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Introduction

Dans des environnements en mutation permanente, les entreprises subissent des conséquences directes qui affectent leurs stratégies et leur performance (Smart et Vertinsky, 1984). Ces effets qui induisent de nouveaux comportements managériaux amènent les dirigeants à surveiller et à intégrer la dimension « environnement » dans leur prise de décision, afin de survivre, sauvegarder leur place sur le marché et se développer (Lesca, 2008 ; Kotler, Keller, Ancarani et Costabile, 2014). Ils sont acculés à faire preuve d’attention particulière et de réactivité dans leurs pratiques quotidiennes, ce qui leur permet de détourner les menaces et/ou de les transformer en opportunités (Brouard, 2007). Ce constat, qui concerne les grandes entreprises, est aussi vrai pour les PME (Crutzen et Van Caillie, 2010). L’analyse de Saporta (1986) réalisée il y a plus de 30 ans et qui considérait que la survie de la PME est intimement liée à son environnement surtout incertain est toujours valable aujourd’hui avec une lecture à double sens. La taille de la PME lui confère, selon Torrès (2002), une flexibilité organisationnelle ainsi qu’une réactivité dans la prise de décision, ce qui favorise la saisie des opportunités émergentes du marché (Julien, 1997 ; Julien et Carrier, 2002). En revanche, Raymond et St-Pierre (2005) stipulent que dans un contexte incertain, la survie de la PME est menacée. En effet, un tel contexte exige des décisions réactives malgré l’information et les ressources limitées, dont dispose l’entreprise. Ces études qui confirment le lien entre la survie de la PME et le contexte environnant ne se focalisent pas sur les pratiques des dirigeants en vigueur.

Le contexte libanais est unique en son genre. Quinze années tumultueuses de guerre civile (de 1975 à 1990) se sont enchaînées dans le pays et ont été suivies par des invasions israéliennes ainsi que par des conflits internes enracinés dans un système de pluralisme confessionnel. Ce système, lié tant à l’histoire qu’à la situation géographique du pays, se base sur la reconnaissance officielle par l’État de dix-huit communautés religieuses. À cela s’ajoute une conjoncture régionale complexe et marquée par la guerre actuelle en Syrie (mars 2011 et jusqu’à maintenant) (Corm, 2004). Toutes ces perturbations ne se sont pas passées sans impact direct sur le pays qui baigne, dans un état endémique d’instabilité politique, économique et sociale (Desquilbet, 2007 ; Couland, 2005). La définition de la PME qui constitue le pivot de l’économie libanaise dépend du contexte national dans lequel elle évolue (Zinnbauer, Dobson et Despota, 2009 ; Ramadan et Levratto, 2011). Nous retenons celle adoptée par l’Agence allemande pour la coopération internationale (GTZ) dans une étude[1] effectuée en 2007 et qui donne la classification suivante pour la PME libanaise : la catégorie des TPE est constituée des entreprises qui occupent moins de cinq personnes. La catégorie des PE est constituée des entreprises qui occupent entre 5 et 49 personnes. La catégorie des entreprises moyennes est constituée des entreprises qui occupent entre 50 et 200 personnes. Dans la présente étude, les deux dernières définitions ont été retenues[2]. La gestion de ces entreprises a des particularités qui sont liées à la culture libanaise. Cette gestion qui se penche principalement vers l’informel et qui fait l’objet de controverses, n’a guère soulevé assez d’intérêt auprès des chercheurs (Hamdan, 2003), bien qu’un nombre considérable de dirigeants de PME a pu, dans un tel contexte, conquérir des marchés étrangers (Levratto et Ramadan, 2009). De plus, un grand nombre de PME ne fait que se développer en faisant montre d’une capacité de résilience remarquable, basée selon Abi-Samra (2010), sur des pratiques de gestion spécifiques. Tenant compte du fait que les dirigeants de petites entreprises sont enclins à évoquer facilement les causes qui sont à l’origine de la réussite de leurs organisations et qu’ils considèrent comme une victoire personnelle (Weitzel et Jonsson, 1989), une investigation menée auprès de ces dirigeants, tentera d’identifier et d’analyser ces pratiques.

Notre article vient renforcer la littérature qui souffre d’une insuffisance d’ancrage empirique (Le Boulaire et Retour, 2008) ainsi que de données qui indiquent aux dirigeants de petites et moyennes entreprises comment ils doivent manager efficacement (Sadler-Smith, Hampson, Chaston et Badger, 2003). Il présente, sous la forme d’un modèle, une combinaison spécifique de ressources, qui articulées ensemble, aident le dirigeant de la PME à résister face à un contexte turbulent. En repensant un modèle classique basé sur les travaux de la théorie par les ressources et centré sur les entreprises d’une certaine taille (Barney, 1991), cette recherche se focalise sur les PME et aborde leurs dirigeants suivant un processus dynamique. Ainsi, compte tenu de la spécificité des PME libanaises qui ont montré une résilience remarquable (El-Khoury, 2011) et de la particularité des actions des dirigeants de PME dans un tel contexte, cette étude vise à répondre à la question suivante : « Quelles sont, dans un contexte turbulent, les pratiques managériales efficaces et durables par le biais desquelles les dirigeants de PME arrivent à renforcer la résilience de leurs entreprises ? »

