Abstracts
Résumé
Cet article s’intéresse à l’invention du Vieux-Montréal, secteur protégé en raison de ses qualités patrimoniales en 1964 par le gouvernement du Québec. Il cherche toutefois à dépasser l’étude de ce moment charnière pour inscrire le processus de patrimonialisation dans le temps long. Plus précisément, il s’intéresse aux représentations afin de comprendre la construction de l’image du Vieux-Montréal comme quartier historique. Le dépouillement de guides touristiques publiés sur Montréal de 1840 à 2000 permet de saisir les représentations de la ville données à voir aux visiteurs qui ont arpenté le secteur depuis le 19e siècle. L’analyse fait ressortir quatre moments qui sont autant d’étapes ayant mené à l’invention du Vieux-Montréal.
Abstract
This article looks at the invention of Old Montreal, protected by the government of Quebec for its heritage qualities in 1964. However, it seeks to move away from this pivotal moment to study the long term process. More specifically, it focuses on representations to understand the construction of Old Montreal’s image as a historic district. Analyzing tourist guidebooks on Montreal published from 1840 to 2000 enables us to grasp the representations of the city offered to visitors to the area since the 19th century. Four moments emerge as stages in the invention of Old Montreal.
Article body
Le quartier historique du Vieux-Montréal est un incontournable du tourisme dans la métropole québécoise[1]. Quatre-vingt-quatre pour cent des 10 millions de visiteurs annuels à Montréal s’y rendraient[2]. Avec le centre-ville moderne, il est le secteur par excellence dans lequel se concentre le tourisme. Il suffit de consulter n’importe quel guide touristique pour comprendre la place qu’il occupe. Les raisons de l’intérêt pour le Vieux-Montréal peuvent paraître assez simples. Il s’impose comme un haut lieu du patrimoine qui renferme une collection impressionnante de sites archéologiques et de bâtiments historiques[3]. La physionomie du quartier se distingue du reste de la ville. Il n’est pas étonnant, par exemple, de lire dans le Géoguide Montréal : « Avec ses ruelles pavées et ses vénérables façades en pierre de taille grise, le Vieux-Montréal … tranche sur le reste de la ville, offrant au visiteur un voyage dans le temps[4]… » Un autre guide explique : « Rues pavées, calèches et édifices anciens donnent au Vieux-Montréal un petit air d’Europe. Il faut flâner ici pour admirer quelques-uns des plus beaux bâtiments de la ville[5]. » Outre le paysage urbain, la présence de plusieurs musées d’histoire accentue l’impact culturel du Vieux-Montréal. Une offre commerciale attrayante consolide l’attractivité du lieu. Bref, le Vieux-Montréal propose une expérience urbaine unique à laquelle participe pleinement l’extraordinaire présence de bâtiments anciens.
À l’évidence, il n’en a pas toujours été ainsi. Les recherches sur le Vieux-Montréal ont, entre autres, permis de mieux comprendre l’extrême rapidité avec laquelle le secteur a été protégé. En 1961, l’Inventaire des maisons historiques dans le vieux Montréal réalisé par le service d’urbanisme ne recensait que 16 bâtiments[6]. Une partie du secteur devait même être rasée dans le cadre d’un programme de renouveau urbain présenté au même moment, reprenant ainsi l’idée d’un projet de ville imaginé par l’architecte Jacques Gréber en 1955[7]. Pourtant, en 1962, la Ville de Montréal crée la commission Jacques-Viger qui obtient le mandat de veiller à la préservation de la physionomie historique du quartier. Un an plus tard, dans son rapport, l’agence d’urbanisme Van Ginkel Associates consolide la vision d’un site historique ayant une valeur d’ensemble[8]. Cette vision se concrétise, quelques mois plus tard, avec la constitution de l’arrondissement historique — aujourd’hui le site patrimonial — de Montréal par le gouvernement du Québec. Le secteur est officiellement protégé au nom de l’histoire et du patrimoine. Mais le développement touristique est également au coeur du projet[9]. Si les années 1960 représentent un moment charnière d’un point de vue juridico- administratif dans la reconnaissance du caractère distinct du secteur, nous souhaitons poser un regard plus large afin de mieux cerner la construction de l’image historique du Vieux-Montréal pour en comprendre l’invention.
Ce chantier apparaît important, car il permettra de mieux interpréter, sur la longue durée, le changement opéré dans la perception du secteur. Les recherches menées dans le cadre de l’inventaire du patrimoine du Vieux-Montréal, qui a débouché, entre autres, sur la publication de l’ouvrage L’histoire du Vieux-Montréal à travers son patrimoine, n’ont pas aidé à éclaircir cette question. Gilles Lauzon et Jean-François Leclerc, dans le chapitre de cet ouvrage consacré aux années 1880-1950, notent l’apparition des expressions « Old Montreal », « Vieux Montréal » et « vieux Montréal » vers les années 1880[10]. Toutefois, les auteurs bifurquent rapidement vers le mouvement commémoratif qui prend alors forme. À cet égard, Alan Gordon a apporté une solide contribution au développement de la conscience historique dans l’espace public, même s’il s’intéresse peu à la constitution d’une conscience patrimoniale du Vieux-Montréal[11]. Jacques Des Rochers et Alain Roy abordent plus directement cette question par la constitution de la cité historique, mais les dates charnières de leur recherche les amènent déjà à l’orée des années 1960[12].
Afin d’aborder la problématique sur la longue durée, l’étude des représentations convient le mieux. En nous attardant aux représentations, nous cherchons à cerner le phénomène d’identification et de valorisation du patrimoine. Si le patrimoine n’existe pas en soi, s’il est regard chargé de valeurs signifiantes[13], il est donc possible de suivre ce regard à travers la présentation du quartier. Les guides touristiques sur Montréal, publiés depuis la première moitié du 19e siècle, s’imposent dès lors comme un corpus d’une richesse unique. Ces ouvrages, comme leur nom l’indique, servent à guider le visiteur pour qu’il puisse plus facilement se déplacer, se loger et se nourrir. Surtout, ils aident à voir et à décoder le lieu visité[14]. Les guides signalent aux visiteurs ce qu’il ne faut pas manquer et donnent des clefs de lecture pour comprendre le lieu[15]. Le travail de description et d’organisation des lieux, tant par le texte et les images que par les cartes, met en ordre l’effervescence urbaine pour la rendre intelligible au visiteur[16]. De plus, les guides touristiques sont indéniablement un vecteur de l’affirmation de la singularité des destinations qui, souvent, s’exprime à travers le patrimoine, vu comme un marqueur de l’identité du lieu[17]. En ce sens, ces ouvrages sont un espace de représentation exceptionnel pour appréhender la ville[18] et les images qui la nourrissent[19].
Les guides touristiques constituent un corpus unique susceptible d’offrir une vue d’ensemble sur plus de cent cinquante ans de tourisme à Montréal. Malgré la transformation des publications au fil du temps, ils forment une source homogène qui permet de suivre la manière de présenter le quartier et les éléments qui retiennent l’attention des rédacteurs[20]. Certes, ils ont considérablement varié au cours de la période étudiée. Plusieurs chercheurs ont d’ailleurs montré que le contenu des guides soutenait des stratégies ou des objectifs différenciés selon les rédacteurs ou les commanditaires[21]. Toutefois, les représentations de la ville sont moins touchées par ces considérations. Elles sont, au contraire, les témoins d’un regard dominant variant selon les périodes.
Nous avons ainsi dépouillé près de 130 guides touristiques publiés entre 1840 et 2000. Nous avons ignoré ceux portant seulement sur le Québec et sur le Canada pour nous concentrer sur Montréal. Nous avons admis dans le corpus les guides consacrés à plus d’une ville, souvent Montréal, Québec et Ottawa. Nous voulions que les renseignements sur la ville soient assez nombreux pour le moissonnage d’images et de représentations. Les guides sont majoritairement publiés en anglais, mais une offre en langue française émerge à la fin du 19e siècle. Elle reste cependant timide jusque dans les années 1960. Les guides recensés fluctuent au cours de la période. Une vingtaine d’ouvrages datant d’avant 1900 ont été consultés, dont huit pour la décennie 1890. Par la suite, leur nombre augmente. Une cinquantaine ont été publiés pour la période allant de 1900 à 1960. À partir de 1960, une quinzaine de guides par décennie ont été analysés, totalisant une soixantaine de documents. Évidemment, les guides sont de différentes natures. Certains sont volumineux, alors que d’autres ne comptent que quelques pages. La plupart paraissent dans un format facilement transportable. Tous présentent la ville et aident le visiteur à en saisir l’essence.
Le dépouillement a été réalisé de manière systématique, ce qui ne veut pas dire que tous les guides ont été passés en revue. Les guides touristiques ont longtemps souffert de dévalorisation et il n’est pas toujours simple de les retrouver. Heureusement, les Archives de la Ville de Montréal et Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), grâce à leurs programmes de numérisation, facilitent l’accès aux sources. Le projet de documentation du Vieux-Montréal a été d’une aide précieuse pour identifier les documents.
