faut la meilleure volonté du monde pour rompre une troisième et dernière plume à propos du terroir. Les régionalistes sont les plus flous, les plus ambigus des contradicteurs. Impossible de dialoguer avec eux tant ils sont diffus, filandreux et amphigouriques. Ce sont, en outre, de petits maîtres en tartufferie. » (Victor Barbeau, La face et l’envers, Montréal, Les publications de l’Académie canadienne-française, 1966, p. 7.) Il actualise simplement son jugement lapidaire, paru initialement en 1919, par cette remarque : « Cette polémique n’est pas née du régionalisme en soi, mais de la prétention de ses théoriciens d’y enfermer toute littérature. Il se porte beaucoup mieux depuis qu’il n’est plus un carcan. » (Victor Barbeau, La face et l’envers, Montréal, Les publications de l’Académie canadienne-française, 1966, p. 8.)
-
[20]
Victor Barbeau, « Marie-Didace », Liaison, no 10, 1947, p. 599.
-
[21]
Le pourcentage s’accroît (de 8 à 12 %) si on ne tient compte que des 23 premiers numéros, puisqu’à ce moment de nouvelles sources étrangères sont intégrées à la revue (Pologne notamment).
-
[22]
Il faut à la fois préciser et nuancer. Préciser, en affirmant clairement que la grande période de reconnaissance de la littérature latino-américaine est plus tardive, avec la consécration parisienne puis mondiale des écrivains du boom (Gabriel García Márquez, Carlos Fuentes, Alejo Carpentier, Mario Vargas Llosa, Miguel Ángel Asturias, Julio Cortázar, etc.) au cours des années 1960. Nuancer, en signalant que des auteurs argentins, en vertu du fait que l’édition et l’économie dans ce pays se portent bien durant la première moitié du vingtième siècle, ont un milieu intellectuel riche, où se retrouvent Jorge Luis Borges, Ernesto Sabato, Adolfo Bioy Casares et les membres de la revue Sur. Ceux-ci sont reconnus durant les années 1940 en Argentine, mais n’ont pas eu encore accès aux traductions qui les légitimeront par la suite.
-
[23]
La dernière nouvelle de cet auteur éditée dans Liaison est la seule du corpus argentin à thématiser la ville, et elle y procède en faisant le procès de l’atomisation urbaine et des technologies des communications. Ce texte arrive à la fin de la période où le transfert entre l’Argentine et le Québec se réalise.
-
[24]
Enrique Amorim, « Le puisatier », Liaison, no 5, 194, p. 259-265.
-
[25]
« La saulaie solitaire, misérable, dévastée », Enrique Amorim, « La saulaie », Liaison, no 1, 1947, p. 23.
-
[26]
Par exemple, Barbeau consacre un paragraphe à présenter à Amorim dans le numéro 5 : « Né en Uruguay, à la frontière du Brésil, élevé dans une estancia, Enrique Amorim a grandi au milieu des êtres et des choses dont il a fait la matière originale et pittoresque de son oeuvre. Nos sociétaires auront pu juger de l’objectivité et de la sincérité de son art par le conte que nous avons publié de lui, La saulaie. Il était nu et dévasté à l’image de la terre après une invasion de sauterelles. À cet aspect du paysage sud-américain, nous en rajouterons un autre non moins puissant dans sa retenue et fidèle dans sa peinture. » (Victor Barbeau, « Mot du directeur », Liaison, no 5, 1947, p. 258.) Malgré le recours à des vecteurs de fidélité et des critères moraux, ce qui se dégage de cette présentation c’est l’adéquation entre le milieu et la forme.
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[27]
Il s’agit, par ailleurs, de la seule occurrence où Barbeau note la récurrence du détour argentin : « Après ceux d’Amorim, de Quiroga et d’Estrada, nous publions, ce mois-ci, deux texte inspirés du paysage sud-américain. » (Victor Barbeau, « Mot du directeur », Liaison, no 9, 1947, p. 514.)
-
[28]
Victor Barbeau, « Mot du directeur », Liaison, no 9, 1947, p. 514.
-
[29]
Domingo F. Sarmiento, « Le Gaucho », Liaison, no 9, 1947, p. 523.
-
[30]
Horacio Quiroga, « À la dérive », Liaison, no 1, 1947, p. 409.
-
[31]
Jean Franco, dans Jean Franco et Jean-Marie Lemogodeuc, Anthologie de la littérature hispano-américaine du xxe siècle, Paris, Presses universitaires de France, 1993, p. 17.
