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Instrumenta studiorum
1. Cornelius Meyer, éd., Augustinus-Lexikon, vol. 3, fasc. 1/2 : Figura(e)-Hieronymus. Bâle, Schwabe AG Verlag, 2004, xii p. et 320 col.
Se poursuivant à un très bon rythme, la publication du lexique d’Augustin aborde le troisième tome consacré à la suite de la lettre F, à la lettre G et au début de la lettre I. Il comporte 55 articles, dont 11 sont dévolus à des oeuvres d’Augustin : Contre Gaudentius, évêque des Donatistes ; La Genèse au sens littéral ; La Genèse au sens littéral, livre unique inachevé ; La Genèse, contre les Manichéens ; Actes de la conférence avec Éméritus, évêque des Donatistes ; Sur les actes du procès de Pélage ; La grammaire ; La grâce du Christ et le péché originel ; La grâce et le libre arbitre ; La grâce du Nouveau Testament ; Sur les hérésies, à Quodvultdeus. Parmi les autres articles, mentionnons ceux qui portent sur la grâce (gratia), probablement le plus développé de ce double fascicule, sur la notion augustinienne d’hérésie (haeresis, haeritici), sur la notion de finis ou sur le terme gentes. La préface de cette livraison annonce que l’édition des prochains fascicules sera accélérée du fait de la sortie d’une nouvelle version du CD-ROM C(orpus) A(ugustinianum) G(issense) et de la mise sur support informatique de la littérature augustinienne secondaire par le « Zentrum für Augustinus-Forschung ». Par ailleurs, on sera heureux d’apprendre que la bibliographie de l’Augustinus-Lexikon est désormais accessible sur le site . Rappelons que ce dictionnaire d’Augustin déborde largement ce qu’annonce son titre et qu’il intéresse tous les chercheurs travaillant sur l’Antiquité tardive.
2. Sylvia Agémian, Archives Sirarpie Der Nersessian. Catalogue. Volume I. Antélias (Liban), Catholicossat arménien de Cilicie (coll. « Bibliothèque arménienne de la Fondation Calouste Gulbenkian », 149), 2003, 351 p.
Née à Constantinople en 1896 et décédée à Paris en 1989, la byzantiniste et arménisante Sirarpie Der Nersessian a connu une carrière aussi longue que riche. Émigrée à Genève puis à Paris, elle s’inscrit à l’École pratique des hautes études, où elle suit les conférences de Charles Diehl, Henri Focillon et Gabriel Millet, dont elle devient l’assistante en 1922. Dès les débuts, elle s’oriente vers l’étude des manuscrits enluminés, arméniens bien sûr, mais aussi slavons — sujet de son mémoire de diplôme de l’ÉPHÉ, en 1926 — et grecs. Sa thèse principale de doctorat, soutenue en 1936, porte sur L’illustration du roman de Barlaam et Joasaph. À partir de 1930, la carrière de S. Der Nersessian se déroulera principalement aux États-Unis, où elle enseignera au Wellesley College (1930-1945), et surtout au Dumbarton Oaks Institute, antenne byzantiniste de l’Université Harvard à Washington (Georgetown), où elle est nommée en 1946 professeure d’art et d’archéologie byzantine, poste qu’elle occupera jusqu’en 1963. À sa retraite, elle s’installe à Paris, où elle continue à mener une vie d’intense activité scientifique, dont l’ultime manifestation sera la publication posthume de ses Miniature Paintings in the Armenian Kingdom of Cilicia from the Twelfth to the Fourteenth Century (« Dumbarton Oaks Studies », vol. XXXI, 1993). Ces trois-quarts de siècle de recherche et d’enseignement se sont traduits par de très nombreuses et très importantes publications, ainsi que par la constitution, au fil des ans, de riches archives scientifiques et personnelles. Avant son décès, S. Der Nersessian avait légué sa bibliothèque et ses « dossiers de manuscrits » au Maténadarn d’Érévan, en Arménie. Mais avant leur transfert, Me Michel Nafilyan, exécuteur testamentaire de la disparue, avait obtenu la permission de faire des doubles des archives, qui ont été déposés à Paris à l’« Institut de recherche sur les miniatures arméno-byzantines. Fonds Sirarpie Der Nersessian », créé en 1991 pour rendre celles-ci accessibles au plus grand nombre de chercheurs. Cette initiative visant à la conservation du fonds a été heureusement doublée d’un effort de diffusion, qui se matérialise par la publication de ce premier volume du catalogue des archives S. Der Nersessian. La rédaction en a été confiée à une disciple de celle-ci, S. Agémian. Ce volume comporte deux parties. La première présente une chronologie de la vie et de la carrière de S. Der Nersessian, depuis l’enfance à Constantinople jusqu’à la réinstallation à Paris, illustrée de nombreuses photographies et de la reproduction de pièces d’archives. La seconde partie, qui constitue le coeur de l’ouvrage, est le catalogue proprement dit, qui inventorie tout d’abord les « dossiers de manuscrits : manuscrits arméniens ». Ces dossiers sont ceux que S. Der Nersessian avait constitués elle-même et dans lesquels elle consignait ses observations sur les très nombreux manuscrits qu’elle a été amenée à examiner dans des fonds publics et privés d’Arménie, du Proche-Orient et d’Amérique (dont le Musée des Beaux-Arts de Montréal). On y trouve tout ce que S. Der Nessessian avait pu glaner sur les manuscrits : description codicologique, mais aussi croquis, photographies, publications, correspondance, etc. Les dossiers présentés dans ce catalogue, où ils se suivent par ordre alphabétique des villes et des collections, constituent un index ou résumé des dossiers originaux ; on y trouvera les indications suivantes : identification et contenu des manuscrits, date, lieu de copie, copistes, documents d’archives (textes ou photographies) s’y rapportant, relevé des illustrations, et bibliographie des publications de S. Der Nersessian où les manuscrits répertoriés sont signalés ou analysés. Il est à souhaiter qu’un prochain volume des Archives donne la bibliographie complète de S. Der Nersessian, ce qui facilitera la consultation du Catalogue. La deuxième partie de l’inventaire porte sur les « dossiers thématiques » : colophons de manuscrits arméniens, psautiers arméniens, Barlaam et Joasaph, canons d’Eusèbe, etc. L’ouvrage se termine par une très utile table chronologique des manuscrits recensés, qu’ils soient datés précisément ou approximativement. Ce Catalogue constitue donc un précieux instrument de travail, pour lequel il faut remercier ceux qui en ont permis la réalisation, Mme Agémian et M. Nafilyan, la Fondation Calouste Gulbenkian (Lisbonne) et le Catholicossat de Cilicie (Liban).
Bible et histoire de l’exégèse
3. Raymond E. Brown, An Introduction to the Gospel of John. Edited, updated, introduced, and concluded by Francis J. Moloney, S.D.B. New York, Doubleday (coll. « The Anchor Bible Reference Library »), 2003, xxvi-356 p.
Décédé en 1998, Raymond Brown a profondément marqué les études johanniques de la seconde moitié du vingtième siècle par des publications remarquables, au premier rang desquelles il convient de mentionner son commentaire du Quatrième Évangile (1966 et 1970), celui des lettres johanniques (1982) et son étude sur la communauté du disciple bien-aimé (1979). Ces publications figurent au nombre des centaines de titres de la bibliographie de R.E. Brown, dont les plus connus, en dehors du champ johannique, sont sans contredit les grands commentaires qu’il a consacrés aux Évangiles de l’enfance (1977 et 1993) et aux récits de la Passion (1994), ainsi que son introduction au Nouveau Testament (1999), dont la traduction française, parue en 2000 (Que sait-on du Nouveau Testament ?, Bayard), totalise plus de 900 pages. Au moment de son décès, survenu le 8 août 1998, R.E. Brown travaillait, depuis plusieurs années, à une réédition de son commentaire sur Jean. Il en avait rédigé déjà plusieurs sections introductives et avait esquissé le contenu de certaines autres. Le présent ouvrage, qui paraît cinq ans après la disparition de Brown, offre ainsi aux lecteurs l’ultime contribution de l’exégète américain aux études johanniques. On devinera que ce ne fut pas une tâche facile que de préparer l’édition d’un manuscrit inachevé et cela, en l’absence de l’auteur. Fort heureusement, les supérieurs religieux et l’éditeur de R.E. Brown purent compter sur la compétence et le dévouement du prof. Francis J. Moloney, de l’Université catholique de Washington, D.C., collègue et ami de longue date de Brown, et lui-même spécialiste de Jean. Dans son « Editor’s Introduction », Moloney rappelle ce qui fut l’inspiration du travail exégétique de Brown sur Jean (« to trace the history of a gospel until it became the Gospel of John »), ainsi que les hypothèses qu’il développa dans son commentaire, pour mieux faire voir l’évolution de l’auteur sur plus de 30 années, notamment en ce qui concerne les étapes de la constitution du Quatrième Évangile. Moloney y indique également la politique éditoriale qu’il a appliquée pour la préparation du manuscrit de Brown. L’ouvrage lui-même se compose de neuf chapitres précédés d’une bibliographie générale sélective, qui enregistre les publications majeures parues jusqu’au milieu de l’année 2001. Le premier chapitre offre « an Overview of Johannine Studies » et comporte le premier des deux excursus par lesquels Moloney a complété l’exposé de Brown, celui-ci sur les approches narratives appliquées au Quatrième Évangile. Les chapitres suivants traitent des questions que l’on retrouve habituellement dans une introduction scientifique à un écrit néotestamentaire : unité et composition du Quatrième Évangile (avec le second excursus de l’éditeur sur « The Theories of Johannine Community History ») ; la tradition johannique dans son rapport aux Synoptiques et son historicité ; les influences possibles de la pensée religieuse contemporaine sur Jean, y compris le gnosticisme ; les aspects polémiques et apologétiques de Jean et le but de l’Évangile ; l’auteur, le lieu d’origine et la date de l’Évangile ; les questions débattues de la théologie johannique (ecclésiologie, sacrements, eschatologie, christologie, le Fils de l’homme, les thèmes sapientiaux) ; langue, texte, style et « format » de l’Évangile. Le neuvième et dernier chapitre propose un « Outline » du Quatrième Évangile, dont les deux volets, le livre des signes (1,19-12,50) et le livre de la gloire (13,1-20,29), sont analysés plus en détail. L’ouvrage se termine par une conclusion de l’éditeur, dans laquelle il réfléchit sur l’évolution de R.E. Brown dans son approche de Jean, de 1966 à 1998, et sur la manière dont il percevait la singularité de cet Évangile par rapport aux trois autres : « The Gospel of John told the old story of Jesus in a radically different fashion, without betraying the roots of the original Christian tradition : the life, teaching, death and resurrection of Jesus of Nazareth. One of the reasons for these remarkable differences […] was an awareness of the new world into which Jesus’ story had to be announced » (p. 324-325). L’Évangile de Jean ferait ainsi le pont « from one socio-cultural and religious world (traditional Judaism) into another (the Gnostic-Hellenistic world of Asia Minor) » (p. 325). Ceux qui sont familiers des travaux de Brown retrouveront dans cet ouvrage les mêmes qualités d’équilibre et de mesure, le même souci d’une information exhaustive et la même préoccupation de rendre compte des recherches de ses prédécesseurs et collègues exégètes. Chacun des chapitres se termine d’ailleurs par une bibliographie analytique et plusieurs « Editor’s Notes », insérées parmi celles de Brown, fournissent des compléments d’information, développent des points laissés de côté par l’auteur ou expriment des réserves sur certaines de ses positions. Cette nouvelle introduction au Quatrième Évangile représente une contribution significative aux études johanniques comme à celles des origines chrétiennes.
4. Étrangers et exclus dans le monde biblique. Colloque international à l’Université Catholique de l’Ouest, Angers, les 20 et 21 février 2002. Textes réunis par Jean Riaud, prologue par Gérard Verkindère. Angers, Les Éditions de l’Université Catholique de l’Ouest (coll. « Théolarge »), 2003, 208 p.
Ce colloque qui a réuni une douzaine d’universitaires, majoritairement français, s’inscrivait dans le cadre d’un programme de recherche sur l’exclusion que poursuit le Laboratoire de théologie et de sciences religieuses de la Faculté de théologie de l’Université Catholique de l’Ouest. Les Actes qui en ont résulté s’ouvrent sur un prologue (« Un peuple élu ») de Gérard Verkindère, qui se demande d’entrée de jeu si la lecture de la Bible peut conduire à une attitude d’exclusion et fonder la xénophobie. Il répond à cette question par l’examen de textes qui prônent l’exclusion et d’autres qui reconnaissent la tension entre exclusion de l’étranger et accueil de l’autre. L’introduction au colloque a été réservée à Jacques Briend, qui a développé le thème de « l’étranger dans le Proche-Orient ancien » à l’aide de textes de l’Égypte ancienne (le papyrus Brooklyn 35.1446, datant du Moyen Empire, et les lettres de Tell el-Amarna) et de la Mésopotamie, depuis la IIIe dynastie d’Ur jusqu’à Mari, pour aboutir à tracer une typologie de l’étranger dans les textes de Mari et dans la Bible. La première partie de ces Actes rassemble quatre textes portant sur le monde israélite. Dans sa communication, Matty Cohen répond à la question suivante : « Le ger biblique — cet inconnu — de qui est-il l’exclu ? », par un historique du vocable גר, en contestant son interprétation à la lumière exclusive de ses rendus grecs dans la Septante, pour terminer par une proposition de redéfinition du terme. La contribution de Benoît Lurson étudie la situation d’« Israël sous Merenptah ou le sort de l’ennemi dans l’Égypte ancienne », d’après le témoignage de la fameuse « stèle d’Israël », sur laquelle nous aurions la première représentation étrangère des « gens d’Israël » dans le cadre d’un discours idéologique entourant la royauté égyptienne. Arnaud Sérandour offre, pour sa part, une longue étude de « l’étranger, le même et l’autre dans les livres d’Esdras et de Néhémie », qu’il développe en deux volets : « “Peuple de Yhwh” et Yahwistes allogènes » et « “Peuple de Yhwh” et “peuples des pays” ». La contribution de Jean-Claude Haelewyck, spécialiste belge de la Septante et des pseudépigraphes juifs, aborde la question de « l’anéantissement de l’autre » et des « réactions face à cet élément narratif dans la tradition grecque du livre d’Esther », dans la Septante, le texte dit « lucianique » et la Vetus latina et son modèle grec, par comparaison avec l’histoire d’Esther dans le texte massorétique. Il montre que le texte de la Septante révèle des tensions qui proviennent du fait que les traducteurs tentent de concilier deux formes cohérentes mais incompatibles du récit. La deuxième partie des Actes est réservée à l’époque hellénistique et romaine. On y lit tout d’abord la communication de Michel Meslin, « Étrangers et exclus dans le monde romain, au début de l’ère chrétienne », puis celle de Christophe Mézange, « Exclusion et intégration des Romains dans l’oeuvre de Flavius Josèphe », dans le contexte de la révolte juive de 66-74 contre Rome. Dans « Étrangers et exclus dans le roman Joseph et Aséneth », Jean Riaud s’intéresse à une des oeuvres les plus célèbres de la littérature judéo-hellénistique, qui, prenant appui sur Gn 41,45, raconte le mariage de Joseph avec l’Égyptienne Asnat, fille d’un prêtre, événement qui allait à l’encontre de la pratique du mariage endogamique. David Hamidovic, dans « “La destruction des nations” selon les écrits de Qumrân. Essais sur la représentation de l’autre », interroge à la fois des textes (Règlement de la guerre, Document de Damas, Rouleau du Temple) et des témoignages archéologiques (le cimetière de Qumrân). La troisième partie de l’ouvrage comporte une première contribution de Pierre Haudebert intitulée « Étrangers et exclus dans les Évangiles synoptiques et plus particulièrement en saint Luc », thème qu’il étudie à partir du vocabulaire et de certains passages choisis. René Kieffer, dans « Étrangers : exclus et inclus chez Paul », s’intéresse au vocabulaire paulinien ainsi qu’à l’attitude personnelle de Paul et à ses réflexions sur le salut. Il revint au doyen de la Faculté de théologie d’Angers, Louis-Michel Renier, de conclure ce colloque par une communication intitulée « Étrangers et exclus dans le monde biblique. Réflexions d’un théologien », dans laquelle il aborde la question de l’étranger et celle de l’identité chrétienne. Cet ouvrage d’apparence modeste constitue une riche collection d’essais sur une thématique à la fois historiquement pertinente et d’une grande actualité, qu’on a su traiter dans une belle perspective pluridisciplinaire.
5. Thomas Römer, Jean-Daniel Macchi, Christophe Nihan, éd., Introduction à l’Ancien Testament. Genève, Éditions Labor et Fides (coll. « Le monde de la Bible », 49), 2004, 714 p.
