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Introduction

Arc-en-Ciel est un projet pilote du Community Land Trust Brussels (CLTB), initiative bruxelloise née en réponse à la crise du logement. Cette organisation a pour vocation de permettre l’accès à la propriété de logements de qualité aux ménages à faible revenu. Dans cet objectif, une séparation entre le foncier et le bâti permet aux habitant·e·s de devenir propriétaires de leur logement tandis que le terrain sur lequel il se trouve devient un bien commun à gérer collectivement. En plus d’assurer aux individus le maintien de soi et la capacité d’agir directement sur leurs conditions de vie, leur investissement au sein du projet favorise l’exercice d’une citoyenneté locale. Avec le soutien de partenariats associatifs, ces projets sont également nourris par des initiatives favorisant les liens sociaux de proximité, tant entre les résident·e·s qu’avec le quartier : brocante de quartier, locaux mis à disposition d’associations locales, soutien scolaire, cours de vélo, tables de conversations… Au-delà de garantir l’accès perpétuel de logements abordables aux revenus les plus bas, l’objectif du CLTB est ainsi de rassembler, plus largement, une communauté autour d’une ville plus juste et solidaire (CLTB, 2021 : 3).

Toutefois, pour la chercheuse et designer Verena Lenna (2019 : 57), il est important de noter que toute pratique de mise en commun, ou commoning, repose avant tout sur l’engagement individuel des individus. Il est essentiel que chacun·e des membres assume concrètement sa responsabilité dans la protection des ressources communes (Helfrich et Haas, 2010 : 12). Ainsi, au CLTB, une contribution active des habitant·e·s tant au vivre-ensemble qu’à la gestion quotidienne des projets est requise[2] pour permettre le maintien durable des ressources partagées. Ce processus doit donc s’envisager en évaluant non seulement les motivations des habitant·e·s, mais aussi leur capacité à s’impliquer (Lenna, 2019 : 30; Schaut, Wibrin et Lenel, 2022 : 7). Nombre de travaux ont été publiés sur les origines du CLTB, son modèle économique, ses modes de gouvernance ou encore son processus participatif[3], mais seuls quelques travaux attirent l’attention sur des facteurs tendant à favoriser ou à limiter l’engagement des résident·e·s dans les projets du CLTB. Une étude approfondie des formes et des ressorts de l’engagement individuel de ses habitant·e·s mériterait dès lors d’être davantage développée (Lenna, 2019 : 217).

Selon Lenna (2019 : 252), le modèle de propriété du CLTB favoriserait l’émergence d’un sentiment de responsabilité et d’engagement des habitant·e·s. L’idée de propriété défendue par le CLTB n’est pas celle de possession exclusive de ressources, mais plutôt de la capacité d’accès, d’usage et de décision qu’elle garantit aux individus. Cette garantie motiverait ces derniers à s’engager et à prendre soin collectivement de leur cadre de vie (Helfrich et Haas, 2010 : 5). Schaut, Wibrin et Lenel observent toutefois, au travers de leur enquête au sein du projet Arc-en-Ciel, un « engagement à géométrie très variable » (2022 : 6) des résident·e·s. Les ménages les plus fragilisés, dont l’enjeu serait avant tout la reconstruction de soi par l’acquisition d’un logement, seraient ainsi moins enclins à assumer les formes d’investissement collectives attendues des membres d’un projet CLTB. Selon ces mêmes auteures, les vagues de peuplement successives qui ont caractérisé le projet Arc-en-Ciel depuis ses débuts ont également généré un décalage d’intensité dans l’implication des habitant·e·s. Elles affirment ainsi que « le temps doit laisser une chance au processus de soin et d’attachement » (Schaut, Wibrin et Lenel, 2022 : 7). Des travaux portant plus largement sur d’autres Community Land Trust (CLT), en plus de pointer la stabilité du groupe de résidents comme facteur favorisant l’engagement au sein du projet (Krinsky et Hovde, 1996 : 109), font également ressortir l’importance de la présence du travailleur communautaire sur le terrain, lequel jouerait un rôle favorable dans la participation active des habitant·e·s au projet (Krinsky et Hovde, 1996 : 105; Gray et Galande, 2011 : 247; Lowe et Thaden, 2016; Emmeus Davis, 2022).

Mais qu’en est-il de cet investissement une fois le travail communautaire interrompu ? Au CLTB, l’accompagnement des habitant·e·s est en principe prévu pour une durée limitée de deux ans après leur emménagement. Après cette période, si le CLTB reste disponible en cas de nécessité, les ménages sont considérés comme possédant les clés pour gérer leur projet de façon autonome. Si, dans la littérature, l’engagement des habitant·e·s dans les projets du CLTB a été étudié lors du processus participatif (Aernouts et Ryckewaert, 2018; Lenna, 2019) ainsi que dans les débuts de leur emménagement dans le projet (Schaut, Wibrin et Lenel, 2022 : 4), il est à se demander ce qu’il en est de sa continuité dans le quotidien du projet après cette prise d’autonomie. Concerne-t-il les mêmes habitant·e·s ? Sur quels enjeux porte-t-il ? Prend-il d’autres formes ?

