Article body

01. Introduction

Les organisations ne devraient pas oublier que chacune d’entre elles, ne sont pas composées de personnel, ni de ressources humaines, mais véritablement de personnes complexes qui interagissent dans un environnement complexe. On pourrait se dire, tout ceci n’est que sémantique. En fait, il s’agit de bien plus que cela. Il s’agit vraiment d’un changement de paradigme. Un paradigme à la fois humaniste et réaliste quant à la complexité des humains qui nous entourent. En effet, le vocable « gestion des ressources humaines » peut être ressenti comme une objectivation de la personne où l’humain peut être relégué à un objet. De plus, la GRH est souvent comprise de manière instrumentale.

L'utilisation du mot " personne " permet de prendre en compte la richesse de sens que recèle ce mot (Mele, 2012; Albert & Perouma, 2017, Albert et al., 2022). Ce mot vient du grec πρόσωπον, prósôpon. À l'origine, prósôpon (Housset, 2007) signifiait l’avant d’un objet (comme la proue d’un navire), la face ou le visage. Puis le sens s'est étendu pour englober le masque porté par un acteur, puis est devenu synonyme de la personne sociale. Ainsi, prósôpon signifie un visage, une chose, un individu en chair et en os, ou un individu concret qui joue un rôle (Housset, 2007). C'est ce que les autres voient du moi et de son identité. Le latin avec persona est passé du masque au personnage et du personnage au porteur d'une parole (Housset, 2007). Cet être à la fois ancré dans l’intériorité, et dans son image aux autres - fait de cette personne un être unique. Ainsi, une personne est à la fois unique et multiforme, différente des autres et partageant des caractéristiques avec les autres.

Une personne n'est pas un objet que l'on peut diviser et regarder (Mounier, 1949). Une personne est donc un être unique qui ne peut être réduit à une catégorie et compris uniquement de manière individualiste. Par conséquent, une personne ne peut être comprise en observant une seule facette, et même s'il peut sembler difficile de les saisir toutes, les chercheurs et les spécialistes devraient garder en tête la composition multidimensionnelle d'une personne. Le personnalisme s’appuie sur cette notion de personne, tout en la développant. Même si le personnalisme est un courant hétérogène, les personnalistes s'accordent sur l'unicité et la dignité d'une personne (Mele, 2009; Murcio & Scalzo, 2021), la croyance dans un ordre légal et moral commun à tous les êtres humains et toutes les cultures, et l’importance des relations interpersonnelles (Vervliet, 2020). Ainsi, une personne est à la fois un être autonome, qui ne peut être vu comme une abstraction, ou comme juste un élément d’un collectif (comme un employé par exemple), tout en étant relié aux autres et pas seulement par des contrats sociaux (Melé, 2009; Albert et al. 2022, Albert & Lazzari Dodeler, 2022). Même si le personnalisme est souvent associé au christianisme, Vervliet (2020) montre qu’il partage des préoccupations communes avec la philosophie africaine de l’Ubuntu et au personnalisme musulman. Selon Koulayan (2008, p. 12), « L’Ubuntu (terme zoulou et xhosa composé du préfixe abstrait ubu et de la racine lexicale ntu, personne humaine) synthétise l’aphorisme traditionnel « Umuntu ngumuntu ngabantu » que l’on peut traduire ainsi : une personne est une personne à travers les autres personnes ». La complémentarité de umuntu (personne) et aluntu (communauté) est démontrée par la racine commune des mots (Vervliet, 2020). Frimousse (2021) fait des liens entre ce concept et l’açaba présent au Maghreb. Tandis que Lahbabi (1964) développe un personnalisme musulman : le Shakçânyya. La personne (shakhç) a à la fois une part physique, extérieure et une autre intérieure. Cette personne est autonome et interdépendante. Il s’agit d’un moi communautaire. Ainsi, selon Vervliet (2020), l’Ubuntu africain, le personnalisme européen et le Shakçânyya musulman, même s’ils sont issus de civilisations différentes, partagent la dignité de la personne humaine et la complémentarité entre cette personne et la communauté. Cette notion de personne que nous voulons mettre de l’avant au sein des organisations n’est pas liée à une culture donnée. Mais peut donc se retrouver, quel que soit le contexte culturel.

Ainsi l’objectif de cet article est de montrer en quoi d’un point de vue opérationnel, il serait différent (de ce qui est réalisé dans la plupart des organisations) d’appréhender les humains en tant que personnes, via le paradigme de la complexité.

Dans un premier temps, nous expliquerons pourquoi il faudrait nous focaliser non plus sur des ressources ou du capital humain, mais bien sur des personnes. Par la suite, nous ajouterons des éléments du paradigme de la complexité qui sont à la fois cohérents et enrichissants par rapport à la notion de personne. Enfin, nous verrons, quelques exemples d’effets de ces concepts dans la vie quotidienne des organisations, et des changements en lien avec les cadres théoriques.