Notre travail a donc consisté à collecter et à analyser ce qui est dit et montré du quartier appelé aujourd’hui le Vieux-Montréal. Nous avons d’abord recensé les lieux indiqués aux visiteurs. Nous avons ensuite cherché à détecter une conscience historique. Est-ce que les guides abordent l’histoire de Montréal ? Quels sont les sites historiques proposés ? Comment sont-ils décrits ? Y a-t-il des manières de rendre compte de l’historicité du lieu ? Nous avons également cherché à définir le discours général sur le secteur. Nous nous sommes questionnés sur la place de celui-ci par rapport à l’ensemble de la ville. Nous avons enfin tenté de distinguer des lignes de force. Quelles sont les représentations dominantes ? Quand s’expriment-elles ? Cela nous a permis de singulariser quatre moments qui scandent l’invention du Vieux-Montréal depuis 1840, année de publication des premiers guides sur Montréal. Ces quatre moments permettent de suivre la construction de l’image patrimoniale du Vieux-Montréal, car chacun singularise une manière d’appréhender et de présenter ce territoire. S’ils s’organisent chronologiquement de la première moitié du 19e siècle jusqu’à aujourd’hui, les frontières sont poreuses entre les différents tableaux qui se succèdent.
Si peu de traces pour narrer l’histoire de la ville (1840-1890)
Notre voyage débute en 1843, année de la publication d’un premier guide sur Montréal. Jusqu’aux années 1890 se dessine un premier moment durant lequel les ouvrages destinés aux voyageurs font très peu référence aux traces physiques de l’aventure urbaine montréalaise. Cela ne veut pas dire que les rédacteurs des guides touristiques sont insensibles à l’histoire. Au contraire, beaucoup de guides y consacrent leurs premières pages. D’autres insèrent des descriptions historiques dans la présentation de tel ou tel lieu. Une chronologie sommaire propose quelques balises temporelles. Aux dates s’ajoutent les noms de personnages marquants de l’histoire locale. Dans l’ensemble, le récit est assez typique de l’histoire événementielle et de la valorisation des grandes figures héroïques.
La narration de l’ensemble des récits historiques s’ouvre sur la visite de Jacques Cartier lors de son deuxième voyage au Canada en 1535. C’est l’occasion de renseigner les lecteurs sur l’origine du toponyme de la ville. John Langford, dans son Tourist’s Guide to the City of Montreal de 1866, consacre de longs passages à l’explorateur français[22]. Tous les guides évoquent la présence d’un village autochtone du nom d’Hochelaga. Pour Langford, comme pour tous les autres, l’histoire de la ville débute avec la venue de Cartier. « Les Français s’installent d’abord ici en 1542[23], et exactement un siècle plus tard, le lieu destiné pour la Cité fut consacré ...[24] », peut-on lire dans l’édition de 1879 du Strangers’ Guide to the City of Montreal. Cette généalogie revendiquée avec l’explorateur est une manière de « vieillir » la ville, alors que la colonisation européenne ne date que d’un peu plus de deux cents ans. Dans tous les cas, il ne s’agit cependant pas d’associer l’histoire de la ville aux premiers habitants de l’île. C’est Cartier qui donne de l’importance à l’événement et non la présence d’un village autochtone.
Les guides poursuivent la narration de l’histoire de la ville avec le passage de Samuel de Champlain, l’arrivée de Paul de Chomedey de Maisonneuve et celle des premiers colons. Dans le Hand-Book for the City of Montreal and Its Environs, préparé pour le congrès de l’American Association for the Advancement of Science tenu en 1882, un des membres de l’association écrit : « Chaque visiteur arrivant par le fleuve doit remarquer la maison des douanes, un bel édifice triangulaire en pierre grise … Cela rappelle un emplacement triangulaire, lequel, dans les anciens temps, était formé par un petit ruisseau qui se déversait ici dans le cours d'eau principal. Sur ce site, le 18 mai 1642, Paul de Chomedey, sieur de Maisonneuve, fonda Ville-Marie de Montréal …[25]. » En général, les guides n’insistent pas davantage sur les débuts de Montréal. Ils entraînent rapidement le lecteur dans la ville commerciale du 19e siècle.
Après un premier chapitre consacré aux notes historiques, les guides de la première période se présentent généralement à la manière de répertoires d’information afin que le touriste (ou même l’immigrant) puisse s’orienter autour de rubriques précises. Le premier guide publié sur Montréal en 1843, The Strangers’ Guide to the City of Montreal, est un exemple assez typique de cette période[26]. L’auteur, Robert W.S. Mackay (v. 1809-1854), est un Écossais fraîchement arrivé en Amérique du Nord britannique qui se spécialise dans la publication d’ouvrages pratiques et statistiques[27]. Il tient une librairie rue Notre-Dame. Le guide est publié par l’imprimerie Lovell qui a déjà collaboré avec MacKay. Il est réédité quelques fois à la suite de cette première parution.
De manière générale, la présentation de Montréal y est assez neutre. Le guide est organisé en sections couvrant différents sujets qu’un index, placé au début de l’ouvrage, permet d’identifier. Les informations utiles au voyageur, comme les hôtels, les banques, les compagnies de transport, le bureau de poste, les heures de service religieux des différentes églises ou encore les journaux et les périodiques, sont facilement repérables. Le lecteur d’aujourd’hui est plus étonné d’y découvrir la liste des institutions caritatives, des écoles, des sociétés scientifiques et littéraires ou des entreprises et des officiers publics. Il est vrai que le visiteur qui débarque dans une ville d’environ 45 000 habitants doit trouver le moyen de s’occuper. Enfin, une carte, en fin de volume, situe le bureau de poste, 13 hôtels, 7 banques, 11 lieux publics et 26 lieux de culte. La carte est signée Adolphus Bourne (1795-1886), un graveur et imprimeur anglais[28]. Elle signale 58 points d’intérêt. Enfin, si l’édition de 1843 ne contient aucune image, celles qui suivent insèrent quelques gravures de bâtiments publics importants. En somme, cet ouvrage, comme les autres de ce premier moment, offre peu d’informations au chercheur qui piste la genèse d’un patrimoine urbain, si ce n’est l’absence d’intérêt pour les traces de l’histoire de la ville.
Dans le lot, The New Guide to Montreal and Its Environs, publié en 1851, constitue un document exceptionnel[29]. L’auteur — dont nous ne connaissons pas le nom — propose un circuit de visite, ce qui est tout à fait original pour les guides montréalais de la seconde moitié du 19e siècle. Il entraîne ainsi le visiteur sur un territoire situé à l’intérieur des anciennes fortifications, depuis le square Dalhousie, en passant par les rues Notre-Dame, McGill et Saint-Paul, pour revenir au point de départ. Ce parcours n’est pas nécessairement le signe d’un intérêt pour l’histoire ou le patrimoine de la ville, puisque l’essentiel de la vie urbaine au tournant des années 1850 s’y trouve. L’hôtel de ville, le palais de justice, les principales églises et institutions, de même que les commerces et les autres services sont concentrés dans ce périmètre. Certains indices permettent toutefois d’y voir le début d’un intérêt pour la vieille ville. L’auteur fait en effet remarquer : « Les rues de la vieille ville ont été nommées d’après une variété de saints, alors que la désignation dans la partie plus moderne nous rappelle les gouverneurs Craig, Dorchester, Sherbrooke, etc.[30] » Il utilise d’abord le concept de « vieille ville » ou « old city ». Il signale ensuite qu’une partie de la toponymie rappelle le passé français — les nombreux saints —, alors que les nouveaux odonymes — les noms des gouverneurs — se rattachent au régime britannique instauré à Montréal après 1760. Enfin, au long du parcours, tout en soulignant la présence de bâtiments récents, l’auteur s’intéresse à quelques traces physiques de l’histoire de la ville. Il invite ainsi les visiteurs à admirer la Old Government House, connue aujourd’hui sous le nom de château Ramezay. Un peu plus loin, il note à propos de l’église presbytérienne de la rue Saint-Gabriel : « … la cloche de son clocher est la première cloche protestante à avoir sonné au Canada[31] ». Il attire l’attention sur le couvent des soeurs de la congrégation de Notre-Dame, fondée en 1659, sur l’église Bonsecours, l’une des deux premières églises de pierre construites sur l’île de Montréal, sur le séminaire Saint-Sulpice, « un des plus anciens établissements associés à l’Église catholique romaine dans la cité[32] », auquel il donne le nom — en français dans le texte — de « Petite Seminaire or Little Seminary », malheureusement orthographié avec deux coquilles. L’intérêt manifesté par The New Guide to Montreal pour la « vieille ville » est novateur. Le guide identifie également quelques éléments qui sont appelés à devenir des incontournables dans la présentation du Vieux-Montréal. C’est toutefois le seul document de ce type publié entre 1843 et les années 1890.