Pour y répondre, nous commencerons par une brève description de la genèse et des caractéristiques du projet Arc-en-Ciel du CLTB, avant de procéder à une analyse en trois parties. Nous identifierons tout d’abord les enjeux (I) menant les habitant·e·s à s’investir individuellement au sein du projet. Ensuite, nous aborderons la façon dont ces enjeux sont gérés de façon variable par les habitant·e·s, révélant différents profils d’engagement (II), de la prise de parole publique à des formes de contribution s’exprimant davantage par le registre de l’action. Enfin, nous examinerons les tensions (III) inhérentes aux différents degrés d’engagement des habitant·e·s au sein du projet.

Ethnographier l’engagement à Arc-en-Ciel

Dans un ouvrage récent, John Emmeus Davis (2022 : xxviii) mettait en avant l’importance de reconnaître l’existence de différents types d’engagement dans un projet CLT. Cet article s’attachera dès lors à garder une définition ouverte de l’engagement habitant ne fixant ni sa forme ni son degré d’intensité. Considérant qu’une analyse au plus proche du tissu réel des situations est la plus à même de saisir la pluralité des engagements habitants (Berger et Gayet-Viaud, 2011 : 3; Overney, 2020 : 206), cette étude se basera sur une approche ethnographique.

L’article se concentrera sur l’étude du cas d’Arc-en-Ciel, un projet où les habitant·e·s ont emménagé en 2020 et dont le programme d’accompagnement par le CLTB s’est achevé début 2022. Cette enquête en cours s’appuie sur des observations menées au long de l’année 2022 lors de différents moments collectifs du projet Arc-en-Ciel. Ces observations sont enrichies de discussions informelles avec les habitant·e·s, les bénévoles, les employé·e·s du CLTB et des associations partenaires du projet tenues au cours de ces différentes activités. Sur une période d’un an, les dispositifs de prise de décision ont été observés lors des différentes assemblées générales (l’assemblée générale du CLTB, l’assemblée générale de copropriété et l’assemblée générale des habitant·e·s d’Arc-en-Ciel). Parallèlement à ces réunions officielles, la gestion quotidienne du projet a été examinée par l’entremise des réunions de trois groupes de travail d’habitant·e·s : le comité de suivi, le groupe énergie et le groupe jardin. L’occasion s’est présentée de prendre une place plus active au sein de ce dernier, ce qui m’a permis de participer à leurs réunions mensuelles ainsi qu’à des ateliers de construction, de réparation et de nettoyage du jardin. Notons que mon rôle au sein du groupe jardin semblait influencer le taux de présence aux réunions, ces dernières étant à plusieurs reprises annulées par les habitant·e·s lorsque je ne pouvais y être présente. Par ailleurs, d’autres observations participantes ont été menées plus ponctuellement lors d’activités encadrées par le CLTB : des cours et ateliers de vélo, une école de devoirs ou encore des repas collectifs ou activités festives du CLTB. Rappelons que, après leur emménagement, les habitant·e·s ont été accompagné·e·s pendant deux ans par différentes associations dans de nombreuses activités du projet. Ma présence de chercheuse s’est ainsi souvent vue associée à celle de membre d’une des associations partenaires du projet, mon rôle a donc fréquemment dû être resitué. Finalement, une importance a été accordée à l’observation d’autres supports d’échanges entre habitant·e·s : l’affichage dans les espaces communs ainsi que les échanges sur les groupes WhatsApp, qui constituent un support de communication non négligeable dans le projet Arc-en-Ciel.

Cas d’étude

Genèse et caractéristiques du projet

Le CLTB est né en 2012 d’une collaboration de plusieurs acteurs du secteur associatif en réponse à une situation de plus en plus préoccupante sur le marché du logement bruxellois (Dawance, 2019 : 136). À Bruxelles, l’écart entre le revenu moyen des ménages et le budget qu’ils consacrent à l’accès ou à l’entretien d’un logement se creuse progressivement (Godart et al., 2023), tandis que la liste d’attente pour accéder au logement social ne cesse de s’allonger. Le manque de provision de logements abordables du secteur public mène un grand nombre d’individus à devoir s’orienter vers le marché privé, peu régulé et de plus en plus tendu (Godart et al., 2023), ce qui génère d’importantes inégalités dans l’accès au logement. En effet, cela peut obliger les ménages à faible revenu à opter pour des logements trop petits, inconfortables, voire insalubres. Pour d’autres, la seule option est de quitter Bruxelles pour échapper à l’augmentation des loyers (Dessouroux et al., 2016).