02. Les personnes dans les organisations

La GRH permet de gérer les employés, et en ce sens, les gestionnaires et les employés sont considérés comme des catégories. Cette conception de la ressource néglige les différentes facettes de l'être humain (Fortier & Albert, 2015). Tandis que le capital humain, « constitué de compétences, savoirs, qualifications ou d'autres capacités qu'un individu possède à des fins productives est indispensable pour la survie d’une organisation » (Mignenan, 2021, p. 112). Ainsi, concevoir les humains au travail ne les réduit pas à une (ou quelques) composante de leur identité, ni juste à un élément d’un collectif, mais ensemble elles peuvent créer ce collectif; les concevoir en tant que personnes, signifie d’assumer la volonté de ne pas être dans la réduction, même si cela est plus complexe à appréhender. Ces personnes sont toutes semblables, dissemblables, uniques et composées de très nombreuses facettes. De ce fait, une " communauté de personnes " met l'accent à la fois sur les individus et sur le tout (Melé, 2012). En effet, l'individualisme est une belle idée, car il produit des incitations (basées sur les reconnaissances individuelles, qu’elles soient monétaires ou non), promeut le leadership et favorise le développement (Mintzberg, 2009). Cependant, les personnes sont aussi des animaux sociaux et ont besoin d'un ciment social pour les unir dans leur propre intérêt (Mintzberg, 2009). Une communauté implique de prendre soin de son travail, de ses collègues et de sa place dans le monde, les personnes partagent des objectifs et des biens communs appartenant à la communauté tout en conservant leur sens de l'individualité (Mintzberg, 2009, Melé, 2012).

Ainsi, les organisations peuvent être considérées comme un continuum entre une association d'individus et une communauté de personnes, même si ces deux notions pourraient être utilisées de manière interchangeable dans le langage courant (Naughton, 2015). Si l'on considère l'organisation comme une association d'individus, on la considère comme un agrégat d'individus qui sont surtout motivés par leurs propres objectifs et calculs, et liés par des contrats. Ce point de vue n'utilise que des conceptions humaines utilitaristes et juridiques. C’est ce que l’on pourrait voir avec une gestion des ressources humaines, où l’on cherche à optimiser la force de travail, même si l’on peut mettre en place des politiques de reconnaissance, et autres instruments apparemment humains, mais qui n’ont que pour objectif l’amélioration de la performance ou l’accroissement du capital humain.

Avec une communauté de personnes, on passe d'un « moi » à un « nous » (Naughton, 2015). Les organisations en tant que communautés s'efforcent de stimuler le bien de chaque personne qui en est membre (Tablan, 2014). Fournir un environnement de travail sûr, exempt de harcèlement, d'intimidation et de discrimination est nécessaire, mais pas suffisant pour une véritable communauté. Les travailleurs et les gestionnaires devraient plutôt essayer, dans le cadre de leurs efforts communs, de construire des relations humaines authentiques qui transcendent les limites de leur contrat employé employeur. Une communauté de personnes est une communauté collaborative dans laquelle les personnes se respectent et sont ouvertes d'esprit les unes envers les autres, et implique de reconnaître l'organisation comme une entité réelle composée de personnes libres et autonomes. Ces dernières forment un tout, fondé sur des objectifs communs, des interconnexions, des interdépendances, des loyautés et même des engagements moraux (Melé & Gonzalez Canton, 2014). Une même personne peut appartenir à plusieurs communautés au sein de la même organisation et à des communautés avec des parties prenantes, d’autres alliant sphère privée et professionnelle (par exemple via des activités physiques). Dans les organisations, considérer les personnes qui travaillent non pas comme des individus liés par des contrats (Naughton, 2015), mais comme des personnes susceptibles d'établir des communautés, ne sont pas que des mots. Cela signifie que nous reconnaissons chacune des personnes comme un être humain. Nous devons prendre le temps de connaître chacune des personnes et d'avoir des interactions sincères. Ces relations ne signifient pas que les personnes doivent être amies les unes avec les autres. Il s'agit de développer une culture d'ouverture à l'autre. Ainsi, les personnes se sentent reconnues et peuvent communiquer facilement avec les autres. Habituellement, les gestionnaires veulent que leurs employés soient mobilisés, qu'ils forment une équipe, mais il arrive que ces gestionnaires ne veuillent pas être dans cette ouverture à l’autre et le partage (nécessaire à la création de communautés) avec les employés de leurs équipes. Sans le développement de communs, de communautés, et de reconnaissance des personnes, ils ne pourront réellement mobiliser leurs équipes (Albert & Pérouma, 2017).

La gestion des personnes implique également une relation dans laquelle une personne gère une autre personne. Elle va au-delà de la relation traditionnelle gestionnaire employée en mettant en relation deux personnes qui sont uniques et qui partagent un certain nombre d'objectifs. Ces personnes occupent toutes deux des fonctions différentes, interagissent entre elles et avec les autres, mais elles ne cessent jamais d'être des personnes (Fortier & Albert, 2015). Elles partagent la même communauté, ce qui signifie qu'elles ne sont pas seulement impliquées dans des relations mutuelles, mais qu'elles forment un tout, un "nous" (Melé, 2003). Ce "nous" n'implique pas automatiquement que ces personnes soient d'accord entre elles ni qu’elles envisagent naturellement d'atteindre les mêmes objectifs, mais plutôt qu’elles partagent un certain nombre d'éléments communs. Ces communautés sont plurielles au sein des organisations. Dans chaque organisation, il peut y avoir plusieurs communautés, et ces communautés ne sont pas limitées aux frontières organisationnelles, de nombreuses parties prenantes externes peuvent en faire partie (Albert et Lazzari Dodeler, 2022).