« Le présent volume s’adresse aux étudiants en sciences bibliques ou en judaïsme en premier cycle d’études, mais aussi à toute personne souhaitant s’informer sur le contenu et la formation de la Bible hébraïque, l’Ancien Testament des chrétiens » (p. 11). Ces mots par lesquels débute la « préface et [le] mode d’emploi du volume » justifient d’inclure cette introduction à l’Ancien Testament dans une chronique de littérature chrétienne ancienne. Il s’agit en effet d’un ouvrage remarquable qui rendra les plus grands services non seulement aux étudiants en premier cycle d’études, comme l’écrivent trop modestement les éditeurs, mais aussi à ceux des cycles supérieurs et aux chercheurs désireux de faire le point sur tel ou tel livre de l’Ancien Testament ou de connaître les principaux commentaires ou les publications les plus importantes s’y rapportant. L’ouvrage se veut « une introduction historique et scientifique aux textes fondateurs de la civilisation judéo-chrétienne », qui s’efforce « de comprendre chaque livre dans sa cohérence interne, mais aussi, et surtout, en fonction de l’histoire de sa composition ainsi que du contexte historique dans lequel il a été rédigé » (p. 12). L’ouvrage débute par trois chapitres introductifs consacrés au canon de l’Ancien Testament (A. de Pury), à l’histoire du texte de l’Ancien Testament (A. Schenker) et aux milieux producteurs de la Bible hébraïque (E.A. Knauf). Suivent quatre parties regroupant les chapitres portant sur le Pentateuque, les Prophètes, les Écrits et les livres deutérocanoniques. Chacun de ces chapitres tente de répondre aux mêmes questions : « Quoi ? (le livre, son contenu, son plan et sa structure) ; qui ? (les auteurs et rédacteurs du livre) ; quand ? (les situations historiques dans lesquelles le livre en question a vu le jour) ; à l’aide de quoi ? (les matériaux : sources, documents, traditions, etc. qui ont été utilisés pour la rédaction du livre) ; pour qui ? (les destinataires du livre) ; face à qui/à quoi ? (les fronts polémiques du livre, les positions critiquées) ; comment ? (l’intelligence du livre, ses thèmes et enjeux) » (p. 12-13). À l’intérieur de chaque chapitre, ces questions sont toujours abordées sous quatre titres : plan et contenu du livre ; origine et formation ; thèmes et enjeux ; indications bibliographiques (commentaires, états de la recherche, ouvrages et articles importants). Chacune des quatre sections de l’ouvrage fait par ailleurs l’objet d’une brève introduction. La première section s’est vue réserver un traitement particulier en raison des bouleversements que connaît la recherche sur le Pentateuque. C’est ainsi qu’on y trouvera d’abord deux chapitres portant, l’un, sur l’histoire de la recherche (T. Römer) et l’autre, sur le débat actuel sur la formation du Pentateuque (C. Nihan et T. Römer). Le livre de la Genèse fait par ailleurs l’objet de trois chapitres portant respectivement sur les chap. 1-11, 12-36 et 37-50. Tous les autres livres bibliques, classés selon l’ordre de la TOB, sont traités en un chapitre chacun. La section des Prophètes, antérieurs (Jos, Jg, 1-2 S, 1-2 R) et postérieurs (Is, Jr, Ez et les Douze), est cependant augmentée de trois chapitres thématiques, le premier sur l’histoire deutéronomiste, le deuxième sur les genres littéraires prophétiques et le troisième sur la formation des Prophètes postérieurs (histoire de la rédaction). L’ouvrage se termine par un tableau chronologique allant de la préhistoire à l’époque romaine (à partir de 63 avant notre ère), des cartes et un glossaire. Agrémenté d’illustrations empruntées à l’iconographie égyptienne et proche-orientale, l’ouvrage témoigne d’une présentation soignée. Le plan de chacun des livres figure dans un encadré sur fond gris, facile à repérer. Les citations bibliques importantes et les schémas sont également encadrés. Les quelque 20 auteurs de cet ouvrage ont voulu introduire le lecteur à l’état actuel de la recherche sur le corpus vétérotestamentaire, en mettant en lumière les points sur lesquels il y a débat et absence de consensus, mais sans s’interdire d’indiquer leur propre position et les arguments qui la fondent. Chaque livre de l’Ancien Testament est un cas d’espèce avec ses propres difficultés d’interprétation, et il est impossible d’entrer ici dans les détails. Mais la lecture de l’ouvrage laisse tout de même entrevoir une tendance de la recherche actuelle vers une datation plus basse des écrits de la Bible juive, hébraïque ou grecque, en faveur des époques perse et hellénistique. La fréquentation de l’ouvrage permettra sans aucun doute de faire d’autres constatations intéressantes. La présente introduction vient prendre place à côté de l’Introduction au Nouveau Testament publiée en 2000, sous la direction de Daniel Marguerat, chez le même éditeur.
6. Autour de Théodoret de Cyr. La Collectio Coisliniana sur les derniers livres de l’Octateuque et sur les Règnes. Le Commentaire sur les Règnes de Procope de Gaza. Texte établi par Françoise Petit. Louvain, Peeters Publishers (coll. « Traditio Exegetica Graeca », 13), 2003, lxii-201 p.
Après avoir publié dans la même collection la Chaîne sur la Genèse (vol. 1-4) et celle sur l’Exode (en quatre parties dans les vol. 9-11 : I. Fragments de Sévère d’Antioche ; II. Collectio Coisliniana ; III. Fonds caténique ancien : Ex 1,1-15,21 ; IV. ibid. : Ex 15,22-40,32)[1], Françoise Petit, avec le présent ouvrage, mène à son terme l’édition de la Collectio Coisliniana. On y trouvera donc la fin de la Collection, à savoir la matière portant sur Lv, Nb, Dt, Jos, Jg (Ruth est absent) et I-IV Règnes (= 1-2 S, 1-2 R). Rappelons, avec l’éditrice, que « la Collectio Coisliniana est une des formes qu’a prise la tradition des Questions et réponses de Théodoret de Cyr sur l’Octateuque, les Règnes et les Paralipomènes » (p. xiii). La Collection est constituée, comme toutes les chaînes, d’extraits d’auteurs enfilés de manière à commenter le texte biblique d’une façon plus ou moins suivie et complète. L’intérêt exceptionnel de la Collection tient au fait que la plupart des extraits dont elle est constituée proviennent d’oeuvres aujourd’hui perdues. Ces fragments sont le plus souvent de « tonalité antiochienne » et si Cyrille d’Alexandrie est également présent d’un bout à l’autre de la section relative à l’Octateuque, c’est en raison de « la visée scolaire » de la Collection, soucieuse de situer Théodoret de Cyr, dont les Questions forment « l’axe » de celle-ci, dans un plus large contexte interprétatif, en fournissant aux lecteurs « un exemple de la méthode alexandrine » (p. xviii). Les extraits les plus nombreux de la portion de la Collection éditée dans ce volume proviennent de Diodore de Tarse, « inspirateur principal et direct de Théodoret » (p. xix). L’édition de la fin de la Collection est suivie de celle du Commentaire sur les Règnes de Procope de Gaza, car cet auteur « a pris comme fil conducteur de son Commentaire non pas une chaîne, comme il l’a fait pour l’Octateuque, mais les Questions de Théodoret » (p. xxxii). Les deux éditions sont précédées d’une introduction qui, dans une première partie, situe la Collectio Coisliniana dans la complexe tradition caténique et décrit les manuscrits de la double tradition, directe et caténique, de la Collection (avec un tableau qui en donne la structure et indique les passages bibliques que commentent les 121 textes qui la composent). La seconde partie de l’introduction est consacrée au Commentaire de Procope, dont une analyse détaillée est donnée. L’importance des matériaux édités dans ce volume est évidente pour ce qui est de la patristique et de l’histoire de l’exégèse, notamment d’obédience antiochienne, mais elle l’est tout autant pour l’histoire du texte biblique grec, dont ils attestent souvent la forme dite antiochienne. Des quatre annexes qui complètent l’ouvrage, mentionnons la deuxième, qui fournit une analyse détaillée de la chaîne sur les Règnes, et la quatrième qui rassemble les fragments caténiques attribués à Théodore de Mopsueste. Ce volume et les précédents de Mme Petit (à ceux mentionnés plus haut, on ajoutera les Catenae graecae in Genesim et Exodum parues dans la série grecque du Corpus christianorum, vol. 2 et 15) constituent un véritable monument pour l’histoire de l’exégèse ancienne. Il s’agit d’un corpus dont l’accès n’est pas facile pour le non-spécialiste, mais au moins dispose-t-on maintenant d’une base de travail solide.
7. Camille Focant, L’Évangile selon Marc. Paris, Les Éditions du Cerf (coll. « Commentaire biblique : Nouveau Testament », 2), 2004, 662 p.
Si l’on juge de la nouvelle collection que lancent les Éditions du Cerf par ce premier échantillon, elle sera à coup sûr excellente, car Camille Focant, professeur de Nouveau Testament à la Faculté de théologie de l’Université catholique de Louvain (Louvain-la-Neuve), nous livre ici un magnifique commentaire du Deuxième Évangile, dans lequel on retrouve toutes les qualités d’équilibre, de nuance et d’analyse caractéristiques de l’exégèse lovaniste. L’introduction générale aborde onze points : 1. le genre évangile, dont Marc peut être considéré comme le créateur ; 2. l’auteur, dont rien ne confirme l’inspiration pétrinienne mais qui pourrait bien être le Jean-Marc d’Ac 12, encore que l’hypothèse soit invérifiable ; 3. la date de rédaction, qui n’est pas nécessairement postérieure à 70 et qui pourrait se situer entre 64 et 69 ; 4. le lieu de rédaction, le plus probablement Rome, étant donné les latinismes de l’évangile et la parenté de Mc 13 avec des traits de la persécution néronienne ; 5. les destinataires, principalement des lecteurs chrétiens d’origine païenne, dont la langue véhiculaire était le grec ; 6. les sources, dont il faut exclure l’Évangile de Pierre et l’Évangile secret de Marc, alors que la relation de Marc avec l’Évangile selon Thomas reste difficile à établir et que les tentatives pour rétablir un proto-Marc n’ont guère été concluantes ; 7. la structure de l’évangile et les propositions de découpage qui ont été avancées ; 8. la transmission du texte de Marc, moins bien représenté dans les manuscrits les plus anciens que ceux de Matthieu ou de Luc ; 9. la visée théologique de Marc, paradoxal et énigmatique, qui pratique « une christologie de l’étonnement » ; 10. l’approche du présent commentaire, qui inscrit l’interprétation dans le cadre de l’analyse narrative, sans négliger la perspective historique, c’est-à-dire « l’information sociale, culturelle et théologique du ier siècle (le dictionnaire culturel de cette époque) », et qui privilégie, chaque fois que la chose est possible, l’intertextualité aux dépens de l’extratextualité ; 11. la traduction proposée, « traduction de travail qui n’hésite pas à dépayser le lecteur habitué à entendre l’évangile ». Le commentaire proprement dit s’articule selon les grandes sections découpées dans le texte : 1,1-13 ; 1,14-3,6 ; 3,7-6,6a ; 6,6b-8,30 ; 8,31-10,52 ; 11,1-13,37 ; 14,1-16,8 (+ 16,9-20). Chacune de ces sections est introduite avant que l’on passe au commentaire des péricopes qu’elle contient. On ne saurait présenter ici le contenu du commentaire de Focant, mais qu’il suffise de dire que le format de la collection permet d’aller des questions les plus techniques et les plus pointues aux larges perspectives ouvertes par l’analyse narrative. Par ailleurs, l’auteur a eu le souci de rendre compte de manière exhaustive et critique de la production interprétative antérieure. Il en résulte un très bel instrument de travail et de lecture dont il faut féliciter l’auteur et l’éditeur. Si la nouvelle collection continue sur cette lancée, il ne fait pas de doute qu’elle s’imposera très vite.
8. Peter Leander Hofrichter, Logoslied, Gnosis und Neues Testament. Hildesheim, Zürich, New York, Georg Olms Verlag (coll. « Theologische Texte und Studien », 10), 2003, 323 p.
D’après le titre de ce livre, « Hymne au Logos, gnose et Nouveau Testament », le lecteur s’attendrait peut-être à trouver une monographie neuve sur la question fort débattue des relations entre le Quatrième Évangile, plus particulièrement le prologue, et la gnose. Il s’agit de fait d’un recueil constitué de 17 articles ou de contributions à des ouvrages collectifs publiés par l’auteur de 1979 à 2000 et mis à jour, et d’un inédit, dont un certain nombre portent à vrai dire sur le prologue, alors que le reste aborde différents thèmes d’exégèse ou d’histoire des doctrines. On aura une bonne idée du contenu de l’ouvrage par la liste des titres qu’il rassemble : « “Egeneto anthropos.” Texte et ajouts dans le Prologue johannique » ; « La signification constitutive de Jn 1,6s pour le mythe interprétatif gnostique » ; « La signification du “sang” en Jn 1,13 : une clé pour le développement du dogme dans le christianisme primitif » ; « Encore une fois sur le terme “sang” (au pluriel) en Jn 1,13 : signification ainsi qu’interprétation néotestamentaire et gnostique » ; « Débats sur les structures ecclésiales au nom de l’Apôtre : sur la dépendance des lettres pastorales les unes des autres, et de la première lettre de Pierre » ; « La compréhension du titre christologique “unique engendré [= μονογενής]” chez Origène » ; « Unique engendré ou unique ? Sur la traduction et la signification du titre christologique μονογενής » ; « Le Fils de Dieu, le roi et l’homme dans la tradition du procès de Jésus » ; « Jn 21 dans le macrotexte du Quatrième Évangile » ; « Ministère et conception du ministère dans l’Église primitive » ; « La doctrine du Logos et l’image de Dieu chez les apologètes, les modalistes et les gnostiques : la christologie johannique à la lumière de sa réception la plus ancienne » ; « De la double multiplication des pains chez Marc au double envoi chez Luc. Le conflit au sujet de la mission chez les païens dans l’histoire rédactionnelle des Évangiles » ; « Le prologue de Jean et la préhistoire lucanienne » ; « Parallèles au 24e chant de l’Iliade dans les apparitions angéliques dans Luc-Actes » ; « Paul et les débuts du christianisme en Syrie » ; « Sur la multiplication du nom Marie dans l’hypothèse de la priorité de Jean » ; « Gnosis und ägyptische Mythologie » ; « L’Évangile de Jean et la gnose ». Comme on le voit, ces contributions touchent plusieurs aspects, littéraires et doctrinaux, de l’histoire des origines chrétiennes. Les textes de Nag Hammadi, en particulier la Prôtennoia trimorphe (NH XIII, 1), y figurent en bonne place. Même si les hypothèses de Hofrichter sur le prologue johannique sont loin d’avoir fait l’unanimité[2], on trouvera dans ce recueil plusieurs analyses intéressantes. La seule contribution nouvelle de l’ouvrage, sur les Marie de l’Évangile de Jean, m’est apparue particulièrement intéressante. Il faut cependant noter qu’en ce qui concerne le fameux passage de l’Évangile selon Philippe (NH II, 63, 32-36) sur Marie-Madeleine, l’analyse de Hofrichter repose sur le découpage fautif du copte de la traduction de W.W. Isenberg (1977 et 1989)[3]. L’auteur aurait gagné à suivre l’édition de H.-M. Schenke (1997).
9. Pierre Legendre, éd., « Ils seront deux en une seule chair. » Scénographie du couple humain dans le texte occidental. Bruxelles, Émile Van Balberghe (coll. « Travaux du laboratoire européen pour l’étude de la filiation », 3), 2004, 242 p.