Est-ce la jeunesse de la ville ? Est-ce le manque de sensibilité des rédacteurs des guides ? Il est certain qu’il y a peu de raisons de considérer le caractère historique de bâtiments utilisés au quotidien. Dans une ville vivant une période de croissance intense, ce sont davantage les signes du dynamisme urbain ou les avancées techniques qui attirent les commentateurs. Les installations portuaires, par exemple, sont l’objet d’observations élogieuses. John Langford, dans The Tourist’s Guide to the City of Montreal de 1866, écrit : « Les quais de Montréal sont inégalés par rapport à ceux de n’importe quelle ville d’Amérique ; construits en pierre calcaire solide et unis aux écluses et aux quais en pierre taillée du canal de Lachine, ils présentent sur plusieurs milles un déploiement de maçonnerie qui a peu d’équivalents [33]. » A contrario, lorsqu’elles sont évoquées, les « vieilles maisons » sont plutôt regardées avec désintérêt. Dans le Hand-Book of Montreal, Quebec and Ottawa, publié en 1860, Robert Moore commente sa promenade sur la rue Notre-Dame. Après avoir noté la présence de l’église des Récollets — « Il s’agit de la plus ancienne église de la ville, construite en 1725 » —, toutefois détruite en 1866, il écrit :
En avançant, nous constatons que des améliorations sont en cours, l’intention étant manifestement d’atteindre une plus grande largeur, car nous observons des blocs de nouveaux bâtiments élégants érigés à une courte distance de la ligne des maisons plus anciennes, qui s’avancent tellement qu’elles rendent la rue inconfortablement étroite. Ces vieilles maisons montrent clairement que la rue Notre-Dame a été aménagée à l’époque où la propreté et l’air frais n’étaient pas considérés comme des luxes. Mais cette époque est révolue, n’y revenons plus, et nous voyons que les enfants de cette génération sont plus sages que leurs pères[34]…
La valorisation du dynamisme économique de Montréal, la plus importante ville du Canada, est un aspect incontournable de l’image dépeinte aux visiteurs. Dans ce contexte, il faut bien s’accommoder de la démolition de structures plus anciennes pour faire place au progrès. Néanmoins, une nouvelle manière de narrer l’histoire de la ville se développe dans les années 1890.
Les monuments et les plaques commémoratives racontent l’histoire dans la ville (1890-1950)
Le 250e anniversaire de la fondation de Montréal en 1892 est l’occasion d’investir symboliquement l’espace public. La ville entre alors, comme d’autres villes au Québec et en Occident[35], dans une vague commémorative. Dès 1773, un buste de George III fut installé sur la place d’Armes et y resta pendant quelques années[36]. À la suite de la mort de Simon McTavish en 1804, une colonne fut érigée en son honneur près de sa résidence au pied de la montagne[37]. En 1809, la place Jacques-Cartier accueillait la colonne Nelson pour souligner la victoire de l’amiral Horatio Nelson (1758-1805) sur la flotte napoléonienne lors de la bataille de Trafalgar. Il faut attendre les années 1860 avant que plusieurs autres monuments soient érigés dans l’espace public montréalais[38]. Toutefois, c’est à partir des années 1890 que s’affirme un véritable engouement pour la commémoration à caractère historique à Montréal.
La situation en cette fin de siècle est donc bien différente. Cinquante ans plus tôt, le bicentenaire de la fondation de Montréal est complètement ignoré. Aucune célébration n’est organisée. Même les guides touristiques publiés autour de la date anniversaire n’en font pas mention. Ce n’est pas étonnant, la fondation de la ville étant associée, pour les rédacteurs, à la venue de Cartier. L’arrivée de Maisonneuve s’inscrit dans une suite d’événements qui amène les Européens sur l’île. C’est peut-être ce qui explique le peu d’intérêt que suscite l’anniversaire. Vingt-cinq ans plus tard, du fait de l’arrivée de plusieurs sociétés savantes intéressées par l’histoire, des discussions sont entamées dès le début de la décennie pour souligner l’événement. Ce changement d’attitude a une répercussion sur la présentation de Montréal aux touristes.
Des projets de commémoration sont alors lancés. Trois projets exercent une influence marquante. Tout d’abord, la Société historique de Montréal, société savante fondée en 1858, propose de financer un monument aux pionniers pour rendre hommage aux premiers colons arrivés en 1642. Elle décide d’ériger un obélisque sur lequel sont gravés les noms des 47 premiers colons et des 29 commanditaires qui appuient l’entreprise de colonisation. Le monument est installé place d’Youville, non loin du lieu de fondation de Montréal. Il est inauguré le 17 mai 1894[39]. Un an plus tard, un monument à la mémoire de Paul de Chomedey, sieur de Maisonneuve, fondateur de Montréal, est érigé au centre de la place d’Armes. Oeuvre du sculpteur Louis-Philippe Hébert, le monument voit le jour grâce à une souscription publique qui mobilise les citoyens et les politiciens locaux. Enfin, la Société d’archéologie et de numismatique de Montréal (SANM), société savante bilingue fondée en 1862, propose de réaliser une série de « tablettes commémoratives » pour rappeler les faits marquants de l’histoire de Montréal. Chacune des 48 plaques est financée par des individus ou des compagnies basées à Montréal. Elles abordent trois grandes périodes de l’histoire. Elles célèbrent des personnages ou des événements du Régime français, tout en donnant une bonne visibilité à ceux de la ville coloniale britannique et, dans une moindre mesure, à la guerre de Sept Ans[40]. Beaucoup d’entre elles sont fixées aux murs d’édifices du Vieux-Montréal.
Ces projets sont importants, car ils marquent l’émergence d’une conscience historique dans l’espace public. Ce ne sont pas les premiers monuments dont se dote Montréal, mais les premiers avaient surtout souligné des événements ou des personnages contemporains. Le 250e anniversaire de Montréal, en plus d’amplifier les gestes de commémoration, puise désormais dans le répertoire historique[41]. De plus, même si d’autres lieux à Montréal accueillent des monuments, le Vieux-Montréal s’impose comme l’espace symbolique par excellence de la mémoire historique. Dans les mêmes années, la SANM sauve de la démolition le château Ramezay, une résidence qu’avait fait construire en 1705 le gouverneur de Montréal, Claude de Ramezay. En 1896, elle crée un musée d’histoire, ajoutant une autre dimension au caractère historique du Vieux-Montréal.
Ces projets marquent une période charnière pour notre propos, car ils sont rapidement intégrés dans les guides touristiques. Tant les monuments que les plaques commémoratives deviennent des « choses à voir » et des « marqueurs », pour reprendre les expressions de Dean MacCannell[42]. En effet, ils rendent visible une histoire autrement difficilement accessible. Monuments et plaques commémoratives sont en quelque sorte les lointains ancêtres des panneaux d’interprétation. Ce sont des outils de médiation rudimentaires, mais qui permettent de comprendre ou plutôt de remémorer, dans le cas qui nous occupe, des personnages ou des événements jugés marquants. En général, l’impression des contemporains est qu’il reste peu ou pas de traces de l’histoire. Le travail d’interprétation, qui perdure dans le secteur jusque dans les années 1960, consiste essentiellement à imaginer ce qui a disparu.
Un guide publié en 1903 par la Montreal Business Men’s League illustre bien notre propos. Dans une brève section intitulée « Some Historical Reminiscences », la plupart des bâtiments recensés n’existent plus. On peut lire : « Sur la rue Saint-Paul, à l’est de la place Royale, se trouvait la maison natale de Pierre et Jean-Baptiste Le Moyne, les hommes qui découvrirent l’embouchure du Mississippi, fondèrent en 1699 la Nouvelle-Orléans … » Un peu plus loin : « On trouve à l’emplacement de l’actuel marché Bonsecours la résidence occupée par son fils, sir John Johnson … » Ensuite : « À l’angle des rues Saint-Pierre et Saint-Paul, se trouvait la résidence de Robert Cavalier, sieur de La Salle[43]. » D’autres exemples se succèdent. Les monuments et les plaques peuvent dès lors signaler une histoire inaccessible ailleurs que dans les livres. Évidemment, les projets du 250e anniversaire sont avant tout inscrits dans une démarche commémorative. Toutefois, leur récupération par les guides touristiques démontre bien leur pouvoir d’évocation.
Au centre de la place d’Armes, le monument à Maisonneuve s’impose comme le monument commémoratif le plus représenté dans les guides touristiques. On le voit partout. Il orne de très nombreuses couvertures et figure immanquablement à l’intérieur des ouvrages. Il faut dire que l’oeuvre impressionne avec ses neuf mètres de hauteur et ses qualités artistiques. Le personnage principal, Maisonneuve, mesure à lui seul plus de trois mètres. Quatre personnages sont posés aux angles du piédestal : Charles Le Moyne, Lambert Closse, Jeanne Mance et un Haudenosaunee (Iroquois). Quatre bas-reliefs complètent le tableau héroïque. Les premiers temps de Ville-Marie sont ainsi racontés de manière allégorique. On le comprend bien lorsque l’Office du tourisme de la province de Québec, dans sa brochure de 1935, écrit : « Bien qu’il s’agisse aujourd’hui d’une place, entourée d’immenses bâtiments commerciaux et d’autres structures imposantes, il n’est pas nécessaire de faire beaucoup d’efforts pour visualiser ce jour historique où Maisonneuve (l’une des figures légendaires du Canada) et trente de ses vaillants compagnons ont vaincu 200 Indiens iroquois à la recherche d’un scalp[44]. » Ce passage, en plus de donner une image extrêmement négative des Autochtones, souligne le pouvoir évocateur de l’oeuvre commémorative. Pourtant, en 1935, la place d’Armes est essentiellement un espace public du 19e siècle désormais marqué par la présence de l’édifice Aldred, un gratte-ciel de 23 étages, et qui est devenu une plaque tournante du tramway à Montréal.