Ainsi, nous pourrions résumer les principes de la notion de « personne » que nous allons mobiliser dans cet article : la dignité de la personne et le respect des autres, les identités multiples des personnes, les aspects extérieurs et intérieurs de la personne, l’importance de la communauté et donc l’autonomie et l’interdépendance de la personne. Cette notion de « personne » illustrée par nos propos met en évidence le fait qu’une personne est un être complexe qui interagit avec d'autres êtres complexes, dans un environnement complexe. Par conséquent, pour comprendre la gestion des personnes, la pensée complexe (Morin, 1986, 1990, 1999, 2001, 2005, 2014, 2015, 2017, 2018, 2021), nous apparaît susceptible d’apporter des éléments pouvant éclairer la gestion des personnes.

03. Gérer des personnes dans la complexité

3.1 Complexité restreinte – complexité généralisée

Étymologiquement, le mot complexité vient du français « complexité », qui vient du latin complexus qui signifie « entrelacé » (Edmonds & Gershenson, 2013). On parle de plus en plus de complexité, en gestion. Morin (2005) propose une différence entre deux types de complexité. Ce qu'il appelle "complexité restreinte" et "complexité généralisée". La complexité restreinte est limitée parce qu'elle se limite aux systèmes qui sont empiriquement complexes, provenant d'une variété de processus avec des relations multiples, interdépendantes et rétroactivement liées. Dans cette perspective, par exemple, Pérez-Valls et al. (2019) définissent la complexité comme le degré de différenciation existant dans un système. Hall et al. (1967) insistent sur l'importance du concept de complexité dans les analyses organisationnelles. Ils définissent la complexité comme le degré de segmentation interne - le nombre de "parties" distinctes de l'organisation, tel que reflété par la division du travail, le nombre de niveaux hiérarchiques et la dispersion spatiale de l'organisation. Ils ont proposé des indicateurs pour étudier cette complexité organisationnelle. Ils ont divisé ces onze indicateurs en quatre thèmes : division du travail général, division du travail spécifique, différenciation hiérarchique, dispersion spatiale. Hage et al. (1971) utilisent deux mesures de la complexité organisationnelle : le nombre de spécialités professionnelles et le degré d'activité professionnelle. Alors que la complexité verticale fait référence au nombre de niveaux dans une hiérarchie organisationnelle (Schminke, 2002).

La complexité généralisée concerne nos connaissances en tant qu'êtres humains, individus, personnes et citoyens (Morin, 2005). Ce paradigme généralisé de la complexité est basé sur différents principes (Morin, 1999) que nous allons présenter dans la section suivante.

3.2 Survol des principes du paradigme de la complexité (généralisée)

Ce paradigme de la complexité (généralisée) repose sur différents principes (Morin, 1999). Par la suite, le mot « généralisée » va être supprimé, le paradigme de la complexité faisant référence implicitement à la complexité généralisée.

3.2.1 La reliance et transdisciplinarité

La pensée complexe (complexité généralisée) est celle qui permet d’intégrer la reliance (quels que soient les éléments qu’elle relie (Morin, 2014). Cette pensée à la fois relie tout en reconnaissant le singulier, l’abstrait et le concret. Cette reliance va à l’encontre de la disjonction et la réduction (Morin, 2015) qui « règne en maître dans notre civilisation » (Morin, 2021, p. 87) et que l’on retrouve traditionnellement que ce soit en sciences ou dans la pratique de la GRH. En effet, pour comprendre les réalités, l’humain doit isoler les parties du tout, mais nous devons également reconnaître les relations entre les parties et entre les parties et le tout (Morin, 1986). Or cette reliance (concept morinien, à distinguer du terme anglo-saxon) est fréquemment évitée. Par exemple, d’un point de vue scientifique, la seule connaissance conçue comme « valable » est celle de sa discipline (Morin & Lafay, 2020). « L’hyperspécialisation des savoirs disciplinaires a mis en miettes le savoir scientifique » (Morin, 1990, p. 110) et « disloque la notion d’homme » (Morin, 1990, p. 118).