Cet ouvrage rassemble neuf articles destinés à éclairer la réception et l’interprétation du fameux verset de Genèse 2,24. Comme le précise l’éditeur du volume et instigateur de cette recherche, « une idée centrale à l’origine de ce recueil est d’illustrer, à travers l’histoire des commentaires d’un verset biblique touchant à la question constitutive de la culture — la reproduction humaine —, que la civilisation dite judéo-chrétienne fonctionne à l’instar des autres civilisations, sur la base d’un impératif commun : instituer le pouvoir en fondant l’interprétation » (p. 8). Regroupées sous cinq titres, ces contributions s’inscrivent dans le cadre d’une recherche plus large visant « à explorer les fondements de pensée du système de filiation à l’occidentale » (p. 14). Dans la section intitulée « Sources antiques : les deux regards, juif et chrétien, sur le verset », Jean-Christophe Attias (« “Baal ve-isha”. La tradition juive au miroir de “Genèse” 2, 24 ») présente le recours au verset biblique dans la tradition rabbinique depuis Rashi et Moïse Maïmonide jusqu’aux échos qu’elle trouve chez la romancière israélienne Zeruya Shalev. La contribution d’Alain Le Boulluec, « De l’Unité du couple à l’union du Christ et de l’Église chez les exégètes chrétiens antiques », examine diverses lectures patristiques de Gn 2,24, d’abord chez les Pères de la tradition dite antiochienne, Théodore de Mopsueste, Jean Chrysostome, Théodoret de Cyr, Diodore de Tarse, dont la lecture, lorsqu’ils commentent directement le premier livre biblique, s’en tient au contexte narratif auquel appartient le récit et tend à préserver l’autonomie de l’Ancien Testament et la lettre du texte. Il en va toutefois autrement pour leurs ouvrages qui commentent les passages évangéliques ou pauliniens qui citent Gn 2,24 et où la compréhension du verset est « massivement déterminée par les lectures néotestamentaires » (p. 42). Elle ouvre alors à des applications ecclésiologiques, christologiques, parénétiques, dans le cadre, notamment, du débat sur la « digamie », entendue au sens du remariage après la mort de l’un des conjoints. Une attention particulière est accordée au commentaire d’Origène sur Mt 19,3-6, qui combine d’une façon remarquable l’exégèse littérale et l’interprétation allégorique, la valeur prescriptive de Gn 2,24 et sa signification théologique en rapport avec la christologie et l’ecclésiologie. Bien que débordant le cadre strict de l’Antiquité chrétienne, les articles constituant le deuxième volet du recueil, « Le creuset médiéval », font bien voir à la fois les permanences et les mutations dans l’exégèse et l’utilisation de Gn 2,24, et cela, en contexte aussi bien juif que chrétien. L’apport juif est brièvement évoqué par le résumé de la contribution du regretté Charles Mopsik (« “Ils seront une seule chair” : les interprétations théosophiques et théurgiques des cabalistes »), qui présente quelques lectures de Gn 2,24 où joue le procédé « connu sous le nom d’intertextualité », rendu possible « parce que l’exégète étudie le texte biblique dans sa langue originale (essentiellement l’hébreu, parfois l’araméen), et parce qu’il rédige son commentaire dans la langue même du texte commenté » (p. 60), sans qu’il y ait de discontinuité linguistique entre le texte de la tradition et le nouveau texte écrit par l’interprète. L’article de Gilbert Dahan, sur « “Genèse” 2, 23-24 dans l’exégèse chrétienne du Moyen Âge occidental », montre que « le verset 24 du chapitre 2 de la Genèse joue un rôle fondateur dans la pensée religieuse de l’Occident médiéval » (p. 69), aussi bien pour la réflexion théologique que pour le droit canon, qui le mettent au coeur de leurs considérations sur le mariage. Pour ce faire, l’auteur s’appuie surtout sur des auteurs des douzième et treizième siècles, ainsi que sur un commentateur du début du quatorzième siècle, le dominicain Dominique Grima († 1347). Il examine successivement la situation du texte (« divisio textus », structure du passage, la question du locuteur, Adam ou Dieu), le statut de l’homme et de la femme, la réflexion sur le mariage et l’interprétation spirituelle du passage, appliqué à l’union du Christ et de l’Église, et même aux prélats. Pour sa part, Olivier Boulnois, dans « Un et un font un. Sexes, différence et union sexuelle au Moyen Âge, à partir des “commentaires des Sentences” », commence par présenter l’interprétation originelle de Gn 2,24 par Pierre Lombard, sur la dualité des sexes et le couple, qui constitue le coeur du système de parenté, pour passer ensuite au commentaire de Bonaventure, qui « confronte l’analyse de Pierre Lombard, essentiellement exégétique et théologique, avec certaines données de la logique, de la métaphysique et de la physiologie aristotéliciennes » (p. 116), et, plus brièvement, à celui de Thomas d’Aquin, qui, pour sa part, « s’efforce d’articuler le naturel et le social en comprenant le récit de la Genèse à partir d’une interprétation philosophique des formes de la reproduction [qui] intègre les connaissances scientifiques héritées d’Aristote et de Pline » (p. 124). Par-delà trois contributions consacrées respectivement à Jean Calvin, à l’enseignement catholique sur les deux fins du mariage de Benoît XV à Jean-Paul II et aux Affinités électives de Goethe, l’ouvrage s’achève sur celle de Bernard Flusin intitulée « Avant la différentiation sexuelle. Remarques sur la huitième “difficulté” de Michel Glykas », un théologien du douzième siècle qui a laissé une centaine de Chapitres sur les difficultés (aporiai) de la divine Écriture. Celle qui a intéressé B. Flusin veut répondre à la question suivante : « les corps des hommes ressusciteront-ils mâle et femelle ? » Glykas explique qu’il y a aporie sur ce point en raison surtout des hésitations de la tradition patristique quant à savoir si la différenciation sexuelle est inhérente ou non à l’image. Il en va donc de l’interprétation de Gn 1,26-27, pour laquelle Glykas, en faisant de la dualité sexuelle l’objet d’une seconde création, se range du côté de Grégoire de Nysse mais aussi de Chrysostome. Glykas en tire la conséquence que, si la différenciation sexuelle n’est pas première, le mariage, loin d’être le fait de l’homme à l’image de Dieu, n’existe que par économie, comme une concession. Il rejoint dès lors certaines préoccupations des milieux monastiques et ascétiques, et illustre « une tendance répandue dans le christianisme byzantin : si le mariage et l’union des époux — auxquels Genèse 2, 24 est lié — sont chose importante dans la vie du monde, ils paraissent n’avoir pas le même degré de réalité que la vie ascétique ou que le corps glorieux, et s’effacent devant l’image de la “statue d’or tout juste sortant du creuset” » (p. 233). Un glossaire élaboré par A. Le Boulluec termine cet ouvrage original qui intéresse non seulement l’histoire de l’exégèse mais aussi celle du mariage et du couple en contexte judéo-chrétien.
Jésus et les origines chrétiennes
10. Anthony J. Blasi, Jean Duhaime et Paul-André Turcotte, éd., Handbook of Early Christianity. Social Sciences Approaches. Walnut Creek, California, AltaMira Press, 2002, xxvii-802 p.
Cet ouvrage monumental entend fournir une orientation générale et l’information la plus exhaustive et la plus précise possible à tous ceux qui s’intéressent à l’étude scientifique du christianisme ancien du point de vue des sciences sociales. Comme le rappelle D.G. Horrell (p. 4), l’application des sciences sociales au Nouveau Testament ou au christianisme naissant coïncide avec l’apparition de ces sciences, au milieu du dix-neuvième siècle, et elle n’a jamais cessé d’être pratiquée depuis. Or, c’est surtout le dernier quart du vingtième siècle qui a vu un intérêt massif pour une sociologie historique du mouvement de Jésus et des origines chrétiennes avec la création, en 1973, au sein de la Society of Biblical Literature, d’un groupe de travail voué à l’étude de l’univers social du christianisme primitif et avec les publications, dès 1973, des premiers travaux de Gerd Theissen. Depuis, les pratiques scientifiques tributaires de cette approche se sont multipliées et diversifiées : anthropologie culturelle, sociologie historique et histoire sociale, études féministes dans une perspective socio-historique, et elles ont provoqué un profond renouveau de l’étude du premier christianisme. La prolifération des monographies, des thèses, des articles et des ouvrages collectifs consacrés à ces approches et méthodes fait qu’il est difficile sinon impossible aujourd’hui de prendre la mesure de leurs acquis et des voies nouvelles qui ont été ouvertes. On ne peut dès lors que saluer l’initiative ambitieuse des éditeurs de ce manuel. Avec ses quelque 800 pages et ses 27 chapitres, ce Handbook constitue une véritable somme des connaissances relatives au christianisme ancien en même temps qu’il dresse le bilan des acquis et suggère des pistes neuves. Les contributions formant l’ouvrage ont été regroupées en six parties. La première, qui se veut une introduction générale à l’histoire de la recherche, aux concepts et aux méthodes, rassemble les titres suivants : 1. « Social Sciences Studying Formative Christian Phenomena : A Creative Movement » (David G. Horrell) ; 2. « Major Social Scientific Theories : Origins, Development, and Contributions » (Paul-André Turcotte) ; 3. « General Methodological Perspective » (Anthony J. Blasi). La deuxième partie présente des méthodes spécifiques appliquées au Nouveau Testament ou au christianisme primitif : 4. « Archeological and Architectural Issues and the Question of Demographic and Urban Forms » (Carolyn Osiek) ; 5. « An Illustration of Historical Inquiry : Histories of Jesus and Matthew I.1-25 » (Ritva H. Williams) ; 6. « Literary and Redaction Criticism » (Steven L. Bridge) ; 7. « Statistical Textual Analysis : A Special Technique » (Robert A. Wortham) ; 8. « Aspects of Rhetorical Analysis Applied to New Testament Texts » (Ernst R. Wendland) ; 9. « Structuralism and Symbolic Universes : Second Temple Judaism and the Early Christian Movement » (Peter Staples). La troisième partie met en lumière des phénomènes sociaux observables dans le milieu dans lequel le christianisme est né ou au sein des groupes chrétiens eux-mêmes : 10. « Early Christianity as an Unorganized Ecumenical Religious Movement » (Frederick Bird) ; 11. « Jesus and Palestinian Social Protest : Archeological and Literary Perspectives » (Peter Richardson et Douglas Edwards) ; 12. « Civilizational Encounters in the Development of Early Christianity » (Donald A. Nielsen) ; 13. « Early Christian Culture as Interaction » (Anthony J. Blasi) ; 14. « “Becoming Christian” : Solidifying Christian Identity and Content » (David G. Horrell) ; 15. « Sociological Insights into the Development of Christian Leadership Roles and Community Formation » (Howeard Clark Kee) ; 16. « Establishing Social Distance between Christians and Both Jews and Pagans » (Jack T. Sanders). Intitulée « Power, Inequality, and Difference », la quatrième partie de l’ouvrage traite des relations des premiers chrétiens avec leur environnement social et politique : 17. « Connections with Elites in the World of the Early Christians » (Philip A. Harland) ; 18. « Government and Public Law in Galilee, Judaea, Hellenistic Cities, and the Roman Empire » (John W. Marshall et Russell Martin) ; 19. « Persecution » (Harold Remus) ; 20. « Vulnerable Power : The Roman Empire Challenged by the Early Christians » (Warren Carter) ; 21. « The Limits of Ethnic Categories » (Nicola Denzey). Les trois chapitres de la cinquième partie sont dévolus aux aspects économiques de la vie des premiers chrétiens : 22. « The Economy of First-Century Palestine : State of the Scholarly Discussion » (Philip A. Harland) ; 23. « Modes and Relations of Production » (Dimitris J. Kyrtatas) ; 24. « What Would You Do for a Living ? » (David A. Fiensy). La sixième et dernière partie de l’ouvrage s’intéresse aux dimensions psychosociales et individuelles : 25. « Conflicting Bases of Identity in Early Christianity : The Example of Paul » (Nicholas H. Taylor) ; 26. « Dread of the Community : A Psychoanalytical Study of Fratricidal Conflict in the Context of First-Century Palestine » (Richard K. Fenn) ; 27. « Conversion in Early Christianity » (Jack T. Sanders). Le Handbook se termine par la liste des références complètes des ouvrages et articles cités en abrégé dans les chapitres, une bibliographie raisonnée compilée par Jean Duhaime, et un triple index (auteurs, références bibliques et sujets). Comme on peut le voir par le simple énoncé des titres des chapitres, ce manuel constitue, un peu à la manière des volumes de la série Aufstieg und Niedergang der römischen Welt, une véritable introduction à la recherche moderne sur les origines chrétiennes dont l’intérêt déborde largement les seules approches relevant des sciences sociales. Il faut rendre hommage aux éditeurs scientifiques et à l’éditeur commercial pour avoir eu le courage de se lancer dans une telle entreprise et surtout de l’avoir menée à terme au bénéfice non seulement des étudiants mais aussi des chercheurs confirmés.
11. Peter J. Tomson, L’Affaire Jésus et les Juifs. Traduit du néerlandais par Charles Franken. Paris, Les Éditions du Cerf (coll. « Lire la Bible », 136), 2003, 183 p.
Nous avons eu l’occasion de présenter dans les pages de cette revue la traduction française d’un premier volume du théologien réformé néerlandais Peter Tomson élaboré dans le cadre des travaux de la « Fondation pour l’étude scientifique de la littérature chrétienne sur les Juifs et le judaïsme ». Il s’agissait de Jésus et les auteurs du Nouveau Testament dans leur relation au judaïsme (Paris, Les Éditions du Cerf, 2003)[4]. Dans celui-ci, produit dans le même contexte et dont l’original néerlandais a été publié en 2001, l’auteur a voulu faire un ouvrage plus concis que le premier, rédigé dans un style plus simple et plus explicite, destiné à un public de non-spécialistes et ce, dans le but de faire connaître un des objectifs de la Fondation néerlandaise, qui est d’éditer des travaux scientifiques sur les racines religieuses de la haine des Juifs. Comme l’écrit l’auteur dès les premières lignes de son introduction, le titre de ce livre pose une question : quel est le lien entre l’Affaire Jésus et les Juifs ? Cependant, il ne définit nulle part ce qu’il entend par l’expression « Affaire Jésus » (néerl. Zaak-Jesus). Il dit bien qu’elle recouvre trois aspects distincts : le débat sur ce que représente Jésus ; le procès proprement dit et la crucifixion ; l’antagonisme général entre Juifs et chrétiens. À la lumière du contenu du livre, on peut comprendre que l’Affaire Jésus désigne aussi bien ce que fut Jésus, tel que l’enquête historique peut le reconstruire, que ce qu’en ont fait les chrétiens et les Églises chrétiennes, et la manière dont ils ont élaboré, à partir de leur compréhension de Jésus, une ou plutôt des attitudes face aux Juifs, qui, plus souvent qu’autrement, ont emprunté le visage de l’antijudaïsme et de l’antisémitisme. Le premier chapitre, « L’Affaire Jésus à travers les siècles », propose, comme entrée en matière, un vaste et très rapide panorama de l’histoire chrétienne, depuis l’époque de « ce Juif d’une trentaine d’années » jusqu’à la fin du vingtième siècle, panorama dont le fil d’Ariane est les relations des chrétiens avec les Juifs. Le deuxième chapitre, plutôt méthodologique, présente les sources qui permettent « la recherche du “vrai” Jésus », tout en faisant ressortir le fait qu’il s’agit déjà de sources marquées par des prises de position face aux Juifs, des sources qui sont déjà des interprétations du personnage de Jésus et de sa relation au judaïsme. À l’intérieur du Nouveau Testament, « Affaire Jésus » et « affaire contre les Juifs » sont inextricablement liées et il appartient à la responsabilité du lecteur — et spécialement du lecteur chrétien — d’apprendre à faire la différence entre les deux. Le troisième chapitre esquisse un tableau historique de la situation des Juifs dans l’empire romain, qui sera très utile aux lecteurs non familiers de cette question. Il s’achève sur une présentation des Juifs en Terre sainte, des Pharisiens et de la littérature rabbinique. Dans « Les faits et gestes de Jésus » (chap. 4), l’auteur introduit le lecteur à Jésus et à son projet : son apprentissage chez Jean le Baptiste, la nature de son « évangile », son attitude face à la loi juive (avec une bonne mise en perspective des polémiques menées par Jésus dans le contexte des discussions sur la loi qui étaient monnaie courante à son époque) et au Temple, sa relation à ses disciples, sa personnalité (« hors du commun, qui suivait sa propre voie »), tout cela pour faire voir qu’il n’y a pas de rupture entre la foi de Jésus et celle de ses premiers disciples, ni de clivage entre Jésus et le judaïsme. Le cinquième chapitre, intitulé « Le jugement de Jésus », couvre la même matière que le livre de François Bovon que nous présentons dans la présente chronique, essentiellement le procès et la condamnation à mort. L’auteur y synthétise les conclusions habituellement admises sur l’orientation proromaine des sources évangéliques, la distinction à faire entre les autorités juives, celles du Temple essentiellement, et la « foule », au sein de laquelle Jésus trouvait de nombreux sympathisants, le rôle, minime sinon inexistant, des Pharisiens dans la condamnation de Jésus, l’identité de ses « ennemis » (« le peuple soutenait Jésus, les Pharisiens hésitaient, les autorités du Temple lui étaient hostiles », p. 92) et le déroulement proprement dit du procès. Le sixième chapitre examine le témoignage des apôtres et la manière dont ils attribuèrent une signification théologique à sa crucifixion, en reprenant le thème traditionnel du meurtre des prophètes et en comprenant a posteriori sa carrière à la lumière de la résurrection. L’auteur y considère également ce qu’est devenu le témoignage des apôtres dans les trois grandes « aires » chrétiennes du premier siècle : les « Églises juives » au temps de Pierre et de Jacques, les Églises pauliniennes des non-Juifs, les Églises de Jean et les « autres chrétiens », jusqu’à l’Église de Rome aux prises avec Marcion. Bien que bref, le septième chapitre, consacré à « l’impact de la guerre contre Rome », est l’un des plus intéressants et des plus suggestifs de l’ouvrage. L’auteur y montre bien, en partant de l’exemple d’Antioche, que le nationalisme juif qui a culminé lors de la guerre de 66-73 a joué un rôle de catalyseur dans la séparation entre Juifs chrétiens et Juifs tout court. Cette séparation doit d’ailleurs être envisagée dans une perspective plus large, à savoir « le désaccord qui régnait parmi les chrétiens juifs à propos de la conduite à tenir vis-à-vis des non-Juifs » (p. 127). La guerre ne fit qu’exacerber des tensions préexistantes : les chrétiens juifs « allaient-ils se ranger du côté des Juifs hellénistes et rompre ainsi avec leurs frères et soeurs non-Juifs ? Ou rallieraient-ils le camp des pacifistes en rompant avec les chrétiens juifs radicaux ? » (p. 127). La guerre provoqua la disparition de groupes, comme les Esséniens et les Sadducéens, favorisa l’émergence d’un pouvoir juif centralisé, héritier du pharisaïsme de Shammaï, et eut pour effet d’uniformiser les différentes communautés juives et chrétiennes, si bien que le fossé entre le judaïsme rabbinique et l’Église apostolique se creusa, ce qui occasionna l’isolement et la disparition à moyen terme de ce qui restait de « chrétiens juifs ». La présentation des textes du Nouveau Testament, au chapitre 8, est également intéressante en ce qu’elle fait très bien ressortir le paradoxe de la lecture qui en est pratiquée par les chrétiens depuis 2000 ans, dans la mesure où ils se livrent, consciemment ou non, à une lecture unifiante et harmonisante d’une collection d’écrits divers que rien à l’origine ne destinait à former un tout. La lecture globalisante de la tradition et de la foi est certes légitime mais, pour ne pas aboutir à des monstruosités théologiques ou idéologiques, elle doit être contrebalancée par une juste appréhension de la diversité et de l’irréductibilité des textes. Le dernier chapitre de l’ouvrage envisage « l’appropriation ecclésiale » des textes du Nouveau Testament dans une unité construite par leur lecture communautaire. Une annexe donne, sur la base des renseignements fournis par Flavius Josèphe, les textes de Qumrân, la littérature rabbinique et le Nouveau Testament, un aperçu des courants juifs au temps de Jésus et des points sur lesquels s’opposaient les Sadducéens, les Esséniens, les Pharisiens de Shammaï et ceux de Hillel, et le milieu de Jésus : sabbat, pureté rituelle, mariage et divorce, attitude face aux non-Juifs, existence des anges et résurrection des morts. Même s’il n’a pas été conçu pour des spécialistes (il ne comporte aucune note de bas de page ni bibliographie), cet ouvrage constitue une excellente synthèse de la situation des Églises naissantes par rapport au judaïsme, et de la manière dont elle a marqué la tradition et la pratique chrétiennes. Les étudiants en théologie et en sciences des religions tout comme le public élargi auront certainement beaucoup à en apprendre.