Afin de parvenir à répondre à cette question, nous avons réalisé une étude de cas auprès de quinze dirigeants de PME libanaises. Dans le but de ressortir le lien entre les pratiques du dirigeant et le contexte turbulent, nous avons en premier étudié la turbulence du contexte libanais. Par la suite, nous nous sommes basés sur une revue de littérature sur le rôle du dirigeant au sein de la PME ainsi que sur les stratégies élaborées à partir des ressources, compétences et capacités dynamiques. Ces stratégies ont plus de chance d’être pertinentes dans des environnements en mutation, car la survie des organisations au sein d’un même environnement, dépend des ressources qu’elles détiennent et qu’elles mobilisent en faveur de l’offre de produits et services (Foss et Ishikawa, 2007). Ensuite, nous avons décrit le protocole méthodologique suivi. Nous avons présenté, analysé et interprété les résultats avant de passer finalement à la discussion managériale et à la conclusion.

1. Cadre de référence théorique

Le contexte turbulent est un contexte complexe, particulièrement agité et dont les éléments se modifient continuellement (Emery et Trist, 1965). La littérature à ce sujet a mis l’accent sur trois attributs principaux qui le décrivent. Il s’agit d’un environnement soumis à une succession de changements rapides qui se renouvellent presque en permanence et qui sont imprévisibles (Cameron, Kim et Whetten, 1987 ; Ansoff et McDonnell, 1990 ; Gueguen, 2001). Au Liban, l’environnement est constamment marqué par de rapides et profonds changements. En plus des quinze années de guerre civile qui ont déchiré le pays, le Liban se débat dans un contexte fragile se manifestant par un état presque chronique de crises enchevêtrées de tous genres : politiques, économiques et sociales (Corm, 2004). La déficience du système politique, la déliquescence des institutions, l’absence de réformes économiques appropriées et en profondeur, ne font qu’aggraver la situation (Verdeil, Féré et Scherrer, 2009). Ce contexte, qualifié par El-Ezzi (2003) de spécifique et complexe, a été affecté par des dégâts à tous les niveaux : des dégâts matériels considérables, un nombre important de victimes et 600 000 personnes déplacées à l’intérieur du pays, une émigration de près d’un quart de la population, une dégradation matérielle des infrastructures de base, une grave détérioration des capacités productives de l’économie ainsi qu’une fragilisation de la situation des entreprises privées (Labaki et Rjeily, 1993). Dans cet environnement où les mutations sont fréquentes et se succèdent accompagnées d’un faible contrôle de l’incertitude, la turbulence est intense (Salloum, 2015).

Pour décrire la PME, les six caractéristiques du modèle factuel de Julien (1997) nous serviront de référence. Ces éléments validés par la plupart des travaux en sciences de gestion sont : le rôle central du dirigeant, la structure organisationnelle flexible, la simplicité des mécanismes de coordination et du système d’information, le manque de ressources et la faiblesse des compétences.

Nous aborderons ces éléments en nous penchant spécifiquement sur les pratiques du dirigeant. En effet, le concept de PME renvoie à une dynamique spécifique (Levratto, 2009) qui se distingue par les pratiques de gestion quotidiennes du dirigeant, spécifiquement dans des environnements instables. Il s’agit surtout des attentes du dirigeant envers les employés, de leur mobilisation, de la forte relation interpersonnelle et de la facilité de communication (Barzi, 2011 ; St-Pierre, Audet et Mathieu, 2003). Lorsque ces actions sont mobilisées adéquatement face aux incertitudes omniprésentes, elles rendent le dirigeant apte à renouveler rapidement ses tactiques et à renforcer l’agilité de son entreprise, permettant ainsi à la PME à faire preuve de plus de résilience (Barzi, 2011 ; Sherehiy et Karwowski, 2014 ; Sull, 2010).

Pinel (2009, p. 71) a défini la résilience, et nous retiendrons leur approche, comme étant « la capacité d’un système à maintenir ou à rétablir un niveau de fonctionnement acceptable malgré des perturbations […] ». Dans le cadre de la PME, cette capacité se déploie à travers les habiletés, l’intuition, la polyvalence et le profil du dirigeant (Lee et Tsang, 2001 ; Abaaoukide et Bentaleb, 2011 ; Durand, 2006 ; Sogbossi, 2012). Pour ces auteurs, une même situation est perçue et interprétée différemment selon le profil du dirigeant. Par la suite, le processus de prise de décision varie et s’explique à travers la personnalité du gérant de la PME, son expérience (Alaoui, Aloulou, Fayolle, Andotra et Sundan, 2008 ; Lefebvre, 1991 ; Marchesnay, 2000 ; Jaouen, 2010) et sa capacité à influencer les salariés et à les fidéliser (Peretti et Swalhi, 2007). Par exemple, un dirigeant paternaliste prend des décisions plutôt traditionnelles (Raveleau, 2007 ; Bryan et Farrell, 2009 ; Meier et Pacitto, 2007), alors qu’un dirigeant plus averti se base sur l’innovation, dans ses décisions (Dugré, 2011 ; Beyer, 2010). De plus, le comportement du dirigeant se confond avec la stratégie de la PME, dans le cas où son pouvoir provient essentiellement de son leadership (Antonakis, Cianciolo et Sternberg, 2004), et ceci suivant deux orientations. Dans la première, dite dialogique et entretenue entre lui et son entreprise, se marient deux logiques, une individuelle et une autre collective (Fonrouge, 2002). La deuxième dite de proximité interne, repose sur une hiérarchie peu rigide basée sur une communication informelle entre les acteurs à l’interne et permet au dirigeant de maintenir son emprise sur l’entreprise et sur son évolution (Torrès et Jaouen, 2008). À cela s’ajoute la notion de proximité externe qui permet au dirigeant de mieux connaître son environnement et par la suite d’être capable d’en modifier une partie. En effet, à travers son réseau relationnel d’affaires, le dirigeant se dote d’un mode d’accès privilégié à certaines ressources spécifiques (Chabaud et Sammut, 2016 ; Puthod et Thévenard-Puthod, 2006). Ceci engendre un avantage concurrentiel pour la PME et renforce sa résilience (Marchesnay, 2008 ; Martin, 2008).