3.2.2 Le principe systémique ou organisationnel

Ce principe permet d’unir la connaissance des parties et celle du tout. La connaissance des personnes et des organisations. Selon ce principe, le tout est à la fois plus et moins que la somme des parties. Les organisations sont à plus et moins que la somme des personnes qui les composent. Plus, car en se regroupant les personnes peuvent être plus créatives, accomplir plus de choses en étant complémentaires… Mais également leurs diversités peuvent nuire au commun, en allant dans des sens différents, en étant à la source de conflits…

3.2.3 Le principe hologrammatique

Il met en lumière qu’à la fois la partie est dans le tout, mais qu’également le tout est dans la partie. Une personne ne peut être réduite à une vision holistique, c’est-à-dire indivisible. Elle est le tout et les parties. La personne est dans l’organisation, tout comme l’organisation est dans la personne (via son langage, ses cultures, ses normes…). Le fait que la personne soit une partie de l’organisation est évident, l’inverse est parfois oublié. Chaque personne porte en elle, les différentes normes sociales de l’organisation. De plus, ce principe se retrouve quand un leader souhaite qu’une vision soit partagée à l’ensemble de l’équipe. Cela commence par donner du sens pour permettre l’élaboration d’une vision en coconstruisant les objectifs avec les personnes. En partageant et repartageant régulièrement les finalités, on peut créer du commun entre les personnes, qui fasse du sens pour l’organisation et qui fasse partie intégrante des personnes qui la composent (Bouiss, 2021).

3.2.4 Le principe de la boucle rétroactive et Le principe de la boucle récursive

Le principe de la boucle rétroactive permet de ne plus voir le monde en termes de causalités linéaires. Les causes agissent sur les effets qui eux-mêmes peuvent agir sur les causes. Par exemple, l’engagement organisationnel agit sur la satisfaction au travail (Bateman &Strasse, 1984) et la satisfaction au travail agit sur l’engagement organisationnel (Bartol, 1979). Avec le principe de la boucle récursive, les éléments ont des effets sur eux-mêmes. Ils sont à la fois causes et effets d’eux-mêmes. Cette récursivité est à la base d’autoexamen organisationnel qui peut permettre à chaque personne de préciser leur compréhension, attentes et besoins à l’égard des autres (Bouiss, 2021).

3.2.5 Le principe d’autonomie dépendance (auto-éco-re-organisation) et incertitude

Le terme auto-organisation à une émergence spontanée des comportements collaboratifs des membres du groupe. L’émergence est une notion systémique, qui ne peut pas se déduire. Elle ne s’explique pas, elle se constate (Morin, 2017). Et cette émergence, en réponse aux désordres existants, se fait justement en lien avec l’environnement et recommence continuellement. La réalité des personnes est issue de la complexité de leur auto-éco-re-organisation (Morin, 2017). En effet, les organisations sont des êtres vivants pourvus d’auto-éco-organisation, elles sont à la fois des machines physiques, vivantes et sociales (Morin, 2017). Ainsi, « vivre est une navigation dans un océan d’incertitudes avec quelques îlots de certitudes pour s’orienter et se ravitailler » (Morin, 2018, p. 174).

3.2.6 Le principe dialogique

Ce principe est l'unité complexe entre deux logiques complémentaires, concurrentes et antagonistes, des entités ou instances qui se nourrissent l'une de l'autre, se complètent, mais aussi s'opposent et se combattent (Morin, 2001). Ce principe dialogique est central dans la notion de personne telle que présentée précédemment. Helin et Avenier (2016), en s'appuyant sur Bakhtin (1984), voient le dialogue comme une tendance perpétuelle en lutte entre deux forces: l'une centripète et l'autre centrifuge. La première pousse à l'unité, à la centralisation et à la fermeture, laissant place au consensus. La seconde tend à s'éloigner du centre, vers l'ouverture et la décentralisation, faisant place à l'innovation, la création, la multiplicité et la fragmentation. En ce sens, les personnes et les organisations ne s'opposent pas de manière dialectique, mais interagissent de manière dialogique (Morin, 2001). Le principe dialogique signifie que deux ou plusieurs logiques sont unies sans que la dualité ne se perde dans l'unité (Morin, 2001). Morin (2001) démontre qu'une personne peut être altruiste et égoïste, ainsi que gentille et cruelle envers les autres. Par conséquent, il est possible que l'égoïsme habite une personne qui s'ouvre néanmoins aux autres. Au lieu de nier ce phénomène, il serait préférable de le prendre en considération (Morin, 2017).

3.2.7 Le principe de la réintroduction du connaissant dans toute connaissance

Ce principe met de l’avant que « toute connaissance est une reconstitution/ traduction par un esprit/ cerveau dans une culture et un temps donné » (Morin, 1999, p. 109). Ainsi, les outils RH utilisés sont également une reconstitution ou une traduction de ce qu’une ou plusieurs personnes ont construit. Aucun outil ne sera complètement indépendant des personnes qui en seront à l’origine et/ou qui l’utiliseront (cf. § 3.2.). En effet, le réel ne peut être qu’appréhendé que par des représentations et interprétations (Morin, 2018).