12. François Bovon, Les derniers jours de Jésus. Textes et événements. Deuxième édition revue et augmentée. Genève, Éditions Labor et Fides (coll. « Essais bibliques », 34), 2004, 111 p.
Le film récent de Mel Gibson, La Passion, a proposé et imposé une représentation hyper-réaliste des dernières heures de l’existence de Jésus, qui prétend livrer au spectateur la vérité des faits et de leur interprétation. Exégètes, historiens et théologiens — comme aussi nombre de journalistes et de critiques de cinéma — ont bien exprimé des réserves sur les prétentions et les présupposés idéologiques du réalisateur, mais la force des images et l’efficacité avec laquelle elles réifient des récits traditionnels, les amplifiant et les déformant tout à la fois, ont eu vite raison pour beaucoup de ces hésitations. Ne serait-ce qu’en raison de cet événement conjoncturel et passager, il faut saluer la réédition du petit livre que François Bovon consacrait en 1974 aux « derniers jours de Jésus ». Mais il faut dire tout de suite qu’il ne s’agit pas d’un livre de circonstance, rédigé à la va-vite pour profiter du remous créé par le film de Gibson. Lorsque celui-ci ne sera plus qu’un souvenir, l’ouvrage de Bovon gardera toute sa valeur sur le plan scientifique comme sur celui de la diffusion des connaissances. La raison première en est que son auteur, déjà en 1974, s’était imposé comme un des plus importants spécialistes francophones du Nouveau Testament et que, depuis cette date, il a livré au public savant un monumental commentaire de l’Évangile de Luc en voie d’achèvement (3 volumes parus, Labor et Fides, 1991-2001). La centaine de pages, rédigées dans un style limpide et concis, qu’il consacre à la Passion de Jésus, sont donc lourdes d’une longue fréquentation des sources qui nous renseignent sur ces heures tragiques. Après une brève introduction et deux avant-propos, l’ouvrage s’ouvre justement par un chapitre consacré aux sources, présentées selon un ordre plus ou moins chronologique et brièvement caractérisées : les lettres de Paul, qui livrent les plus anciens témoignages sur la mort de Jésus ; les discours missionnaires des Actes des Apôtres ; les annonces de la Passion dans les Synoptiques, qui ne proviennent pas directement de Jésus mais fournissent néanmoins la structure primitive en quatre temps à partir de laquelle les récits de la Passion se sont développés (Jésus livré aux Juifs, puis aux païens, ensuite exécuté pour ressusciter trois jours après) ; les récits évangéliques de la Passion, dont le Sitz im Leben a dû être le culte chrétien et qui trahissent les tendances qui les ont infléchis : kérygmatique et liturgique, apologétique et parénétique, légendaire, enfin, par l’ajout de personnages (Malchus à l’oreille coupée) ou d’épisodes (le rêve de la femme de Pilate) ; sources extracanoniques, dont une seule est retenable, l’Évangile de Pierre, « ni plus miraculeux ni plus légendaire que les récits canoniques » ; Josèphe et le Talmud ; les témoignages païens. Le deuxième chapitre, très bref, présente « le point de départ méthodologique » de l’enquête, à savoir que Jésus a subi une peine romaine et non juive, à la suite de sa condamnation par Pilate, « fait historiquement certain, […] même le fait de la vie de Jésus le mieux établi » (p. 35). Dès lors se pose la question : que pouvait lui reprocher le gouverneur romain ? Question à laquelle répond le titulus de la croix qui, selon la coutume romaine, donnait la causa poenae, le grief retenu, en l’occurrence une prétention messianique et royale. À la p. 36, il est dit que la malédiction de Dt 21,22-23 « s’appliquait à ceux qu’un tribunal juif avait condamnés à mort, aux lapidés en particulier, dont le cadavre était ensuite suspendu à un arbre jusqu’à la fin du jour », ce qui est juste mais contredit l’affirmation de la p. 32, à propos de Tb Sanhédrin 43a, selon laquelle la mention de la pendaison qui suivait une lapidation « ne devrait pas être historique ». Le Talmud fait probablement référence à la même malédiction, en jouant sur le sens du verbe « pendre », à un arbre ou à une croix.
Le troisième chapitre, « Le déroulement des faits », est le plus substantiel de l’ouvrage. Ces pages réalisent un véritable tour de force dans la façon dont elles synthétisent une matière d’une grande complexité. Bovon part de deux questions formulées au chapitre précédent : « Si Jésus a été condamné pour prétention messianique et pour sédition, […] comment Pilate en est-il venu à formuler ces griefs ? Et ces griefs étaient-ils justifiés ? » (p. 39). Il y répond en définissant d’abord les intentions de Jésus, puis en reconstituant le scénario de la « semaine sainte ». En ce qui touche le premier point, si le message de Jésus est centré sur la prédication du Royaume de Dieu, sa visée n’était pas uniquement religieuse, elle était aussi politique, dans la mesure où elle avait des incidences concrètes, sur le plan de l’interprétation de la loi comme de la critique de la tradition et de la pratique, qui ne pouvaient qu’inquiéter. Mais Jésus n’a pas été pour autant un zélote ou un révolutionnaire. Ayant « tout à la fois les allures d’un prophète de malheur, d’un prédicateur de repentance et d’un bon vivant qui rend grâce à Dieu pour la beauté de la création », il demeure « un personnage hors cadre : ni un vrai rabbin, ni un vrai prophète, ni un vrai sage » (p. 40). Or « le propre de tels personnages est d’être mal compris » (ibid.). Ce qui s’est passé à Jérusalem se situe donc dans la continuité du message, de l’activité et de la personnalité de Jésus. Il n’est pas question de rendre compte ici de la reconstruction historique des faits que tente Bovon, sur la base d’une analyse critique des Évangiles mais aussi de ce que l’on sait du droit romain et de la pratique judiciaire qui avait cours dans les provinces, mais c’est à coup sûr une des meilleures qu’il m’ait été donné de lire. L’auteur fait finement ressortir ce que l’on peut retenir des faits racontés par les évangélistes, ce qui paraît vraisemblable et l’est moins, ce qui relève de développements exégétiques et légendaires propres à chaque évangéliste, comme les sept paroles du Christ en croix. Sur le plan juridique, Bovon évalue le rôle discuté du Sanhédrin, qui n’aurait fait qu’enquêter sur le compte de Jésus et qui, l’ayant trouvé coupable sans avoir le droit de condamner à mort ni d’exécuter une sentence capitale, aurait chargé une délégation d’aller dénoncer Jésus au gouverneur romain. Quant à la procédure suivie par celui-ci, elle fut celle de la cognitio extra ordinem, étrangère à la justice « ordinaire » (ordo iudiciorum publicorum), mais de plus en plus répandue au début de notre ère, en particulier chez les gouverneurs de province qui cumulaient les fonctions de magistrat et de juge, et rendaient personnellement la justice, notamment dans les procès capitaux de sujets non romains, comme ce fut le cas pour Jésus. Il ne s’agissait pas pour autant d’une manière arbitraire de juger, car le fonctionnaire devait respecter les règles essentielles du droit. En ce qui concerne Jésus, même s’il fut jugé extra ordinem, il subit néanmoins un vrai procès pro tribunali. Comme d’autres avant lui, Bovon accorde une importance décisive et tout à fait justifiée à l’attitude et au comportement de Jésus à l’égard du Temple parmi les facteurs qui ont mené à son arrestation et à sa condamnation. Attitude et comportement auxquels le Sanhédrin conféra une portée politique pour justifier une dénonciation au gouverneur, seul habilité à prononcer une condamnation capitale. Ce faisant, le Sanhédrin a dû penser qu’« une atteinte à l’ordre religieux juif devait provoquer des désordres sociaux et politiques, donc inquiéter les Romains » (p. 53), raisonnement que résume et dépeint très correctement la parole attribuée aux grands prêtres et aux pharisiens par Jn 11,48. Le quatrième chapitre du livre s’interroge brièvement sur les temps et les lieux de la Passion, et considère essentiellement les chronologies contradictoires des Synoptiques et de Jean, pour opter implicitement pour cette dernière. La conclusion est essentiellement consacrée aux récits de Pâques des Évangiles, aux apparitions et au tombeau vide. En annexe figure la traduction de la Passion en Luc (22,1-23,33) et de l’Évangile de Pierre[5]. Très bien écrit, solidement documenté, ce petit livre constitue à la fois une excellente synthèse de ce que l’historien et l’exégète peuvent dire de plus assuré sur les dernières heures de Jésus en même temps qu’une introduction aux questions disputées qui demeurent ouvertes.
Histoire littéraire et doctrinale
13. Adolf von Harnack, Marcion. L’évangile du Dieu étranger. Une monographie sur l’histoire de la fondation de l’Église catholique. Traduit par Bernard Lauret et suivi de contributions de Bernard Lauret, Guy Monnot et Émile Poulat, avec un essai de Michel Tardieu, Marcion depuis Harnack. Paris, Les Éditions du Cerf (coll. « Patrimoines », série « Christianisme »), 2003, 587 p.
Qu’elle en ait accepté ou non les conclusions, la recherche contemporaine sur Marcion est largement tributaire, depuis le début des années 1920, du Marcion. Das Evangelium vom fremden Gott d’Harnack. Cette situation s’explique en raison de la personnalité scientifique de l’auteur, mais aussi et surtout en raison de l’importance de la monographie du savant allemand et de la masse de renseignements qu’elle offrait. Paru en 1921, pour la première édition, ce livre comptait en effet, dans sa seconde édition revue et augmentée publiée en 1924, 250 pages de texte et pas moins de 455 pages dévolues à 13 excursus, dont les plus précieuses fournissaient le texte, tel que restitué par Harnack, de l’Apostolicon et de l’Évangile de Marcion, ainsi que de ses Antithèses. Réimprimé à trois reprises par la Wissenschaftliche Buchgesellschaft de Darmstadt (1960, 1985, 1996, à chaque fois avec les Neue Studien zu Marcion de 1923) et traduit en anglais en 1990[6], cet ouvrage n’avait jamais fait l’objet d’une traduction française. C’est maintenant chose faite grâce au groupe de travail constitué par Michel Tardieu, professeur au Collège de France, dans le cadre des activités de sa chaire d’histoire des syncrétismes dans l’Antiquité tardive, durant les années 1997 à 2000. Cependant, l’ouvrage que lui et ses collaborateurs nous offrent n’est pas une simple traduction du chef-d’oeuvre d’Harnack. En plus de la traduction du texte proprement dit d’Harnack et de ses Neue Studien (p. 9-283), on y trouvera en effet quatre mémoires qui situent l’entreprise d’Harnack dans le contexte théologique et culturel allemand du premier quart du vingtième siècle, en évoquent la réception, en complètent l’information ou rendent compte des études marcionites depuis 1924. Dans « L’idée d’un christianisme pur » (p. 285-376), Bernard Lauret évoque le « retour de Marcion » dans la science allemande, retour qui s’est fait par étapes, avant Harnack, par les travaux de F.W.J. von Schelling, F.C. Baur et A. Ritschl, puis chez Harnack et grâce à lui, depuis le mémoire soumis pour concours en 1870 (voir notice suivante) jusqu’au livre de 1924. Fortement documenté, l’article de Lauret devra être pris en compte non seulement par les spécialistes de Marcion mais aussi et surtout par tous ceux qui s’intéressent à l’histoire de la théologie à l’époque contemporaine. La contribution d’Émile Poulat, « Harnack, Marcion et la science française » (p. 377-401), offre au lecteur un fascinant parcours historiographique en illustrant la réception du livre d’Harnack, surtout à travers les recensions et les articles de dictionnaire, dans une France qui, depuis 1870, entretient une relation ambiguë avec la science d’outre-Rhin. Poulat étudie la réception française, ou plus exactement francophone, du Marcion en trois volets : réception protestante, catholique et moderniste, dont celle de l’« école mythologique » de Couchoud. Avec Guy Monnot et « Les marcionites dans l’hérésiographie musulmane » (p. 403-417), on revient sur le terrain de la documentation historique. Cette étude donne accès à des sources avec lesquelles les historiens du christianisme ancien sont peu familiers et dont l’auteur dresse l’inventaire et analyse le contenu. Dans « Marcion depuis Harnack » (p. 419-561), Michel Tardieu, dans un précieux dossier bibliographique, rend d’abord compte des étapes de la recherche sur Marcion de 1689, date de la publication de l’Histoire critique du Nouveau Testament de Richard Simon, à 1921, date de la première édition du Marcion, puis fournit la liste alphabétique « la plus complète possible » des publications relatives à Marcion, de 1921 à 2002. L’ensemble des quelque 650 titres recensés est repris dans un répertoire thématique où ils sont classés sous les entrées suivantes : table chronologique pour les publications de 1921 à 2002 ; histoire de la recherche ; état et analyse des sources ; exégèse et histoire des textes ; débats doctrinaux et théologie marcionite ; l’Église marcionite, les disciples et les autres. Nombre des titres retenus par Tardieu font en outre l’objet de commentaires plus ou moins développés qui en précisent le contenu et qui, surtout, les mettent en relation avec les publications qu’ils citent, utilisent ou vis-à-vis desquelles ils prennent position. Cette contribution constitue dès lors une remarquable revue des études marcionites depuis la fin du dix-septième siècle jusqu’à nos jours dont on ne trouve nulle part ailleurs l’équivalent. Mais son intérêt n’est pas que bibliographique, car le répertoire de M. Tardieu est précédé de quelque 70 pages qui, sur des points précis, évoquent le progrès des études marcionites depuis le maître allemand en faisant appel à des sources négligées par lui (par exemple Éphrem, « qu’Harnack n’a véritablement pas connu »), découvertes après 1924 (notamment manichéennes) ou justifiant une relecture (telle l’inscription de la synagogue de Lebaba). Tardieu fournit en outre un dossier sur la conversion des villages marcionites au témoignage de Théodoret de Cyr. Il s’intéresse enfin à des « variantes marcionites dans les Hymnes manichéens parthes [M 18 et M 2753] de la Crucifixion : l’épisode des femmes au tombeau ». Si l’on en vient à la pièce de résistance et à la raison d’être de cet ouvrage, à savoir le Marcion d’Harnack, il faut tout d’abord convenir que la présentation de la traduction française est particulièrement réussie. On appréciera le fait qu’on ait donné en marge la pagination de l’édition allemande de 1924, ce qui a permis de conserver tels quels les renvois internes d’Harnack, y compris ceux faits aux excursus et à leur pagination étoilée. Les notes infrapaginales d’Harnack sont intégralement traduites, mais on a eu le souci, dans ces notes comme dans le texte, de partout traduire les nombreuses citations que l’historien de Berlin fait de sources grecques et latines ; ces traductions figurent entre parenthèses, à la suite du texte original, et elles sont signalées par un astérisque. Les quelques « Notes du traducteur » qui ont été ajoutées sont facilement repérables par un système d’appel différent. Le texte traduit se termine, à la p. 283, par la « Liste des annexes publiées par Adolf von Harnack dans la dernière édition ». L’utilisateur du volume, surtout celui qui ne lit ni le grec ni le latin ni l’allemand, sera peut-être surpris ou déçu que ces excursus n’y figurent pas. La raison avancée par les éditeurs, dans leur note liminaire, est que ces annexes, « rendues en grande partie obsolètes par les recherches postérieures […] représentent un intérêt historiographique ». C’est un fait que les éditions utilisées par Harnack en 1921-1924 pour reconstituer les recensions évangélique et paulinienne des marcionites ou pour éditer les Antithèses ne sont plus satisfaisantes, mais il eût néanmoins été utile de reprendre telles quelles au moins les annexes 3, 4 et 5, dans la mesure où elles n’ont pas encore été remplacées ; mais le lecteur pourra toujours satisfaire sa curiosité en consultant la réimpression de l’édition originale. Il n’y a pas lieu de discuter ici la manière dont Harnack reconstruisit et comprit la figure de Marcion. Mais par-delà la perspective apologétique dans laquelle il situait son entreprise — faire de Marcion un prédécesseur et un prophète de la réforme luthérienne[7] —, son Marcion garde encore aujourd’hui toute sa pertinence, car il représente l’aboutissement d’un demi-siècle d’une fréquentation profonde et assidue des sources néotestamentaires et patristiques. Quatre-vingts ans après la parution de la seconde édition, la lecture de cet ouvrage s’impose à quiconque s’intéresse sérieusement non seulement à Marcion mais aussi à la naissance des Écritures chrétiennes. Les éditeurs de cette traduction française ont donc rendu un grand service à l’histoire des religions et à celle des origines chrétiennes.