Face à cette crise du logement abordable, un ensemble d’initiatives émergent, proposant des pistes de solution s’appuyant notamment sur des pratiques de mise en commun. Ces dernières ne se concentrent pas seulement sur la provision de logements aux revenus les plus faibles, mais visent également à renforcer la conscience politique des habitant·e·s quant à leur situation de logement et au contrôle collectif des individus de leur environnement (Aernouts et Ryckewaert, 2018). C’est dans ce contexte que le CLTB, adaptation du modèle CLT originaire d’Amérique (Bernard, De Pauw et Géronnez, 2010), voit le jour à Bruxelles. Le CLTB propose un accès au logement abordable en combinant une collectivisation de la propriété foncière avec un mode de gouvernance tripartite incluant à la fois les habitant·e·s, la société civile, les riverains et les pouvoirs publics. Il est, depuis 2013, reconnu dans le Code bruxellois du logement (Bernard, 2018).

Arc-en-Ciel est l’un des projets pilotes du CLTB. Il se situe dans un quartier populaire du nord-ouest de la capitale belge, dans la commune de Molenbeek-Saint-Jean. En 2012, un premier groupe de candidat·e·s habitant·e·s est formé en vue de lancer le processus participatif du projet. Le groupe-projet se retrouve alors pour diverses discussions autour des défis qu’induit la vie en copropriété, du vivre-ensemble, de la gestion d’un bâtiment passif et du rapport au quartier. Ce processus participatif est accompagné par plusieurs associations partenaires[4]. Son but est de préparer chacun·e des habitant·e·s à devenir un·e « spécialiste référent·e » (CLTB, 2020 : 3) concernant l’un des enjeux de la future copropriété. C’est aussi l’occasion pour les candidat·e·s de se former à la prise de décision collective. Au cours de ce processus, des activités plus festives ont également lieu pour favoriser la création de liens entre les membres du groupe-projet ainsi qu’avec le voisinage.

En parallèle, lors d’ateliers, les habitant·e·s formulent des recommandations concernant la conception architecturale de leur futur habitat, dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par le Fonds du logement bruxellois[5]. Le marché d’architectes est attribué en 2014 et le chantier débute en 2018, après une longue attente pour l’obtention du permis d’urbanisme. Le projet construit comporte alors 32 appartements d’une à quatre chambres ainsi qu’une série d’espaces partagés reflétant la dimension collective du projet (Schaut, Wibrin et Lenel, 2022 : 2). Les logements se répartissent dans deux bâtiments articulés autour d’un jardin commun en intérieur d’îlot et d’un espace polyvalent dont l’usage est partagé avec une association de quartier. Du côté rue, des coursives, décrites par les architectes comme des « balcons communautaires », donnent accès à certains appartements tout en étant censées favoriser les liens sociaux tant entre les habitant·e·s qu’avec le quartier. Le projet compte également d’autres équipements collectifs : des locaux pour les vélos et les poussettes, une cave, des locaux pour les poubelles, ou encore une imprimante et un séchoir partagés.

Les habitant·e·s n’emménageront dans leurs logements qu’au début de l’année 2020, soit huit ans après le lancement du projet. Il ne restera toutefois qu’un tiers des habitant·e·s du groupe formé en 2012. La longue attente a en effet favorisé le départ de nombreux candidat·e·s. Il en découlera un projet constitué par plusieurs vagues de peuplement, des plus anciennes ayant intégré le projet dès ses prémices aux plus récentes arrivées une fois le projet déjà construit. Selon Schaut, Wibrin et Lenel (2022 : 4), ces vagues distinctes auraient un impact sur le décalage d’intensité d’engagement des habitant·e·s dans le projet.

Une fois le projet habité, l’accompagnement des habitant·e·s par le CLTB et ses associations partenaires se poursuit pour une période de deux ans. Le programme d’accompagnement porte principalement sur la gestion des aspects pratiques du projet, qui nécessite un investissement actif et continu de la part des habitant·e·s. Cette gestion est organisée sous la forme d’assemblées générales ainsi que de groupes de travail plus restreints. Parmi ces groupes, on retrouve le comité de suivi, chargé d’organiser les assemblées générales, de discuter des enjeux soulevés par les habitant·e·s, d’en assurer le suivi et de prendre certaines décisions mineures concernant le projet. Leurs réunions sont ouvertes à tous les voisin·e·s et sont en principe organisées une fois par mois dans la salle polyvalente d’Arc-en-Ciel ou chez l’un des résident·e·s. Les autres groupes de travail portent sur des thématiques définies : le jardin, la propreté des communs, l’énergie, la communication externe, le suivi technique du projet, le local de vélos, la salle polyvalente, l’organisation de la journée de nettoyage ou encore la gestion de l’imprimante et du séchoir partagés. Chaque année, lors de l’assemblée générale des habitant·e·s, ces dernier·ère·s se portent volontaires pour s’inscrire à ces groupes de travail, et leur répartition est reprise sur une feuille affichée dans les espaces communs. Outre ces groupes, des activités culturelles telles que la tenue hebdomadaire d’un soutien scolaire pour les enfants des habitant·e·s, de tables de conversations en néerlandais ou encore de cours collectifs de vélo sont impulsées par les membres et bénévoles du CLTB.