Les plaques commémoratives sont également utilisées dans les guides touristiques. Dès 1892, William Douw Lighthall publie Sights and Shrines of Montreal. A Topographical, Romantic and Historical Description of the City and Environs[45] ; une version à tirage limité paraît aussi sous le titre évocateur : Montreal after 250 Years[46]. Dans la préface, l’auteur, bien impliqué dans le milieu des sociétés savantes, écrit à propos de l’ouvrage : « Dans sa forme, il est largement basé sur des références à la série de tablettes historiques en marbre en cours d’érection par la Société d’archéologie et de numismatique de Montréal, dont certaines ne sont pas encore en place, mais bien en voie de l’être[47]. » Il propose ainsi une histoire générale et une présentation des principaux monuments de la ville qu’il associe, lorsqu’il le peut, à des lieux précis sur le territoire urbain. L’idée n’est cependant pas d’aider le visiteur à déambuler dans la ville, à la manière des guides d’aujourd’hui, mais de lui apprendre à la connaître avant d’aller sur le terrain. Des renseignements pratiques et une carte de Montréal accompagnent l’ouvrage, réédité à plusieurs reprises.
Leblond, dans son Guide de Montréal et de ses environs de 1897, premier guide en français répertorié, recense également les plaques commémoratives pour instruire le visiteur. Il écrit : « La Société numismatique et archéologique de Montréal … a conçu et mis à exécution le très louable projet de rappeler par des plaques commémoratives fixées aux divers endroits historiques de Montréal les faits auxquels se rattache certain intérêt historique[48]. » Il précise : « Les plaques apposées au mur sont toutes en marbre blanc avec une inscription gravée en creux, en français ou en anglais, suivant la localité où elles sont placées et la nature de l’incident auquel elles se rapportent[49]. » Le guide dénombre une trentaine de plaques. Le Murray’s Illustrated Guide to Montreal de 1900, le Beaugrand’s Guide and Map of Montreal de 1907 et les nombreuses rééditions au cours des années 1910 du guide publié par la Montreal Business Men’s League utilisent le même procédé. La pratique s’estompe dans la décennie suivante, même si les plaques apparaissent çà et là par la suite. En 1931, Charles W. Stokes, par exemple, les intègre dans certaines des descriptions historiques de la ville que contient Here and There in Montreal and the Island of Montreal[50]. Des guides y ont recours jusqu’à la fin des années 1940[51]. On peut affirmer que les monuments commémoratifs renouvellent la manière de raconter l’histoire et permettent aux visiteurs de voir ou, tout au moins, d’imaginer l’histoire sur les lieux mêmes de son déroulement.
Ce constat est important puisque, pendant cette période, les rédacteurs des guides touristiques ont de la difficulté à identifier la présence de bâtiments historiques. Le guide du congrès annuel de la Société royale du Canada, tenu à Montréal en 1891, dans un chapitre intitulé — c’est une première ! — « Historic Buildings in Montreal », informe le visiteur : « Il ne reste que très peu de choses du vieux Montréal. Les nécessités du commerce en ont emporté la plus grande partie, et le peu qui reste semble destiné à disparaître bientôt. Il y a quelques jours à peine, le vieux bâtiment occupé par la fabrique a été démoli[52]. » Le guide présente néanmoins des lieux déjà assez classiques de la vieille ville : le séminaire de Saint-Sulpice, le château Ramezay, la chapelle Notre-Dame-de-Bonsecours, l’église de la rue Saint-Gabriel et la colonne Nelson. Au-delà des bâtiments emblématiques, le guide s’intéresse également aux résidences de la ville coloniale française et anglaise. Toutefois, précise le texte, peu de traces ont survécu aux feux et aux transformations urbaines. À l’extérieur du périmètre de l’actuel Vieux-Montréal, les tours du fort de la montagne et le monument à McTavish sont également proposés aux visiteurs.
Au même moment, les guides soulignent de plus en plus l’atmosphère particulière de la vieille ville. John Parratt, dans The Tourist’s Guide to Montreal de 1902, écrit : « La partie du square située entre la rue Notre-Dame et le port est au coeur du plus ancien quartier de Montréal, certaines petites rues (comme la rue Saint-Amable) étant, dans leur totalité, vieilles de pas moins d’un siècle, et tout à fait dans l’esprit ancien[53]. » Le guide de l’Office des congrès et du tourisme de Montréal de 1925 précise : « Les parties les plus anciennes de la ville conservent de nombreuses caractéristiques architecturales et civiques de ses premières années d’existence[54]. » Le guide de la Diamond Taxicab Association de 1940 abonde dans le même sens : « Malgré de nombreuses et imposantes structures modernes, on peut voir des traces frappantes de l’ancien régime. Les rues sont étroites et les maisons en pierre. Les noms français en abondance créent à nouveau l’atmosphère de l’ancien régime à Montréal[55]. » Si le caractère historique de la vieille ville est renforcé par la multiplication des monuments et plaques commémoratives, il émerge également de l’identification d’un certain nombre de signes et d’indices qui renvoient à la mémoire des lieux (rues étroites, maisons de pierre, toponymes, âge, patine, etc.). Les descriptions sont succinctes, mais elles indiquent tout de même que ce secteur se singularise des autres parties de la ville par une ancienneté qu’il est possible de percevoir.
L’émergence d’une vieille ville dans les guides touristiques est indissociable de l’existence d’une autre ville, dynamique, typique des grands centres urbains. L’image de cette ville moderne avait déjà commencé à être forgée, nous l’avons vu, dans les décennies précédentes. Elle s’affirme plus que jamais dans la première moitié du 20e siècle. Montréal est « Canada’s Commercial Metropolis », annonce le The Tourists Mecca[56]. Le caractère cosmopolite célèbre la diversité montréalaise qui est essentiellement associée au contraste des cultures francophone et anglophone, et à celui entre l’ancien et le moderne. Le guide de 1903 de la compagnie de chemin de fer du Canadien Pacifique en propose cette vision romantique :
C’est une ville aux contrastes marqués, où le pittoresque d’une époque révolue se mêle au luxe, à la culture et à l’esprit d’entreprise des temps modernes ; où les coutumes et les usages de la vieille France et du jeune Canada, caractéristiques des anciennes et des nouvelles époques de la civilisation, coexistent harmonieusement, et où des immeubles commerciaux massifs, des bâtiments publics coûteux et des résidences privées côtoient de vieilles églises grises, de sombres couvents et cloîtres et de grandes cathédrales, dont la magnificence et la splendeur rivalisent avec celles de l’ancien monde[57].
L’aspect francophone de la ville n’est pas seulement associé à l’histoire, mais également à l’imaginaire de la grande capitale française, de la ville lumière. Montréal devient alors le « Paris d’Amérique » ou le « Paris du Nouveau Monde », la deuxième plus grande ville francophone au monde[58]. Dans cette dynamique, le vieux Montréal est souvent un faire-valoir, une manière d’accentuer le caractère métropolitain de la ville. Il est, somme toute, assez peu exploité dans les guides.
Du vieux Montréal au Vieux Montréal : d’une approche thématique à une approche géographique (1917-1964)
Les guides touristiques font référence à une « vieille ville » dès 1851, même si cette allusion est très peu fréquente. Il faut attendre le tournant du 20e siècle pour que cette représentation de la ville soit plus couramment proposée. Cependant, dans la majorité des guides, la « vieille ville » ne désigne pas un territoire précis. Elle fédère ce qu’il y a de « vieux » dans la ville. Certes, les vestiges de l’histoire de Montréal — généralement disparus aux yeux des narrateurs — se trouvent en plus grand nombre sur l’actuel territoire du Vieux-Montréal. Toutefois, ils ne s’y limitent pas. L’approche thématique, employée majoritairement dans les guides de la seconde moitié du 19e siècle, facilite cette conception puisqu’elle regroupe en une même section les différents éléments identifiés. Un changement dans la présentation de la « vieille ville » s’opère lorsque cette dernière est associée à un territoire précis. Dès lors, l’approche géographique utilise le parcours ou le circuit pour appréhender la ville ancienne.
Les fêtes du 275e et du 300e anniversaire de la fondation de Montréal, en 1917 et en 1942, vont durablement circonscrire le territoire du Vieux Montréal. Ces deux célébrations n’ont pas l’éclat que leurs promoteurs auraient souhaité puisque les deux guerres mondiales les contraignent à une certaine retenue. Néanmoins, des activités sont proposées. Dans le lot, la création d’un circuit de visite, éloquemment appelé « pèlerinage historique du vieux Montréal[59] », va devenir un incontournable du tourisme patrimonial. Son concepteur, Victor Morin (1865-1960), homme de culture impliqué dans de multiples sociétés savantes, écrit : « Nous restreindrons forcément cette visite au territoire qu’on a convenu d’appeler le Vieux Montréal et qui est délimité par l’enceinte de l’ancien mur de fortification[60]. » Morin utilise les plaques commémoratives pour structurer son circuit, laissant de côté celles situées à l’extérieur du Vieux Montréal. Les fortifications, arasées au début du 19e siècle et dont les guides avaient peu fait mention jusqu’alors, servent ici de limites au Vieux Montréal et justifient son existence. Morin illustre le parcours proposé au moyen d’une carte de 1761 réalisée par Paul Jourdain dit Labrosse et modifiée par Édouard-Zotique Massicotte en 1914, sur laquelle les fortifications sont bien visibles et les faubourgs presque inexistants. La carte, également publiée dans le journal La Presse du 12 mai 1917, contient des annotations pour aider le visiteur à se repérer dans la ville. Modifiée en 1942, elle est utilisée pour le deuxième circuit de Morin, mais aussi pour les cours de tourisme offerts par l’École de tourisme de l’Université de Montréal entre 1928 et 1964[61]. Cette carte ancienne, adaptée pour les besoins de la visite, permet de passer du « vieux Montréal » au « Vieux Montréal », c’est-à-dire de l’approche thématique à l’approche géographique, en visualisant l’espace historique.
