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L’A. de ce livre, mis à jour il y a deux ans — la première version fut publiée en janvier 1979 —, est un spécialiste de la pensée nietzschéenne. La foi chrétienne est placée ici en confrontation avec l’athée de rigueur. L’intérêt persistant et toujours pour ce maître du soupçon justifie amplement la réédition de cet ouvrage exceptionnel.
L’A. affirme, dès les premières lignes, son souci de clarté. Il commence par préciser « le statut du débat » avec Nietzsche. Il présente, dans le premier chapitre, le point de vue du philosophe de Sils-Maria sur la pensée chrétienne. Ce faisant, il provoque les chrétiens à la réflexion. En plaçant Nietzsche uniquement sur le plan chrétien, l’A. invite le lecteur, particulièrement attaché aux valeurs évangéliques, à redéfinir certaines affirmations du christianisme.
Dans le chapitre 2, intitulé « Le refus de la médiation », l’A. aborde la position de Nietzsche face au christianisme, créateur lui-même d’athéisme. Cette position doit être lue dans le contexte plus large de sa critique envers toutes les idoles. Selon le philosophe, Jésus lui-même a été transformé en idole par besoin de médiation.
Le chapitre 3, intitulé « Les enjeux du débat d’un point de vue chrétien », annonce « la confrontation » suggérée par le sous-titre du livre lui-même. Ce chapitre accueille la critique nietzschéenne sur le terrain chrétien. L’A. met au grand jour ce que la foi chrétienne doit recevoir et ce à quoi elle doit répondre. Il soulève tout particulièrement les rapports entre religion et morale, entre religion et liberté.
La notion de culpabilisation, au coeur de certaines théologies chrétiennes, attise la critique du philosophe allemand. Elle permet aux chrétiens, selon lui, de s’appuyer sur la méchanceté du monde, sur la misère et ses injustices pour susciter l’adhésion de la foi. La révélation consiste dans le dévoilement de la véritable nature de l’homme, être fils dans le Fils. Elle n’est pas d’abord et avant tout dénonciation du péché.
N’est-ce pas le reproche que fait Nietzsche à l’apôtre Paul ? Il l’accuse, bien des fois, d’avoir transformé Jésus en Christ et Sauveur. Resurgit ici tout le problème fort complexe et difficile de la médiation et du médiateur ! L’A. invoque, pendant plusieurs pages, l’ouvrage d’inspiration nietzschéenne de G. Morel, Questions d’homme, ouvrage qui suscita, à la fin des années 1970, des débats qui sont loin d’être clos.
Le chapitre 4 déplace « le débat sur le terrain nietzschéen ». L’A. critique ici la position de Nietzsche à partir de sa propre pensée. Les lecteurs avertis savent d’abord que le Dieu chrétien dont parle le philosophe est teinté de piétisme et du présupposé nominaliste de la pensée théologique de Martin Luther. Le rationalisme positiviste qu’il rejette très souvent dans ses propres écrits devient habituellement le lit dans lequel il couche le plus souvent.
Le perspectivisme dans lequel il sombre, surtout à la fin de sa vie, est-il quelque chose d’acceptable tant du point de vue de la connaissance que de son application sociale ? L’idée même qu’il n’y a que des vérités transitoires, relatives, qui ne trouvent leur force qu’à partir de celui qui les veut ou les décide, n’ouvre-t-elle pas la voie à la manipulation des autorités ? Les dictatures du xxe siècle sont sans doute là pour en témoigner.
Nietzsche a posé, tout au cours de sa vie, la question du sens de la souffrance. Y a-t-il un sens chrétien à cette réalité ou un sens tragique ? Nietzsche ne voulut jamais s’agenouiller au pied de la Croix. Il répond donc par l’écartèlement. Le christianisme opte pour le Crucifié. Il semble qu’il y aura toujours « un petit fossé » entre le Galiléen et celui qui s’éteignit, dément, le 25 août 1900 à Weimar (Allemagne).