Coutu (2002) soutient que l’un des aspects du management de l’organisation résiliente serait le fait de savoir tirer parti des ressources pour bricoler de nouvelles solutions face aux situations inhabituelles rencontrées. À noter que les ressources peuvent être corporelles, incorporelles, financières ou humaines (Prévot, Brulhart et Guieu, 2010). Cet aspect cohérent avec la définition des ressources en tant qu’actifs « qu’une organisation détient ou qu’elle est capable de mobiliser » (Johnson, Whittington, Scholes et Frery, 2011, p. 105), conduit à analyser les pratiques managériales des organisations à travers leur déploiement. De son côté, Andrieux (2005) affirme que la capacité du dirigeant à développer au plus vite de nouvelles configurations d’utilisation de ces ressources contribue à consolider la résilience de son organisation et à lui conférer une structure favorable à sa survie et à sa croissance. Le décalage en termes de ressources entre le présent et le futur ambitionné, crée chez le dirigeant une tension qui instaure, au sein de l’entreprise, une dynamique de résolution de problèmes (Fauvy, 2009).

Nous poursuivons l’analyse en considérant les compétences fondamentales comme les « activités au travers desquelles une organisation utilise ou déploie ses ressources » (Johnson et al., 2011, p. 105) ; une telle mobilisation est indispensable pour garantir à la firme une bonne gestion dans une situation non habituelle de changement (Hamel et Prahalad, 1995). Ces compétences sont qualifiées de clés quand elles présentent une valeur aux yeux des clients de l’organisation, lui permettant ainsi de se différencier de ses concurrents (Johnson et al., 2011). Elles s’inscrivent dans les routines organisationnelles et constituent le résultat d’un apprentissage collectif (Saives, Desmarteau et Kerzazi, 2011). Cet apprentissage permet, suite à des périodes d’incertitude, de mieux préparer l’avenir de l’entreprise (Altintas et Royer, 2009). Ainsi, dans un contexte turbulent, le dirigeant doit savoir mobiliser, coordonner et intégrer les compétences dans des biens et services qui génèrent de la valeur afin de bénéficier des opportunités du marché et de neutraliser les menaces de l’environnement (Ulrich, Younger et Brockbank, 2008). Cette combinaison astucieuse, qu’il est convenable d’identifier, s’apparente à la capacité stratégique de l’entreprise (Barney, 1991 ; Johnson et al., 2011) qui évolue au cours du temps. Il s’agit du concept des capacités dynamiques (CD) qui explique l’aptitude de l’organisation à recomposer, transformer et reconfigurer cette combinaison pour s’adapter à un environnement évolutif (Teece, 2007 ; Mercuri et Raïs, 2010).

Cette revue de littérature nous conduits à formuler notre problématique comme suit : compte tenu de la spécificité de l’environnement libanais, l’objectif de cette recherche est de comprendre comment les dirigeants de PME parviennent, à travers leurs pratiques managériales, à renforcer la résilience de leurs entreprises, et ceci en mobilisant les ressources et les compétences et en reconfigurant les CD dans le contexte dans lequel ils oeuvrent. Cette problématique est déclinée en éléments d’exploration dans le tableau 1 qui constitue le cadre de référence de la recherche. Ce tableau, qui a servi de support au recueil et à l’analyse des données, regroupe quatre interrogations auxquelles l’investigation sur le terrain va nous permettre de répondre.

Tableau 1

Le cadre de référence de la recherche

Le cadre de référence de la recherche

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2. Protocole méthodologique

La conceptualisation de la problématique a abouti à un cadre de référence constitué de quatre éléments d’exploration issus de la littérature (Mucchielli, 2005). De ce cadre, les principales thématiques, dont chacune correspondait à un niveau de connaissance précise, ont été élaborées. Elles ont contribué à la construction du guide d’entretien (Annexe 1) avec des questions préalablement formulées qui ont orienté nos entrevues dans la collecte de données. Nous nous sommes basés sur des indicateurs[3] potentiels repérés dans la littérature pour l’élaboration et la formulation de ces questions (Lamoureux, 1995 ; De Peretti, Legrand et Boniface, 2013). Par la suite, la confrontation des données recueillies aux théories existantes nous a permis de comprendre et d’expliquer les pratiques managériales des dirigeants libanais qui se révèlent efficaces, et qui sous-tendent la capacité de résilience de leurs organisations.