Certain·e·s habitant·e·s s’investissent dans de multiples groupes, d’autres ne sont présent·e·s dans aucun d’entre eux. D’autres encore s’y inscrivent, mais y sont peu actif·ve·s, voire ne s’y impliquent pas du tout. Comme le soulignent Lenel, Demonty et Schaut (2020 : 14), la participation des habitant·e·s à un projet d’habitat de type CLT peut en effet être mise en difficulté du fait des diverses contraintes qui pèsent sur leur quotidien. Les habitant·e·s candidat·e·s à l’acquisition d’un logement dans un projet du CLTB devant correspondre aux critères d’admission du logement social, les revenus des ménages d’Arc-en-Ciel sont peu élevés. La plupart y vivent avec des revenus de remplacement, ou un seul salaire, parfois avec une famille nombreuse à charge. En ce qui a trait au parcours résidentiel des familles, une majorité d’entre elles occupaient auparavant un logement social, tandis que les autres louaient un logement sur le marché privé. Seule une faible minorité d’habitant·e·s se sont porté·e·s candidat·e·s au CLTB dans le but de vivre en habitat groupé (Schaut, Wibrin et Lenel, 2022 : 4).

I. Des préoccupations matérielles au coeur de l’engagement habitant

Posséder un logement avant tout

Comme le soulignent Schaut, Wibrin et Lenel (2022 : 3), pour une grande majorité des habitant·e·s, la motivation principale à rejoindre le projet est l’accès à la propriété d’un logement abordable. Or, leur intégration à un projet CLTB leur assurant l’accès durable à la propriété d’un logement de qualité, le « collectif résidentiel » (Flamand, 2008) ainsi formé devient concrètement responsable d’un patrimoine bâti et de ressources communes à préserver (Lenna, 2019 : 252; Lowe et Thaden, 2016 : 625). Nous avons observé que les enjeux matériels concernant les parties communes de l’immeuble constituaient dès lors une préoccupation importante dans le quotidien des habitant·e·s, où se jouent des relations de solidarité et de soin, de confiance ou parfois de tensions entre habitant·e·s, mais aussi avec des acteurs externes tels que le syndic ou la société de construction du projet. Le « faire collectif » (Schaut, Wibrin et Lenel, 2022 : 4) au sein d’Arc-en-Ciel passe ainsi beaucoup par la gestion pragmatique des problèmes rencontrés au quotidien et requiert pour cela un investissement actif de la part des habitant·e·s. La notion de collectif utilisée ici n’est donc pas celle propre à la « convivialité choisie » (Demonty, 2015 : 35) des habitats groupés. Comme le soulignent Schaut, Wibrin et Lenel (2022), il s’agit plutôt à Arc-en-Ciel d’une « communauté d’action » (Laval, 2016) basée davantage sur l’agir ensemble que sur le partage préalable d’affinités, d’identités et de valeurs communes. Les habitant·e·s ont des trajectoires de vie très variées, et leur appartenance à la communauté se construit principalement autour du partage d’expériences concrètes vécues au sein du projet et de préoccupations pour le bien commun que constitue leur habitat (Bourdeau et Flipo, 2011 : 87).

Des problèmes ordinaires dans les communs…

À Arc-en-Ciel, les problèmes ordinaires concernent souvent les mêmes équipements, qu’il s’agisse de la propreté des caves et du local à poubelles, de la répartition des places dans le local à vélos, de l’usage de la salle polyvalente ou encore de l’entretien et de la gestion du jardin commun. L’emménagement des habitant·e·s ayant coïncidé avec l’arrivée de la crise sanitaire et du confinement, des conflits se sont rapidement fait ressentir autour du jardin collectif, notamment à cause des nuisances sonores occasionnées par l’intensité de son usage par certains enfants. Dès notre entrée sur le terrain, le bruit dans le jardin collectif nous est ainsi présenté par un habitant comme « un réel enjeu ici, si [ce n’est] l’enjeu d’Arc-en-Ciel ». De nouvelles règles ont depuis lors été définies et consignées dans le Règlement d’ordre intérieur « afin de permettre à tous, enfants et adultes, de profiter du jardin[6] ». Or, lors d’une discussion avec quelques habitant·e·s, ceux-ci confient qu’« il y a trop de restrictions dans le jardin. On dit aux enfants qu’on ne peut rien faire, alors plus personne ne l’utilise… ».