14. Adolf Harnack, Marcion. Der moderne Gläubige des 2. Jahrhunderts, der erste Reformator. Die Dorpater Preisschrift (1870). Kritische Edition des handschriftlichen Exemplars mit einem Anhang, herausgegeben von Friedmann Steck. Berlin, New York, Walter de Gruyter (coll. « Texte und Untersuchungen zur Geschichte der altchristlichen Literatur », 149), 2003, xlvii-446 p.
Le Marcion d’Adolf von Harnack dont nous venons de présenter la traduction française représentait, lorsqu’il parut en 1921, l’aboutissement d’un projet vieux de 50 ans. C’est en effet le 12 décembre 1870 qu’Harnack, alors âgé de 19 ans, recevait, de l’Université de Dorpat (en Livonie, aujourd’hui Tartu, en Estonie), sa ville natale, la médaille d’or pour le manuscrit qu’il avait soumis au concours de la Faculté de théologie, dont le thème de cette année-là était : « Marcionis doctrina e Tertulliani adversus Marcionem libris eruatur et explicetur — Que la doctrine de Marcion soit mise au jour et expliquée à partir du Contre Marcion de Tertullien ». Le jeune Harnack, alors dans son quatrième semestre d’études théologiques, avait présenté un travail manuscrit de 476 pages intitulé Marcion : Der moderne Gläubige d. II. Jahr. Der I.e Reformator, « Marcion : le croyant moderne du iie siècle, le premier réformateur ». En lui accordant le prix, la Faculté engageait le lauréat à réviser et à publier sa dissertation. Même si ce voeu ne se réalisera qu’un demi-siècle plus tard, Harnack n’a cessé, depuis cette date, de s’intéresser à Marcion et de revenir à ce premier et monumental travail. Sa thèse d’habilitation de 1874 portera justement sur la « gnose monarchienne » d’Apelle, disciple romain de Marcion. Il n’aura de cesse de reprendre et d’annoter le manuscrit de la « Preisschrift » et, en mars 1923, il donnera à Uppsala une conférence intitulée « Marcion, le moderniste radical du iie siècle », renouant ainsi avec le titre de 1870. Le manuscrit du travail inédit de 1870 a longtemps été considéré comme perdu et ce n’est qu’en 2000 qu’il a été découvert dans le fonds Harnack de la Staatsbibliothek zu Berlin – Preußischer Kulturbesitz, où on l’avait classé avec les documents relatifs au Marcion de 1921-1924. C’est une editio princeps de ce manuscrit que propose le présent ouvrage. Il s’agit aussi d’une édition critique puisqu’elle imprime le manuscrit à l’identique, la pagination originale indiquée en marge, avec, au bas de chaque page de l’édition, deux registres superposés, réservés pour le premier (Der textkritische Apparat) aux notes des éditeurs sur le texte (relevé des ratures, corrections, ajouts) et pour le second (Der Korrektor-Apparat), aux annotations portées sur le manuscrit par le professeur Moritz von Engelhardt, doyen de la Faculté et examinateur désigné de la dissertation du jeune Harnack. Pour un certain nombre de pages, un troisième registre s’ajoute (Der Sachapparat mit der Kommentierung durch den Herausgeber), qui complète ou élucide les références aux textes cités par Harnack et souvent données par lui sous une forme quelque peu sibylline, donne des indications bibliographiques sur les éditions utilisées par lui et fournit à l’occasion des précisions utiles à la compréhension du texte. L’édition est précédée d’une préface dont la première partie constitue une « introduction historique » restituant le contexte dans lequel fut rédigé le travail. On y trouve d’abord un rappel des années 1869-1872 qu’Harnack passa à l’Université de Dorpat, puis une présentation de la pratique universitaire des « prix académiques », qui avait un prestige tout particulier à Dorpat, et des étapes allant de l’annonce du sujet, le 1er janvier 1870, à l’attribution du prix, le 12 décembre de la même année, au jour anniversaire de la fondation de l’Université — ce qui, soit dit en passant, donne une bonne idée du génie et de la capacité de travail du jeune étudiant de 19 ans —, et enfin quelques témoignages d’Harnack sur son intérêt soutenu pour Marcion et sa volonté maintenue de publier une version révisée de sa « Jugendschrift ». On y relève entre autres, le fait significatif qu’Harnack, pour marquer le lien symbolique entre le manuscrit de 1870 et la publication de 1921, tint à faire paraître, en prépublication, quelques exemplaires du Marcion précisément le 12 décembre 1920, soit 50 ans après l’attribution du prix de Dorpat ! La seconde partie de la préface fournit des précisions sur l’exemplaire original de la « Dorpater Preisschrift », les conventions éditoriales retenues et sur les documents mis en annexe. Ceux-ci sont au nombre de trois : l’évaluation du travail d’Harnack rédigée par von Engelhardt ; le livret universitaire (Studien-Belegbuch) d’Harnack pour les années 1869-1872 ; l’édition de l’esquisse manuscrite de la conférence d’Uppsala de 1923. Ces trois annexes sont précédées de l’édition des notes et remarques diverses portées par Harnack sur son manuscrit de 1870. Ces « Notizen und Marginalien » sont éditées de la même manière que le manuscrit. Une bibliographie de la littérature, sources et études, citée par Harnack, et des index terminent l’ouvrage. On se dira peut-être que voilà beaucoup d’énergie dépensée pour éditer un travail d’étudiant, fût-il génial, d’autant que le Marcion de 1921 a en quelque sorte rendu obsolète celui de 1870. De fait, cette somptueuse publication représente davantage d’intérêt pour les études « harnackiennes » que pour les marcionites. On s’intéresse en effet de plus en plus à Harnack et à son rôle dans l’histoire de la patristique et de la théologie moderne (voir les indications données p. xxxiii, n. 65). Mais si l’on considère l’influence considérable exercée par Harnack et son Marcion sur les études marcionites, il ne sera pas inintéressant de pouvoir juger de la manière dont sa perception et sa « construction » de l’hérésiarque ont évolué sur un demi-siècle. Car le livre de 1921 n’est pas l’édition de la dissertation scolaire du brillant étudiant, même si le titre de celle-ci laisse déjà entrevoir le portrait de Marcion comme précurseur de Luther qu’Harnack peindra au terme de sa longue carrière. Mais la publication de ce texte qui n’avait pas connu de lecteurs autres que son auteur depuis 1870 donne une bonne idée de ce qu’étaient les études marcionites à cette date et permet mieux de juger de ce qu’elles sont par la suite devenues, grâce en grande partie à Harnack.
15. Christelle et Florence Jullien, Les Actes de Mār Māri. 2 volumes. Louvain, Peeters Publishers (coll. « Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium », 602 et 603, Scriptores Syri, 234 et 235), 2003, viii-48 et vi-58 p.
En janvier 2000, les soeurs Jullien ont soutenu, à la section des sciences religieuses de l’École pratique des hautes études (Paris), une thèse de doctorat conjointe en histoire et sciences des religions consacrée à l’histoire de l’évangélisation de la Mésopotamie et de la Perse, depuis les origines historiquement retraçables jusqu’au début du cinquième siècle. Cette thèse a par la suite été publiée sous le titre Apôtres des confins. Processus missionnaires dans l’empire iranien[8]. Dans cet ouvrage, les auteures examinent, dans une première partie, les traditions typologiques chrétiennes relatives à l’évangélisation de l’Orient iranien (dont la figure de Thomas), et, dans une seconde, les dynamiques de christianisation dans l’empire iranien, depuis les premières traces d’implantation, au deuxième siècle. Dans le dossier des pièces littéraires permettant de reconstruire cette histoire une place de premier plan revient aux Actes de Mār Māri, un récit syriaque que l’editio princeps de J.-B. Abbeloos, en 1885, a découpé en 34 séquences, et qui raconte le périple missionnaire de Mār Māri (), présenté comme l’un des 70 disciples de Jésus, compagnon des apôtres à Jérusalem, envoyé par Addaï, le disciple évangélisateur d’Édesse, pour établir des communautés chrétiennes dans une aire géographique qui s’intercale très précisément entre le champ missionnaire d’Addaï (la région d’Oshroène) et celui que les Actes de Thomas prêtent à Judas Thomas, aux confins de « l’Inde ». Cependant, la monographie de C. et F. Jullien ne réserve que deux pages aux Actes de Mār Māri, la raison en étant que, l’année précédant la parution de celle-ci, les auteures avaient publié une traduction des Actes, précédée d’une ample introduction et accompagnée d’une annotation et d’un glossaire[9]. Elles livrent maintenant, dans ces deux fascicules du CSCO, l’édition critique des Actes de ces mêmes Actes de Mār Māri, accompagnée d’une traduction française qui reprend, tout en la révisant, celle parue en 2001. Ainsi, presque 120 ans après l’édition d’Abbeloos, est rendu disponible, d’une manière scientifique et critique, un des monuments de l’histoire chrétienne de l’Orient ancien. Les deux fascicules obéissent aux règles éditoriales du CSCO. On trouvera donc dans le volume de texte une introduction consacrée essentiellement à la présentation des manuscrits et des principes suivis pour l’établissement du texte critique. Les manuscrits recensés sont au nombre de onze. De ces onze manuscrits, quatre ont été retenus pour l’établissement du texte. L’ensemble de ces manuscrits fait l’objet d’une description relativement précise, qui fournit l’essentiel des informations habituelles, mais dont je dois avouer qu’elle manque de clarté sur certains points. C’est ainsi qu’on nous dit (p. 1) que le principal manuscrit contenant les Actes, le manuscrit A, qui se trouvait au monastère Notre-Dame d’Alqoš, est aujourd’hui perdu et qu’on ne le connaît que par l’édition d’Abbeloos. Ce manuscrit original fit l’objet, en 1881, d’une copie, laquelle fut donnée à Abbeloos. Mais quand on écrit, à la p. 11, que « le texte syriaque choisi pour cette édition est le ms. A », doit-on comprendre que la présente édition reproduit celle d’Abbeloos, seul témoin du manuscrit perdu ? Ou bien la copie de 1881 ? Dans ce dernier cas, on aimerait bien savoir où se trouve aujourd’hui ladite copie. La même question se pose à propos du manuscrit K, connu d’Abbeloos et également utilisé pour leur édition par les soeurs Jullien. Aucune indication n’est donnée, ni sur le lieu de conservation du manuscrit ni sur le mode de sa consultation (microfilm, autopsie, édition d’Abbeloos ?). Pour les deux autres manuscrits, S (Berlin, Staatsbibliothek, 75) et V (Vatican 597), les choses sont heureusement plus claires. Il n’est pas inutile de redire qu’on a toujours intérêt, dans des descriptions de manuscrits, à être plus explicite que moins et à adopter une manière uniforme de procéder. Autrement, le lecteur curieux peine en vain à rechercher les informations qui l’intéressent ou à interpréter des données qui lui semblent contradictoires. Ces remarques n’enlèvent cependant rien à la valeur de l’édition, établie avec beaucoup de soin. Il en va de même de la traduction, précédée d’une très utile introduction et accompagnée d’une abondante annotation, plus technique et plus développée que celle de la traduction de 2001.
16. Christelle et Florence Jullien, Aux origines de l’Église de Perse : Les Actes de Mār Māri. Louvain, Peeters Publishers (coll. « Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium », 604, Subsidia, 114), 2003, vi-139 p.