Cette recherche s’inscrit dans une approche qualitative de type exploratoire basée sur la méthodologie phénoménologique interprétative qui se traduit par une focalisation de l’attention sur l’aspect dynamique du processus de recherche (Smith et Osborn, 2003). La stratégie d’étude de cas a été mobilisée dans la construction de l’objet de recherche. Cette stratégie, basée sur l’unicité de chaque firme ainsi que sur la symbiose PME libanaise-dirigeant, nous a permis d’explorer les pratiques spécifiques relatives aux dirigeants de PME.

L’échantillonnage des PME ciblées a été effectué d’une manière raisonnée et non statistique. Les PME ont été sélectionnées en fonction de la disparité de plusieurs caractéristiques prédéterminées : profils des dirigeants, effectifs, localisation, secteur d’activité, etc. Ainsi, notre population à l’étude est au nombre de quinze dirigeants qui ont pu jusqu’à la date de l’entretien, tenir face à l’environnement de crise qui secoue le pays depuis plus de cinq décennies. L’annexe 2 présente une description des dirigeants interviewés, de la localisation et de la taille des PME échantillonnées ainsi que des différents secteurs d’activité auxquels elles appartiennent. La méthode de collecte de données retenue est l’entretien semi-directif centré. Le traitement des données recueillies a été effectué comme le suggère Bardin (2013), en quatre étapes à l’aide de l’analyse de contenu avec utilisation du logiciel d’analyse qualitative Weft QDA[4].

Lors de la première étape qui est la préparation du matériel, les quinze entretiens enregistrés (E1, E2, … E15), ont été intégralement retranscrits avec numérotage des lignes et inscrits sur une liste intégrale des entretiens à analyser.

La deuxième étape, celle de la préanalyse, a comporté deux opérations. La première opération a consisté en une lecture attentive du matériel à analyser. Dans la deuxième opération, l’unité d’analyse retenue comme règle de découpage fut le « thème ». Une analyse thématique a été donc effectuée, pour repérer des unités de sens standardisées, dont la présence et la fréquence d’apparition sont significatives.

La troisième étape, celle du codage du matériel a été l’opération contrôlée de l’analyse. Le processus de travail adopté à cette fin fut la méthode traditionnelle du découpage manuel pour les six premiers entretiens, suivi de l’utilisation du logiciel sur lequel le travail a été transféré et complété. L’exploitation du matériel a été effectuée en deux étapes, à savoir le codage et la catégorisation[5]. Lors du codage, les données brutes du discours ont été décomposées en fonction de l’idée, en unités de signification à coder (Bardin, 2013). Cette opération a permis d’aboutir à une réorganisation du contenu du discours et sa transformation en un nombre assez important de codes (189). Par la suite, tous les verbatim codés, dont le sens se ressemble ont été regroupés et classés sous un titre générique, ce qui a réduit le nombre de codes (72), car les uns ont été supprimés ou intégrés dans d’autres. Après avoir décomposé le matériel traité, nous avons procédé à la définition des premières catégories suivant la démarche de catégorisation de Miles et Huberman (2003). À cette étape nous avons usé d’une grande prudence afin de garder l’analyse tout près du texte, en s’abstenant de toute interprétation. À cet effet, nous nous sommes basés, sur un regroupement analogique et progressif des unités de sens codées à caractère sémantique commun, sous des catégories plus larges (Mayer et Deslauriers, 2000). Une fois la grille préliminaire d’analyse élaborée, le travail a été transféré sur le Weft QDA qui nous a permis de comptabiliser les occurrences. Cette opération a contribué à élaborer la grille d’analyse finale (Annexe 4) principalement ancrée dans le cadre de référence, et ceci en éliminant et/ou en regroupant certaines catégories qui ont enregistré une occurrence nulle ou à la limite égale à l’unité.

L’interprétation des résultats qui fut la quatrième étape de ce travail a consisté à reproduire le plus fidèlement possible les résultats obtenus suite à l’application de la grille d’analyse qui nous a guidés dans nos analyses et discussions et nous a permis de juger si les données collectées répondent aux points relevés dans le cadre de référence.

Les données recueillies lors des entretiens avec les répondants ont permis de ressortir des caractéristiques communes à tous les dirigeants et ont mis en relief deux ensembles de dirigeants qui se différenciaient par des traits spécifiques : le premier ensemble comprend sept dirigeants ayant une conduite plutôt prudente et le second compte six dirigeants, dont la conduite est plutôt réactive. Deux des quinze dirigeants interviewés oscillaient toutefois entre les deux ensembles. Ces données collectées ont été classées dans la grille d’analyse sous quatre composantes[6]. Chaque composante présentée et analysée (Partie 3), a regroupé un nombre de thèmes qui ont été subdivisés en sous-thèmes et par la suite en catégories.