3.3 Relier le paradigme de la complexité et communautés de personnes

Ces deux cadres théoriques ne s’opposent pas, ils se complètent. En effet, la notion de personnes relie (reliance) des aspects des identités des personnes, refusant d’aborder les personnes, juste sous un ou quelques angles. Les communautés sont nombreuses et se chevauchent, comprennent de nombreuses personnes qui interagissent entre elles, qu’elles soient dans ou hors l’organisation. On se retrouve donc implicitement avec un principe systémique. De plus, les principes de communautés de personnes comprennent de nombreuses dialogiques. Par exemple, les personnes sont à la fois multiples (facettes) et uniques (chaque personne est différente). On met l’accent à la fois sur la personne et sur la communauté. La personne est à la fois l’intériorité et l’extériorité. Ainsi, ces deux cadres théoriques ne sont pas incohérents, ils se complètent tout à fait.

L’ensemble de ces principes permet de mieux comprendre les organisations et les personnes qui les composent. En assumant le réalisme de cette complexité, plutôt qu’en le niant comme c’est le cas, bien souvent avec la GRH traditionnelle, cela peut permettre d’opérationnaliser une gestion des personnes qui accepte la complexité des personnes et de leur contexte.

04. Opérationnaliser une gestion des personnes qui accepte la complexité des personnes et de leurs contextes

Une gestion des personnes dans la complexité a des effets sur les opérations, à différents niveaux, nous allons en présenter quatre. Le premier concerne une solidarité qui ne peut être imposée. Le deuxième présente la multiplicité des identités, le troisième examine la formalisation, quant au quatrième, il se focalise sur la performance et les coûts cachés.

4.1 Une solidarité de personnes diverses, qui ne peut être imposée

Toutes les personnes sont différentes que ces différences soient ou non visibles. Les organisations sont formées par des personnes complexes, diverses et interdépendantes qui influencent les autres (Albert & Lazzari Dodeler, 2022). Et, « nous ne voyons que l’altérité et non l’identité (disjonction plutôt que conjonction) » (Morin, 2001, p. 70). De plus, le discours managérial dominant est basé sur l'individualisme (sauf dans des cas particuliers comme dans l’école sociotechnique suédoise), mettant en avant les résultats individuels et l'efficacité apparente. Même si cela favorise la collaboration, il s'agit d'une fausse sociabilité (Faÿ, 2008). La reconnaissance sincère et le soutien mutuel peuvent contribuer à créer un milieu de travail sain qui a un impact sur les sentiments des clients et la performance des employés. Cependant, il est impossible de promulguer la solidarité au sein des organisations. Même s'il semble attrayant de s'éloigner de l'individualisme, la solidarité imposée risque de développer la dérision qui fait que les personnes se sentent comme un objet (Faÿ, 2008). C'est le contraire des objectifs de la gestion des personnes (Melé, 2012). D'un point de vue pratique, cela signifie qu'à l'avenir, au travail, il serait intéressant de promouvoir (et non d'imposer) des valeurs de solidarité afin d'être sincèrement humain. Il existe des personnes qui influencent les autres. Le comportement du gestionnaire est très important. Le changement est possible même au niveau local (Albert, 2022). La solidarité en tant que communautés de personnes (Melé, 2012) permet un dialogue (Helin & Avenier, 2016) entre l'individualisme et le collectivisme. La solidarité permet de considérer les besoins et la reconnaissance de chaque personne et les besoins de l'organisation (Morin, 2020). Chaque personne et l'organisation sont importantes et apportent quelque chose à l'autre (la force centripète) même si elles peuvent rencontrer des difficultés ensemble (la force centrifuge). Cette taxonomie distingue la convergence (avec cohésion et pensée de groupe) et la divergence (avec créativité et conflit) (Albert & Lazzari Dodeler, 2022). Il s’agit à la fois de mettre l’accent sur le respect et la dignité, du commun entre les personnes, les personnes et les groupes (que l’on retrouve dans les principes liés aux communautés de personnes) et aux principes dialogiques personnes-organisations, solidarité prescrite et pas de solidarité. La différence peut être considérée comme une source d'expérience agréable ou comme la fragilité et l'incertitude de la condition humaine (Bauman, 2013).

En se référant aux solidarités internes et externes (Hunt & Bendford, 2004), les communautés de personnes incluent tout le monde, quelles que soient leurs différences. Mais ces communautés ne peuvent pas inclure les personnes extérieures à ces communautés. Il est donc possible de dire que les personnes extérieures à ces communautés sont exclues de la solidarité (Albert et al; 2022). Il n'y a pas de solidarité externe. Selon Cronk (1973) interprétant Mead (1934), il existe deux modèles de consensus-conflit des relations sociales : consensus intra-groupe - conflit extra-group; conflit intra-groupe - consensus extra-groupe. Dans le premier modèle, les membres du groupe sont unis en opposition à d'autres groupes qui sont assimilés à des ennemis communs. L'accent mis sur la solidarité interne favorise la performance de l'organisation et rend impossible la solidarité externe. Cependant, il est possible de développer d'autres communautés pour inclure des personnes qui ne faisaient pas partie des communautés initiales, par exemple avec des personnes d'une autre communauté (inter ou intra organisationnelle). En effet, la solidarité lie les membres d'une communauté, il est donc possible que le côté obscur de cette solidarité soit l'exclusion des autres (Wilde, 2007), et il n'existe pas de solidarité universelle (Wilde, 2004). La solidarité est donc à la fois inclusive et exclusive, ce qui en fait une autre dialogique. Ainsi, un gestionnaire devrait développer de multiples communautés dans l'organisation pour faciliter les solidarités et soutenir une culture basée sur l'ouverture aux autres. Ainsi, la multiplicité des communautés, où les personnes appartiennent à plusieurs communautés, permet d'éviter de rejeter quelqu'un et elle est plus réaliste lorsqu'une organisation n'est pas trop petite. Et la culture basée sur l'ouverture aux autres (Albert & Perouma, 2017) pourrait être ouverte à la personne même si elle n'appartient pas à la même communauté. La culture du soutien mutuel pourrait permettre à une personne de devenir moins individualiste et de souhaiter également appartenir à une communauté. L'important n'est pas de gérer la diversité, mais de souligner l'ouverture aux autres et la contribution personnelle de chacun.

