Abstracts
Résumé
À travers l’exemple de la revue Jardinage (1911–1939) et des jardins des établissements Georges Truffaut, cet article se propose de montrer comment la stratégie communicationnelle de l’entreprise sollicitait une dynamique intermédiale. L’interaction entre photographie, en particulier autochrome, et jardin a en effet permis d’assurer l’efficacité d’une publicité qui déguisait son objectif commercial sous l’apparence du vraisemblable et de l’intérêt pratique.
Abstract
Through the example of Georges Truffaut’s magazine Jardinage (1911–1939) and the gardens of his company, this article aims to show how his communication strategy solicited an intermedial dynamic. The interaction between photography, especially autochrome, and garden ensured the effectiveness of an advertisement disguising its commercial objective under the guise of a plausible representation of reality and practical interest.
Article body
En suivant la voie d’une sémiotique de la communication, que trace notamment Jean-Marie Floch, une publicité dite « référentielle » peut être définie comme « une stratégie discursive », caractérisée par « un ensemble de procédures visant à présenter le discours comme vrai[1] ». La publicité référentielle se montre ainsi comme la restitution crédible d’une réalité vécue, qui aime à s’entourer de renseignements concrets, de démonstrations et de recettes. Afin d’approfondir l’analyse de ce type de communication, l’intermédialité invite à envisager ce dernier comme le produit d’une combinaison dynamique des procédures de présentation, amenant au renforcement de la crédibilité et donc de l’efficacité du message publicitaire. À ce titre, l’expérience produite par le médium photographique, réputé transparent, se rapproche sensiblement de celle que procure la visite d’un jardin, envisagé lui-même comme un mode de représentation hyperréaliste.
Une telle association dynamique du jardin et de la photographie, au service d’une stratégie communicationnelle, est précisément ce qu’offre l’étude du cas des Établissements Georges Truffaut au tournant du 20e siècle. En 1897, Georges Truffaut (1872–1948), chef d’une florissante entreprise spécialisée dans la vente aux particuliers de produits chimiques et de matériel de jardinage, inaugure une importante modernisation de la société familiale, fondée en 1824 par son arrière-grand-père, Charles Truffaut (1795–1865). Ces transformations conduisent en 1911 à deux créations : d’une part, celle d’un magazine richement illustré de photographies, Jardinage; d’autre part, celle de deux grands jardins, accolés aux nouveaux laboratoires de la jardinerie à Versailles[2].
Agent incontournable du monde du jardinage au début du siècle, Georges Truffaut est également à cette date un photographe amateur et un membre éminent des plus importants réseaux de sociabilité de la capitale, la Société d’excursions des amateurs de photographie (SEAP) et la Société française de photographie (SFP). Il y figure en particulier en tant qu’adepte de l’autochrome, principal support de la nouvelle photographie en couleurs. C’est donc en ayant toute conscience de la faveur du public pour les pratiques photographiques qu’il en vient à mettre ce médium au service de la communication de son entreprise, et à doter cette dernière d’un important atelier de photographie, qui fournit au magazine Jardinage ses illustrations en noir et blanc et, de façon remarquable, en couleurs.
Dès lors, tandis que la stratégie communicationnelle des nouveaux Établissements Georges Truffaut s’appuie sur l’interactivité de deux médias, le jardin et l’image photographique, son instigateur se place lui-même au confluent de deux pratiques amateurs, parmi les plus prisées de la Belle Époque, le jardinage et la photographie[3]. Toutes deux stimulent conjointement les appétences techniques, scientifiques et artistiques de leurs praticiens, tandis qu’amateurs de photographie et amateurs de jardinage appartiennent dans les faits à deux mondes qui s’entrecroisent.
À travers l’exemple de la revue Jardinage et des jardins des Établissements Georges Truffaut, cet article se propose donc de montrer comment la stratégie communicationnelle de l’entreprise sollicite une dynamique intermédiale. C’est en effet de cette dynamique, de l’interaction entre photographie, en particulier autochrome, et jardin, que découle l’efficacité d’une publicité déguisant son objectif commercial sous l’apparence du vraisemblable et de l’intérêt pratique.
Un goût commun pour la photographie des couleurs et la composition végétale
Le 10 juin 1907, à Paris, « le miracle de MM. Lumière », le dévoilement public de l’autochrome, se produisit[4]. Les bureaux du journal L’Illustration accueillirent la révélation de ce nouveau procédé de photographie des couleurs, destiné à la clientèle grandissante des photographes amateurs. Les premières présentations de l’autochrome allaient dès lors faire la part belle aux motifs floraux et jardiniers[5]. Parmi celles-ci, le numéro spécial de L’Illustration pour les fêtes de Noël en 1907 fit ainsi figure de pionnier dans l’histoire de la presse illustrée pour son usage du procédé couleur dans un reportage consacré à la roseraie de L’Haÿ[6].
Le jardin de Jules Gravereaux à L’Haÿ, aménagé par l’architecte paysagiste Édouard André à partir de 1899, était devenu en 1907 une destination particulièrement prisée des Parisiens lors de leurs promenades dominicales. Témoignage de la « rosomanie » de la Belle Époque, la roseraie de L’Haÿ s’apparentait autant à un conservatoire savant qu’à un lieu de représentations, de mondanités et de spectacles, avec son célèbre « théâtre de verdure » construit en 1906[7]. Parmi les nombreuses cartes postales qui, dès la fin des années 1900, façonnèrent la visibilité de ce jardin monovariétal, plusieurs furent colorisées. Ces dernières, par contraste avec leurs originaux en noir et blanc (voir les figures 1 et 2), témoignent de la valeur ajoutée par la couleur à l’image photographique dans un processus d’embellissement de la réalité. Semblablement, le reportage photographique consacré par L’Illustration au « paradis des roses » invitait au même type de comparaison, sa mise en page confrontant pour deux motifs une « photographie ordinaire » et le résultat d’une « photographie en couleurs ». Sous l’apparente simplicité objective de la démonstration, une différence notable de traitement participait à construire l’effet de l’autochrome. La photographie en noir et blanc paraissait d’autant plus statique et terne face à son équivalent en couleurs, dont le charme visuel élaboré s’accordait parfaitement au lieu choisi, endroit rêvé pour une telle mise en scène.