3. Présentation et analyse des résultats

Le but de cette partie est de discerner les divergences ou les convergences des données récoltées sur le terrain avec les écrits scientifiques afin d’associer, pour chacune des quatre composantes, les apports théoriques et le terrain. Ainsi, les catégories qui représentent chaque composante issue de la grille d’analyse ont été illustrées par des verbatim tirés des discours des interviewés et accompagnées d’un comptage sur la répartition de ces interviewés dans les deux ensembles de conduite repérés (n = …). Dans le but de transformer les résultats en langage de la discipline, ce processus a été, pour chaque thème, complété par une analyse et une interprétation nourries de retours à la littérature. Par exemple, en analysant le premier thème de la première composante, les conduites prudente et réactive des dirigeants (issues du terrain) ont correspondu successivement, aux profils de dirigeants paternaliste et averti (issus de la littérature).

3.1. La première composante : la prise de décision dans un contexte turbulent

Le dirigeant libanais qui dans ses décisions, privilégie les stratégies de survie, beaucoup plus que celles du développement et de la croissance, est soucieux de concilier la qualité de décisions avec la quantité de décisions rapides. Les décisions prises par ce dirigeant sont détaillées plus loin.

3.1.1. Agir conditionné par la personnalité du dirigeant

Les dirigeants qui, lors de l’étape du codage, avaient une conduite « prudente », assurent la survie de la PME à travers des pratiques plutôt statiques, fondées sur l’attentisme et la temporisation de l’agir. Ceux qui manifestaient une conduite « réactive » recherchent la survie à travers des pratiques dynamiques et orientées vers l’innovation. Le tableau 2 en témoigne.

Tableau 2

L’influence de la personnalité du dirigeant

L’influence de la personnalité du dirigeant

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Cette subdivision enrichit la littérature en montrant que le dirigeant à conduite « prudente » qui évite le changement correspond au profil du « dirigeant paternaliste », le « P ». Ce dirigeant qui est plutôt un dirigeant-propriétaire est conservateur et prudent (Raveleau, 2007 ; Bryan et Farrell, 2009). Par contre le dirigeant à conduite « réactive », qui est plutôt un dirigeant-salarié, correspond au profil du « dirigeant averti », le « A », qui se concentre sur la recherche de nouvelles alternatives afin de soutenir son entreprise (Dugré, 2011 ; Beyer, 2010).

3.1.2. Usage d’une relation personnalisée avec les employés

Les relations familières entre le dirigeant libanais et ses employés facilitent le recueil des informations et le contrôle. À cela s’ajoute une proximité physique, tissée à travers les sens et alimentée par la culture libanaise, avec les acteurs à l’interne et à l’externe. Ce rapprochement est à la base de l’optimisation du rendement des employés, comme le montrent les verbatim du tableau 3.

Tableau 3

La relation du dirigeant avec les employés

La relation du dirigeant avec les employés

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Les relations de proximité affective qui s’inscrivent dans le prolongement des travaux de Torrès (2002), instaurent une dynamique de résolution de problèmes et renforcent l’emprise du dirigeant sur l’entreprise. Quant au lien physique, il rejoint le management polysensoriel de Torrès (2007) qui substitue les capacités sensorielles du dirigeant aux outils classiques de gestion.

3.1.3. Recours aux compétences personnelles du dirigeant

L’intuition, la polyvalence, l’innovation et le flair sont, pour le dirigeant libanais, autant de compétences indispensables pour décider. Bien qu’à ce niveau la subdivision des répondants en deux ensembles est claire, toutefois, la polyvalence et l’intuition les rapprochent tous. Le contexte qui encercle le gérant libanais, a marqué sa personnalité et a contribué à le rendre fort par les épreuves et capable aisément de se tirer d’affaire. L’intégration de l’intuition dans la prise de décision lui accorde une habileté basée sur son expérience et sur sa faculté de jugement. De plus, le dirigeant à conduite « réactive » fait preuve de créativité et d’une faculté à surveiller le déroulement des faits. Le dirigeant à conduite « prudente » fait montre d’une capacité de mobilisation judicieuse et au bon moment des ressources. Ce dernier s’appuie sur son « flair » qui provient du savoir-faire des dirigeants-ancêtres. Les verbatim du tableau 4 en témoignent :

Tableau 4

Les compétences personnelles du dirigeant

Les compétences personnelles du dirigeant

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Diriger une PME libanaise, c’est être apte à changer de « casquette ». Ce constat corrobore avec celui rapporté dans la littérature et qui considère que la polyvalence du dirigeant est une compétence indispensable à la survie de la PME (Durand, 2006). La décision par intuition, favorisée chez le dirigeant libanais, s’inscrit dans le prolongement des travaux de Sogbossi (2012). L’auteur souligne que dans un environnement turbulent, le foisonnement de plusieurs variables limite la portée de la pensée rationnelle en faveur de la prise de décision intuitive. Les décisions proactives basées sur la rapidité d’agir au bon moment et avec le minimum de ressources, rejoignent les propos de Brouard (2007) et mettent en évidence chez le « A », une vision entrepreneuriale. En regard de la littérature, le mode de gestion classique du « P » concorde avec une orientation traditionnelle. Il s’agit d’un dirigeant centré sur les valeurs du métier et le savoir-faire des ancêtres, plutôt que sur la maximisation du profit (Meier et Pacitto, 2007 ; Jaouen, 2010).