4.2 Gérer des identités multiples

Nombre d’organisations québécoises souffrent de pénurie de main-d’œuvre et sont appelées à recruter de la main-d’œuvre étrangère. Il semble donc impératif pour ces organisations de gérer cette main-d’œuvre diversifiée qui représente une multiplicité d’identités (genre, âge, origine, culture, statut familial, etc.). Plusieurs organisations sont conscientes de la complexité que revêt ce défi. En effet, selon Morin (2001), l’identité humaine est complexe, elle combine et relie trois facettes: l’identité individuelle, l’identité biologique de l’espèce humaine, et l’identité sociale culturelle.

Maalouf (1998, p. 27) pense que « Grâce à chacune de ces appartenances prises séparément, j’ai une parenté avec un grand nombre de mes semblables; grâce aux mêmes critères pris ensemble, j’ai mon identité propre, qui ne se confond avec aucune autre ».

Mais, cette multiplicité des identités chez une personne ne semble pas toujours reconnue. En effet, comme l’explique l’anthropologue David Berliner dans une entrevue (Berliner & Maes, 2019) la société a tendance à réduire l’identité des personnes à leur carte d’identité, c’est-à-dire à les limiter qu’à une identité, ce qui réduit la personne à un être unidimensionnel. Il est donc nécessaire de prendre en compte cette multiplicité des « moi » tout comme le soulignait William James déjà à la fin du XIXe siècle (1892/2003). Outre son nom, la personne est porteuse de ses origines, de son histoire, de ses traditions, etc… Tout ceci fait en sorte qu’elle est assujettie à une appartenance culturelle sociale et religieuse qui va influencer son parcours de vie (Assaoui & De Sousa, 2008; De Gaulejac, 2009).

Cependant certains gestionnaires tiennent compte des identités multiples de leurs employés. Bailly (2016) explique qu’appartenir à une communauté permet de réunir les dimensions collectives et personnelles. Mais en l’absence d’un noyau identitaire, la communauté n’existe pas. Le noyau représente les valeurs qui transcendent la diversité. Le projet se matérialise dans une histoire vivante en s’ouvrant à tous les possibles et toutes les différences.

Plusieurs auteurs pensent qu’il faut construire une culture relationnelle d’intégration dans l’organisation « le moi est dans le nous » en passant ainsi d’une gestion de la diversité à une gestion pour la diversité (Chavez & Weisinger, 2008, p. 346). De cette manière, les personnes restent elles-mêmes, interagissent, et apprennent les unes des autres.

D’autres gestionnaires mettent en œuvre des pratiques de gestion des personnes favorisant l’ouverture à l’autre tel le coaching, le tutorat, le parrainage, le compagnonnage, des activités sociales à l’égard des personnes immigrantes, qui elles-mêmes permettent le partage interculturel en retour. Du coup, dans ces organisations les immigrants sont vus comme des personnes uniques (je), mais aussi comme des personnes faisant partie de la communauté (nous), l’organisation ici (Lazzari Dodeler & Albert, 2017; Lazzari Dodeler et al., 2020; Lazzari Dodeler et al ., 2023).

En somme il ne s’agit pas de gérer la diversité, mais de gérer les personnes en tenant compte de leur pluralité de dimensions, d’humain à humain. De plus, la gestion des personnes ne pourra se faire que si l’on tient compte de la complexité des personnes et de leurs environnements.

4.3 Formalisation et gestion

Cette conception humaniste n'ignore pas le fait que les entreprises aient besoin d'un ensemble de mécanismes formels pour réaliser des profits et s'adapter aux marchés et à leur environnement naturel et social (Kleinfeld, 2003). Il est donc nécessaire d’amener des mécanismes formels structurant l’organisation, tout en ne l’enfermant pas. Cette dialogique d’un cadre formel et de souplesse, sans être nouveau en gestion, n’est pas classique.