Sans surprise, le motif floral devint chez les autochromistes un véritable lieu commun; et les expositions végétales, permanentes ou temporaires, figurèrent parmi les destinations privilégiées de leurs excursions. À la suite du reportage consacré à la roseraie de L’Haÿ, la Société d’excursions des amateurs de photographie (SEAP) choisit d’y organiser, le 12 juin 1908, une première visite, qui réunit quatorze autochromistes[8]. Leurs résultats firent comme de coutume l’objet d’un concours entre les participants[9]. Parmi eux, Charles Adrien (1866–1930), l’un des principaux promoteurs du procédé couleur, présenta par la suite régulièrement ses prises de vue photographiques de la roseraie lors des séances estivales de la SEAP, de 1909 à 1911[10]. Le 17 juin 1911, une nouvelle excursion réservée aux autochromistes prit de nouveau le chemin de L’Haÿ[11]. Les collections de la Société française de photographie (SFP), héritières du fonds de la SEAP, conservent encore aujourd’hui de nombreuses autochromes d’amateurs anonymes ou identifiés, qui, telles celles d’Adrien, ont été prises à L’Haÿ, dans les parcs des châteaux de Bagatelle et de Versailles, dans des jardins privés ou lors d’expositions florales[12].
La fleur fournit en effet à la photographie couleur un biais particulièrement efficace pour faire valoir son charme, sa qualité artistique et sa palette. Le premier concours d’autochromes organisé par la Société photographique du Nord de la France en 1907 choisit comme terrain l’exposition de la Société d’horticulture de Douai, « estimant que la variété infinie de nuances et de tons des plantes et des fleurs serait un sûr critérium de la valeur de ces plaques et de l’habileté des opérateurs[13] ». Comme le souligne Nathalie Boulouch, l’autochrome trouva dans la nature morte florale et le paysage jardinier ses genres de prédilection, dans la mesure où ils permettaient aux photographes professionnels et amateurs de satisfaire leurs « appétits de peintres[14] ». En pleine vogue horticole, une telle manne s’expliquait à la fois par la commodité technique, l’immobilité du modèle, mais aussi par le goût des opérateurs pour l’arrangement floral, partie intégrante du processus créatif de la photographie et de la constitution de son caractère artistique. L’un des premiers manuels de photographie en couleurs, publié par Ernest Coustet en 1908, était explicite sur le sujet : « La nature morte était, jusqu’ici, très rarement abordée par les photographes, parce que le coloris, qui en constitue l’attrait principal, faisait défaut. Mais cet élément acquis, quel autre genre se prêterait aussi bien à la conquête de l’art par la photographie ? […] par-dessus tout, les fleurs, voilà bien des sources où l’amateur trouvera de quoi exercer son goût et son entente de la composition[15]. »
Cette concordance de goûts est encore illustrée par une image promotionnelle du dioptichrome de Louis Dufay, concurrent malheureux de l’autochrome des frères Lumière sur le nouveau marché de la photographie des couleurs[16] (voir la figure 3). Elle présente le nouveau produit mis en balance avec deux rangées de pastels, autour d’un bouquet de fleurs multicolores. L’image a elle-même été saisie à l’aide d’une des nouvelles plaques brevetées permettant la « photographie directe des couleurs », selon l’expression triomphante qui parcourt un arc-en-ciel sur leur emballage. En juxtaposant ainsi trois loisirs créatifs, la composition florale, le dessin et la photographie, la publicité tire manifestement avantage de l’intérêt du public pour le premier, afin de promouvoir le troisième, qui rivalise par sa modernité avec le second.
Après avoir triomphé de ses concurrents, l’autochrome Lumière trouva à son tour dans la fleur un moyen de démontrer l’étendue de son chromatisme, et de permettre à ses usagers, assurés de l’attractivité du résultat, de mettre en valeur leur goût et leur art.
Georges Truffaut à l’intersection des sociabilités photographique et horticole
C’est dans un tel contexte que Georges Truffaut fut coopté, le 28 décembre 1907, au sein de la SEAP[17]. Ses parrains étaient deux autochromistes adeptes de sujets floraux, Léon Courtoy et Charles Adrien, frère de l’horticulteur Paul Joseph Adrien, lui-même époux de Claire Truffaut, soeur de Georges.
Représentant de la quatrième génération d’une lignée de jardiniers, Georges Truffaut, formé en chimie et en ingénierie agricole, s’était alors déjà engagé dans la modernisation de l’entreprise familiale. En 1897, il fonda sa propre jardinerie, les Établissements Georges Truffaut, au 39, avenue de Picardie à Versailles. En 1905, il déménagea sa société au 90 bis, avenue de Paris, l’insérant au sein d’un large réseau de pépiniéristes installés entre Versailles et Porchefontaine. Le terrain de 70 000 m2 se destinait à réunir les laboratoires, les cultures, les bureaux de comptabilité, de commande, mais aussi ceux de publicité.
Le goût de Truffaut pour la chimie et la technologie moderne en faisait un personnage tout désigné pour s’intéresser à la photographie et plus particulièrement à l’autochrome. Peu après son élection comme membre de la SEAP, Truffaut participa à une première séance de projection de plaques autochromes en 1908, puis de nouveau en 1909, avec une série de papillons, de bouquets et de vues de l’exposition annuelle des chrysanthèmes[18]. En octobre de la même année 1909, il montra une autre collection de fleurs[19]. Entretemps, en avril, Truffaut fut élu membre de la SFP[20]. Le 6 février 1913, il participa à une séance de la SFP où il présenta aux côtés de Léon Gimpel les premières plaques de format 18 cm x 24 cm[21].