3.2. La deuxième composante : les pratiques managériales vis-à-vis des partenaires

Au moment où l’environnement le met à rude épreuve, le dirigeant libanais ne se lasse pas de mobiliser des actions à travers le réseau qui l’entoure : employés, clients et partenaires du métier.

3.2.1. Exploitation optimale du rendement des employés

Le dirigeant libanais opte pour la polyvalence des employés qui, selon lui, limite le recrutement, diminue le taux de roulement et motive les éléments présents. De plus, l’émigration des talents le pousse à renforcer les efforts de fidélisation à la seule différence que ces efforts sont pour le « A » orientés vers des employés qualifiés, alors que pour le « P », ils sont orientés vers des employés plutôt dévoués. Le tableau 5 visualise un extrait des verbatim relatifs à ce sujet.

Tableau 5

L’évaluation du rendement des employés

L’évaluation du rendement des employés

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La littérature rejoint ces résultats et considère que la polyvalence des employés de PME est une compétence de base, qui permet à l’élément humain de faire face aux mutations. Les efforts de fidélisation déployés par les dirigeants se manifestent à travers deux orientations (Peretti et Swalhi, 2007) : une relationnelle, saillante chez le « P » et une autre d’efficacité, qui caractérise le « A ».

3.2.2. Joindre la satisfaction des clients

Les relations du dirigeant avec ses clients sont durables et profondes. Le dirigeant n’hésite pas à leur faire des concessions et à se soumettre à leurs conditions même s’il les considère illogiques. Le « A » déploie ses efforts pour améliorer la qualité de l’offre afin de fidéliser de nouveaux clients. Cependant, le « P » consolide le recentrage autour de ses clients traditionnels. Le tableau 6 présente un extrait des verbatim relatifs à ce sujet.

Tableau 6

La dynamique de la relation du dirigeant avec les clients

La dynamique de la relation du dirigeant avec les clients

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La littérature met en évidence que le « A » qui est plutôt un dirigeant-salarié, recherche la croissance de la PME qu’il gère, alors que le « P » qui est un dirigeant-propriétaire, se préoccupe surtout de sa survie au quotidien (Kotler et al., 2014). Les concessions, parfois aberrantes, évoquées par les dirigeants, laissent entrevoir une relation spécifique entre le dirigeant libanais et sa clientèle.

3.2.3. Travail en réseau

Des rapports amicaux et professionnels mobilisés à la fois entre les PME du même métier, permettent le partage des expériences et des défis comme le montrent les verbatim du tableau 7.

Tableau 7

Le réseau du dirigeant

Le réseau du dirigeant

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Les relations avec les pairs, quand elles sont amicales, font montre chez les dirigeants, de relations créatrices de valeur par les synergies dégagées (Puthod et Thévenard-Puthod, 2006). En rejoignant les travaux de Martin (2008), elles approchent le réseau relationnel, réduisent l’asymétrie dans la dépendance envers les ressources et contribuent à augmenter la résilience de l’organisation.

3.3. La troisième composante : les ressources indispensables à la survie de la PME

Les ressources indispensables pour se maintenir en période de turbulences diffèrent selon les propos des deux ensembles de dirigeants repérés. Le « P » s’accorde à prévaloir les ressources humaines, alors que le « A » privilégie les ressources financières.

3.3.1. Activation des ressources humaines

Le dirigeant « averti » recherche des employés qualifiés techniquement, ouverts et capables de faire preuve d’initiative. Par contre, le dirigeant « paternaliste » valorise un personnel intègre et fidèle. Le tableau 8 montre un extrait des verbatim relatifs à ce sujet.

Tableau 8

Le choix des ressources humaines

Le choix des ressources humaines

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Le « A » cible des profils créatifs qui bénéficient d’un potentiel de savoir-faire. Le « P » accorde une attention particulière aux aptitudes interpersonnelles (savoir-être) et recherche des employés qui se distinguent par une habileté de communication (St-Pierre, Audet et Mathieu, 2003).

3.3.2. Activation des ressources financières

Le dirigeant libanais exprime sa méfiance des banques et essaie de se protéger par la disponibilité de liquidité. Par contre, quand celles-ci s’imposent comme un moyen inéluctable de financement, il entame des négociations « à froid » avec elles, comme le montrent les verbatim du tableau 9.

Tableau 9

La gestion des ressources financières

La gestion des ressources financières

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Les négociations « à froid » entamées avec les institutions financières sont des pratiques courantes et spécifiques chez les dirigeants libanais. Ce résultat apporte un éclairage aux travaux menés sur les manoeuvres managériales des dirigeants de PME dans un environnement turbulent.

3.3.3. Activation de pratiques indispensables à la survie de la PME

La majorité des dirigeants s’accorde sur le rapprochement entre entreprise internationale et PME locale, ce qui confère à cette dernière un dynamisme qui renforce sa crédibilité. De plus, le « A » n’hésite pas à explorer des marchés étrangers, alors que le « P » préfère se diriger vers un autre domaine d’activité, sans toutefois lâcher son domaine de base. Le tableau 10 en témoigne :

Tableau 10

Les pratiques nécessaires à la survie de la PME

Les pratiques nécessaires à la survie de la PME

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Ce rapprochement, qualifié d’alliance asymétrique, jusqu’à présent peu étudié (Mercuri et Raïs, 2010), est d’un apport considérable pour la PME en termes de conseil et de marge de manoeuvre. L’exploration de marchés étrangers par le « A », est la résultante d’une opportunité qui se présente, surtout quand le marché local est saturé. En se lançant dans un nouveau métier, le « P » entame une diversification stratégique afin de réduire les risques environnementaux.