La nécessaire formalisation peut permettre la mise en œuvre d’outils qui pourraient favoriser le développement d’une « rationalité froide » (Rhodes, 2012). Ainsi, dans l’imaginaire collectif, les gestionnaires doivent être logiques, raisonnés et des décideurs rationnels, alors que Morin (2001) explique que les humains sont à la fois rationnels et irrationnels, que dans les organisations, il y a besoin d’ordre et de désordre. Ces deux dernières dialogiques ne sont pas fréquentes dans les écrits scientifiques ou managériaux. En effet, il est fréquemment mis de l’avant une approche réaliste et mécaniste afin de diminuer le jugement et l'interprétation que les personnes peuvent spontanément construire. Or, même si elles souhaitaient y parvenir, elles ne pourraient le faire. Effectivement, une approche mécaniste, à travers son déterminisme, met l'accent sur le respect de critères préétablis. Ainsi, elles peuvent donner l’impression qu’il serait possible de « contrôler » son environnement. Cette façon de voir le monde est très attractive, car elle permet de vaincre la peur très fréquente chez les humains, de l’incertitude que l’on retrouve dans les paradoxes (Bauman, 2013). Quoi qu’il en soit, l’imprévisibilité émerge des situations complexes (Tsoukas, 2005; Morin, 2017). Par conséquent, même si une personne souhaite pouvoir tout prévoir, elle ne pourra le faire. Elle pourra juste avoir l’illusion de pouvoir exercer le contrôle sur la situation future. Ceci est cohérent avec la façade de rigueur adoptée dans de nombreuses sciences humaines, par l'utilisation de méthodes quantitatives (Michell, 2011). En effet, le développement de la mesure des ressources humaines dans les années 1980 a contribué à sa légitimité perçue dans les entreprises (Amalou-Döpke & Süß, 2014). Mais la quantification suppose l'inclusion d'autres pratiques que les mathématiques et les statistiques. Elle suppose la transformation des mots en chiffres, ce qui nécessite des codages, des négociations, des compromis ou des traductions (Desrosières, 2013). Il n'est possible de mesurer qu'après cette conversion. Ainsi les indicateurs représentent la réalité sans en être la réalité (Desrosières, 2013). Il serait donc irrationnel de dissimuler la composante irrationnelle des personnes. Par exemple, si l’on imagine insérer les comportements humains dans une grille rationnelle, cela pourrait se transformer en son contraire (irrationalité) car cela dégénérerait en rationalisation (Morin, 2001), même si dans les organisations aujourd’hui, la partie irrationnelle est occultée. Il serait donc primordial d’en avoir conscience au lieu de l’ignorer, laissant croire que seul le rationnel pourrait tout expliquer. C’est de cette manière que des outils rationalisant sont mis en place afin de créer un mirage d’un monde qui serait complètement rationnel et prévisible, bien qu’il soit de plus en plus reconnu que cette prévisibilité soit impossible.

Il serait donc important de pouvoir contrôler régulièrement ce que font les personnes pour tenir compte de l’incertitude et de l’irrationalité. Or, les perspectives qui voudraient s’opposer à une vision mécaniste de la gestion s’opposent également aux contrôles, les associant à une vision mécaniste et déshumanisante de la gestion. Cependant, confiance, encadrement et reconnaissance ne sont pas incompatibles, bien au contraire, lorsque le contrôle s’opère d’une manière humaine (Albert, 2007). Ce type de contrôle diffère d’un contrôle bureaucratique, froid, sans chaleur humaine. Il n’est pas dévalorisant. Il est un moyen de mettre en avant un travail bien fait, il peut également être une source d’apprentissage, ou la possibilité de voir un travail accompli (Albert, 2007). Alors que conformément à Saint-Onge (2000), un management associant contrôle déshumanisé et méfiance peut produire un cercle vicieux. Ainsi, il s’agit de tenir compte des dialogiques (rationalité-irrationalité et ordre-désordre) pour en créer une autre (formalisation-souplesse) en tenant compte des émergences et de l’incertain (principe d’auto-eco-organisation). Pour pouvoir le faire, il serait important de mettre en place un contrôle basé sur des valeurs humaines comme celles que l’on retrouve dans le courant personnaliste.

4.4 Éviter les coûts cachés et la performance

Cappeletti (2010) pense que le temps est venu de trouver une approche bienveillante compatible avec les contraintes économiques. Les modèles de valeurs combinés montrent comment le système économique peut être reconnecté à sa racine humaniste (Pirson &Lawrence, 2010). Ces approches (humaniste et économiste) peuvent paraître contradictoires, mais sont plutôt une dialogique. Il faudrait se méfier d’une approche mécaniste et apparemment de la gestion, en effet, ce type de gestion peut être à l’origine de nombreux coûts cachés qui nuisent à la performance de l’organisation. Même si une gestion axée sur les personnes semble inefficace et coûteuse (par exemple, la perte de temps perçue pour établir des relations), elle n'échappe pas à une rationalité économique (Danese & Di Nicola, 1989). Lorsque les personnes sont prises en charge sans bienveillance, certains coûts peuvent augmenter, comme le coût de l'épuisement professionnel des employés. Cela peut être le cas quand on voit les humains comme une ressource ou un capital et non comme une personne.