Le nom de Truffaut s’inscrivit dès lors parmi ceux des pionniers de la nouvelle technique couleur. À ce titre, ses papillons et ses fleurs furent montrés en 1908 par Étienne Wallon, ambassadeur des autochromistes français auprès de l’Association belge de photographie, aux côtés des paysages réalisés par Wallon lui-même, de vues de la roseraie de L’Haÿ par Henri Chevrier, d’études de choux à Auvers-sur-Oise d’Antonin Personnaz, ainsi que d’oeuvres de Léon Jeuffrain et de Léon Gimpel[22].
Tout en participant activement aux événements organisés par les sociétés de photographie, Truffaut introduisit en retour l’autochrome au sein de la Société nationale d’horticulture. Le 14 janvier 1909, il tint devant ses membres une « Conférence sur les applications de la photographie en couleurs à l’horticulture », assortie d’une séance de projection d’autochromes[23]. Les oeuvres présentées étaient celles d’autres opérateurs, Louis Lumière, Wallon, Gimpel, Courtoy, ou celles de pépiniéristes amateurs de photographies, Séraphin Joseph Mottet de la maison Vilmorin-Andrieux et Robert Croux. Il s’agissait successivement de portraits d’horticulteurs — dont son propre père, Albert Truffaut —, d’études de fleurs, de vues de jardins — dont la roseraie de L’Haÿ —, de maisons et de balcons fleuris, et de parcs de châteaux, ainsi que de clichés pris lors d’expositions florales.
Le but d’un tel spectacle était d’assigner à l’autochrome une série de missions au service de l’horticulture. Le nouveau procédé photographique devait d’abord permettre un enseignement plus exact en fournissant une imagerie scientifique et documentaire. Sensible par ailleurs aux pratiques artistiques des membres de la Société nationale d’horticulture, Truffaut ne manqua pas non plus de signaler que les nouvelles images pourraient servir de modèles à leurs peintures. En outre, tout en vantant ses qualités pédagogiques, artistiques ou encore commémoratives, Truffaut retint aussi dès cette date que l’autochrome pouvait jouer le rôle d’une excellente publicité. Elle permettrait en effet aux voyageurs de commerce de montrer aux clients de nouveaux produits et de leur donner à voir, par avance, le résultat de la germination des graines vendues. Un service similaire pourrait être rendu aux architectes-paysagistes qui présenteraient à leur clientèle, plus visiblement qu’à l’aide de plans, le catalogue de leurs réalisations passées.
En faisant ici allusion à un moyen traditionnel de publicité, le colportage, Truffaut mettait en exergue la qualité de l’expérience visuelle offerte par l’autochrome au client, la photographie couleur se présentant comme le support idéal d’une anticipation imaginaire de l’objet désiré. Si la fleur avait permis à l’autochrome de déployer son expressivité chromatique, le procédé photographique promettait en retour d’exalter le charme des produits du jardinage.
Le magazine Jardinage, créer une attractivité
Deux ans après cette conférence, en novembre 1911, les Établissements Georges Truffaut devenaient l’éditeur d’une revue de conseils pratiques, Jardinage, sous-titrée Comment on soigne son jardin. Le lancement se fit dans le prolongement des activités du service commercial et publicitaire de l’entreprise, qui avait pris l’habitude de diffuser des brochures gratuites et des cartes postales lors de manifestations florales. Le premier numéro de Jardinage fut ainsi distribué gratuitement, sur simple demande, à l’occasion de l’exposition annuelle des chrysanthèmes de 1911.
Une réclame, publiée dans le journal le plus lu de l’époque, Le Petit Parisien, mit immédiatement en avant l’originalité de l’illustration du nouveau périodique : « M. Georges Truffaut a eu l’heureuse idée d’adapter la photographie des couleurs aux reproductions les plus variées et les plus délicates des fleurs. Jardinage, revue luxueuse de conseils précieux pour amateurs et professionnels, est illustrée de la sorte[24]. » Une note d’intention insérée dans le premier numéro de Jardinage évoquait aussi une « revue moderne à la fois luxueuse et véritablement pratique », s’adressant aussi bien aux amateurs « débutants » qu’aux professionnels[25]. Elle annonçait de plus un intérêt pour la photographie :
Jardinage attachera une grande importance aux illustrations.
Son service photographique qui, le premier en France, réalise la reproduction imprimée des photographies en couleurs est à votre disposition pour aller prendre sur place, dans la mesure du possible, les clichés qui vous sembleraient particulièrement intéressants.
Jardinage ne désirant publier que des documents remarquables sollicite ainsi votre collaboration[26].
Le format de la revue fut fixé dès ce premier numéro. L’autochrome gouvernait la maquette de la revue, étant placée en couverture de chaque numéro pour accrocher le regard du lecteur (voir la figure 4). Comme le promettait le premier numéro, la photographie couleur présentée à chaque livraison mensuelle devait être accompagnée d’une chronique fournissant des indications utiles pour la culture de la fleur illustrée. Dans le premier numéro, cet article précisait notamment la provenance des graines, la pépinière de Marcel Moser, époux de Madeleine Truffaut, seconde soeur de Georges (voir la figure 5)[27].
Passé la couverture en couleurs, les pages intérieures étaient quant à elles profusément illustrées de photographies en noir et blanc. Cette composition des livraisons, inaugurée par Jardinage en 1911, se maintint jusqu’en 1932, année où elle devait paraître complètement obsolète. La stabilité formelle de la revue durant vingt ans s’accompagna d’ailleurs de nombreux remplois des mêmes images, à quelques années d’intervalle.