3.4. La quatrième composante : les compétences face à la complexité du contexte

Les compétences que les dirigeants libanais développent face à la complexité de l’environnement sont en partie similaires et en partie différentes.

3.4.1. La réputation de la PME

La réputation de la PME est d’une importance stratégique majeure, car c’est principalement sur elle, que repose la survie de l’entreprise. Les verbatim relatifs sont cités dans le tableau 11.

Tableau 11

L’image de la PME

L’image de la PME

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La crédibilité de la PME qui lui permet de gagner la confiance des clients conforte les propos de Barney (1991) qui visent à expliquer que la réputation de la PME lui permet de bénéficier des opportunités du marché et/ou de neutraliser les menaces de l’environnement.

3.4.2. Dirigeant apte à mobiliser ses ressources humaines

Le dirigeant libanais demeure la pierre angulaire du renforcement de la créativité de ses employés ce qui permet de créer une synergie au sein de la PME. Ainsi, le « P » motive ses employés en valorisant chez eux le sentiment d’appartenance alors que le « A » les motive en encourageant leur créativité. Les verbatim du tableau 12 en témoignent :

Tableau 12

La motivation des ressources humaines

La motivation des ressources humaines

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La centralité du dirigeant provient de son leadership (Antonakis, Canciolo et Sternberg, 2004). Elle s’identifie à travers deux orientations : la première humaine, repérée chez le « P » et favorisant les émotions, et la deuxième productive décelée chez le « A » et favorisant la technicité.

3.4.3. Projection dans l’avenir

Les dirigeants s’accordent sur une flexibilité permanente de leur processus de production. Le désir d’assurer la pérennité de leurs affaires reste leur principal motif de réussite. De plus, le « P », en se souciant du quotidien, cherche à optimiser ses coûts. Par contre, le « A », qui aspire pour une qualification de « spécialiste », préfère travailler sur de grands projets. Le tableau 13 en témoigne.

Tableau 13

La vision du dirigeant

La vision du dirigeant

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La dynamique de résolution de problèmes créée par le décalage en termes de ressources entre le présent et le futur est plus faible chez le « P » que chez le « A ». Ce dernier, en aspirant de se voir qualifier de « spécialiste », met en place des stratégies plutôt durables. La flexibilité du système de production rejoint la notion de spécialisation flexible (Saives, Desmarteau et Kerzazi, 2011) qui, de par son adaptation à la PME, constitue un apport intéressant. En effet, en se dotant d’équipements et d’un personnel polyvalents, la PME devient un terreau fertile pour l’innovation et la réactivité.

Discussion managériale et conclusion

Au niveau théorique, cet article a recueilli les constructions des dirigeants de PME relatives à un contexte turbulent, en mobilisant d’une façon globale les approches du management par les ressources et compétences et en les abordant dans une perspective dynamique. Cette mobilisation fournit une configuration intéressante de capacité stratégique basée sur de nouveaux agencements de ressources aisément applicables (Eisenhardt et Martin, 2000). Ceci n’est pas évident en raison du manque de travaux sur ces approches qui traitent une problématique managériale spécifique à la PME dans un environnement fortement évolutif.

L’analyse des résultats tend à montrer que les PME libanaises sont des PME « agiles ». Soumises à l’exigence accrue de réactivité, elles sont capables de réagir aux menaces, de survivre et de croître dans un contexte marqué par des évolutions rapides (Sull, 2010 ; Barzi, 2011). Le dirigeant libanais est un dirigeant-leader qui adopte des stratégies de dépassement de la turbulence basées sur le renforcement du lien social entre lui et les employés (Antonakis, Canciolo et Sternberg, 2004).

De plus, et suite à un examen des études antérieures, ces résultats mènent vers deux constats différents. Le premier, qui se situe dans le prolongement de la littérature, montre que les « pratiques types » n’existent pas (Lalonde, 2004). Il met en évidence deux profils de dirigeants qui assurent la survie de leurs entreprises à travers deux ensembles différents d’actions : les dirigeants « paternalistes » et les dirigeants « avertis ». Les premiers, qui dans leur majorité sont des dirigeants-propriétaires, fuient le risque et voient leurs pratiques se manifester par des mesures traditionnelles. Les seconds qui dans leur majorité sont des dirigeants-salariés, défient la turbulence et voient leurs actions se baser sur l’innovation et la recherche de nouvelles alternatives. De ce point de vue, le statut du dirigeant (fondateur de la société, propriétaire, copropriétaire ou salarié), sa personnalité, ses compétences, sa disposition à prendre du risque, son éducation, son attitude, son endurance, sa capacité à supporter le stress, etc. ont un effet sur ses pratiques, et plus spécifiquement sur l’intensité de l’innovation et la propension à la croissance de la PME qu’il gère. L’apport à ce niveau réside dans les agencements de pratiques ressortis pour chaque ensemble de dirigeants. Ces deux agencements, récapitulés dans le tableau 14, permettent d’apporter de nouvelles pistes de recherche sur les pratiques de gestion des dirigeants de PME dans un contexte turbulent.