-
[32]
Mateo Booz, « Le cambaranga », Liaison, no 11, 1948, p. 7-12.
-
[33]
Estanislao S. Zeballos, « Le désert », Liaison, no 17, 1948, p. 406-414.
-
[34]
Nous étions habitués à dévorer des caillots de sang cru assaisonnés de sel et de piment rouge, et, pourtant, la chair du puma nous donnait des nausées. Panchita vomit de la bile en la goûtant.
Estanislao S. Zeballos, « Le désert », Liaison, no 17, 1948, p. 413 -
[35]
Juan Carlos Davalos, « Le vent blanc », Liaison, no 19, 1948, p. 527-539.
-
[36]
Ezechiel Martinez Estrada, « Carnet pour visiter le nord argentin », Liaison, no 8, 1947, p. 465-468.
-
[37]
Ricardo Güiraldès, « Le puits », Liaison, no 10, 1947, p. 597-598.
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[38]
Amado Nervo, « Une esperanza », Liaison, no 21, 1949, p. 28-32.
-
[39]
José Lion Depetre, « La danse des Huehuenches », Liaison, no 20, 1948, p. 598-600; « Chez les Indiens sauvages du Grand Chaco », Liaison, no 23, 1949, p. 139-142.
-
[40]
En cela, le récit de voyage de Jacques Hébert (no 9) sur le Cône sud est davantage marqué par une curiosité de l’autre, par un désir de rencontre et de reconnaissance réciproque. Il signale le statut associé à la culture latino-américaine dans le contexte de l’après-guerre où le cadre référentiel usuel est chamboulé.
-
[41]
En opposition à ce délicat pastel, les violentes taches d’ombre et de soleil qui sont le décor coutumier où s’articulent et se dénouent les drames de la fatalité que signe Yves Thériault. Ses paysages — et la montagne en est le principal — non moins que ses personnages échappent à toute délimitation précise.
Victor Barbeau, « Mot du directeur », Liaison, no 21, 1949, p. 130 -
[42]
« De la Suisse Contemporaine nous extrayons ce passage d’une lettre de Ramuz tant il nous paraît clore le long débat du régionalisme : Peut-être voudriez-vous bien voir que si je m’intéresse avant tout à une région, je n’ai rien quand même d’un régionaliste. J’aurais voulu que mes personnages fussent suffisamment humains pour être parfaitement accessibles aux autres hommes d’où qu’ils proviennent. J’aurais voulu réconcilier et la région et l’univers, le particulier et le général. » (Victor Barbeau, « Mot du directeur », Liaison, no 18, 1948, p. 450.) Barbeau avait déjà encensé les Nouvelles de Ramuz dans une chronique en louant comme figure de la résistance (terme alors très chargé dans cet après-guerre) le nationalisme littéraire de l’écrivain. (Victor Barbeau, « Nouvelles », Liaison, no 8, 1947, p. 484.)
-
[43]
Victor Barbeau, « Les Plouffe », Liaison, no 20, 1948, p. 603.
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[44]
Marie Lefranc, « Les soirs rouges », Liaison, no 12, 1948, p. 88.
-
[45]
Abside dans le no 14 (Victor Barbeau, « Mot du directeur », Liaison, no 14, 1948, p. 194.); Réalités, Sur dans le no 35. (Victor Barbeau, « Mot du directeur », Liaison, no 35, 1950, p. 514.)
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[46]
Le numéro 7 de la revue Gants du ciel (qui en comptera 12) porte sur l’écrivain français d’origine uruguayenne Jules Supervielle.
-
[47]
Diana Quattrocchi-Woisson, « La revue Argentine, Paris-Buenos Aires, 1934-1945. Hommage à nos prédécesseurs », La nouvelle revue Argentine, no 1, 2008, p. 8-27.
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[48]
La traduction de ce roman est l’oeuvre de Marcelle Auclair, mais elle est révisée par Supervielle. Le texte de Güilardès traduit dans Liaison n’est pas accompagné de notice indiquant l’identité du traducteur, mais tout laisse croire qu’il s’agit de ce tandem.
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[49]
Victor Barbeau, La société des écrivains canadiens, Montréal, Les Éditions de la Société des écrivains canadiens, 1944, p. 23.
-
[50]
Victor Barbeau, La société des écrivains canadiens, Montréal, Les Éditions de la Société des écrivains canadiens, 1944, p. 23.
-
[51]
Victor Barbeau, La société des écrivains canadiens, Montréal, Les Éditions de la Société des écrivains canadiens, 1944, p. 14.