Par son usage important du médium photographique, et par celui systématique de l’autochrome, Jardinage s’inséra dans l’offre des magazines illustrés de la Belle Époque. En 1907, René Baschet avait fait de L’Illustration un pionnier dans le domaine de la reproduction des photographies en couleurs. En 1909, le magnat de la presse illustrée de loisirs Pierre Lafitte avait à son tour introduit l’autochrome dans sa revue Je sais tout, quoique avec des impressions de moindre qualité[28]. La même année, une autre revue de Lafitte, La Vie au grand air, annonçait pour son numéro de Noël une galerie des portraits des « huit plus merveilleux champions du monde » d’après des plaques autochromes. Les résultats furent encore décevants, au vu de leurs nombreuses retouches. Rappelant ces premières publications, Boulouch remarque de façon générale que les difficultés techniques retardèrent l’usage de l’autochrome dans la presse illustrée durant plusieurs années, et ce, au moins jusqu’au tournant de 1912[29].
En ce sens, la revue lancée par Georges Truffaut en octobre 1911 s’alignait manifestement sur les principaux magazines illustrés de la période, ceux de Baschet et de Lafitte. À la même période, la Revue horticole, périodique de référence dans le domaine de l’horticulture pratique, se restreignait quant à elle à l’usage de tirages photographiques monochromes et à l’emploi de gravures traditionnelles pour ses planches en couleurs, étant même contrainte de reproduire en noir et blanc les plaques autochromes[30]. Dans ses travaux consacrés à la photographie botanique, Caroline Fieschi observe que l’autochrome joua dans les faits un rôle limité, voire inexistant, dans le domaine du document végétal, ce qu’elle attribue à la faible qualité de rendu du procédé[31].
Plutôt qu’une revue mise au service de la science botanique, l’omniprésence de l’illustration photographique, et en particulier de l’autochrome, faisait de Jardinage un magazine qui relevait de la même classe de loisirs visée par les périodiques du groupe Lafitte. La « luxueuse » revue de Truffaut s’adressait à une bourgeoisie dont les contours restent flous, dans la mesure où son prix par numéro, 50 centimes, et son abonnement annuel, 10 francs, demeuraient accessibles[32]. Friand d’illustrations, ce lectorat était aussi culturellement amateur de pratiques récréatives, pouvant être exercées aussi bien au sein de sociétés élitistes que de façon indépendante.
Après avoir participé aux activités des sociétés de photographes amateurs, Jardinage marqua donc en 1911 le second temps des rapports de Georges Truffaut avec le médium photographique, au moment même où son nom disparut temporairement du bulletin de la SEAP. La revue découlait cependant très nettement de l’expérience acquise par l’horticulteur au sein de la société des excursionnistes. En 1912, elle organisa par exemple un concours de photographies semblable à ceux des sociétés photographiques, avec un jury composé de Pogany, chargé du service photographique des Établissements Truffaut, mais aussi de Charles Adrien et de Léon Gimpel[33]. À ce titre, la photographie n’apparaissait pas uniquement dans les pages de Jardinage comme un processus de représentation; le médium y était également présent en tant qu’activité et en particulier à travers sa dimension excursionniste, sa propension à engager physiquement ou mentalement un déplacement.
Outre la proposition d’envoyer son service photographique pour répondre aux demandes des lecteurs, Jardinage multiplia les reportages photographiques dans des jardins publics ou privés, comme autant d’excursions fictionnelles offertes à son lectorat. À titre d’exemple, en tant que concurrent direct du Fermes et châteaux de Lafitte, qui avait consacré dès 1908 un reportage illustré à la maison de Claude Monet, Jardinage publia à son tour, à partir de juillet 1913, ses propres prises de vue de Giverny, réalisées lors de rencontres entre Monet et Georges Truffaut[34]. En mai 1914, l’intérêt médiatique du jardin de Monet était tout à fait consommé lorsque le magazine fit sa couverture de la première autochrome publiée de la propriété du peintre[35] (voir la figure 4). Par la suite, tandis que les photographies en noir et blanc du jardin de Giverny reparurent à de multiples reprises dans les pages de Jardinage, une seconde autochrome fut utilisée en couverture du numéro 42, en 1920 (voir la figure 6), puis remployée pour le numéro 114, en 1927.
Tout en consacrant l’attractivité visuelle du magazine, les couvertures en couleurs de Jardinage proposaient à l’oeil du lecteur un aliment pour satisfaire ses appétits d’horticulteur ou même de photographe amateur, un support à partir duquel son imagination se projetait vers le désir de réaliser son propre jardin, d’après des modèles prestigieux.
Les jardins des Établissements Truffaut, créer un objet d’excursion
Ayant lui-même côtoyé des photographes excursionnistes, Truffaut entreprit donc de mettre leur pratique au service de la communication de son entreprise. Cette captation du principe de l’excursion prit une ampleur d’autant plus importante qu’au cours de la même année 1911, le lancement de Jardinage coïncida avec le développement des établissements versaillais.
L’intense production photographique de la revue avait alors partie liée avec l’identité de marque de l’entreprise, comme l’un des nombreux signes de sa modernité technologique. En avril 1913, un reportage photographique fit ainsi la promotion de l’envergure et des équipements modernes des Établissements Georges Truffaut[36]. À cette date, l’entreprise innovait autant par ses expérimentations sur l’irradiation radioactive des végétaux, destinée à favoriser l’assimilation des engrais chimiques produits par ses laboratoires, que par l’optimisation de ses services commerciaux et publicitaires. Jardinage, que le lecteur tenait entre ses mains, était à ce titre l’échantillon tangible et probant de cette modernité.
Parmi les nouvelles installations, la roseraie des Établissements Georges Truffaut fut aménagée dès 1911 et plantée en 1912. À partir de 1913, Jardinage répéta donc inlassablement chaque été ses exhortations à venir la visiter au sein des établissements Truffaut. Durant une longue période estivale, les nouveaux espaces de la grande roseraie, et ceux des jardins d’expérience, étaient ouverts au public, tous les jours, de 9 h à 17 h, et jusqu’à midi le dimanche. Les jardins d’expérience restaient également ouverts toute la journée du dimanche, entre mai et septembre. Après l’interlude de la guerre, les appels se firent de plus en plus insistants au cours des années 1920. En 1922, le magazine consacra son numéro de juin à un important reportage photographique sur la roseraie (voir les figures 7 et 8). Ce grand jardin régulier fut bientôt encore augmenté d’un jardin paysager, que Jardinage présenta à ses lecteurs dans sa livraison suivante, en juillet 1922 (voir la figure 9).