Pour résoudre les problèmes rencontrés, l’idée des coûts est centrale. Il s’agit pour les habitant·e·s de minimiser les dépenses et de collaborer pour trouver les solutions les plus économiques possible, notamment par le « faire soi-même ». Cette exigence étant partagée par tous et toutes, les résident·e·s se font confiance, jugeant que « les voisins vont faire ce qui est pour le bien de la copro ». Au-delà de la question des coûts, comme le souligne une habitante, « le but est de garder de bons rapports avec les voisins ». Les habitant·e·s ne sont en effet pas guidé·e·s dans leurs actions que par des motivations économiques, mais aussi, selon Helfrich et Haas, « par la réputation, un sens de solidarité et de réciprocité » (2010 : 12; je traduis). Les échanges observés entre les habitant·e·s lors des réunions, de moments informels ou de discussions sur WhatsApp au sujet de ces problématiques montrent ainsi des voisin·e·s soucieux·euse·s de se saluer, de plaisanter, d’écouter l’avis de tous et de toutes sans se couper la parole ou encore de se donner un coup de main, dans l’idée d’entretenir la convivialité au sein du projet.

… aux tracas individuels partagés

Une grande part des préoccupations matérielles des habitant·e·s ne porte toutefois pas sur les parties communes de l’immeuble. Lors des réunions du projet, un voisin soulève un problème avec des fissures dans son appartement, un autre avec la porte de son balcon, ou encore avec sa dernière facture d’eau. Si des habitant·e·s recadrent, parfois avec impatience, ce genre d’interventions en recentrant le débat sur les parties communes, elles sont souvent commentées de façon bienveillante par d’autres qui rebondissent sur ces problèmes individuels qu’ils partagent ou pour lesquels ils cherchent une solution. Le cas de la récente crise énergétique l’illustre bien, les résident·e·s partageant des astuces pour réduire leur consommation lors des assemblées générales. Dans le même ordre d’idées, pour les conflits concernant des malfaçons dans leurs appartements, les habitant·e·s listent collectivement leurs problèmes plutôt que de batailler individuellement avec l’entrepreneur chargé de la construction.

L’identification d’un « adversaire » commun

À la suite de leur emménagement dans le bâtiment, les membres du projet ont relevé un ensemble de défauts dans l’exécution des travaux par les constructeurs, remarques devant être levées par ces derniers pour procéder à la réception définitive du bâtiment. Or, les nombreuses sollicitations et relances auprès de l’entrepreneur sont restées sans réponse, menant à la colère des habitant·e·s. Plus récemment, c’est une insatisfaction relativement au travail de leur syndic, chargé de la gestion de l’immeuble, qui a déclenché l’irritation des résident·e·s. La relation de la copropriété tant avec le constructeur qu’avec le syndic est ainsi devenue un sujet central lors des assemblées, où les ménages réfléchissent collectivement aux leviers et aux solutions face à cette situation. Dès lors, leur mécontentement envers ces sociétés devient une cause commune pour laquelle ils s’allient et collaborent. Selon une habitante, ils ne se sentent « pas pris au sérieux » par ces acteurs. « Ils se disent que ce sont des appartements pour des gens au chômage, occupés par des familles qui ont le CPAS… Mais on n’est pas n’importe qui ! » Lorsque, dans leur querelle avec la société de construction, le collectif résidentiel menace de faire appel à un avocat, certain·e·s résident·e·s manifestent un intérêt à trouver un cabinet qui soit « dans l’esprit Arc-en-Ciel », distinguant ainsi leur projet d’autres immeubles de logement. Dans cette même idée, les voisin·e·s soulèvent l’utilité qu’il y aurait à développer un service de syndic interne au CLTB, qui répondrait aux exigences spécifiques de leur projet.

Si ces conflits risquent de mener, au fil du temps, à l’épuisement des habitant·e·s (Lenna, 2019 : 105), ils révèlent que c’est aussi autour de préoccupations pour le bien commun que se jouent, au quotidien, des formes plurielles de citoyenneté (Carrel et Neveu, 2014). Héritage du pragmatisme de John Dewey (2010), cette approche de la citoyenneté à l’oeuvre permet de saisir des formes d’engagement ordinaires, situées souvent hors des scènes visibles du politique. Nous chercherons donc à esquisser la variété des formes d’engagement déployées à Arc-en-Ciel, dans ses dimensions tant discursives que pratiques et relationnelles (Carrel et Neveu, 2014).

II. De la prise de parole à l’engagement dans l’action

Face aux différents problèmes rencontrés par les habitant·e·s, plusieurs profils d’engagement semblent apparaître au sein du projet : les porte-parole, les profils pragmatiques, et les bons voisins. Notons toutefois que ceux-ci ne forment pas des catégories cloisonnées. Ils peuvent être combinés et évolutifs.