Un texte comme celui des Actes de Mār Māri mérite un commentaire ou une étude que les règles du CSCO ne permettaient pas de joindre à la traduction dont nous venons de rendre compte. C’est cette étude que les Subsidia de la même collection ont accueillie et que nous présentons maintenant. On n’y trouvera certes pas le « commentaire approfondi et détaillé » dont « ce texte n’a jamais fait l’objet », mais, combinée à leur monographie de 2002 (voir supra), cette nouvelle publication des soeurs Jullien met à la disposition du lecteur une masse considérable d’informations. Elle se développe en quatre chapitres. Le premier, intitulé « Mār Māri, premier évangélisateur », porte d’abord sur le nom du protagoniste des Actes, « bien connu comme nom propre sémitique de la Babylonie sassanide » (p. 4), pour traiter ensuite des « éléments de vraisemblance historique » (p. 5-24) qui permettent de situer le cadre de la « geste de l’apôtre » à l’époque arsacide : la dérivation du cours du Tigre, mentionnée au § 19[10] ; la mention de l’accession au pouvoir d’Ardašīr Ier, en 224 ; celle de la présence de « brigands, , λῃσταί », à Séleucie, qui, plutôt que les Romains, doivent désigner les Alains, dont on sait qu’ils dévastèrent le pays parthe ; les roitelets dans les régions que traverse Mār Māri et qui renvoie à une réalité historique caractérisée par la décentralisation et l’absence de formes administratives fixes ; les rois Artaban et Aphraate, qui pourraient bien être ceux que signale Tacite, dans les Annales VI, 31 (sous la forme Phraates pour le second) ; des indices toponymiques précis ; et « un contexte iranien en décor des Actes ». Les Actes témoignent également d’une grande habileté rédactionnelle en attribuant à Mār Māri une aire de mission qui le situe très exactement entre Addaï et Thomas, entre Édesse et l’Inde du Nord. Le deuxième chapitre de l’ouvrage (« Les Actes de Mār Māri : évangélisation d’un substrat baptiste ? ») prend son point de départ du § 27 des Actes, où on voit un certain Dūsthi, passeur de son métier, se faire le disciple de Mār Māri après avoir été guéri par lui. Détectant dans ce récit plusieurs éléments qui révéleraient en Dūsthi « un représentant du baptisme, et d’abord le contexte aquatique dans lequel il est présenté » (p. 28), les auteures le rapprochent d’autres personnages auxquels il s’apparente par la forme de son nom : Dosithée/Dostaï/Dūstan, ce qui les mène à la notice que Théodore bar Konaï consacre aux dosthéens et même au Codex manichéen de Cologne. Elles y retrouvent des concordances qui « permettent de considérer Dūsthi comme un personnage représentatif du baptisme sud-babylonien » (p. 34), concordances que renforcent des indices de liturgie baptismale détectés dans les procédures de guérison de Mār Māri. Les Actes constitueraient donc « un document unique reflétant vraisemblablement des démarches missionnaires en milieu baptiste » : « Source trop souvent négligée, elle livrerait un témoignage de premier ordre sur l’existence de groupes baptistes dosthéens en Babylonie au vie-viie siècle, complétant ce que nous savons des données hérésiologiques de Théodore bar Konaï » (p. 40). Tous les lecteurs ne seront probablement pas aussi affirmatifs sur ce point que les auteures, mais, en ce qui me concerne, je considère que les indices qu’elles ont exhumés emportent la conviction et que les Actes supposent bien un arrière-plan baptiste. On ne peut lire les Actes de Mār Māri sans songer à la Doctrine d’Addaï ou à l’Histoire du roi Abgar et de Jésus, qui narre les débuts du christianisme à Édesse[11]. C’est à la comparaison des deux oeuvres qu’est consacré le troisième chapitre, intitulé « Les Actes de Mār Māri : travail de réécriture et de relecture des origines chrétiennes dans l’empire perse ». Les parallèles et les divergences entre la Doctrine et les Actes y sont évalués, ainsi que les rapports de maître à disciple instaurés par les Actes entre Addaï et Mār Māri, rapports ambivalents. C’est ainsi qu’on voit à l’oeuvre un phénomène de « captation de l’héritage édessénien » (p. 50), avec le transfert sur Séleucie des prérogatives d’Édesse, la « cité bénie », tout cela dans une visée de valorisation autonomiste de l’Église de Perse. L’Église syro-orientale entend faire prévaloir ses droits à l’apostolicité, la geste de Mār Māri reprenant, « au profit de l’empire perse, la fonction et le rôle d’Addaï » (p. 60) et cela, sur fond de polémique anti-monophysite. Le quatrième et dernier chapitre de l’ouvrage examine le rôle des Actes de Mār Māri dans « la défense de l’unité dans l’Église ». Une telle fonction apparaît clairement à l’examen des credo que reprennent les Actes aux § 23 et 27, et de leur doctrine, qui « constitue une réaffirmation trinitaire forte face aux dangers menaçant les fondements de la foi orthodoxe, et tout particulièrement les principaux courants qui divisèrent l’égalité du Dieu Un et Trine » (p. 66), comme l’arianisme, le marcionisme et les tendances docètes. La perspective hérésiographique des Actes de Mār Māri serait surtout forte à l’endroit du manichéisme, au point qu’on peut les considérer comme « un instrument de lutte anti-manichéenne » (p. 72). Ainsi, « les Actes établissent indirectement un véritable parallèle entre la vie de Māni et la geste de Māri » (p. 73), ce dernier devenant la version christianisée du premier. Les disciples de Mār Māri, Adda, Tūmis, Papos, Hermas-Māri, seraient de même des christianisations des disciples de Māni. Enfin, « l’idée d’une récupération christianisante des villes liées au souvenir de Māni sous-tend toute la description de l’itinéraire de l’apôtre de la Mésopotamie » (p. 90). Cette géographie construirait un « trajet antithétique », un « trajet de reconquête », dans la mesure où « l’itinéraire emprunté par Māri est en sens contraire de celui de Māni » (p. 99) : « Mār Māri évolue en suivant pas à pas le chemin inverse du familier de Šāpūr. Il apparaît donc comme le véritable apôtre chrétien, antithèse personnifiée de Māni » (p. 101). Les indices accumulés par les auteures en faveur de la perspective anti-manichéenne des Actes de Mār Māri ne manquent pas de poids. Certains d’entre eux, cependant, demanderaient à être davantage explicités ou mieux étayés critiquement. Prenons l’exemple du rapprochement (p. 84-87) entre le disciple de Mār Māri appelé Tūmis et Thomas, le disciple de Māni, bien attesté dans les sources anti-manichéennes païennes aussi bien que chrétiennes et dont il n’y a pas lieu de contester l’existence. Pour que le rapprochement soit convaincant, il faudrait expliquer la graphie des Actes, , qui ne reflète aucune des graphies syriaques connues du nom de l’apôtre (). Par ailleurs, l’argument tiré du titre des Psaumes manichéens de Thom (= Thomas), est à manier avec précaution, comme je l’ai montré[12]. Dans le cas de Papos, notons que la récente édition des Psaumes du Bêma par G. Wurst[13] ne retient pas la lecture proposée par Allberry en 235, 12. Mais ce sont là des détails qui ne remettent pas en cause la valeur de la démonstration des auteures ni leurs conclusions sur les Actes de Mār Māri. Ceux-ci « participent à une catégorie déterminée de la littérature apocryphe chrétienne, celle des Actes d’apôtres et des récits de fondation, à la base d’une tradition ecclésiale » (p. 107). Les auteures fournissent des indices solides en faveur d’une datation entre la fin du sixième et le septième siècle, ce qui n’empêche pas les Actes de Mār Māri de restituer des détails bien spécifiques de la Mésopotamie arsacide des premier-troisième siècles, et d’offrir « une richesse documentaire exceptionnelle sur le christianisme en Babylonie » (p. 113). Christelle et Florence Jullien ont consacré à ces Actes cinq ouvrages et un nombre déjà significatif d’articles. Il ne reste plus qu’à souhaiter qu’elles puissent poursuivre un travail si bien amorcé sur l’histoire du christianisme syriaque.
17. Jerónimo Leal, La antropología de Tertuliano. Estudio de los tratados polémicos de los años 207-212 d.c. Rome, Institutum Patristicum Augustinianum (coll. « Studia Ephemeridis Augustinianum », 76), 2001, 220 p.
Cet ouvrage, issu d’une thèse de doctorat rédigée sous la direction du prof. Antonio Aranda à l’Institut patristique Augustinianum de Rome, veut combler une lacune de la recherche tertullianiste, puisque aucune monographie n’avait encore été consacrée à l’anthropologie de l’écrivain africain. Comme l’indique le titre du livre, il porte essentiellement sur les traités polémiques des années 207-212, c’est-à-dire la période pendant laquelle, selon l’expression de René Barun, Tertullien se trouve « sous influence montaniste ». Les traités appartenant à cette période sont relativement nombreux, mais ceux que l’auteur a retenus aux fins de son enquête sont l’Adversus Marcionem I-IV, le De carne Christi, le De anima et le De resurrectione mortuorum, en accordant une attention plus grande au dernier mais sans s’interdire de considérer l’ensemble du corpus de Tertullien. L’ouvrage comporte cinq parties dont la première précise les objectifs et la méthode (« expliquer Tertullien par Tertullien ») de l’étude, et présente les sources de Tertullien : les traductions bibliques, les auteurs chrétiens qui l’ont précédé, au premier chef desquels figure Irénée, les auteurs grecs et latins, en particulier Sénèque, saepe noster. Le deuxième chapitre examine la terminologie anthropologique de Tertullien : animus, spiritus, anima, corpus, caro, ratio, principale, cor, sensus, ainsi que diverses définitions de l’homme proposées par lui : animal raisonnable, ouvrage de Dieu, image de Dieu, chair, que l’on peut résumer dans la remarquable formule du De res. 53, 12 : homo quia caro non quia anima, « l’homme est homme parce qu’il est chair et non parce qu’il est âme ». On notera que cette affirmation lapidaire prend l’exact contre-pied de la manière dont le Ier Alcibiade définit l’être humain : « L’homme, c’est l’âme » (130 c 3). Les troisième, quatrième et cinquième chapitres, intitulés respectivement « L’homme et le passé », « L’homme et le présent », « L’homme et le futur », traitent des thèmes suivants : image et ressemblance ; dimensions spatio-temporelles de la création (tempus/aeternitas, mundus, saeculum) ; le péché et la mort ; l’historia salutis depuis le péché ; nature et grâce ; le problème de la liberté ; les « aspects » de l’homme, charnel, psychique, spirituel, intérieur ; l’eschatologie. Le dernier chapitre comporte également une très intéressante étude du millénarisme de Tertullien, centrée sur Adv. Marc. III, 24, 1-13. Ce travail, mené de façon très méthodique, se recommande par son analyse du vocabulaire anthropologique de Tertullien, en particulier des termes relatifs à la chair et au corps. L’auteur y montre bien ce que Tertullien doit à l’Écriture et à la tradition chrétienne, aussi bien qu’à la philosophie stoïcienne et platonicienne.
18. Giulio Malaguti, a cura di, Martirio di pace. Memoria e storia del martirio nel XVII centenario di Vitale e Agricola. Bologna, Società editrice il Mulino (coll. « Testi e ricerche di scienze religiose », « Nuova serie », 33), 2004, 556 p.
Cet ouvrage rassemble dix-huit études destinées à célébrer le XVIIe centenaire du martyre des saints Vital et Agricola, mis à mort à Bologne pendant la persécution de Dioclétien, le 4 novembre 304, date retenue par le Pseudo-Ambroise et le Martyrologe romain. Seule la première partie du livre porte sur les deux martyrs bolonais et elle regroupe six études. La première, signée Valerio Neri, offre un bon résumé des dates et des événements relatifs à la « grande persécution ». Suivent des « Réflexions sur la date du martyre des saints Vital et Agricola » de Giulio Malaguti, où sont convoqués les témoignages d’Ambroise, Victricien de Rouen, Paulin de Nole, Paulin de Milan, biographe d’Ambroise, Grégoire de Tours et le Pseudo-Ambroise. L’étude de Giampaolo Ropa évalue l’apport des lettres pseudo-ambrosiennes à l’histoire de la diffusion du culte des deux saints, alors que les contributions de Marco Del Monte et de Paola Porta considèrent la documentation archéologique, à savoir la crypte des saints Vital et Agricola d’Arena, à Bologne, et leurs sarcophages, également à Bologne. Dans « Sainteté martyriale, sainteté épiscopale et Église citadine : l’exemple de Bologne », Gabriella Zarri s’intéresse aux développements du culte des martyrs à l’époque post-tridentine, notamment sous le pontificat du pape bolonais Grégoire XIII. La deuxième partie du recueil porte sur le martyre aux diverses époques de l’histoire et elle regroupe six contributions, sur martyrs et martyre dans l’Église préconstantinienne (Elena Zocca), le martyre dans la pastorale de saint Ambroise (Giuseppe Scimè), les missionnaires martyrs autour de l’an mil (Paolo Golinelli), les martyrs slaves (Thomáš Špidlik), le martyre chez Benoît XIV, pape bolonais de 1675 à 1758 et auteur d’un important traité sur la béatification et la canonisation (Giuseppe Dalla Torre), le renouveau de la reconnaissance ecclésiale du martyre, de Vatican II à aujourd’hui (Angelo Baldassarri). La troisième partie de l’ouvrage, d’intérêt plus local, évoque, en cinq articles, la figure de martyrs de l’Église de Bologne au vingtième siècle, en particulier pendant la Deuxième Guerre mondiale. Par leur évocation de la « mémoire et de l’histoire du martyre » du quatrième au vingtième siècle, ces études bien documentées constituent une très intéressante contribution à l’hagiographie martyrologique et à la question de la définition théologique du martyre, particulièrement pertinente à notre époque où ce terme est utilisé de plus en plus dans des contextes de résistance politique ou armée, et même de violence terroriste.
Éditions et traductions
19. Philippe Bobichon, Justin Martyr. Dialogue avec Tryphon. Édition critique. Volume I. Introduction, texte grec, traduction. Volume II. Notes de la traduction, appendices, indices. Fribourg, Academic Press Fribourg (coll. « Paradosis », 47,1 et 47,2), 2003, 1 128 p.
Naguère réédité par Miroslav Marcovich (1997), le monumental Dialogue avec Tryphon de Justin n’avait pas l’objet d’une traduction française originale depuis celle de George Archambault parue en 1909 en regard de son édition du texte grec. Et on peut ajouter que les traductions intégrales récentes en d’autres langues ne sont pas légions. Cette situation s’explique sûrement par les dimensions (142 chapitres pour ce qui en est conservé), les difficultés et l’austérité de l’oeuvre, un interminable débat sur la légitimité de l’interprétation christologique des Écritures juives. Mais ces défauts ou ces qualités, tout dépend du point de vue, font aussi l’intérêt du Dialogue, un témoignage unique sur la polémique judéo-chrétienne au milieu du deuxième siècle, sur la constitution d’une christologie fondée sur les prophéties et sur l’appropriation chrétienne de l’Ancien Testament. On ne peut dès lors que saluer la parution de cette nouvelle édition critique, accompagnée d’une traduction, d’une ample introduction et d’un commentaire détaillé, reprise d’une thèse de doctorat en langues anciennes soutenue à l’Université de Caen en 1999. L’édition du Dialogue pose un défi particulier dans la mesure où une véritable édition critique est impossible, l’oeuvre n’étant connue que par un seul manuscrit, le Parisinus graecus 450, daté de 1362. Pour pallier les nombreuses difficultés et obscurités du texte, l’éditeur est livré à sa seule industrie, ce qui explique que les éditions existantes vont d’un respect quasi idolâtrique de l’unique témoin (Goodspeed) à un interventionnisme extrême qui multiple corrections et conjectures (Marcovich[14]). Entre ces deux extrêmes, l’édition de Bobichon, « établie sur consultation directe des deux manuscrits [celui de Paris et sa copie de Londres] et des principales éditions » (p. 170), est prudente sans s’interdire d’intervenir dans le texte là où la chose s’avère nécessaire (cf. la liste des problèmes textuels aux p. 174-176). La traduction française est très lisible et permet, par le recours à l’italique pour signaler les citations et allusion bibliques, de suivre plus aisément l’argumentation de Justin. Occupant la première partie du premier volume, l’introduction au Dialogue totalise plus de 175 pages. L’auteur y aborde les points suivants : Justin et son oeuvre ; les manuscrits, éditions et traductions du Dialogue ; la question de la lacune qui figure entre les § 3 et 4 du chap. 74 ; le témoignage du Dialogue sur le judaïsme et la connaissance que Justin pouvait en avoir ; la méthode exégétique de Justin ; les destinataires de l’oeuvre ; et les questions éditoriales et textuelles. On trouvera plusieurs points de vue neufs dans cette introduction. Le plaidoyer que fait l’auteur en faveur de la cohérence du Dialogue — la question du plan de l’écrit a toujours été une crux interpretum (cf. p. 20) — est particulièrement convaincant. Il montre bien, à la suite de Sagnard, le rôle que jouent les citations et le caractère structurant du thème du salut. Les nombreuses digressions dont on fait souvent grief à Justin et son incapacité supposée à écrire, qui donne l’impression d’une « configuration apparemment désagrégée », s’expliqueraient par la démarche adoptée dans le Dialogue, qui tente « de concilier plusieurs exigences complémentaires et contradictoires : offrir à l’interlocuteur un exposé construit tout en répondant aux objections ponctuelles que ce discours entraîne ; satisfaire le désir de rationalité de cet interlocuteur sans dénaturer pour autant un message délivré, à l’origine, dans une forme de pensée essentiellement analogique ; respecter l’unité des Écritures et en même temps l’aspect nécessairement analytique de tout discours humain ; transmettre dans le langage des hommes ce qui n’est précisément pas “enseignement humain” » (p. 40). Cela dit, l’auteur ne s’est pas risqué à proposer un nouveau plan du Dialogue. À défaut d’un tel plan, il a doté chacun des chapitres de l’ouvrage d’un intertitre descriptif « qu’on a voulu aussi représentatif que possible de son contenu et de la place qu’[il] occupe dans la démarche d’ensemble » (p. 41). Cette solution est en quelque sorte un aveu d’impuissance à rendre compte de l’économie du Dialogue selon les règles de la rhétorique antique, comme cela a été fait pour les Apologies, mais il s’agit d’un procédé tout à fait efficace pour guider la lecture. Même s’il voit dans l’écrit de Justin « un authentique dialogue » (p. 32-36), Bobichon ne prend aucune position claire sur la question de l’historicité ou du caractère fictif de l’échange rapporté par le Dialogue. Alors qu’à la p. 83, il considère comme très improbable « l’hypothèse d’un entretien purement fictif, et sans véritable enjeu », il se demande, à la p. 91, considérant le fait que, dans le Dialogue, les individus et les peuples sont réduits à leur fonction et « semblent devoir perdre en vraisemblance ce qu’ils gagnent en signification », « quel crédit historique accorder à un discours — de nature essentiellement apologétique ou missionnaire — qui occulte si aisément ce qui pourrait le nuancer ou l’invalider ». Quoi qu’il en soit de « la part de fiction et d’historicité qu’il convient d’accorder au Dialogue » (p. 133), l’auteur y voit « le bilan d’une expérience, et peut-être d’une vie » (p. 166). Il s’agit sans doute d’une question à laquelle on ne saura jamais répondre, mais le Dialogue se comprend difficilement comme une création de cabinet ; il reflète sûrement une polémique réelle entre Juifs et chrétiens, tout à fait à sa place au milieu du deuxième siècle. L’auteur a consacré plusieurs pages à la lacune qui survient, dans le manuscrit de Paris, au milieu du chap. 74. En tenant compte des rappels, aux chap. 79-80, de passages scripturaires allégués par Justin mais ne figurant pas dans ce qui nous reste du Dialogue, l’auteur a pu conclure que « figuraient effectivement dans la lacune des développements sur la chute des anges, la résurrection, le Millénaire, et le véritable Israël, et que ces développements introduits par le Ps. 93, utilisaient comme principale références scripturaires Zach. 1-3 et Éz. 36-46, auxquels renvoient de très fréquentes allusions explicites ou implicites » (p. 64). L’auteur considère également qu’il doit s’agir d’une lacune importante, puisque les passages scripturaires invoqués sont assez longs et nombreux. C’est à la lacune que devait appartenir un fragment caténique du Dialogue, publié en 1569, réédité et traduit ici aux p. 388-391, et c’est également dans la lacune que devait se terminer le livre I et commencer le livre II de l’écrit, division correspondant aux deux livres sur lesquels est censé s’étendre le dialogue entre Justin et Tryphon. Un des intérêts du Dialogue réside dans le type de texte vétérotestamentaire qu’il cite, parfois différent de celui de la Septante. Dans sa traduction, Bobichon a eu le souci de rendre scrupuleusement le texte des citations avec les particularités qui le distinguent du texte reçu. Mais, assez curieusement, il ne s’est arrêté nulle part dans son introduction pour déterminer le type de texte que cite Justin, si ce n’est pour dire qu’« on sait aujourd’hui que l’Apologiste a utilisé également d’autres versions grecques des Écritures [que celle des LXX] » et renvoyer aux travaux de Barthélemy et Skarsaune (p. 167 et n. 3). Sans doute pensait-il ne pouvoir ajouter à ces études mais il eût été néanmoins intéressant d’avoir une synthèse des acquis sur le texte biblique de Justin, d’autant que, sur d’autres sujets, l’auteur ne nous épargne aucun détail. Le second volume de cette édition comporte quelque 350 notes à la traduction, véritable commentaire courant qui éclaire de nombreux aspects du texte. Cette annotation est complétée par 12 appendices, pour la plupart plutôt brefs, sauf pour le dernier, consacré aux titres christologiques apparaissant dans le Dialogue. Ceux-ci sont donnés par ordre alphabétique, avec les références, un bref commentaire et, le cas échéant, des renvois bibliographiques. L’ouvrage se termine par six index (mots grecs commentés, noms propres, scripturaire, analytique, auteurs et textes anciens, bibliographique) qui faciliteront la consultation de l’ouvrage. Ce serait peut-être beaucoup dire que nous avons là, dans ce que la 4e de couverture qualifie un peu abusivement de « première édition critique », l’édition définitive du Dialogue, mais il est sûr que Philippe Bobichon a fait progresser d’une manière très significative notre connaissance de cette oeuvre majeure de l’Antiquité chrétienne et qu’il en a éclairé plus d’une difficulté.