D’autres guides reprennent le tracé des anciennes fortifications pour déterminer les limites d’un quadrilatère historique. Le Bureau provincial du tourisme, dans une publication de 1928, explique : « VIEUX MONTRÉAL — L’espace compris entre le fleuve, la rue McGill, la ruelle de la Fortification et la rue Berri[62]. » Ces limites sont également mises à profit dans des publications de 1935 et de 1939[63]. Ces deux dernières ont même recours, dans des publications en anglais, à l’expression « Old Montréal », avec l’accent aigu. De son côté, Charles W. Stokes, sans être aussi précis, fait une distinction intéressante entre le uptown et le downtown. Il écrit :
Le centre-ville de Montréal, qui englobe le quartier financier et le quartier des grossistes, s’articule autour de la place d’Armes et touche ainsi au Vieux Montréal. Aucun autre endroit de la ville ne réunit autant d’intérêts. Anglais, français, affaires, histoire, religion — gratte-ciel et taudis — les bâtiments les plus anciens, patinés par l’âge, côtoient les bâtiments les plus récents, qui s’élèvent dans le fracas des rivets d’acier — voilà le « centre-ville », au carrefour duquel se trouve cette petite place, plutôt magnifique[64].
Dans le chapitre « Ville Marie », l’auteur se concentre sur l’aspect historique de ce downtown, se servant même des plaques commémoratives pour construire la narration, en plus de présenter un certain nombre d’édifices. Il est toutefois important de noter que, même si ces guides identifient un quadrilatère historique, le vieux Montréal ne s’y résume pas toujours.
Pendant la première moitié du 20e siècle, les guides touristiques offrent de plus en plus des circuits de visite, même si l’approche n’est pas encore systématique. Toutefois, la présence grandissante d’automobilistes sur les routes du Québec transforme les pratiques du tourisme et celles des guides[65]. Ainsi, les publications n’hésitent pas à suggérer un tour de la métropole aux conducteurs de véhicules motorisés. Ces circuits, qui ne sont pas aussi détaillés que le parcours historique de Morin puisque ce dernier propose de sillonner le secteur à pied, passent invariablement par la vieille ville. Ils empruntent essentiellement la rue Notre-Dame, ce qui permet de traverser la place d’Armes et d’admirer l’église Notre-Dame et, un peu plus loin, la colonne Nelson, le château Ramezay ou la chapelle Notre-Dame-de-Bonsecours[66]. En somme, les guides parlent de plus en plus de la vieille ville, même si elle sert surtout à faire valoir par contraste la métropole moderne, industrieuse et cosmopolite qui brille de tous ses feux. La présentation du Vieux Montréal reste, malgré tout, anecdotique.
Du Vieux Montréal au Vieux-Montréal : de la ville historique à la ville palimpseste (1964-2000)
Les premiers guides consacrés exclusivement au Vieux-Montréal apparaissent dans les années 1960 à la suite de la constitution de l’arrondissement historique en 1964. À partir de ce moment, ils sont tous organisés autour de circuits de visite. Ces parcours sont offerts, par exemple, dans le guide Promenade dans le Vieux Montréal, publié en 1965 par l’Office municipal de tourisme, ou dans le Old Montreal. Then Now de John David King, conservateur au musée du château Ramezay[67]. Les circuits proposés montrent encore un Vieux-Montréal qui n’existe plus. Toutefois, de nouveaux lieux se donnent à voir dans les guides. Ainsi, les maisons Pierre du Calvet, du Patriote, Papineau, de Beaujeu, de même que l’hôtel Rasco ou le Silver Dollar Saloon (maison Antoine-Mallard), pour ne nommer que quelques bâtiments, sont maintenant identifiés, ce qu’ils n’étaient généralement pas dans les périodes précédentes. Il est donc désormais possible de voir des vestiges du Régime français et de la ville coloniale britannique !
Les nouveaux ouvrages tentent, à des degrés différents, de rattacher le visiteur à ce qu’il voit, que ce soit par des références architecturales, par l’évocation de gestes qui ont permis la conservation de tel ou tel édifice ou par des informations pratiques qui démontrent la vitalité nouvelle du quartier. King, par exemple, écrit à propos de deux bâtiments contigus de la rue Bonsecours :
N° 6(a) - Sur la gauche se trouvent deux grandes maisons, typiques des années 1800. La première est un marché aux poissons délabré et malodorant transformé en un bureau et une maison d’architecte — bien sûr, tous les signes et odeurs de son ancienne fonction ont disparu. Jacques Viger a vécu dans cette maison à une époque. Une excellente conversion a été réalisée au 6(b). Madame Nolin a transformé un ancien entrepôt en une boutique de couturière bien organisée, connue sous le nom de « Marie Paule ». Très peu de travaux extérieurs ont été nécessaires, mais il a fallu beaucoup reconstruire l’intérieur pour faire de cette boutique un exemple digne des années 1850. C’est aujourd’hui un hommage au soin et à l’art de la propriétaire[68].
Le passé dialogue avec le présent. Comme dans le parcours de Morin, c’est avant tout la ville coloniale et préindustrielle qui est révélée. Le Vieux-Montréal présenté aux visiteurs correspond aux canons du monument historique de l’époque, lesquels privilégient les valeurs d’âge et d’histoire.
Ce quartier historique offre, comme aux périodes précédentes, une assise à la métropole moderne qui se construit dans le nouveau centre-ville. Il se présente comme le point d’ancrage où tout a commencé. Dans son petit guide de 1965 intitulé Le Vieux Montréal, Jean Vandenplas écrit :
Exposition universelle, métro, Place Ville-Marie, gratte-ciel… voilà le Montréal aujourd’hui. Mais au coeur de cette métropole moderne, emprisonné par le fleuve Saint-Laurent et par les vastes immeubles dressés vers le ciel, se trouve un paradis terrestre, baigné par la nostalgie des jours enfouis. C’est le berceau de la ville, les restes de ce passé proche et lointain où Montréal n’était qu’une bourgade du nom de Ville-Marie[69].
Au même moment, le maire Jean Drapeau, grand promoteur de la métropole moderne, soutient, dans la préface de l’ouvrage de Clayton Gray intitulé Montréal qui disparaît, que « le passé survit dans les monuments et les anciennes constructions que nous tenons à préserver, dans le cachet et l’atmosphère de ce “Vieux Montréal” où tout rappelle les origines héroïques de notre ville[70] ». Les thèmes des origines et du commencement font écho aux promesses de progrès et d’avenir des projets de renouveau urbain. Au cours des années 1960, l’expression « Vieux-Montréal » arbore le trait d’union désormais caractéristique de l’ancrage dans un quartier précis que le nouveau statut juridique d’arrondissement historique est venu en quelque sorte légitimer.
Un autre changement s’opère dans les années 1970. Le contenu des guides déborde le cadre de la ville coloniale pour présenter la ville de la seconde moitié du 19e siècle. Dans le guide Découvrir Montréal que fait paraître la Société d’architecture de Montréal en 1975, Didier Gillon propose un circuit dans le Vieux-Montréal qu’il décrit « comme un quartier de vie contemporaine[71] ». Un deuxième circuit est organisé autour de la rue Saint-Jacques, à propos de laquelle Michael Fish écrit : « À la fondation de Montréal, cette rue n’était qu’un sentier dans la campagne. Elle est devenue par la suite un rempart, une rue bordée de belles églises et de maisons élégantes, puis, jusqu’à tout récemment, le centre financier du Canada. Elle a été le témoin non seulement des escarmouches implacables entre les Indiens et les premiers colons, mais aussi des entreprises économiques audacieuses de ceux qui ont fait progresser notre pays[72]. » Publié en 1977 par les éditions ABC, le guide simplement intitulé Vieux Montréal témoigne également de la mutation en cours[73]. Si les concepteurs donnent encore une large place à l’histoire de la ville coloniale, une nouvelle section identifie un « vieux quartier des affaires » avec ses constructions de « style victorien » dans le secteur Ouest. En ce sens, le regard sur le Vieux-Montréal est influencé par les combats menés dans le centre-ville pour une conception plus inclusive du patrimoine bâti[74]. La lecture du quartier devient de plus en plus précise.
L’évolution la plus notable s’amorce au début des années 1980 avec les publications de la Commission d’initiative et de développement économiques de Montréal (CIDEM), organisme paramunicipal qui bénéficie des deniers de l’Entente sur le Vieux-Montréal et le patrimoine montréalais signée entre la Ville de Montréal et le ministère des Affaires culturelles du Québec en 1979. Paru en 1981, le guide L’architecture du Vieux Montréal, rédigé par l’architecte Clément Demers, présente un survol des styles architecturaux et des caractéristiques urbaines de l’arrondissement historique, de la colonie jusqu’aux années 1980[75]. La même approche est valorisée par l’architecte Josette Michaud dans les six fascicules qui présentent le Vieux-Montréal en six cités distinctes[76]. Publié en 1982 par le même organisme, Le Vieux Montréal à pied de l’écrivain et architecte Jacques Folch-Ribas est essentiellement axé sur son histoire[77]. Dix ans plus tard, Le Vieux-Montréal. Circuit de visite, piloté par Héritage Montréal, entame un dialogue en faisant cohabiter dans une même brochure l’histoire de la ville et l’architecture[78]. Au regard de l’historien s’ajoute désormais celui de l’architecte et de l’urbaniste.
