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Rares sont les études, tant au Québec qu’ailleurs en Occident, qui se sont penchées sur le célibat. Cela est d’autant plus vrai en ce qui concerne le célibat féminin, en particulier lorsqu’il est laïc. Avec cette contribution originale, Geneviève Guilpain, philosophe, a choisi non pas d’en faire l’histoire, mais bien de présenter certaines figures de femmes qui ont choisi le célibat et l’ont assumé fièrement. Ayant pour point de départ le postulat que le statut de célibataire a favorisé, à chaque époque, une réflexion sur l’identité féminine, le fonctionnement social et la mise à l’écart des célibataires, elle a ainsi parcouru les écrits laissés par des célibataires, à la recherche de ces réflexions critiques sur la société. C’est donc principalement sur des journaux intimes, des oeuvres de fiction et des essais que repose cet ouvrage résolument engagé.
Le livre est divisé en quatre parties qui respectent la chronologie. La première se consacre aux écrits de femmes de la toute fin du 17e et du 18e siècle, une période décrite par l’auteure comme relativement réceptive au choix du célibat en comparaison des siècles précédents. Elle y présente les écrits de Marie de Gournay, Anne Marie de Schurman et Gabrielle Suchon, femmes savantes de leur temps. La seconde partie porte sur des femmes du 19e siècle, au cours duquel l’importance accordée à la famille est accompagnée d’un important recul quant au statut de célibataire. Les écrits des saint-simoniennes, de Jeanne Deroin, Jenny d’Héricourt, Louise Michel, Flora Tristan, Justine Guilery, Sophie Ulliac-Trémadeure, Claire Pic et Catherine Pozzi, célibataires assumées, se font d’autant plus critiques face aux contraintes du mariage. Portant sur le 20e siècle, la troisième partie fait état de l’irrépressible expansion du célibat, rendu possible par de nouvelles formes d’apostolat laïc, et se penche sur les revendications de l’amour libre de la seconde moitié du siècle. Finalement, la dernière partie de l’ouvrage fait valoir que le célibat a perdu, depuis la fin du 20e siècle, sa dimension politique et contestataire puisqu’il est désormais de plus en plus accepté. Selon l’auteure, la lutte pour la réappropriation de leurs corps par les femmes a pris toute la place, et les critiques des célibataires quant à l’institution du mariage ont été mises de côté.
Si l’on ne peut reprocher à l’auteure de ne pas faire l’histoire du célibat féminin, puisque ce n’était pas son objectif et qu’elle l’énonce clairement, il demeure que la lecture de cet ouvrage ne manque pas de nous rappeler que l’on devrait se pencher sur l’histoire des célibataires, et pas seulement les plus connues qui sont présentées dans l’ouvrage, mais bien de toutes les célibataires. Car force est de constater que les écrits analysés par Guilpain ne rendent compte que de réflexions de femmes appartement à l’élite intellectuelle de leur époque, et il est vraisemblable qu’elles ne soient pas représentatives de l’expérience du célibat de femmes d’autres milieux. D’ailleurs, si l’auteure fait un excellent travail d’analyse, de présentation et de mise en relation d’écrits rédigés sur plusieurs siècles, on peut regretter qu’elle ne renseigne pas plus les lecteurs sur la réception de ces oeuvres au temps de leur parution.
Finalement, l’auteure ne s’intéresse qu’à des femmes qui ont choisi le célibat, et qui sont forcément critiques de la place accordée aux femmes et des rapports entre les sexes à leur époque. C’est ce qu’elle cherchait, soit, mais compte tenu du sort qui était réservé aux célibataires entre le 18e et le 20e siècle, il y a fort à parier qu’une importante proportion d’entre elles n’avaient pas choisi cette position et qu’elles auraient préféré se marier, en dépit des contraintes qui accompagnaient le mariage. Sans rien enlever à la qualité de l’ouvrage, il apparaît néanmoins que ce dernier sera plus utile à ceux qui s’intéressent de près à une des femmes dont les écrits sont ici présentés, qu’à ceux qui souhaitent en connaître davantage sur le vécu du célibat féminin dans la période étudiée.