Tableau 14

Canevas des pratiques spécifiques à chaque type de dirigeants dans un contexte turbulent

Canevas des pratiques spécifiques à chaque type de dirigeants dans un contexte turbulent

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Le second constat qui constitue un apport à cette étude vient enrichir la littérature à ce sujet. Il met en lumière un ensemble de pratiques de gestion vis-à-vis desquelles tous les dirigeants se sont accordés, indépendamment de leurs profils, du type de l’entreprise, de sa taille et du secteur d’activité auquel elle appartient. Cet apport débouche sur des implications managériales qui visent à aider les dirigeants soucieux d’assurer la résilience de leurs organisations. Ces implications montrent que la réputation de la PME est une ressource essentielle à l’origine de sa survie. Elles incitent les dirigeants à adopter un management de proximité affective. Ce management optimise le rendement des acteurs à l’interne en valorisant leurs capacités sensorielles. De plus, ces gérants, qui se doivent d’être polyvalents, ont intérêt à utiliser souvent leur intuition dans leur prise de décision, ce qui leur permet de réaménager en permanence leurs agencements stratégiques. Cette polyvalence, également requise pour l’employé, le rend capable de réagir adéquatement à tout changement. Ce travail encourage les dirigeants de PME à intégrer la spécialisation flexible dans leur système de production. Il s’agit d’une forme organisationnelle qui permet au processus de production de s’adapter rapidement à tout nouveau changement. Il les pousse à se lancer dans des alliances, même asymétriques, avec des entreprises internationales pour renforcer la résilience de leurs entreprises. Il les incite aussi à s’intégrer dans un réseau piloté par une entreprise leader (entreprises satellites) ce qui procure des avantages compétitifs à l’ensemble des entreprises. Afin de s’opposer à l’impact du fardeau financier qui pèse lourd sur eux dans un contexte instable, cette étude encourage les gérants de PME à anticiper leurs besoins en fonds par des négociations entamées à l’avance avec les institutions financières. Elle les pousse de même, à se centrer sur les besoins du client partant du principe que le client a toujours raison. Cette action considérée par Levratto (2009) comme étant une pratique spécifique de gestion de PME s’avère routinière au sein de la PME libanaise. Finalement, cette recherche nous a permis de constater que la disponibilité en argent liquide contribue à diminuer la vulnérabilité des PME, surtout qu’un contexte défavorable ne donne jamais un préavis. Les principaux éléments managériaux requis face à la turbulence de l’environnement sont récapitulés dans le tableau 15.

Tableau 15

Les principaux éléments managériaux requis face à la turbulence de l’environnement

Les principaux éléments managériaux requis face à la turbulence de l’environnement

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En conclusion et en récapitulant ces déterminants, la recherche a permis d’élaborer dans la figure 1, un « modèle de réaction » qui pourrait éclairer les dirigeants de PME oeuvrant dans un contexte turbulent, sur les performances managériales requises. Ce modèle qui, selon Helfat et al. (2009), est judicieux d’identifier, semble être un apport intéressant. Ainsi, la PME dans un contexte turbulent est un système structurel représenté par un triangle simple. Le dirigeant, maître du système, se localise au centre. Ce système, à cause des caractéristiques du terrain (la turbulence), a besoin d’assises profondes qui seront le gage de sa solidité. Ces fondations, réunissent sous l’égide de trois ensembles (Ressources, Compétences fondamentales et Capacités dynamiques), une multitude de pratiques basées sur des interactions humaines et qui permettent de comprendre comment la PME, à travers un modelage de ses ressources et de ses compétences, développe un processus qui renforce sa résilience. Finalement, tout système structurel est soumis à un processus d’érosion nécessitant un entretien permanent. Le management sensoriel, le management baladeur et celui de proximité assurent la résilience à ce système.

Figure 1

Modèle de réaction des dirigeants de PME face à un contexte turbulent

Modèle de réaction des dirigeants de PME face à un contexte turbulent

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Cette configuration de ressources, en particulier intangibles, réunit le dirigeant, la PME et le contexte. Elle offre selon Baum, Locke et Smith (2001), un modèle d’action nécessaire, facilement mobilisable et capable de mieux appréhender la situation. Toutefois, ce cadre, bien qu’il repose sur des interactions synergiques, ne prend pas en compte tous les facteurs et les variables qui façonnent la relation entre le dirigeant de la PME et son environnement et qui peuvent éventuellement être plus complexes (Pettersen, St-Pierre et Brutus, 2011). De surcroît, ce modèle issu d’une recherche exploratoire ne s’inscrit pas dans une logique de généralisation statistique. Néanmoins, il permet d’identifier un ensemble d’éléments fiables qui méritent d’être testés dans des recherches ultérieures et sur des échantillons de dirigeants de PME de plus grande taille. Au-delà de ces résultats, nous pouvons soutenir que l’analyse de la spécificité libanaise a permis clairement de mettre en évidence les caractéristiques clés des pratiques managériales du dirigeant de PME en contexte turbulent ; mais la plupart des contextes ne le sont-ils pas devenus ?