La roseraie des Établissements Georges Truffaut à Versailles était manifestement inspirée de celle de Jules Gravereaux à L’Haÿ. Ordonnée symétriquement en amphithéâtre autour d’un bassin de nénuphars, elle était ceinte à son extrémité par une pergola (voir la figure 10). Les articulations du plan étaient marquées par des sculptures copiées sur des oeuvres célèbres du musée du Louvre, datées du 18e siècle français, une Compagne de Diane de René Frémin (1710–1714) et L’Amour menaçant d’Étienne-Maurice Falconet (1757), ou de l’époque hellénistique, pour l’Enfant luttant avec une oie[37] (voir la figure 11).
Or, si la roseraie de Jules Gravereaux avait déjà marqué la transformation d’un jardin savant en lieu de représentations, en étant soutenue par une imagerie photographique industrielle, les jardins de Truffaut à Versailles incorporaient quant à eux dès leur origine cette qualité photogénique. Le 4 juillet 1919 eut lieu la première visite de la SEAP à la roseraie de Georges Truffaut, sur une initiative de Charles Adrien[38]. Le parcours passait par les jardins, puis par le laboratoire et l’atelier de photographie. Un programme similaire fut encore proposé aux membres de la SEAP durant les étés 1920 et 1930[39]. Au même moment, un grand nombre de sociétés, photographiques ou strictement excursionnistes, intégrèrent les jardins Truffaut à leurs agendas de promenades.
Charles Adrien devint par ailleurs un actif collaborateur des Établissements Georges Truffaut et de son magazine. En juillet 1925, à l’occasion du centenaire de la dynastie des jardiniers, l’illustration d’un nouveau reportage consacré par Jardinage aux installations versaillaises fut entièrement confiée à Adrien. Au moins quatre autochromes du photographe, conservées aujourd’hui à la SFP, prirent comme objet les jardins de la société Truffaut[40]. Deux plaques, animées par un couple de femmes en robes rose et bleue, sont en particulier étroitement apparentées à celle que publia le magazine en couverture de son numéro de février 1920.
L’intégration du médium photographique au spectacle réel offert par les jardins de Versailles invitait à une expérience essentiellement visuelle, ou présentée comme telle aux lecteurs de Jardinage. Ainsi, le numéro de juin 1922 titrait « Une vision d’art » au-dessus d’une grande photographie de la roseraie, là où le numéro subséquent énonçait à la même place, mais cette fois comme titre d’une image du jardin naturel, « Voilà le Jardin rêvé ![41] ». Les descriptions textuelles empruntaient elles aussi aux champs lexicaux de l’art et du rêve, largement rebattus et quasiment interchangeables dans le magazine. Tout en ayant l’air vrais, les jardins de Georges Truffaut offraient à la vue des amateurs de jardinage l’accomplissement de leur fantasme. Le jardin se présentait comme un prolongement tridimensionnel de la photographie, doté du même effet de présence tout en étant en décalage avec la réalité.
Le double dispositif d’une revue et d’un jardin
Dans leurs contextes respectifs, les visées de Gravereaux à L’Haÿ et de Truffaut à Versailles avaient été fort différentes. Pour ce dernier, jardin et photographie ressortaient en effet tous deux au même dispositif visuel, mis au service de la stratégie communicationnelle et commerciale de son entreprise. Le terme dispositif convient ici d’autant mieux qu’il décrit précisément un mode de gouvernance stratégique de l’action, le but de Truffaut étant bien d’engager le spectateur dans la voie d’une activité encadrée. Le texte de Jardinage, qu’entourait les illustrations photographiques et les visites des jardins de l’entreprise, consistait essentiellement en conseils pratiques, orientant le lecteur vers l’utilisation des produits vendus par l’entreprise versaillaise ou par ses partenaires commerciaux. À l’instar d’une grande partie des discours didactiques proposés aux amateurs, celui de Georges Truffaut cultivait les ambitions pratiques de son public, le guidait pour mieux l’amener à consommer ses outils[42].
En ce début du 20e siècle, marqué par une grande activité de théorisation rationnelle de la publicité, il faut parler ici de « publicité masquée[43] ». Cette terminologie fut en effet utilisée en 1912 par Jules Arren dans son manuel Comment il faut faire de la publicité, pour désigner un type de réclame indirecte, usant de déguisements désintéressés. Selon Arren, la force de la publicité masquée tenait à sa capacité à délivrer des informations intéressantes et utiles au public :
Comment [la maison de commerce] peut-elle en tirer un profit direct ? Le plus souvent elle peut se citer elle-même comme exemple sans que cela nuise à l’intérêt : on peut ainsi décrire la pêche à la sardine, la fabrication de conserves, la culture de café, thé, cacaoyer, etc., le commerce de tel ou tel produit en se référant à un établissement précis dont on publiera des vues; ou encore on ne fera aucune allusion à une entreprise commerciale dans l’article en question: mais on en combinera l’apparition avec une publicité « ouverte », pour un certain produit[44].
Dans Jardinage, ce type de publicité rédactionnelle se déployait dans l’ensemble des pages de la revue, où les placements de produits étaient incessants. Ceux-ci ne concernaient d’ailleurs pas seulement le jardinage, mais aussi ponctuellement, à partir des années 1920, la photographie amateur. Une chronique épisodique intitulée « Causerie photographique » délivrait ainsi un discours apparemment pratique, tenu par Émile Giard, autour d’une activité créative et récréative, au même titre que le jardinage lui-même, et conformément aux principes de la SEAP. Chaque chronique était cependant aussi l’occasion pour un annonceur, l’As de Trèfle en 1922 et 1923 ou Photo-Plait en 1929, de vanter les mérites de ses produits, et de proposer en conclusion l’envoi gratuit de son catalogue.