La démarche la plus aboutie se trouve dans le guide intitulé Découvrez le Vieux-Montréal, publié une première fois en 1997, puis dans une édition révisée en 2001[79]. Le fascicule paraît également en anglais. Le Comité de travail sur l’identité historique du Vieux-Montréal, créé pour l’occasion, suggère de dépasser l’opposition apparente entre « histoire » et « architecture », entre ville coloniale et industrielle, en articulant le passé en termes de « stratification » et en donnant la « primauté aux activités humaines sur les formes[80] ». Le guide propose ainsi « six époques à reconnaître » depuis la fondation de Montréal jusqu’à la cité historique de la seconde moitié du 20e siècle : « Six périodes ont façonné Montréal, six périodes dont les traces, même partielles, même entremêlées, restent bien visibles[81]. » Le vieux Montréal, du plus ancien au plus récent, se situe désormais dans l’ensemble du Vieux-Montréal. Il n’est plus localisé en certains endroits. Il n’est plus cantonné à une seule période.
* * *
Comment conclure ce parcours ? Si l’existence du Vieux-Montréal en tant que quartier historique est aujourd’hui une réalité partagée, il n’en a pas toujours été ainsi. Une telle représentation s’est construite graduellement depuis le 19e siècle, comme l’a montré l’analyse des guides historiques. Malgré un intérêt pour l’histoire de la ville observable dès la publication des premiers guides dans les années 1840, les rédacteurs en relèvent peu de traces visibles dans l’espace public. La conception européenne du monument historique, qui se fixe à cette période, intègre difficilement des témoins âgés d’à peine 200 ans. Les valeurs d’art, d’histoire et, surtout, d’âge prédominent. Quant aux possibles vestiges archéologiques de la présence autochtone, les guides n’en disent pas mot. Cette vision, elle aussi influencée par les pratiques de l’histoire événementielle, s’observe jusqu’au début des années 1960. L’Inventaire des maisons historiques dans le vieux Montréal réalisé par le service d’urbanisme, qui ne recense que 16 bâtiments, en est un bon exemple.
C’est plutôt le dynamisme de la ville, urbain, qui est célébré. Les installations portuaires, les nouvelles constructions, puis, à l’extérieur du secteur étudié, les quartiers du « uptown », comme le désigne l’un des guides, sont alors abondamment commentés. Ce dynamisme, rassemblé autour de l’idée de vitalité économique, d’avancées techniques, de ville cosmopolite ou de métropole, s’exprime graduellement dans un rapport dialectique, de contraste, avec le vieux Montréal peu à peu perceptible. Il constitue d’ailleurs une ligne de force incontournable pendant toute la période étudiée.
À partir de 1892, l’édification de monuments et l’installation de plaques commémoratives pallient l’absence de traces par la mise en place de supports à la mémoire du lieu. Monuments et plaques servent à localiser des épisodes de l’histoire montréalaise. Toutefois, ce n’est pas d’abord le positionnement dans l’espace qui organise leur découverte. Les guides les classent plutôt de manière chronologique. Cette approche renvoie à l’identification d’un vieux Montréal qui n’est pas exclusif au territoire étudié. Massicotte l’utilise encore, par exemple, dans un article de 1938 intitulé « Évocation du vieux Montréal[82] ». Le chercheur y décrit plusieurs lieux, mais aucun n’est situé sur le territoire de l’actuel Vieux-Montréal. Ainsi, des traces du « vieux Montréal » se trouvent partout dans la ville, même dans les excursions périphériques proposées par les guides.
En parallèle, quelques indices de l’invention du Vieux-Montréal ont été identifiés dans les guides touristiques de la deuxième moitié du 19e siècle. Ces indices sont d’abord perceptibles, selon certains, dans le nom et le tracé des rues, dans la physionomie et la matérialité du quartier. Le regard des rédacteurs de l’époque est intéressant, car il est assez proche de la notion de patrimoine urbain, telle qu’elle émerge dans les années 1970-1980, même si ces derniers n’en maîtrisent pas les codes. Néanmoins, cela permet de faire référence à une zone géographique plus précise. Celle-ci se situe d’abord aux abords de la place Jacques-Cartier. Elle est élargie par la suite pour correspondre au quadrilatère des anciennes fortifications.
Le pas est définitivement franchi avec le premier « pèlerinage historique dans le Vieux Montréal » réalisé dans le cadre du 275e anniversaire de Montréal. Cette visite guidée organisée par Victor Morin marque le passage, ou plutôt l’affirmation d’une conception géographique du Vieux Montréal. Morin utilise les matériaux déjà en place, les plaques commémoratives, pour établir un véritable circuit de visite. « Il n’est pas un pied de terrain dans cette enceinte qui n’ait été remué par eux [les premiers Montréalais], ensemencé ou bâti au prix de labeurs infinis ! » écrit-il en 1942[83]. L’utilisation de cartes anciennes, comme l’avait fait Paul-Louis Morin en 1884 dans son ouvrage Le Vieux Montréal, 1611-1803[84], facilite une telle représentation.
Le modèle ne se diffuse pas automatiquement. Des représentations du vieux Montréal héritées du 19e siècle nourrissent encore les guides touristiques jusque dans les années 1950. Néanmoins, l’idée d’un Vieux Montréal géographiquement localisé à l’intérieur des anciennes fortifications continue à se répandre. Les circuits de visite deviennent également la norme, même s’ils se déploient sur tout le territoire urbain. Ils transitent tout de même dans une portion associée à la vieille ville. En ce sens, la conception du Vieux Montréal se fixe peu à peu.
Les premiers guides consacrés exclusivement au secteur paraissent dans les années 1960. Ils sont au diapason de la constitution du site patrimonial de Montréal. À partir de ce moment, les guides proposent des circuits à pied dans le Vieux-Montréal. Les lieux identifiés précédemment restent des incontournables de la visite. C’est le cas de la place d’Armes et de la place Jacques-Cartier, ou encore de la basilique Notre-Dame, du séminaire de Saint-Sulpice et du château Ramezay. Toutefois, de nouveaux lieux historiques apparaissent dans les guides. Des représentations renouvelées du quartier se profilent. C’est l’un des aspects les plus marquants de la période[85]. Les années 1960 découvrent sous un nouveau jour l’expérience de la ville coloniale. Les années 1970 et 1980 valorisent les bâtiments de la ville victorienne et de la ville métropole. Les traces de la ville historique se densifient dans les guides. Il est possible, à partir des années 1990, de reconnaître et d’identifier six périodes qui ont façonné le Vieux-Montréal depuis la présence autochtone jusqu’à aujourd’hui.
La requalification du Vieux-Port de Montréal pour les fêtes du 350e anniversaire de la ville, en 1992, a ajouté une pièce importante à l’espace patrimonial du Vieux-Montréal. Les limites du site protégé par le gouvernement québécois ont d’ailleurs absorbé cette zone en 1995. Les autorités en ont profité pour réparer l’erreur de 1964 et intégrer la bande située entre les rues Notre-Dame et Saint-Antoine. L’utilisation de plus en plus généralisée du toponyme « Vieux-Port » pour qualifier l’ensemble du secteur historique, reléguant ainsi au second plan l’appellation « Vieux-Montréal », est un développement intrigant des dernières années. Cela rappelle l’idée de créer un « quartier de l’histoire », lancée il y a une dizaine d’années[86]. Le projet n’est pas allé bien loin, mais il montre que les représentations sont appelées à changer, comme on l’observe depuis la publication des premiers guides touristiques sur Montréal.
Appendices
Note biographique
Martin Drouin est professeur au département d’études urbaines et touristiques à l’ESG UQAM. Il s’intéresse, entre autres, à l’histoire du patrimoine, en particulier aux débats engendrés par la patrimonialisation et au sens investi dans la conservation et la requalification architecturale et urbaine. Il se penche également sur la mise en tourisme du patrimoine. Il est associé au Laboratoire d’histoire et de patrimoine de Montréal, au réseau Villes Régions Monde (INRS) et à la chaire de recherche du Canada en patrimoine urbain.
Notes
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[1]
L’auteur tient à remercier les évaluateurs sollicités par la Revue d’histoire de l’Amérique française. Nous tenons à souligner le travail d’Anne-Marie Wauthy, diplômée de la maîtrise en développement du tourisme à l’Université du Québec à Montréal et assistante de recherche, ainsi qu’à remercier le Laboratoire d’histoire et de patrimoine de Montréal pour son appui financier. Le projet de recherche est également financé par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada.
-
[2]
IPSOS, Sondage sur l’expérience des touristes à Montréal. Clientèles d’agrément et d’affaires (Montréal, Tourisme Montréal, 2017), p. 29.
-
[3]
Ville de Montréal, Le patrimoine du Vieux-Montréal en détail. Base de connaissances, [vieux.montreal.qc.ca/inventaire/hall_htm.htm].
-
[4]
Vincent Grandferry, Géoguide Montréal (Paris, Gallimard, 2017), p. 65.