Les porte-parole

Lors des activités du projet ayant une dimension plus publique (les réunions du comité de suivi, les assemblées générales, le conseil d’administration, les interviews avec la presse…), ce sont fréquemment les mêmes individus qui s’expriment. Davantage à l’aise avec la prise de parole publique, ils sont ouvertement engagés, opèrent fréquemment une montée en généralité vis-à-vis des problèmes rencontrés dans le projet et soutiennent les valeurs collectives défendues par le CLTB. Ce sont aussi eux qui, lors des réunions, s’efforcent de résumer les informations, de reformuler une idée en termes plus clairs ou encore de recentrer le débat lorsqu’il divague. Ils sont présents dans les différentes instances de suivi du projet et adoptent dès lors le rôle de référents tant pour les autres résident·e·s que pour le CLTB. Ces référent·e·s constituent une faible minorité des habitant·e·s du projet et sont donc fortement sollicité·e·s. L’une des membres actives dans le comité de suivi confie ainsi : « [Ç]a prend beaucoup de temps, mais je prends beaucoup de plaisir à le faire. J’apprends à chaque réunion. »

L’observation des assemblées des habitant·e·s a toutefois permis de constater une diminution progressive du rythme de réunions par rapport au début du projet, d’autant plus marquée depuis la fin de l’accompagnement du CLTB. Les réunions du comité de suivi, habituellement organisées tous les mois, ont maintenant lieu à une fréquence beaucoup plus espacée et rassemblent souvent moins de la moitié de ses membres. Selon l’un d’entre elleux, « plus on fait de réunions, moins il y a de monde ». Ainsi, se restreindre à une conception de l’engagement focalisée uniquement sur la parole sous sa forme délibérative mènerait à considérer la majorité des habitant·e·s du projet comme absent·e·s des processus démocratiques (Berger, 2008; Blondiaux et Sintomer, 2002). Or, comme le soutient Iris Marion Young (2002 : 7), d’autres formes de communication, moins valorisées, méritent d’être prises en compte dans ces dispositifs. À Arc-en-Ciel, certain·e·s résident·e·s s’impliquent ainsi en s’exprimant davantage vis-à-vis des enjeux collectifs sous la forme narrative, par le témoignage (Young, 2002 : 7) de leurs expériences personnelles. D’autre part, si nous déplaçons notre attention du régime discursif pour prêter attention au domaine pratique et sensible de la participation (Berger, 2014 : 2), d’autres profils d’engagement se dégagent, passant davantage par le registre de l’action.

Le profil pragmatique

Parmi ceux-ci, on retrouve un profil d’habitant·e·s mettant leurs compétences et outils techniques au profit du collectif. L’observation d’un projet de bacs potagers pour le jardin collectif permet d’appréhender ces formes d’engagement par le faire. Un habitant se présentant comme « très manuel » s’est ainsi proposé de construire les bacs potagers et y a mis beaucoup d’énergie en montrant une attention fine aux détails de la réalisation : l’esthétique, la pente du terrain, l’usure des matériaux ou encore la sécurité des enfants risquant d’y grimper. Toutefois, le projet met du temps à prendre forme. Selon lui, « ici, à Arc-en-Ciel, la bureaucratie, c’est très lent ». Certain·e·s résident·e·s sont réticent·e·s aux processus délibératifs propres aux projets du CLTB, parfois considérés comme peu efficaces et chronophages. Ces dispositifs ont tendance à ralentir la mise en place d’initiatives, ce qui peut en décourager certain·e·s. Cet habitant ne participe ainsi pas aux réunions du groupe portant le projet des bacs potagers et explique aimer « faire les choses seul », ce qui lui permet d’avancer selon son emploi du temps et de travailler quand il le veut. Il ajoute toutefois qu’il aurait souhaité « faire quelque chose de plus pédagogique avec les bacs, en proposant des ateliers, par exemple. Mais ici, tout est compliqué pour organiser ce genre de chose ». De plus, « il y en a qui travaillent beaucoup et, le soir, quand ils rentrent, ils n’ont pas envie ou l’énergie de faire des activités ».

Notons que les compétences techniques propres à ce profil d’engagement n’existent pas nécessairement a priori et peuvent se former dans le cours de l’action. Des habitant·e·s peuvent se montrer motivé·e·s à contribuer de façon pratique et, guidé·e·s par d’autres, acquérir des compétences en cours de route. Ainsi, alors qu’un membre du groupe jardin s’exprime peu lors des réunions au sujet du projet des bacs potagers, il se montre à l’inverse très investi lorsqu’il s’agit de participer durant de longues heures à leur construction, tout en précisant « ne pas trop s’y connaître ». D’autres résident·e·s apportent également une contribution par la recherche de renseignements, de matériaux et d’outils. Mais tout cela prend du temps. Dans une logique d’efficacité, une habitante considère que le recours aux ressources des voisin·e·s peut parfois constituer un frein à l’avancement des projets. Lors de la construction des bacs potagers, alors qu’un voisin s’interroge à savoir si quelqu’un d’Arc-en-Ciel possède un véhicule de transport à prêter, cette habitante s’impatiente : « [O]n ne va pas toujours attendre l’aide d’un voisin, sinon ça n’avance pas ! Il y a un budget, et on peut commander un taxi pour amener les matériaux. »