Sous couvert de conseils pratiques qui fournissaient à Jardinage son intérêt, son utilité, la revue était une omniprésente stimulation textuelle et visuelle au loisir, dont l’accomplissement amènerait le lecteur à s’adresser aux magasins Truffaut. Les images apparemment documentaires de Jardinage étaient toujours légendées du nom du fournisseur des graines; et, de fait, rien ne distinguait formellement les premières et quatrièmes de couverture de la revue, où l’imagerie en couleurs avait cette fois une vocation publicitaire assumée. Ainsi, après avoir promu au cours des années 1910 différents pépiniéristes versaillais, avec qui la société avait sans doute passé des accords commerciaux, comme ce fut manifestement le cas pour Vilmorin-Andrieux et cie, Jardinage devint de plus en plus exclusivement, durant l’entre-deux-guerres, le support de communication des Établissements Georges Truffaut.
En évoquant la finalité commerciale de l’autochrome lors de sa conférence de 1909, Truffaut avait lui-même mentionné les deux professions d’horticulteur et d’architecte-paysagiste que la nouvelle photographie des couleurs pourrait servir. Si son magazine profita donc aux intérêts de certains pépiniéristes et des Établissements Georges Truffaut, il fit aussi la promotion du service d’architecture paysagère de la société, au même moment où il exhortait son lecteur à venir visiter sa grande réalisation, les jardins de l’entreprise à Versailles.
Dès lors, le dispositif de publicité masquée mis en place par la société était double, ou plutôt croisé, combinant un magazine et des jardins. Le détour mental d’une revue de conseils pratiques richement illustrés répondait au détour physique de l’excursion dans la roseraie et le jardin naturel de Versailles.
En suivant les étapes décrites par Arren pour conduire le client vers l’achat, l’association de l’image photographique et du jardin, après avoir ainsi attiré son attention et son intérêt, se devait de susciter son désir et enfin sa volonté[45]. Selon Arren, l’intérêt pratique formulé par le message publicitaire devait en effet être distingué théoriquement de son habileté à agir sur la sensibilité en créant un désir. Cette qualité était détaillée à la même époque par un autre manuel, consacré par Octave Jacques Gérin et C. Espinadel à la publicité suggestive : « L’acheteur ne raisonne pas son achat; il y est incité par les sollicitations extérieures agissant sur ses sens[46]. » Pour Gérin et Espinadel, la puissance de vente d’une publicité était également décrite comme un « effort suggestif chargé de transformer la visibilité intéressante à l’oeil en acte[47] ».
L’efficacité de l’autochrome et des jardins photogéniques de Versailles tenait précisément à leur habileté à charmer le spectateur, ce qu’exprimait par ailleurs le double langage artistique et onirique, pour parvenir à éveiller le désir du client. De ce point de vue, la finalité du dispositif combinant les médias qu’étaient la photographie et le jardin était la même que celle de toute bonne publicité : le passage à l’acte, l’incitation à l’excursion, à la photographie et finalement au jardinage, activité nécessitant l’achat de graines, d’engrais et de matériel.
La dynamique intermédiale entretenue par Georges Truffaut entre photographie et jardin éprouve ainsi l’efficacité d’une communication publicitaire référentielle, destinée à faire vrai, et plus particulièrement rédactionnelle, engageant le spectateur au passage à l’acte par une série de détours : détour de la photographie vers la visite du jardin; détour du réel vers le jardin de ses rêves; détour enfin du message publicitaire par l’exaltation de pratiques amateurs.
En un sens, la stratégie de communication des Établissements Georges Truffaut marquait un renouvellement formel des deux médias historiques de la publicité : le colportage et l’étalage[48]. La modernisation du premier avait été annoncée par Truffaut dès 1909, en recommandant de substituer aux échantillons des autochromes, puis mise en oeuvre en transformant le colporteur lui-même en magazine. L’édification d’un jardin en étalage semblait par voie de conséquence aller de soi.
Dans un récent article, Charlotte Guichard emprunte à James Griesemer et Susan Star la notion fameuse d’« objet-frontière », qui désigne un objet, concret ou théorique, capable temporairement de rassembler et d’agir en médiateur de mondes sociaux hétérogènes, tout en permettant le maintien d’une pluralité de points de vue[49]. Guichard propose notamment de considérer le parterre paysager comme un objet-frontière, dans la mesure où il est un moyen matériel de médiation entre régime esthétique et scientifique, capable d’être lu par des publics aux intérêts distincts. En un sens, les Établissements Georges Truffaut élargirent ces régimes de signification du parterre en invitant un autre type de public, défini comme clientèle, à le lire cette fois comme un catalogue commercial.
Appendices
Note biographique
Hadrien Viraben est post-doctorant pour le projet ANR « AmateurS : Amateurs en Sciences (France, 1850–1950) », rattaché au laboratoire TEMOS (UMR 9016 CNRS). Titulaire d’un doctorat en histoire de l’art, il est l’auteur de plusieurs contributions sur l’impressionnisme français et américain dans différentes revues internationales. Sa recherche actuelle se concentre sur la cohabitation des amateurismes scientifique, artistique et sportif au sein d’un espace commun, le plein air.
Notes
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[1]
Jean-Marie Floch, Sémiotique, marketing et communication. Sous les signes, les stratégies, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Formes sémiotiques », 2002, p. 183–226.
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[2]
Ni l’historiographie des jardins ni celle de la photographie ne gardent aujourd’hui la mémoire de ces réalisations. Signalons cependant la biographie, non scientifique, publiée par Jacques Legros, Les secrets de monsieur Truffaut, Paris, Éditions Tallandier, 2004.