-
[5]
Sandrine Rabardeau, Un grand week-end à Montréal (Paris, Hachette, 2009), p. 22.
-
[6]
Martin Drouin, « La renaissance du Vieux-Montréal : usage, histoire et architecture (1960-1979) », dans Capucine Lemaître et Benjamin Sabatier (dir.), Patrimoines. Fabrique, usages et réemplois (Québec, MultiMondes, 2008).
-
[7]
Martin Drouin, « De la démolition des taudis à la sauvegarde du patrimoine bâti (Montréal, 1954-1973) », Revue d’histoire urbaine/Urban History Review, vol. 41, no 1 (2012), p. 22-36.
-
[8]
Jacques Des Rochers et Alain Roy, « Le Vieux-Montréal : le lieu et le temps retrouvés de 1950 au XXIe siècle », dans Gilles Lauzon et Madeleine Forget (dir.), L’histoire du Vieux-Montréal à travers son patrimoine (Sainte-Foy et Montréal, Publications du Québec, 2004).
-
[9]
Martin Drouin, « Le tourisme dans le Vieux-Montréal : une fonction au coeur de sa renaissance et de sa réhabilitation », Téoros, vol. 28, no 1 (2009), p. 93-96.
-
[10]
Gilles Lauzon et Jean-François Leclerc, « Le coeur de la métropole dans le Vieux-Montréal : 1880-1950 », dans Lauzon et Forget (dir.), L’histoire du Vieux-Montréal à travers son patrimoine, p. 199-246.
-
[11]
Alan Gordon, Making Public Pasts. The Contested Terrain of Montreal’s Public Memories, 1891-1930 (Montréal et Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2001).
-
[12]
Des Rochers et Roy, « Le Vieux-Montréal ».
-
[13]
Jean-Michel Leniaud, L’utopie française. Essai sur le patrimoine (Paris, Mengès, 1992).
-
[14]
Sophie Bonin, « Paysages et représentations dans les guides touristiques : la Loire dans la collection des Guides-Joanne, Guides Bleus (1856 à nos jours) », L’espace géographique, vol. 30, no 2 (2001), p. 113.
-
[15]
Victoria Peel et Anders Sørensen, Exploring the Use and Impacts of Travel Guidebooks (Bristol, Channel View Publications, 2016).
-
[16]
Bernard Toulier, « L’influence des guides touristiques dans la représentation et la construction de l’espace balnéaire (1850-1950) », dans Gilles Chabaud et al. (dir.), Les guides imprimés du XVIe au XXe siècle (Paris, Belin, 2000), p. 239-258.
-
[17]
John Urry et Jonas Larsen, The Tourist Gaze 3.0 (Londres, Sage, 2011) ; Olivier Lazzarotti, Patrimoine et tourisme. Histoire, lieux, acteurs, enjeux (Paris, Belin, 2011).
-
[18]
Frédéric Moret, « L’espace et le temps des guides : représentations et déformations de l’espace urbain parisien dans les guides, 1855-1900 », dans Chabaud et al. (dir.), Les guides imprimés du XVIe au XXe siècle, p. 429-437.
-
[19]
Lucie K. Morisset, « Entre la ville imaginaire et la ville identitaire : de la représentation à l’espace », dans Lucie K. Morisset, Luc Noppen et Denis Saint-Jacques (dir.), Ville imaginaire, ville identitaire. Échos de Québec (Québec, Nota bene, 1999), p. 17-18.
-
[20]
André Rauch, « Le voyageur et le touriste », In Situ, no 15 (2011), [journals.opene dition.org/insitu/533].
-
[21]
Michèle Lefebvre, « Les guides touristiques d’hôtels montréalais, 1857-1917 : une stratégie publicitaire », Revue de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, no 5 (2013) ; Nicole Neatby, From Old Quebec to La Belle Province. Tourism Promotion, Travel Writing, and National Identities, 1920-1967 (Montréal et Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2018).
-
[22]
John Langford, Tourist’s Guide to the City of Montreal (Montréal, Lovell, 1866).
-
[23]
Jacques Cartier effectue un passage sur l’île en 1535 et en 1541. Langford commet une erreur de date qui lui permet toutefois de faire un parallèle avec la date de fondation de Montréal en 1642.
-
[24]
The Strangers’ Guide to the City of Montreal (Montréal, T.E. Foster, 1879), p. 17. « The French first began to settle here in 1542, and exactly one century after, the spot destined for the City was consecrated … »
-
[25]
Hand-Book for the City of Montreal and Its Environs (Montréal, American Association for the Advancement of Science, 1882), p. 16. « Every visitor arriving by the river must notice the Custom House, a handsome triangular building of gray stone …. This mark a triangular piece of ground which, in old days, was formed by a little stream falling there into the main river. Upon this spot, on the 18th of May, 1642, Paul de Chomedy, Sieur de Maisonneuve, laid the foundation of Ville-Marie de Montreal … ».
-
[26]
Robert W. Stuart Mackay, The Stranger’s Guide to the City of Montreal, Accompanied by Bourne’s New Map of the City (Montréal, Lovell and Gibson, 1843).
-
[27]
Peter F. McNally, « Mackay, Robert Walter Stuart », Dictionnaire biographique du Canada (DBC), vol. 8 (Québec et Toronto, Presses de l’Université Laval et University of Toronto Press, 1985), [http://www.biographi.ca/fr/bio/mackay_robert_walter_stuart_8F.html].
-
[28]
Mary Allodi, « Bourne, Adolphus », DBC, vol. 11 (Québec et Toronto, Presses de l’Université Laval et University of Toronto Press, 1982), [http://www.biographi.ca/fr/bio/bourne_adolphus_11F.html].
-
[29]
The New Guide to Montreal and Its Environs. With a Map (Montréal, Armour & Ramsay, 1851).
-
[30]
Ibid., p. 6. « The streets of the Old City have been named after a variety of the Saints, whilst the nomenclature in the more modern part reminds us of Governors Craig, Dorchester, Sherbrooke, etc. »
-
[31]
Ibid., p. 9. « … the bell in its steeple is the first Protestant bell that sounded in Canada ».
-
[32]
Ibid., p. 14. « one of the oldest establishments in connection with the Roman Catholic Church in the city ».
-
[33]
John Langford, The Tourist’s Guide to the City of Montreal (Montréal, John Lovell, 1866), p. 14. « The quays of Montreal are unsurpassed by those of any city in America ; built of solid limestone, and uniting with the locks and cut stone wharves of the Lachine Canal, they present for several miles a display of masonry which has few parallels. »
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[34]
Robert Moore, Hand-Book of Montreal, Quebec and Ottawa (Montréal, The British American Advertising and Circular Delivery Agency, 1860), p. 13. « This is the oldest Church in the City, having been built in 1725. » « In our onward progress we find that improvements are going on, the intention evidently being to attain greater width, for we observe blocks of elegant new buildings erected a short distance back from the line of the older houses, which stand out so much as to make the street inconveniently narrow. It is evident from these old houses that Notre Dame Street was planned at that ancient period when cleanliness and fresh air were not classified as luxuries. But that time has passed now, let us never more to return, and we see that the children of this generation are wiser than their fathers … »
-
[35]
Patrice Groulx, « La commémoration de la bataille de Sainte-Foy : du discours de la loyauté à la “fusion des races” », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 55, no 1 (2001) p. 45-83.
-
[36]
Édouard-Zotique Massicotte, « Un buste de George III à Montréal », Bulletin des recherches historiques, vol. 21, no 6 (1915), p. 182-184.
-
[37]
Pierre-Georges Roy, Les monuments commémoratifs de la province de Québec (Québec, Louis-A. Proulx, 1923), p. 162-163.
-
[38]
Exception faite des monuments commémoratifs érigés dans les cimetières. Six monuments sont érigés entre 1859 et 1893. Il s’agit du monument aux immigrants morts du typhus en 1847-1848 (1859) à Pointe-Saint-Charles, de la statue de M. Olier (1864) dans le jardin du séminaire Saint-Sulpice, du monument au révérend Francis Fulford, premier évêque du diocèse anglican de Montréal (1870), près de la cathédrale Christ Church, de la statue de la reine Victoria (1872) sur la place Victoria, du monument à l’honorable James McGill (1875) près de l’Université McGill et de la statue de Jacques Cartier (1893) dans le quartier Saint-Henri. Voir Roy, Les monuments commémoratifs de la province de Québec, p. 167-228.
-
[39]
Gordon, Making Public Pasts, p. 55 ; Roy, Les monuments commémoratifs de la province de Québec, p. 231-234.
-
[40]
Gordon, Making Public Pasts, p. 53.
-
[41]
Roy, Les monuments commémoratifs de la province de Québec.
-
[42]
Dean MacCannell, The Tourist. A New Theory of the Leisure Class (Berkeley, University of California Press, 1999).
-
[43]
Henry Miles, Montreal (Montréal, Montreal Business Men’s League, 1903), p. 7. « On St. Paul Street, just east of Place Royale, stood the birth-place of Pierre and Jean-Baptiste Le Moyne, the men who discovered the mouth of the Mississippi River, in 1699, founded New Orleans … » « [O]n the site of the present Bonsecours Market stood the residence occupied by his son, Sir John Johnson … » « At the corner of St. Peter and St. Paul streets, stood the residence of Robert Cavalier, Sieur de La Salle. »
-
[44]
The Provincial Tourist Bureau, Montréal and the Laurentians (Québec, The Provincial Tourist Bureau, Department of Roads, 1935), p. 7. « Despite the fact that today it is a square, hemmed in by huge commercial buildings and other lofty structures, little effort is required to visualize that historic day when Maisonneuve (one of Canada’s legendary figures) and thirty of his gallant companions defeated 200 scalpseeking Iroquois Indians. »
-
[45]
William Douw Lighthall, Sights and Shrines of Montreal. A Topographical, Romantic and Historical Description of the City and Environs (Montréal, F.E. Grafton & Sons, 1892).
