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Né en 1959 à Bilbao, dans le Pays basque, Daniel Innerarity est professeur de philosophie à l’Université de Saragosse. Si l’on excepte son Éthique de l’hospitalité (Québec, PUL, 2010), paru presque simultanément chez le même éditeur, les écrits de ce philosophe basque et espagnol sont relativement peu connus au Canada. Aussi, deux universitaires de l’Université de Moncton à Edmundston, les professeurs Blanca Navarro Pardiñas et Luc Vigneault, ont voulu présenter son oeuvre philosophique à un lectorat non initié. Pour eux, « lire Daniel Innerarity, c’est réfléchir au monde actuel dans toute sa complexité » (p. 2).
Ouvrage concis et abordable, Lire Daniel Innerarity se subdivise en trois parties, et permet d’explorer certains aspects de la pensée du philosophe déjà présents dans ses ouvrages non encore traduits dans notre langue : notamment sur Hegel, sur la modernité, l’espace public, les temps politiques, la réalité, la mondialisation. C’est le principal apport de ce livre de Blanca Navarro Pardiñas et Luc Vigneault.
Ces trois « clés pour notre siècle » (suspicion face à la réalité apparente ; confusion des espaces et fragilité des frontières ; éthique de l’hospitalité) permettent à Daniel Innerarity de s’inspirer de l’épistémologie française ― on penserait à Gaston Bachelard (La formation de l’esprit scientifique, 1938) ou à l’équipe autour de Pierre Bourdieu (Le métier de sociologue, 1968) dans une affirmation voulant que « les choses ne sont ni transparentes ni évidentes, mais qu’elles sont plutôt obscures et insondables » (p. 7). En conséquence, ce philosophe nous encouragerait à « résister aux charmes de l’immédiateté » (p. 8). Les thèmes abordés sont nombreux et fertiles : notre rapport paradoxal à la réalité, la démocratie, l’hospitalité, ou encore le concept de « culture nationale homogène » et le multiculturalisme, qui sont ici presque disqualifiés (p. 19).
Dans le chapitre central, Daniel Innerarity lui-même intervient dans un échange retranscrit où la philosophie est comparée (et opposée) à la littérature : « La philosophie ne peut pas se réduire à la littérature, entre autres choses parce que la littérature a un commerce avec le langage, avec l’immédiateté du langage, qui n’existe pas dans la philosophie » (p. 44). Cet entretien inspirant occupe presque la moitié de cet ouvrage qui se lit aisément, sans jamais sembler superficiel. Mais en raison de sa brièveté, Lire Daniel Innerarity ne prétend nullement se substituer aux oeuvres de ce philosophe « actuel » et de ce fait nous laissera momentanément sur notre faim, le temps de (re)découvrir l’oeuvre de cet auteur francophile à la pensée généreuse et optimiste (Le futur et ses ennemis. De la confiscation de l’avenir à l’espérance politique, 2008 ; Éthique de l’hospitalité, 2010). Sur le plan éditorial, mon seul reproche aux coresponsables serait de ne pas avoir inclus de références précises (avec numéros de page) aux oeuvres de Daniel Innerarity qui sont étudiées ou mentionnées, et de ne pas inclure de références bibliographiques quant aux ouvrages d’autres auteurs (de Raymond Chandler à Niklas Luhmann) signalés au passage dans leur texte (p. 37). Les notes en bas de page et la courte bibliographie en fin de volume se limitent exclusivement aux livres antérieurs de Daniel Innerarity (p. 53).