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[3]
Voir par exemple, sur le goût pour la culture des fleurs en intérieur au 19e siècle, Manuel Charpy, Le théâtre des objets. Espaces privés, culture matérielle et identité bourgeoise. Paris, 1830–1914, thèse de doctorat, Université François-Rabelais, Tours, 2010, p. 123–133, http://www.applis.univ-tours.fr/theses/2010/manuel.charpy_1701.pdf (consultation le 5 décembre 2020). Sur le jardinage, voir également le récent catalogue d’exposition Colta Ives, Public parks, private gardens: Paris to Provence, catalogue d’exposition, The Metropolitan Museum of Art, New York, The Metropolitan Museum of Art, 2018. Étant donné l’importante bibliographie consacrée à la photographie amateur en France, nous signalerons simplement quelques ouvrages de référence : Michel Poivert, Le pictorialisme en France, 1892–1914, thèse de doctorat, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 1992; Sylvie Aubenas et André Gunthert (dir.), La révolution de la photographie instantanée, catalogue d’exposition, Bibliothèque nationale de France, Paris, Bibliothèque nationale de France / Société française de photographie, coll. « Cahier d’une exposition », 1996; Clément Chéroux, Une généalogie des formes récréatives en photographie : 1890–1940, thèse de doctorat, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2004.
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[4]
Léon Gimpel, « La photographie des couleurs à “L’Illustration” », L’Illustration, no 3.355, 1907, p. 387–389. Sur l’histoire de l’autochrome, nous renvoyons tout particulièrement aux travaux de Nathalie Boulouch, La photographie autochrome en France (1904–1931), thèse de doctorat, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 1994.
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[5]
Lors de la présentation de juin 1907, Léon Gimpel projeta plusieurs prises de vue photographiques récentes, dont une série exécutée trois jours plus tôt lors de la fête des fleurs de Paris. Dans son article pour L’Illustration, le photographe reproduisit encore quatre exemples parmi ses nouvelles réalisations, dont une nature morte intitulée Oranges et glycines. Gimpel, 1907, n.p. Un an plus tard, à Londres, les quatorze planches consacrées par la revue britannique The Studio au nouveau procédé couleur incluaient quatre natures mortes florales d’Adolf de Meyer et F. W. Urquhart. Charles Holme (dir.), Colour photography, and other recent developments of the art of the camera, Londres, The Studio, 1908, planches 69, 75, 81, 98. En mars 1910, aux États-Unis, les premières autochromes à paraître dans le Scribner’s Magazine étaient, cette fois, consacrées à un jardin. Helena Rutherfurd Ely, « Color Arrangements of Flowers », Scribner’s Magazine, vol. 47, no 3, 1910, p. 292–301. En 1914, le National Geographic adoptait à son tour la photographie des couleurs, qui allait connaître un grand succès dans ses pages. L’image choisie fut celle d’un Jardin de fleurs à Gand, prise par Paul G. Guillumette. « A Ghent Flower Garden », The National Geographic Magazine, vol. 26, n° 1, 1914, p. 49. La même année, un des premiers livres américains illustrés par des photographies en couleurs était dédié à l’oeuvre de l’horticulteur Luther Burbank. John Whitson, Robert John et Henry Smith Williams (dir.), Luther Burbank: his methods and discoveries and their practical application, New York/Londres, Luther Burbank Press, 1914, disponible sur Biodiversitylibrary.org, https://www.biodiversitylibrary.org/bibliography/20414#/summary (consultation le 5 décembre 2020).
-
[6]
F. Honoré, « Le Paradis des roses », L’Illustration, no 3380, 1907. Sur ce reportage photographique, voir Boulouch, 1994, p. 254–255; Thierry Gervais, L’illustration photographique : naissance du spectacle de l’information (1843–1914), thèse de doctorat, École des hautes études en sciences sociales, 2007, p. 324–325.
-
[7]
Sur la roseraie de L’Haÿ et la « rosomanie », voir François Joyaux, La rose, une passion française : 1778–1914, Bruxelles, Paris, Éditions Complexe, 2001, p. 193–202; Nathalie Ferrand, Créateurs de roses : à la conquête des marchés, 1820–1939, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2015, p. 194–206.
-
[8]
Bulletin de la Société d’excursions des amateurs de photographie (ci-après désigné Bulletin de la SEAP), no 117, 1908, p. 270.
-
[9]
Bulletin de la SEAP, no 118, 1908, p. 279.
-
[10]
Bulletin de la SEAP, no 127, 1909, p. 118; no 137, 1910, p. 116; no 146, 1911, p. 244. Sur Adrien, voir Boulouch, 1994, p. 274–275.
-
[11]
Bulletin de la SEAP, no 147, 1911, p. 264–265.
-
[12]
Les collections d’autochromes de la SFP, mises en ligne sur le site de la Société, témoignent abondamment de ce goût, http://www.sfp.asso.fr/photographie/ (consultation le 3 juillet 2020). La production d’un autochromiste amateur comme Julien Gérardin permet également d’apprécier la prégnance du motif floral. La collection Julien Gérardin se trouve à l’École nationale supérieure d’art et de design de Nancy, http://autochromes.ensa-nancy.fr/ (consultation le 3 juillet 2020).
-
[13]
« Concours de photographies en couleurs sur plaques autochromes », Bulletin de la Société photographique du Nord de la France, octobre 1907, p. 117.
-
[14]
Boulouch, 1994, p. 293.
-
[15]
Ernest Coustet, La photographie en couleurs sur plaques à filtres colorés, Paris, B. Tignol, 1908, p. 81–82.
-
[16]
Pour une comparaison technique des premiers procédés couleur et sur leur commercialisation, voir notamment Bertrand Lavédrine et Jean-Paul Gandolfo, L’autochrome Lumière : secrets d’atelier et défis industriels, Paris, CTHS, 2009, p. 78–95.
-
[17]
Bulletin de la SEAP, no 111, 1908, p. 154–161.
-
[18]
Bulletin de la SEAP, no 122, 1909, p. 19–24.
-
[19]
Bulletin de la SEAP, no 129, 1909, p. 144–147.