-
[46]
William Douw Lighthall, Montreal after 250 years (Montréal, F.E. Grafton & Sons, 1892).
-
[47]
« In its form it is largely based on references to the series of historical tablets of marble in course of erection by the Numismatic and Antiquarian Society of Montreal, some of which are not yet in place, though well under way. »
-
[48]
Adrien Leblond de Brumath, Guide de Montréal et de ses environs, orné de plus de trente gravures (Montréal, Granger frères, 1897), p. 25.
-
[49]
Ibid.
-
[50]
Charles W. Stokes, Here and There in Montreal and the Island of Montreal (Toronto, Musson Book Company, 1931).
-
[51]
Highlights of Montreal. The Graphic Digest for Travellers (Montréal, Travel Publications, 1948).
-
[52]
Royal Society of Canada, Hand-Book for the Use of Members and Visitors, Montreal Meeting 1891 (Montréal, Royal Society of Canada, 1891). « Very little remains of old Montreal. The necessities of commerce have carried most of it away, and what little remains seems destined soon to disappear. It was only the other day that the old building occupied by the Fabrique was torn down. »
-
[53]
John Parratt, The Tourist’s Guide to Montreal (Montréal, W.J. Clarke, 1902), p. 26. « The part of the Square between Notre Dame Street and the harbour is in the midst of the oldest neighbourhood in Montreal, some of the little streets (such as St. Amable Street) being, in their entirety, not less than a century old, and completely in the Antique spirit. »
-
[54]
Montreal Tourist and Convention Bureau, Cosmopolitan Montreal (Montréal, Montreal Tourist and Convention Bureau, 1925). « The older portions of the city preserve many architectural and civic characteristics of its earlier years. »
-
[55]
Diamond Taxicab Association, Sights and Scenes in Montréal (Montréal, Diamond Taxicab Association, 1940), p. 10. « Despite many imposing modern structures striking evidence of the Old Regime may be seen. The streets are narrow, with stone houses. French names in abundance create anew the atmosphere of the Old Regime in Montréal. »
-
[56]
Guide and Tour Book to Montreal. The Tourists Mecca (Montréal, Canadian Transfer Co. Limited, 1926), p. 3.
-
[57]
Montreal. The Canadian Metropolis and Its Picturesque Environments, 8e édition (s.l., The Canadian Pacific Railway Company, 1903), p. 3. « It is a city of marked contrasts, where the picturesque quaintness of a vanished age is mingled with the luxury, culture and enterprise of modern time : where the customs and usages of Old France and Young Canada, characteristic of the old and new eras of civilisation, harmoniously co-exist, and where massive business blocks, costly public buildings and private residences rise side by side with grey old churches, sombre convents and nunneries and grand cathedrals, whose magnificence and splendor rival those of the old world. »
-
[58]
Guide and Tour Book to Montreal ; Montréal. The Paris of the New World (Montréal, Montreal Tourist and Convention Bureau, 1937).
-
[59]
Victor Morin, « Pèlerinage historique dans le vieux Montréal », Mémoires de la Société historique de Montréal (Montréal, Adj. Ménard, 1917), p. 19-34 ; Victor Morin, Le vieux Montréal. Fondation. Développement. Visite (1642-1942) (Montréal, Éditions des Dix, 1942).
-
[60]
Victor Morin, « 1942 », Les Cahiers des Dix, no 7 (1942), p. 63.
-
[61]
Archives de l’Université de Montréal, fonds de l’École de tourisme.
-
[62]
The Provincial Tourist Bureau, 4, 5 and 6 days in Quebec, Canada (Québec, The Provincial Tourist Bureau, Roads Department, 1928), p. 14. « OLD MONTREAL — The square included between the river, McGill Street, Fortification Lane and Berri Street. »
-
[63]
Province of Québec Tourist Bureau, Montréal and the Laurentians ; Province of Québec Tourist Bureau, La Province de Québec. Historic, Romantic, Picturesque (Québec, Province of Québec Tourist Bureau, 1939).
-
[64]
Stokes, Here and There in Montréal and the Island of Montreal, p. 29. « Downtown Montreal, embracing the financial and wholesale district, centres around the Place d’Armes, and in so doing touches ancient Montreal. At no other point in the city do so many interests meet. English, French, business, history, religion—sky scrapers and hovels—the very oldest buildings, weathered with age, cheek by jowl with the very newest buildings, going up with the clamor of steel-rivetters—this is “downtown”, at whose crossroads stands this small, rather magnificent square. »
-
[65]
Étienne Faugier, « De la codépendance à l’indépendance : automobilisme et tourisme dans la province de Québec, 1906-1936 », Téoros, vol. 32, no 2 (2013) ; Maude-Emmanuelle Lambert, « À travers le pare-brise : la création des territoires touristiques au Québec et en Ontario (1920-1945) », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 68, no 3‑4 (2015).
-
[66]
Voir, par exemple, Canadian Transfer Co. Limited, Guide and Tour Book to Montreal. The Tourists Mecca (Montréal, Gazette Printing Co., 1934) ; Sightseeing in Montreal (Montréal, Gray Line Provincial Transport Co., 1938-1939).
-
[67]
Paul Leduc, Promenade dans le Vieux Montréal (Montréal, Office municipal de tourisme, 1965) ; Léon Trépanier, Les rues du Vieux Montréal au fil du temps (Montréal, Fides, 1968) ; John David King, Old Montreal. Then Now. Walking Tour (Montréal, Thérien Frères, 1969).
-
[68]
John David King, Old Montreal, p. 4.« No. 6(a) — To the left are two large houses, typical of the 1800’s. The first has been converted from a smelly dilapidated fish market into an architect’s office and home — of course all signs and odours of its former industry have disappeared. Jacques Viger lived in this house at one time. An excellent conversion has been made in 6(b). Madame Nolin has remodeled an old warehouse into a well organized “couturiere” shop known as “Marie Paule’s” — very little exterior work was required but much inside rebuilding was necessary to make the shop a worthy example of the 1850’s. It is now a tribute to the care and artistry of the owner. »
-
[69]
Jean Vandenplas, Le Vieux Montréal (Montréal, Fides, 1965), p. 3.
-
[70]
Jean Drapeau, « Préface », dans Clayton Gray, Montréal qui disparaît (Montréal, Éditions du Jour, 1964), p. 7.
-
[71]
Didier Gillon, « Le Vieux-Montréal, ville d’aujourd’hui », dans Société d’architecture de Montréal, Découvrir Montréal (Montréal, Éditions du Jour, 1975), p. 36.
-
[72]
Michael Fish, « La rue Saint-Jacques », dans Société d’architecture de Montréal, Découvrir Montréal, p. 46.
-
[73]
Vieux Montréal (Québec, Guides touristiques ABC, 1977).
-
[74]
Martin Drouin, Le combat du patrimoine à Montréal (1973-2003) (Québec, Presses de l’Université du Québec, 2005).
-
[75]
Clément Demers et al., L’architecture du Vieux Montréal (Montréal, CIDEM-Communications, 1981).
-
[76]
Les six fascicules sont réunis une dizaine d’années plus tard dans Josette Michaud, Le Vieux-Montréal. Les oeuvres du temps (Montréal, Guérin, 1991).
-
[77]
Jacques Folch-Ribas, Le Vieux Montréal à pied (Montréal, CIDEM-Communications, 1982).
-
[78]
François Rémillard, Le Vieux-Montréal. Circuit de visite (Montréal, Héritage Montréal, Ville de Montréal et Ministère des Affaires culturelles, 1992).
-
[79]
Gilles Lauzon, Découvrez le Vieux-Montréal. Histoire — Architecture — Patrimoine. Circuit de visite à pied (Montréal, Société de développement de Montréal, 2001).
-
[80]
Comité de travail sur l’identité historique du Vieux-Montréal, Vieux-Montréal, la Cité. Une identité façonnée par l’histoire (Montréal, Ministère de la Culture et des Communications du Québec et Ville de Montréal, 1996), p. 4.
-
[81]
Lauzon, Découvrez le Vieux-Montréal.
-
[82]
Édouard-Zotique Massicotte, « Évocation du vieux Montréal », Les Cahiers des Dix, no 3 (1938), p. 131-164.
-
[83]
Morin, « 1942 », p. 82.
-
[84]
Paul-Louis Morin, Le Vieux Montréal, 1611-1803 (Montréal, Honoré Beaugrand, 1884).
-
[85]
Martin Drouin, « Parcourir le Vieux-Montréal : offre touristique et interprétation du patrimoine », dans Joanne Burgess et Paul-André Linteau (dir.), Le Vieux-Montréal, un « quartier de l’histoire » ? (Québec, MultiMondes, 2010), p. 79‑92.
-
[86]
Burgess et Linteau (dir.), Le Vieux-Montréal, un « quartier de l’histoire » ?