Savall et Zardet (2010) définissent les coûts cachés comme étant « ceux qui ne sont pas repérés dans les systèmes d’information dont s’est dotée une entreprise, telle que budget, compte de résultat, comptabilité générale, comptabilité analytique, tableaux de bord » (Savall & Zardet, 2010, p. 123). La nature de ces coûts cachés est diverse. Par exemple, les coûts cachés liés au stress des employés (Leung, 2007). En effet, le stress peut engendrer de l’absentéisme, du roulement de personnel, des erreurs, diminuer la productivité, favoriser les épuisements professionnels, une baisse du moral, accroître l’utilisation de drogue et d’alcool, de la violence au travail et du harcèlement (Bishara & Schipani, 2009). Hassard (2018) examinent le coût du stress lié au travail, estimant qu'il représente 187 milliards de dollars. Entre 70 et 90% de ce coût s'explique par une perte de productivité et a été estimé pour les entreprises américaines à plus de 300 milliards de dollars par an. Une vacance de poste peut avoir une autre conséquence : une insatisfaction d’une clientèle qui n’est pas servie conformément à ses attentes et qui peut bien souvent trouver un autre fournisseur capable de le faire. La perte de clientèle peut coûter extrêmement cher à une entreprise. Si l’organisation décide quand même de recruter une personne, mais qui n’a pas les qualifications requises, dans ce cas-là, il pourrait y avoir des coûts reliés à sa formation, notamment par ses collègues (ce qui n’est que très rarement calculé), des coûts d’erreurs potentielles et d’insatisfaction de la clientèle. Les études portant sur une évaluation des coûts sont très rares, car il est difficile de quantifier la somme d’argent qui pourrait être économisée par les organisations en réduisant le roulement de personnel, l’absentéisme, les autres effets du stress (Bishara & Schipani, 2009) ou des pertes de clientèle. La référence à la notion de personne ne conduit pas à nier la valeur de la rationalité économique; il s'agit davantage d'intégrer plusieurs rationalités (Danese & Di Nicola, 1989). Cette vision des personnes au travail n’est donc pas qu’une vision naïve déconnectée de toutes considérations liées à la performance des organisations, bien au contraire. Elle n’est pas nouvelle, elle existe déjà, par exemple Albert et al. (2021) ont montré que cela existait déjà, mais il pourrait être pertinent que cela soit développé. Les cadres théoriques liés aux communautés de personnes et à la complexité permettent de mettre l’accent sur des dialogiques, et d’accepter que les personnes soient diverses, aient besoin de respect, de reconnaissance et d’avoir du commun avec les autres. Même si cela peut paraître contre-productif en milieu de travail, par exemple, en prenant le temps de connaître la personne et pas uniquement la ressource, cela peut être gagnant pour les personnes et les organisations.

05. Conclusion

Ainsi, les organisations devraient être conscientes qu’elles sont composées de personnes, et que ces personnes sont complexes et interagissent dans un monde complexe. Ce faisant, ces organisations pourraient développer des solidarités, mais sans toutefois les imposer; prendre conscience que « confiance, encadrement et reconnaissance » ne sont pas incompatibles si le contrôle s’opère de manière humaine; se méfier d’une approche mécaniste afin d’éviter les coûts cachés en reconnectant le système économique à sa racine humaniste. Cette manière de faire existe déjà dans certaines organisations, mais de manière extrêmement rare. Il est vrai qu’il existe des organisations où les humains qui y travaillent sont perçus comme étant des personnes. D’ailleurs, nous avons pu et sommes en train d’en étudier dans des pays différents, et des types d’organisations différentes (institutions publiques, OBNL, grandes entreprises ou TPE).

Une gestion qui reconnaît que les organisations sont composées de personnes peut permettre d’accroître la qualité de vie au travail (QVT), tout comme cela peut avoir des effets sur une responsabilité sociale des entreprises (RSE), sans que ces éléments correspondent tout à fait, ni qu’il y ait automatiquement de réciprocité. Il s’agit donc d’une vision éthique, tournée vers autrui, comme d’autres l’on fait précédemment, par exemple Greenwood (2002) et tous ceux qui se sont appuyés sur ses travaux. Mais, il s’agit également d’une vision qui tient compte de la complexité des personnes et de leurs environnements. Cette complexité à la fois humaniste et acceptant les contradictions humaines, se différencie des travaux en lien avec l’éthique et l’humain au travail. Ainsi, les trois éléments opérationnels proposés (solidarité non imposée, limiter des excès de formalisation et éviter des coûts cachés) permettent une compréhension des réalités organisationnelles en nuances. Plus d’études de cas d’organisations ou de parties d’organisations, œuvrant de manière cohérente avec une gestion complexe des personnes, devraient être réalisées et diffusées afin de montrer le caractère réaliste de ce qui a été avancé dans cet article.

Albert, Marie-Noëlle., Lazzari Dodeler, Nadia., Ohin, Yves. (2021). Gestion de la diversité et performance, Actes de colloque, 12 p. 16èmes Rencontres Internationales de la Diversité (RID) 7 & 8 octobre 2021, Aix en Provence (France).