-
[20]
Bulletin de la Société française de photographie (ci-après désigné Bulletin de la SFP), vol. 25, no 9, 1909, p. 173–179.
-
[21]
Bulletin de la SFP, vol. 4, no 3, 1913, p. 85–86.
-
[22]
L. R., [est-ce possible de mettre l’auteur ?] « Compte rendu de la XXe séance de projection, offerte par la Section liégeoise, dans la salle du Conservatoire royal de musique le vendredi 10 avril 1908 », Association belge de photographie. Bulletin, vol. 35, no 5, 1908, p. 161–169.
-
[23]
Georges Truffaut, « Notes et mémoires : Conférence sur les applications de la photographie en couleurs à l’horticulture », Journal de la Société nationale d’horticulture de France, vol. 10, 1909, p. 48–54.
-
[24]
« M. Fallières inaugure l’exposition des chrysanthèmes », Le Petit Parisien, 4 novembre 1911, p. 4.
-
[25]
Administration de « Jardinage », « “Jardinage” que voici vous présente ses hommages...” », Jardinage, no 1, 1911.
-
[26]
Ibid.
-
[27]
Georges Bellair, « Notre photographie en couleurs : Les iris de Kaempfer (Iris Kaempferi) », Jardinage, no 1, 1911, p. 21.
-
[28]
Boulouch, 1994, p. 253.
-
[29]
Boulouch, 1994, p. 256–258.
-
[30]
Revue horticole, vol. 9, no 13, 1909, p. 307, figure 123.
-
[31]
Caroline Fieschi, Photographie et botanique en France de 1839 à 1914, thèse de doctorat, École nationale des chartes, Paris, 1995, p. 32–45. Voir également Caroline Fieschi, Photographier les plantes au xixe siècle. La photographie dans les livres de botanique, Paris, Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques, coll. « CTHS Sciences », 2008.
-
[32]
Une publicité de 1912 évoque un tirage de 50 000 exemplaires, diffusé en France, en Belgique et en Suisse. Georges Truffaut, Comment on soigne son jardin, Versailles, Établissements et laboratoires G. Truffaut, 1912, p. 7.
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[33]
En 1924, un nouveau concours de photographie fut organisé par Jardinage, mais son jury fut strictement restreint à l’équipe de rédaction de la revue, soit Truffaut, Grosdemange et Gouthière.
-
[34]
Sur les photographies prises du jardin de Monet à Giverny, voir Françoise Heilbrun, « Le patriarche de Giverny devant l’objectif », Marina Ferretti (dir.), Le jardin de Monet à Giverny : l’invention d’un paysage, catalogue d’exposition, Musée des impressionnismes, Giverny, Milan, 5 Continents, 2009, p. 31–37; et Marina Ferretti Bocquillon, « Le jardin de Monet à Giverny ou l’invention d’un paysage », Hervé Brunon et Denis Ribouillault (éd.), De la peinture au jardin, Florence, Olschki, coll. « Giardini e paesaggio », 2016, p. 247–262.
-
[35]
Jardinage, no 30, 1914.
-
[36]
La Rédaction, « Les Laboratoires Georges Truffaut : leur but, leur oeuvre », Jardinage, no 17, 1913, p. 411–415.
-
[37]
La roseraie de L’Haÿ était elle-même ornée d’une copie de la Diane au bain de Falconet (1757).
-
[38]
Bulletin de la SEAP, no 187, 1919, p. 77–78.
-
[39]
Bulletin de la SEAP, 1920, no 197, p. 77; Bulletin de la SEAP, no 296, 1930, p. 597.
-
[40]
Les collections de la SFP comportent encore une autochrome anonyme montrant la roseraie de Versailles, autochrome anonyme no 148.
-
[41]
Jardinage, n° 63, 1922, p. 446.
-
[42]
La longue série des manuels Comment on soigne son jardin, publiée par Georges Truffaut à partir de 1912, se présente ainsi essentiellement comme un catalogue commercial. Sur l’inscription des pratiques amateurs dans une économie de la consommation expressive, voir Stephen D. Knott, Amateur Craft as a Differential Practice, thèse de doctorat, Royal College of Art, 2011.
-
[43]
Sur l’histoire de la publicité, voir notamment Marc Martin, Trois siècles de publicité en France, Paris, Éditions Odile Jacob, 1992; Marie-Emmanuelle Chessel, La publicité : naissance d’une profession (1900–1940), Paris, CNRS Éditions, 1998, disponible sur OpenEditionBook.org, http://books.openedition.org/editionscnrs/538 (consultation le 5 décembre 2020).
-
[44]
Jules Arren, Comment il faut faire de la publicité, Paris, Pierre Lafitte, 1912, p. 174–175.
-
[45]
Arren, 1912, p. 40–41.
-
[46]
Octave Jacques Gérin et C. Espinadel, La publicité suggestive. Théorie et technique, [1911], Paris, Dunod, 1927, p. 46.
-
[47]
Gérin et Espinadel, 1927 [1911], p. 52.
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[48]
Voir Arren, 1912, p. 20–21.
-
[49]
Charlotte Guichard, « La coquille au xviiie siècle : un objet-frontière ? », Techniques & Culture, no 59, 2012, p. 150–163, disponible sur OpenEditionJournal.org, https://doi.org/10.4000/tc.6610 (consultation le 5 décembre 2020). Voir l’article originel de Susan Leigh Star et James R. Griesemer, « Institutional Ecology, “Translations” and Boundary Objects: Amateurs and Professionals in Berkeley’s Museum of Vertebrate Zoology, 1907–39 », Social Studies of Science, vol. 19, no 3, 1989, p. 387–420. Voir également Pascale Trompette et Dominique Vinck, « Retour sur la notion d’objet-frontière », Revue d’anthropologie des connaissances, vol. 3, no 1, 2009, p. 5–27, disponible sur Cairn.info.org, https://www.cairn.info/revue-anthropologie-des-connaissances-2009-1-page-5.htmHumanities (consultation le 5 décembre 2020).