De façon moins visible, d’autres formes d’engagement s’expriment au travers de pratiques ordinaires de soin et d’entretien des parties communes : le nettoyage quotidien des déchets dans le jardin, l’arrosage des plantes, le rangement du local à vélos… Comme l’affirme Laetitia Overney, ce peut aussi être par le simple fait d’être attentif au cadre de vie collectif, de se sentir concerné (Carrel et Neveu, 2014) et d’alerter les voisin·e·s de changements survenus dans le cours de l’ordinaire (Overney, 2011 : 150). Cette vigilance, si elle constitue une ressource essentielle au maintien du projet, est peu valorisée du fait qu’elle s’opère « à bas bruit » (Borzeix et Collard, 2009), dans les coulisses de l’engagement. « Se rendre attentif » (Citton, 2014) requiert non seulement une disponibilité des habitant·e·s face aux problèmes du quotidien, mais aussi des ressources sociales (Overney, 2011 : 160). En effet, à Arc-en-Ciel, au-delà des moments de réunions officielles, cette attention portée à l’environnement passe aussi par des rapprochements au détour d’un couloir ou par des échanges sur les groupes WhatsApp, ou encore par des messages que des habitant·e·s soumettent au comité de suivi au travers d’une boîte à mots.

Les « bons voisins »

L’engagement des habitant·e·s peut également se révéler dans une attention à se comporter en « bons voisins » (Lenel et Wibrin, 2022), en entretenant notamment les rapports sociaux et la convivialité au sein de la copropriété. S’impliquer dans le projet peut ainsi passer par le développement des liens d’entraide avec ses voisin·e·s, par des rapports bienveillants et de petites attentions à l’égard des un·e·s et des autres. Ainsi, même si ces moments sont fugaces, une habitante se remémore un voisin qui rapportait du pain de la boulangerie pour l’ensemble des résident·e·s lors du confinement ou des repas partagés entre voisin·e·s pendant le ramadan. Au cours d’une journée collective de nettoyage du jardin, nous avons vu des voisin·e·s descendre des plateaux avec de quoi grignoter pour tout le monde, et lors de la construction des bacs potagers sous un soleil brûlant, un habitant a rapporté des boissons désaltérantes aux autres participant·e·s. Cette attention aux liens sociaux entre résident·e·s peut s’observer également lors des réunions de travail en petit comité, pour lesquelles une habitante affirme qu’il est « plus convivial de se retrouver chez les uns et les autres ».

III. Un engagement « à géométrie variable » générateur de tensions

Une incitation à s’engager ?

Comme nous l’avons déjà évoqué, si ces différentes contributions des habitant·e·s sont essentielles au maintien du projet, Schaut, Wibrin et Lenel signalent un « engagement à géométrie très variable » (2022 : 6) au sein d’Arc-en-Ciel. Des tensions surviennent ainsi fréquemment autour de « ceux qui ne font jamais rien ». Plusieurs membres du projet ont en effet exposé leur regret de ne pas pouvoir s’investir davantage, par manque de temps, ou parce que leurs horaires de travail ne le permettent pas[7]. Cette explication semble toutefois insuffisante pour certain·e·s, comme ce père de jeunes enfants occupant un emploi à temps plein, qui s’investit beaucoup dans le projet : « Moi non plus, je n’ai pas le temps. On doit apprendre à cohabiter, mais certains ne participent pas aux activités. Ils ne viennent même pas aux réunions. » Comme l’indiquent Lenel, Demonty et Schaut (2020 : 15), le manque d’implication de certains individus, que ce soit en raison de contraintes pesant sur leur quotidien ou par désintérêt, risque dès lors de mener à un sentiment d’usure pour les autres habitant·e·s. Une habitante très investie dans le comité de suivi souligne ainsi l’importance de pouvoir « faire une pause et de laisser d’autres faire et voir comment ça se passe », pour éviter de s’épuiser. Il s’agit dès lors de trouver l’équilibre entre investissement et « lâcher-prise ».

Plusieurs pistes sont alors évoquées par le collectif pour encourager la participation. Des habitant·e·s plus impliqué·e·s viennent provisoirement en renfort dans des groupes de travail peu actifs, dans le but de « resserrer les liens » entre les membres. Une autre solution envisagée est d’imposer certaines activités comme obligatoires. Lors d’une discussion autour de l’organisation de la journée collective de nettoyage des parties communes, des habitant·e·s proposent de prendre les présences dans le but d’éviter que « ce ne soit toujours les mêmes » qui participent. Si des habitant·e·s sont dans l’incapacité de contribuer au nettoyage, iels sont invité·e·s « à participer, à faire quelque chose pour rendre le moment convivial, en préparant à manger ou en mettant de la musique, par exemple ».

À plusieurs reprises, lors des réunions ou sur les discussions WhatsApp, des habitant·e·s notifient leurs contributions quant aux problèmes rencontrés et expriment leur gratitude devant la prise d’initiatives, ce qui, pour un habitant, « est la moindre des choses ». Ces remarques mettent en lumière l’importance accordée à la contribution de chacun·e des habitant·e·s au projet collectif, dans les formes qui leur correspondent (Mazeaud et Talpin, 2010), ainsi qu’à la reconnaissance et à la valorisation de leur engagement (André, Braud et Brun, 2013; Lowe et Thaden, 2016 : 623).

