Dossier

Liminaire — Michel Foucault et la théologie politiqueUn rapport problématique

  • Agustín Colombo and
  • Jean Leclercq

…more information

  • Agustín Colombo
    Departamento de Filosofía y Sociedad, Universidad Complutense de Madrid

  • Jean Leclercq
    Institut supérieur de philosophie, Université catholique de Louvain, Académie royale de Belgique

Access to this article is restricted to subscribers. Only the first 600 words of this article will be displayed.

Access options:

  • Institutional access. If you are a member of one of Érudit's 1,200 library subscribers or partners (university and college libraries, public libraries, research centers, etc.), you can log in through your library's digital resource portal. If your institution is not a subscriber, you can let them know that you are interested in Érudit and this journal by clicking on the "Access options" button.

  • Individual access. Some journals offer individual digital subscriptions. Log in if you already have a subscription or click on the “Access options” button for details about individual subscriptions.

As part of Érudit's commitment to open access, only the most recent issues of this journal are restricted. All of its archives can be freely consulted on the platform.

Access options
Cover of Michel Foucault et la théologie politique, Volume 79, Number 3, 2023, pp. 327-497, Laval théologique et philosophique

En 1977-1978, Michel Foucault donne au Collège de France le cours Sécurité, territoire, population. Ce cours constitue un des moments les plus saillants de la réflexion foucaldienne sur le politique dû au fait que Foucault y déploie une recherche sur la formation et le fonctionnement de l’État moderne. Pour ce faire, il se dote de nouveaux instruments, notamment le concept de « gouvernementalité ». En raison de son objet — les individus en tant qu’ensemble collectif, en tant que « population » — l’étude de la gouvernementalité permettrait, selon lui, de faire une généalogie de l’État sans se focaliser ni sur les institutions ni sur la loi, mettant ainsi l’accent sur une technologie de pouvoir globale. C’est à partir de cette perspective relative au gouvernement des individus, en particulier, à leurs conduites quotidiennes, que Foucault place le christianisme au coeur de ses réflexions sur le politique. À ses yeux, le noyau formateur des dynamiques de pouvoir de l’État est un type de pouvoir qui s’élabore à partir de la constitution de l’Église, à savoir « le pouvoir pastoral ». Dans le sillage des Hébreux, le pouvoir pastoral forgé par le christianisme sur la base du rapport que le berger maintient avec ses brebis témoigne, affirme Foucault, d’une approche du pouvoir unique, qui était étranger à la pensée grecque. En effet, si l’objet du gouvernement pour cette dernière était plutôt le territoire, le pouvoir pastoral chrétien, souligne-t-il, constitue un « art de gouverner » dont le but est de gérer la conduite des âmes à partir d’une intervention permanente « dans la conduite quotidienne, dans la gestion des vies ». En attribuant une telle importance généalogique à la question du pouvoir pastoral, Foucault ouvre une ligne d’analyse relative au rôle fondateur du christianisme dans la formation de l’État, posant ainsi les bases d’une réflexion concernant les rapports entre la théologie et la politique. Le pouvoir pastoral constituerait ainsi la « voie » foucaldienne de la réflexion sur la théologie politique. Néanmoins, Foucault tient bien à souligner l’écart existant entre ses investigations sur le pouvoir pastoral et la réflexion sur le théologico-politique. En effet, malgré les entrecroisements et les appuis que l’on peut repérer entre le pouvoir pastoral et le pouvoir politique, à ses yeux, le pouvoir pastoral reste, au moins en Occident, spécifique et différent du pouvoir politique. Autrement dit, comme Foucault lui-même l’observe en utilisant la référence à l’Évangile de Matthieu et en proposant un contraste avec la figure du tsar russe, « le souverain occidental, c’est César et non pas le Christ. Le pasteur occidental n’est pas César, mais le Christ ». Comme Philippe Büttgen l’a bien expliqué, à cela il faut ajouter la méfiance que Foucault lui-même affichait envers l’usage du concept théologico-politique en tant que catégorie d’analyse à une époque marquée, en France, par un fort intérêt pour les théologies politiques. Il n’en demeure pas moins que, malgré cette mise à l’écart de la question théologico-politique, pour Foucault, il y eut bien un « passage de la pastorale des âmes au gouvernement politique des hommes ». Ce passage eut lieu dans un contexte précis, à savoir les révoltes pastorales des xve et xvie siècles, en particulier avec la Réforme et la Contre-Réforme, et il supposa une « intensification » du pastorat qui jamais auparavant « n’avait eu tant de prise sur la vie matérielle, sur la vie quotidienne, sur la vie temporelle des individus ». Le problème du gouvernement des hommes se développe ainsi en dehors de l’institution ecclésiastique acquérant une portée plus globale et un champ d’application plus vaste. Ce dernier ne se …

Appendices