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[52]
Jacques Michon (dir.), Histoire de l’édition littéraire au Québec au xxe siècle, t. II. Le temps des éditeurs 1940-1959, Montréal, Fides, 2004, p. 361.
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[53]
Maurault deviendra président de la Société des écrivains canadiens de 1944 à 1946, en remplacement de Barbeau. (Jacques Michon [dir.], Histoire de l’édition littéraire au Québec au xxe siècle, t. II. Le temps des éditeurs 1940-1959, Montréal, Fides, 2004, p. 358.)
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[54]
Maurice Demers, dans sa thèse de doctorat sur l’Association des Latins d’Amérique, consacre un chapitre à l’animation culturelle de Maurault autour du Mexique. (Maurice Demers, « Pan-Americanism Re-Invented: Catholic and Latin Identity in French Canada and Mexico in the First Half of the xxth Century », thèse de doctorat, York University, Département d’histoire, 2010b, chapitre 3.)
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[55]
André Dagenais pourrait être un autre médiateur d’importance de la culture argentine au Québec. De 1943 à 1948, grâce à l’aide d’Édouard Montpetit, il obtient un poste à Buenos Aires pour enseigner la philosophie. Il en vient à développer une pensée panaméricaine, centrée sur la latinité et les concordances religieuses entre l’Amérique du Sud et le Canada français. Il va par la suite publier quelques articles sur son expérience et ses convictions américaines dans l’Action nationale en 1950, en plus de donner un cours sur l’histoire de l’Amérique latine à l’Université de Montréal en 1949. Dagenais est un très bon ami de Gustave Lamarche, un auteur très prolifique à Liaison. Pierre Trépanier note, en citant Dagenais : « Quoi qu'il en soit, s'engager dans la solidarité avec l'Amérique latine briserait l'isolement des Canadiens français, les aiderait à surmonter leur complexe de minorité religieuse et ferait contrepoids à la République voisine : “Apparemment, les autres peuples de l'Amérique aiment la terre américaine, qui constitue leur patrie. Apparemment, nous n'avons pas le sens de l'Amérique. Et cependant, les Canadiens français sont profondément Américains. Notre situation juridique officielle ne correspond point à notre réalité ethnique. Voilà pourquoi il conviendrait de nous rapprocher plus intimement d'une région du continent qui, à la mesure de notre taille, ressent des intérêts analogues. Alors, nous approfondirons le sens providentiel du continent américain. Et prêts à aider l'Europe, selon la convenance, nous marcherons, la main dans la main, avec nos compatriotes d'Amérique.” » (Pierre Trépanier, « Les tribulations d’André Dagenais », Les Cahiers des dix, no 56, 2002, p. 256-257.) Sur les liens entre le Québec et l’Argentine à cette époque, voir aussi Demers (Maurice Demers, « Gérard Dion, Mgr Gustavo Franceschi et le régime populiste de Juan Perón. Les intrigues politiques d’Argentine et l’utilité du modèle social québécois », Études d’histoire religieuse, no 76, 2010c, p. 71-91.).
-
[56]
Pierre Trépanier, « Les tribulations d’André Dagenais », Les Cahiers des dix, no 56, 2002, p. 256.
-
[57]
Dirigées par Roger Caillois à Buenos Aires, Les Lettres françaises font la promotion des éditeurs montréalais en Amérique latine.
Jacques Michon [dir.], Histoire de l’édition littéraire au Québec au xxe siècle, t. II. Le temps des éditeurs 1940-1959, Montréal, Fides, 2004, p. 79 -
[58]
Présentant la nouvelle de Juan Carlos Davalos, Barbeau montre la vitalité du rapport tellurique au paysage en Argentine et déplore la faiblesse du maniérisme décoratif des lettres du Québec, ce qui fait du corpus étranger un modèle à adapter : « À quoi tient-il que, dans nos lettres, la neige ne soit jamais mieux qu’un ornement ou qu’un accessoire? Qu’elle puisse prêter à des effets plus dramatiques, après les oeuvres de Hérom et de Rouquet, la nouvelle que nous publions de l’écrivain argentin contemporain, Juan Carlos Davalos, en est une saisissante illustration. » (Victor Barbeau, « Mot du directeur », Liaison, no 19, 1948c, p. 514.)
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[59]
Lettre de Barbeau à Guy Sylvestre, 1er mai 1947, Bibliothèque et archives nationales du Québec, Fonds Victor-Barbeau, (411/9/2).
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