20. Socrate de Constantinople, Histoire ecclésiastique. Livre I. Texte grec de l’édition G.C. Hansen (GCS), traduction par Pierre Périchon†, s.j. et Pierre Maraval, introduction et notes par Pierre Maraval. Paris, Les Éditions du Cerf (coll. « Sources Chrétiennes », 477), 2004, 267 p.
Né à Constantinople autour de 380-390 et mort entre 439 et 450, Socrate était probablement un clerc de la ville impériale, sans pour autant appartenir à « l’Église dominante » (ἡ κρατοῦσα ἐκκλησία, V, 22, 56) ; il était plutôt de la dissidence novatienne. Mieux connu sous l’appellation de « Socrate le Scholastique », titre qui lui est attribué par la version arménienne de son oeuvre et par un seul manuscrit grec, il a laissé une histoire ecclésiastique qui se veut une suite de celle d’Eusèbe de Césarée. De fait, elle commence au moment où celle-ci s’achève, la doublant pour la période qui va de 305 à 324, et elle s’étend jusqu’à 439, sous le règne de Théodose II. L’Histoire de Socrate se compose de sept livres, dont le premier, qui fait l’objet de la présente édition, est consacré au règne de Constantin, couvrant ainsi la période allant de 305 au 22 mai 337, date de la mort de l’empereur. Pour ce livre, l’auteur s’est largement inspiré de la continuation de l’oeuvre d’Eusèbe par Rufin d’Aquilée, mais aussi d’Eusèbe lui-même, surtout de sa Vie de Constantin, d’Athanase d’Alexandrie et d’autres sources, au nombre desquelles ne devrait plus figurer — c’est l’hypothèse que formule Pierre Maraval sur de solides arguments — un hypothétique Gélase de Césarée. Même si, pour ce premier livre, Socrate est moins original que pour la suite, les sources orales auxquelles il a recours lui permettent de compléter sa documentation livresque. Dans l’introduction, P. Maraval montre bien l’originalité du projet historique de Socrate, qui déclare écrire avant tout pour rendre compte des conflits qui ont surgi dans les communautés chrétiennes : « Si l’Église était restée sans divisions, je serais moi aussi resté tranquille ; là où les événements ne fournissent pas de matière, celui qui parle est superflu » (I, 18, 15). Socrate veut donc « écrire une histoire du christianisme sous tous ses aspects plutôt qu’une histoire de l’Église, ce qui n’était certainement pas la conception d’Eusèbe, pour lequel il n’y a qu’une Église » (p. 15-16). La conception de l’histoire préconisée par Socrate est celle de l’historiographie profane, dans la mesure où il déclare poursuivre l’oeuvre de ses prédécesseurs en rapportant les faits passés pour rendre « celui qui les connaît plus assuré et lui [apprendre] à ne pas être ébranlé lorsque survient dans des phrases une parole vide de sens » (I, 18, 16). Pour Socrate, le facteur dominant à influencer le cours de l’histoire est la providence divine, la προνοία, « concept assez vague […] qu’il ne se préoccupe pas de définir avec précision, qu’il évite même d’approfondir, mais qui avait l’avantage de pouvoir être reçu des païens cultivés » (p. 18). Pour cette édition, P. Maraval a repris le texte grec édité par G.C. Hansen dans le corpus de Berlin en 1995. La traduction française se base sur celle du P. Pierre Périchon, qui devait à l’origine réaliser le Socrate des « Sources Chrétiennes », mais elle a fait l’objet d’une révision en profondeur. L’annotation restreinte qui l’accompagne est toujours précise et, tout en attirant l’attention sur les sources de l’historien, elle montre les points pour lesquels il disposait d’une information propre. Même si l’avant-propos n’en dit rien, il est à espérer que P. Maraval fera suivre sans trop tarder l’édition et la traduction du livre I de celles des livres II à VII. À la p. 35 du présent ouvrage, l’auteur évoque l’abondant apparat de sources de l’édition de Hansen, « sur lesquelles, ajoute-t-il entre parenthèses, reviendra le commentaire ». Faut-il en conclure que l’édition des « Sources Chrétiennes » s’accompagnera d’un tel commentaire ? Quoi qu’il en soit, il faut se réjouir de ce que l’Histoire de Socrate fasse maintenant l’objet d’une traduction française réalisée par un excellent connaisseur de cette époque tourmentée de l’histoire de l’Église[15].
21. Apocrypha Hiberniae. I. Evangelia Infantiae. Ediderunt et commentariis instruxerunt Martin McNamara, Caoimhín Breatnach, John Carey, Máire Herbert, Jean-Daniel Kaestli, Brian Ó Cuív†, Pádraig Ó Fiannachta, Diarmuid Ó Laoghaire†, appendices adiunxerunt Jean-Daniel Kaestli, Rita Beyers, Martin McNamara, iuvante The Irish Biblical Association. Turnhout, Brepols Publishers (coll. « Corpus Christianorum », Series Apocryphorum, 14), 2001, p. 489-1203.
Cet ouvrage constitue la seconde partie du premier volume d’une édition des apocryphes transmis par la tradition irlandaise. L’Église d’Irlande a en effet sauvegardé un grand nombre d’apocryphes qui lui sont propres, ou des versions particulières d’apocryphes connus par ailleurs. En ce qui concerne les apocryphes néotestamentaires, l’inventaire établi en 1974 par Martin McNamara a permis de répartir les textes conservés en huit catégories : 1) les récits irlandais de l’enfance de Jésus ; 2) les textes relatifs à sa vie publique et à des lettres de lui ; 3) les textes relatifs à Jean Baptiste ; 4) les récits de la Passion (Évangile de Nicodème, textes du type descensus, Vindicta Salvatoris) ; 5) les textes relatifs à saint Étienne ; 6) les textes consacrés aux Apôtres ; 7) ceux qui touchent à la Vierge Marie et 8) à l’au-delà (textes eschatologiques). Le premier volume est dévolu aux évangiles de l’enfance, cette appellation devant être entendue en un sens large. La première partie (Series apocryphorum, 13) offre une introduction générale à la vie des apocryphes en Irlande, une histoire de la recherche et une brève introduction aux récits irlandais de l’enfance. Suivent trois oeuvres présentées, éditées et traduites : les récits de l’enfance du Liber Fergusiorum (de la naissance de Marie à celle du Christ) et du Leabhar Breac (« Le Livre tacheté », allant du voyage de Joseph et Marie à Bethléem à la mort de Zacharie), et un « versified Narrative of the Childhood Deeds of the Lord Jesus », version irlandaise de l’Évangile de l’enfance de Thomas. La seconde moitié du premier volume de ces Apocrypha Hiberniae présente d’abord un poème irlandais du treizième siècle sur le lieu de naissance de Marie et différents éléments tirés des récits de l’enfance. Suivent cinq textes hiberno-latins sur les merveilles qui se seraient produites au moment de la naissance du Christ, ainsi que trois courts textes irlandais, dont un attesté aussi en une version latine, sur le recensement et les événements merveilleux qui ont accompagné la naissance du Christ. Mais la plus grande partie de l’ouvrage est occupée par un appendice rédigé par Jean-Daniel Kaestli et M. McNamara et consacré aux « Latin Infancy Gospels, the J Compilation », J parce que cette compilation, une oeuvre résultant de la confluence du Protévangile de Jacques et de l’Évangile du Pseudo-Matthieu, fut d’abord identifiée et publiée en 1927 par M.R. James en deux recensions, la forme dite Arundel et la forme Hereford. L’histoire de la recherche depuis 1927 et les travaux récents de J. Gijsel et de J.-D. Kaestli ont montré la nécessité d’une nouvelle édition, qui est justement présentée ici. Elle se caractérise par un texte meilleur et plus complet ; elle a permis également de retrouver le titre original de la compilation, soit Liber de nativitate sancte Marie genetricis Dei et de infancia salvatoris Domini nostri Iesu Christi secundum carnem. D’après les indices de la critique externe, le Liber a dû être composé entre le milieu du sixième et la fin du huitième siècle, probablement dans le premier quart du septième. La recherche a également montré que le Liber, s’il reprend directement le Pseudo-Matthieu, ne le fait qu’indirectement pour le Protévangile, puisqu’il le reçoit sous la forme d’une compilation combinant celui-ci et une source particulière (« Special Source »). Un stemma (p. 639) illustre la préhistoire de la compilation J et l’attestation de celle-ci par les huit manuscrits qui nous sont parvenus, six pour la forme Arundel et deux pour la forme Hereford. L’édition qui est proposée ne vise pas à reconstruire la forme la plus ancienne de la compilation J par-delà les deux formes connues, mais elle se fonde plutôt sur les meilleurs représentants de celles-ci pour les donner séparément et synoptiquement. La dernière pièce du dossier rassemblé dans ce volume est la traduction latine du Protévangile de Jacques conservée dans le manuscrit Paris, Sainte-Geneviève 2787, seul témoin de la forme la plus complète de la version latine de l’apocryphe. Ce manuscrit est ici étudié et édité par Rita Beyers, à qui on doit déjà l’édition du Libellus de nativitate sanctae Mariae (Series apocryphorum, 10). Tous les textes réunis dans cet ouvrage ont leur intérêt et leur importance, mais la perle du recueil est sans contredit la nouvelle édition de la compilation J révélée par M.R. James en 1927.
22. Hans-Gebhard Bethge, Ursula Ulrike Kaiser, Hans-Martin Schenke, éd., Nag Hammadi Deutsch. 1. Band : NHC I,1-V,1. Eingeleitet und übersetzt von Mitgliedern des Berliner Arbeitskreises für Koptisch-Gnostische Schriften. Berlin, New York, Walter de Gruyter (coll. « Die Griechischen Christlichen Schriftsteller der ersten Jahrhunderte », Neue Folge, Band 8, « Koptisch-Gnostische Schriften », II), 2001, xxi-397 p.
Hans-Gebhard Bethge, Ursula Ulrike Kaiser, Hans-Martin Schenke†, éd., Nag Hammadi Deutsch. 2. Band : NHC V,2-XIII,1, BG 1 und 4. Eingeleitet und übersetzt von Mitgliedern des Berliner Arbeitskreises für Koptisch-Gnostische Schriften. Berlin, New York, Walter de Gruyter (coll. « Die Griechischen Christlichen Schriftsteller der ersten Jahrhunderte », Neue Folge, Band 12, « Koptisch-Gnostische Schriften », III), 2003, xxv p. et p. 399-918.