Des tensions peuvent, à l’inverse, émerger autour de cette incitation à s’engager au quotidien dans la vie résidentielle (Leclercq, 2017) du projet ou de « ceux qui en attendent trop ». Lors des réunions concernant le jardin, certain·e·s semblent ainsi mal à l’aise lorsqu’il s’agit de demander un service à un·e voisin·e. Selon une habitante, « on fait déjà beaucoup de choses, il ne faut rien imposer aux gens, ne pas les obliger à faire des choses ».

Rétribuer les contributions habitantes ?

La mise à disposition de temps et de compétences particulières au profit du collectif pose également la question de leur rétribution. Pour le projet des bacs potagers, l’habitant chargé de leur construction se montre davantage motivé à y mettre de l’énergie en échange d’une rémunération tout en s’interrogeant sur sa légitimité à être payé. En effet, il souligne que « d’autres font des choses pour la résidence gratuitement » en se référant au comité de suivi, ou encore au groupe jardin dont il considère que les membres investissent beaucoup de temps dans le projet. L’un des membres actifs dans le comité de suivi présente en effet son travail et l’investissement qu’il demande comme une forme de « bénévolat ». Une habitante soutient, à l’inverse, qu’« il faut arrêter de croire que tout est gratuit ici », tandis qu’un autre remet en question l’attribution des places dans le local à vélos : « [I]l y a des gens qui ne font rien et on leur donne deux places. Pourquoi ? » Ces réflexions sur la rétribution matérielle de certaines formes de contributions, ou au contraire sur les sanctions pour le manque d’investissement de certain·e·s, soulignent les tensions inhérentes à la reconnaissance et à la valorisation de l’engagement habitant au sein du projet.

Se mêler des affaires des autres ?

Comme le souligne Overney, si la citoyenneté peut se définir par une capacité à « s’occuper des affaires des autres » (2011 : 160), la délimitation de ces affaires peut également devenir source de conflit. À Arc-en-Ciel, une tension émerge ainsi autour d’un habitant ayant pris l’initiative d’agrémenter le jardin commun avec de nouvelles plantes. En l’apprenant, des membres du groupe jardin s’irritent : « Ici, c’est un espace commun. Il ne peut pas [les] imposer, il doit [les] enlever. » Ainsi, si, pour ces habitant·e·s, « le but est de garder de bons rapports avec les voisins, ce n’est pas une raison pour tout accepter ». Il s’agit dès lors pour les membres du projet de trouver la « bonne distance » entre une contribution individuelle aux affaires communes et le fait d’imposer ses décisions au collectif.

Conclusion

Cet article visait à cerner les formes et les enjeux de l’engagement habitant au sein d’Arc-en-Ciel depuis la fin de l’accompagnement du projet par le CLTB. L’enquête a mis en évidence la façon dont le souci pour la préservation et l’amélioration de leur cadre de vie matériel constituait pour les habitant·e·s le support d’une « citoyenneté ordinaire » (Carrel et Neveu, 2014) faite d’engagements aux formes variées. Notre enquête au plus proche de l’« action politique en train de se faire » (Berger et Gayet-Viaud, 2011 : 14) a dès lors permis d’appréhender des formes de citoyenneté déployées autour de trois profils d’engagement : (I) les porte-parole, référent·e·s pour les autres habitant·e·s, actif·ve·s dans les assemblées et maîtrisant les codes de la prise de parole publique; (II) les profils pragmatiques, dont la contribution passe par le faire, la vigilance et la résolution pratique des problèmes rencontrés; et enfin, (III) les « bons voisins », qui, au travers de leurs compétences relationnelles, s’investissent par l’entretien des liens de convivialité au sein du projet.

Si l’on a voulu dégager ici une analyse sensible à la pluralité des formes d’engagement habitant, une telle approche mériterait d’être complétée et enrichie par des entretiens individuels avec les membres d’Arc-en-Ciel. Nous estimons qu’une prise en compte de leurs motivations à agir et de leurs trajectoires de vie individuelles favoriserait une compréhension plus fine des formes et des ressorts de leur engagement, mais aussi des motifs de non-participation des « grands absents ». Nous achevions en effet l’article en soulevant les tensions générées par l’intensité variable de l’engagement entre « ceux qui ne font jamais rien », « ceux qui en attendent trop » ou encore « ceux qui se mêlent trop des affaires des autres ». En examinant plus attentivement ces tensions, nous pourrions sans doute comprendre plus concrètement comment établir la juste distance entre incitation à s’engager et imposition pour le collectif, entre investissement personnel et préservation de soi, équilibre sans lequel l’engagement à Arc-en-Ciel risquerait de s’épuiser.