La publication de ces deux ouvrages marque l’aboutissement de plus de 30 années de travail collectif. Ils regroupent en effet les traductions des textes coptes de Nag Hammadi (et du codex de Berlin 8502 [BG]) élaborées depuis 1972 au sein du groupe de travail berlinois sur les écrits gnostiques coptes, dirigé par le regretté professeur Hans-Martin Schenke. Publiées d’abord, pour certaines d’entre elles, sous la forme d’articles dans la Theologische Literaturzeitung, dans des ouvrages collectifs ou encore comme parties de thèses doctorales, pour d’autres enfin, tout à fait inédites, ces traductions sont regroupées ici, le cas échéant révisées et mises à jour, précédées chacune d’une introduction et accompagnées d’une annotation brève. Cette première traduction scientifique complète des textes coptes de Nag Hammadi et de Berlin en langue allemande prend ainsi place à côté de la Nag Hammadi Library in English (éd. J.M. Robinson, 1977). Son inscription dans la collection des « Griechischen Christlichen Schriftsteller der ersten Jahrhunderte » (ou Corpus de Berlin) en fait la suite du premier volume d’Écrits gnostiques coptes édités en traduction allemande par Carl Schmidt en 1905 dans la même collection et qui contenait les textes des papyri coptes de Londres (Codex Askew) et d’Oxford (Codex Bruce). Les deux nouveaux volumes comportent les éléments suivants, à la suite d’un avant-propos de Christoph Markschies rappellant l’histoire du Corpus de Berlin : des remarques préliminaires de Hans-Gebhard Bethge et Ursula Ulrike Kaiser sur l’économie éditoriale de l’ensemble ; une bibliographie générale ; un aperçu des traités de Nag Hammadi et du BG (situation dans les codices, pagination, titre et abréviation) ; une introduction signée par H.-M. Schenke ; la présentation et la traduction de chacun des traités, qui se suivent dans l’ordre de leur apparition dans les différents codices ; des index locorum (biblique ; apocryphes et pseudépigraphes vétérotestamentaires ; Pères apostoliques ; apocryphes néotestamentaires ; textes de Nag Hammadi et autres textes gnostiques coptes ; littérature rabbinique ; littérature manichéenne ; papyri et inscriptions ; auteurs et oeuvres des littératures grecque, latine, juive et chrétienne) ; et un index des noms et des matières. Quant au corps de l’ouvrage, à savoir les traductions proprement dites, celles-ci se présentent toutes de la manière suivante : une bibliographie réduite distinguant la plupart du temps les éditions de textes et les traductions de la littérature secondaire ; une introduction qui, mutatis mutandis, traite d’un certain nombre de questions identiques pour tous les textes : tradition du texte et témoignages anciens, langue originale, temps et lieu de composition, auteur, genre littéraire et structure du texte, sources et traditions utilisées, aspects littéraires, sociaux et cultuels, contenu et « caractère », parallèles et influences, situation dans le contexte de l’histoire doctrinale et religieuse ; la traduction du traité présentée sous la forme d’un texte suivi et divisé, selon le cas, en paragraphes, strophes, sections ou logia accompagnés de sous-titres ; une annotation à la traduction, d’une ampleur variable et qui fournit essentiellement l’indication des citations et allusions à la Bible ou à d’autres textes, ainsi que le signalement et la discussion de difficultés de traduction, d’interprétation ou de structuration du texte. Quant au texte copte qui a servi de base aux traductions, il varie selon les traités. Il faut ici savoir gré aux traducteurs d’avoir voulu utiliser à chaque fois le texte qui leur semblait le meilleur, qu’il ait été emprunté à des éditions (ou concordances) existantes ou encore élaboré aux fins de la traduction. Dix-huit traducteurs se sont partagé la tâche de mener à bien cette entreprise collective. En voici les noms, classés selon le nombre de leurs contributions respectives : H.-M. Schenke (NH I, XII et XII, 2 ; I, 4 ; I, 5 ; II, 3 ; II, 7 ; VI, 1 ; VI, 4 ; VI, 5 ; VII, 1 ; VII, 4 [avec W.-P. Funk] ; VII, 5 ; VIII, 1 ; IX, 1 ; BG 4) ; U.-K. Plisch (NH III, IV et IV, 2 ; V, 2 ; VI, 2 ; IX, 3 ; XI, 1 ; XII, 1 [avec H.-M. Schenke]) ; W.-P. Funk (NH X ; XI, 2 ; XI, 3 ; XI, 4) ; J. Hartenstein (NH I, 2 ; III, 3 et V, 1 ; III, 4 et BG 3 ; BG 1) ; H.-G. Bethge (NH I, 1 [avec U.-K. Plisch] ; II, 5 ; VIII, 2) ; U.U. Kaiser (NH II, 4 ; V, 4 [avec U.-K. Plisch] ; IX, 2 [id.]) ; K.-W. Tröger (NH VI, 6 ; VI, 7) ; M. Waldstein (NH II, III et III, 1, IV, 1, BG 2) ; J. Schröter (NH II, 2 [avec H.-G. Bethge]) ; C.-M. Franke (NH II, 6) ; S. Petersen (NH III, 5 [avec H.-G. Bethge]) ; I. Schletterer (NH V, 3 [avec U.-K. Plisch]) ; W. Beltz (NH V, 5) ; K. Heyden (NH VI, 3 [avec C. Kulawik]) ; J. Holzhausen (NH VI, 8) ; S. Pellegrini (NH VII, 2) ; H. Havelaar (NH VII, 3) ; G. Schenke Robinson (NH XIII, 1). Si certaines de ces traductions ne sont pas tout à fait nouvelles, puisqu’elles reprennent des versions antérieurement publiées, d’autres en revanche reposent sur des textes coptes établis à nouveaux frais ; je pense en particulier aux traductions des traités du codex XI de W.-P. Funk. Sur le plan formel, il convient de souligner la qualité typographique et la lisibilité de ces deux volumes, notamment pour les synopses des versions de l’Apocryphon de Jean, d’Eugnoste et de la Sagesse de Jésus-Christ, et du Livre sacré du Grand Esprit invisible. On regrettera cependant que l’on ait renoncé à indiquer la linéation des manuscrits, ne conservant que la mention des pages, ce qui ne facilitera pas l’utilisation de la traduction. Comme elle figurera désormais à côté des autres traductions reconnues des papyri de Nag Hammadi et de Berlin, il est à souhaiter qu’elle soit rendue disponible dans un format moins dispendieux que la présente édition, dont le prix en interdit l’acquisition non seulement aux étudiants mais aussi à bien des chercheurs. Malgré ses limites sur le plan de l’annotation, cette publication longuement attendue représente une contribution majeure à la compréhension des textes gnostiques coptes.
23. Syméon le Nouveau Théologien, Hymnes 41-58. Texte critique et index par Johannes Koder, traduction et notes par Joseph Paramelle, s.j. et Louis Neyrand, s.j., réimpression de la première édition avec additions et corrections. Paris, Les Éditions du Cerf (coll. « Sources Chrétiennes », 196), 2003, 406 p.
Ce volume des « Sources Chrétiennes » est paru pour la première fois en 1973. Il est réimprimé ici à l’identique, avec quatre pages d’additions et de corrections, pour la plupart des modifications à la traduction. Ce troisième tome consacré aux Hymnes de Syméon le Nouveau Théologien (949-1022) donne la fin du corpus et il comporte trois index, scripturaire, des noms et des termes grecs, qui couvrent l’ensemble de l’hymnaire, c’est-à-dire, en plus du présent ouvrage, les volumes 156 (hymnes 1-15) et 174 (16-40). L’index des mots grecs intéressera au premier chef ceux qui veulent étudier la mystique et la théologie de Syméon mais également les hellénistes, puisqu’on y trouve aussi « les termes qui dans les textes littéraires sont peu employés et ceux qui sont inconnus des dictionnaires » (p. 331). Rappelons que le premier volume comprend, signée par J. Koder, une importante introduction au texte des Hymnes (tradition manuscrite, histoire de la composition, style, langue et métrique). On mesurera l’importance de cette édition en citant ce qu’écrivait en 1969 le P. J. Paramelle dans l’« Avertissement du traducteur » placé en tête de ce volume inaugural : « Avec le troisième volume des Hymnes s’achèvera, ou peu s’en faut, la première véritable édition, et l’on serait tenté de dire l’édition définitive, des oeuvres de Syméon, qu’ouvraient en 1957 les Chapitres ».
24. Livre d’heures du Sinaï (Sinaiticus graecus 864). Introduction, texte critique, traduction, notes et index par Soeur Maxime (Leila) Ajjoub, Basilienne Chouérite, avec la collaboration de Joseph Paramelle, s.j. Paris, Les Éditions du Cerf (coll. « Sources Chrétiennes », 486), 2004, 491 p.
Ce qui est ici publié sous ce titre est en fait un horologion, c’est-à-dire le livre de prières de l’office quotidien de l’Église grecque. Il s’agit d’un ouvrage liturgique d’usage courant (correspondant plus ou moins au bréviaire des Latins), dont il existe de nombreux exemplaires dans les collections de manuscrits grecs de par le monde[16]. Ce qui fait l’intérêt de celui qui est conservé par le codex Sinaiticus graecus 864 est qu’il s’agit de l’un des plus anciens horologia connus à ce jour. Petit codex de parchemin (14 × 10 cm) de 116 folios, ce manuscrit a été copié en onciale par sept copistes et il peut être daté de la fin du neuvième ou du dixième siècle (p. 48 ; les quelques pages de l’introduction — 46 à 50 — consacrées à la datation du manuscrit ne sont pas d’une clarté absolue). Il s’agit donc d’un témoin exceptionnel pour l’histoire de la liturgie byzantine, dont cet ouvrage propose la toute première édition. L’importance du manuscrit et sa complexité sur le plan codicologique justifiaient une introduction développée. Celle-ci s’ouvre par un chapitre fort instructif consacré au Sinaï, « le site et le monastère », depuis l’époque biblique jusqu’au douzième siècle. Le deuxième chapitre porte sur le manuscrit, dont une minutieuse description codicologique et paléographique est fournie : caractéristiques des diverses mains d’écriture, unité du codex et ordre des cahiers, date et origine, et abréviations utilisées. Cette description est cependant limitée par le fait que l’éditrice, pour des raisons qui ne sont pas précisées, a dû se contenter, comme elle l’écrit elle-même (p. 7 et 36 ; cf. p. 44) d’une lecture du manuscrit sur microfilm, qui empêche toute conclusion quant à la nature des cahiers, élément essentiel pour juger de la composition matérielle du codex. Le troisième chapitre analyse le contenu liturgique du manuscrit, dont un plan permet de prendre une vue d’ensemble des 107 pièces qui le composent, avec l’indication des mains auxquelles chacune est attribuable. La façon dont ces pièces se suivent dans le manuscrit donne à penser qu’il a été mal relié et que les cahiers ont été déplacés, ce qui fait que le début du recueil originel devait coïncider avec l’actuel folio 25 et les pièces se succéder dans l’ordre suivant : 6-44, 1-5, 45-107. On constate par ailleurs l’absence, semble-t-il voulue, de l’office des vêpres et de celui du matin (orthros), ainsi que l’ajout, par le relieur, de « divers canons et autres pièces liturgiques qui se trouvaient dans la bibliothèque, à la fois pour les préserver de la destruction et pour former un recueil de prières à usage liturgique » (p. 61). Mais comment alors concilier cette affirmation avec celle de la page suivante, selon laquelle ce recueil, qui « ne se rattache pas à une tradition liturgique déterminée », aurait été copié par « un solitaire désireux de constituer un livret pour sa prière individuelle » (p. 62) ? S’agit-il du recueil formé par le manuscrit final ou de sa partie la plus ancienne, avant l’ajout ? Le chapitre quatrième est signé par le P. Joseph Paramelle, ancien directeur de la section grecque de l’Institut de recherche et d’histoire des textes (Paris). Avec beaucoup de minutie et de science, il y expose les lois de la métrique, de la versification et de l’accentuation observées (ou non) par les copistes ; il montre également que la connaissance exacte de ces lois est essentielle à l’édition de textes liturgiques comme ceux que contient le codex. Le P. Paramelle est également l’auteur du chapitre suivant, intitulé « Du codex à l’édition », dans lequel il examine les caractéristiques de la langue de ce recueil composite sur le plan de la phonétique, de la morphologie, de la conjugaison et de la syntaxe. L’introduction se termine par un sixième chapitre intitulé « Ouvertures théologiques » et rédigé par le regretté Mgr Pierre Kholodiline ; ces quelques pages font un peu figure de hors-d’oeuvre.
L’édition suit l’ordre actuel du manuscrit, avec l’indication en marge des numéros des pièces qui le composent, selon le plan proposé aux p. 57-59. Édition et traduction sont accompagnées d’une annotation qui porte, en bonne partie, sur des éléments de vocabulaire. Pour les psaumes qui figurent aux nos 1-3, 15 et 25, 1 (Cantique d’Ézéchias),3,7,9, l’éditrice s’est contentée, sans doute pour des raisons d’espace, de reproduire seulement les premiers et les derniers mots des textes bibliques (cf. note ad 1, 2, p. 172)[17]. On peut le regretter car il aurait été intéressant d’avoir accès au texte complet de ces psaumes tel que le donne le manuscrit. L’ouvrage se termine par un très utile « glossaire des termes liturgiques et prosodiques » donnés en grec, en transcription et en traduction. Aux index habituels, on a ajouté un relevé des titres et symboles de la Mère de Dieu, du vocabulaire liturgique et des hapax. Depuis longtemps annoncée, cette édition du Sinaiticus graecus 864 constitue une importante contribution à l’histoire de l’horologion[18] et à celle de la liturgie grecque.
Appendices
Notes
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[*]
Précédentes chroniques : Laval théologique et philosophique, 45 (1989), p. 303-318 ; 46 (1990), p. 246-268 ; 48 (1992), p. 447-476 ; 49 (1993), p. 533-571 ; 51 (1995), p. 421-461 ; 52 (1996), p. 863-909 ; 55 (1999), p. 499-530 ; 57 (2001), p. 121-182, p. 337-365, p. 563-604 ; 58 (2002), p. 357-394, p. 613-639 ; 59 (2003), p. 369-388, p. 541-582 ; 60 (2004), p. 163-177, p. 363-378 ; 61 (2005), p. 175-205.
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[1]
Voir Laval théologique et philosophique, 57 (2001), p. 361-362 ; et 59 (2003), p. 547-548.
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[2]
Sur la réception mitigée des thèses de Hofrichter sur le prologue et sa préhistoire, cf. H.-M. Schenke, « Im Anfang war der “Johannesprolog”. Das urchristliche Logosbekenntnis — die Basis neutestamentlicher und gnostischer Theologie, Regensburg, 1986 », Jahrbuch für Antike und Christentum, 30 (1987), p. 195-200 ; B. Lindars, « Compte rendu de P. Hofrichter, Im Anfang war der “Johannesprolog”. Das urchristliche Logosbekenntnis — die Basis neutestamentlicher und gnostischer Theologie, Regensburg, 1986 », Journal of Theological Studies, 38 (1987), p. 497-500 (« a curiosity of scholarship ») ; X. Léon-Dufour, « Bulletin d’exégèse du Nouveau Testament. L’Évangile de Jean », Recherches de science religieuse, 75 (1987), p. 92-95.
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[3]
Je remercie Louis Painchaud d’avoir attiré mon attention sur ce point.
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[4]
Voir Laval théologique et philosophique, 59 (2003), p. 548.
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[5]
La variante (cf. p. 27 et 61, n. 28) qu’atteste l’Évangile de Pierre 19, à propos de Mc 15,34 (« Ma force, ô force, tu m’as abandonné ») s’explique par un passage accidentel ou voulu, par jeu de mots, de l’araméen חילא, halāhy, « mon Dieu », à חילי, ḥayly, « ma force ».
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[6]
Marcion. The Gospel of the Alien God, trad. J.E. Steely, L.D. Bierma, Durham, N.C., The Labyrinth Press.
-
[7]
D’une réforme luthérienne qui, d’ailleurs, s’est arrêtée à mi-chemin, comme l’exprime la thèse surprenante qu’Harnack formule au terme de son livre : « […] rejeter l’Ancien Testament au iie siècle était une faute que la Grande Église a rejetée avec raison ; le conserver au xvie siècle était une fatalité à laquelle la Réformation n’a pas encore été capable de se soustraire ; mais, depuis le xixe siècle, le conserver encore dans le protestantisme comme document canonique est la conséquence d’une paralysie religieuse et ecclésiale » (p. 240).
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[8]
Dans la collection Res Orientales, 15, Bures-sur-Yvette, Groupe pour l’Étude de la Civilisation du Moyen-Orient, 2002, 318 p.
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[9]
Les Actes de Mar Mari. L’apôtre de la Mésopotamie, Turnhout, Brepols (coll. « Apocryphes », 11), 2001.
-
[10]
À ce propos, est invoqué, à la p. 6, le témoignage de Tacite sur la lutte qui opposa Gortarzes II à son frère Vardanes ; il faut corriger la référence aux Annales de XI, 18 en XI, 8, puis sans doute changer la date indiquée de 140 de notre ère (impossible dans le cas de Tacite) en 40 de notre ère.
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[11]
Cf. A. Desreumaux, Histoire du roi Abgar et de Jésus. Présentation et traduction du texte syriaque intégral de la Doctrine d’Addaï et en appendices, traduction d’une version grecque par Andrew Palmer, traduction d’une version éthiopienne par Robert Beylot, Turnhout, Brepols (coll. « Apocryphes », 1), 1993.
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[12]
Cf. « Une nouvelle hypothèse sur le titre des Psaumes manichéens dits de Thomas », Apocrypha, 12 (2001), p. 9-27.
-
[13]
Die Bêma-Psalmen, Turnhout, Brepols (coll. « Corpus Fontium Manichaeorum », 4, Series Coptica, 1, The Manichaean Coptic Papyri in the Chester Beatty Library, Liber Psalmorum, Pars 2, Fasc. 1), 1996, p. 86.
-
[14]
Pour une appréciation de la méthode de cet éditeur qui s’est spécialisé dans la réédition d’oeuvres ou d’auteurs à la tradition manuscrite très pauvre (les apologistes, le Pseudo-Hippolyte, Diogène Laërce), on lira T. Dorandi, « Diogenes Laertius Vitae Philosophorum », Phronesis, 45 (2002), p. 331-340.
-
[15]
En I, 20, 3, on peut se demander si le titre de βασιλίσκος, donné au roi païen des Ibères (dont le fils sera guéri par une captive chrétienne — la sainte Nino géorgienne) n’a pas été inspiré par Jn 4,46, où Jésus guérit le fils d’un βασιλικός (v. l. βασιλίσκος, dans la Vulgate regius/regulus). En I, 23, 1, Maraval préfère à bon droit la leçon ὁρθοδοξίαν à ἀλήθειαν, leçon retenue par Hansen contre les manuscrits grecs et avec l’arménien ; on comprend fort bien que la version arménienne ait gommé une référence à l’orthodoxie de la part d’un constantinopolitain.
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[16]
La bibliothèque de l’Université Laval en possède un du xe siècle (Quebecensis Lavalensis graecus 1), cf. P.-H. Poirier, B. Mondrain, « Les manuscrits grecs de l’Université Laval, Québec, Canada (olim Collection Alphonse Dain) », Scriptorium, 55 (2001), p. 149-151 et planche 33.
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[17]
P. 178 (3, 15), lire ν´ (et non ν´) ; idem (´ au lieu de ´), p. 196, 216, 306, 324, 350, 372, 434.
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[18]
Histoire dont on trouvera une bonne présentation par Nicolas Egender dans La Prière des heures, Édition de Chevetogne, 1975, p. 11-90.