Martineau, Robert, Fondements et pratiques de l’enseignement de l’histoire à l’école. Traité de didactique (Québec, Presses de l’Université du Québec, 2010), 293 p.

« Pourquoi apprend-on aujourd’hui l’histoire à l’école, pourquoi l’enseigne-t-on et, conséquemment, comment devrait-on l’enseigner ? » (p. 2)

Riche de toute son expérience de chercheur en didactique de l’histoire tout autant que de sa pratique de l’enseignement (au secondaire puis à l’université) et en qualité de conseiller pédagogique, Robert Martineau se propose de répondre à ces questions dans un ouvrage publié en 2010 et intitulé Fondements et pratiques de l’enseignement de l’histoire à l’école. Traité de didactique.

Dès les premières pages, l’auteur nous donne un indice de l’orientation que vont prendre ses propositions de réponses en plaçant en épigraphe une citation du pédagogue Michel Saint-Onge : « Enseigner c’est faire quelque chose. C’est le faire plus ou moins bien, mais c’est le faire tout de même. Ce n’est pas savoir quelque chose et en parler. C’est savoir quelque chose et faire en sorte que quelqu’un d’autre le connaisse également. »

En choisissant de placer en exergue cette pensée, Robert Martineau suggère que le savoir doit être construit par l’action conjointe du formateur et de l’apprenant. Pourtant le didacticien choisit le livre écrit, un support statique, éminemment transmissif, comme moyen de partager ses idées !

C’est en avançant dans sa lecture que le lecteur comprend que cet ouvrage n’est pas pensé comme un enseignement linéaire, le discours écrit d’un formateur absent qui déballerait sa science page après page. En effet, ce traité est conçu comme un outil, le support à un échange réflexif : c’est un manuel. Dans le texte de présentation de l’ouvrage placé en quatrième de couverture, l’auteur lui-même nous invite à le considérer comme tel, insistant cependant sur le fait que ce manuel est tout autant adressé aux futurs enseignants en formation des maîtres qu’aux plus chevronnés des praticiens soucieux d’une actualisation de leurs connaissances.

Par ailleurs, bien que construit en deux parties correspondant exactement à son titre (Fondements et pratique de l’enseignement) et à une approche classique de type théorie-applications, cet ouvrage ne se lit pas nécessairement dans l’ordre déterminé par son auteur, il peut se « picorer », se lire dans le désordre, au gré des réflexions de son lecteur, de ses besoins, en fonction du plan de cours du formateur qui l’utilise avec ses étudiants…

Dans une première partie intitulée « Les fondements théoriques de l’enseignement de l’histoire à l’école », l’auteur détermine les fondements historiques, épistémologiques, éthiques et politiques et enfin didactiques de l’enseignement de l’histoire. Il clarifie ainsi la nature même de son objet, l’histoire, en précisant le rôle qu’elle joue comme science et comme discipline scolaire dans la construction de l’identité des sociétés.

Puis, dans une deuxième partie, Robert Martineau discute de la pratique en expliquant l’importance de la planification pédagogique, en proposant différentes stratégies d’intervention pédagogique et en abordant l’épineuse question de l’évaluation des apprentissages.

Mais, si la table des matières semble séparer théorie et pratique – et si trop souvent la formation des maîtres en fait autant, ne tissant que trop peu des liens cours-stages –, le discours de Robert Martineau nous invite à les penser comme un tout indissociable.

En effet, dès les premières lignes, le didacticien aborde la question des liens entre la théorie enseignée en formation des maîtres et les discours que peuvent tenir les praticiens et les médias à ce sujet. Au fil des pages, nous lisons la volonté non dissimulée d’inciter le lecteur à remettre en question les préjugés sur lesquels il bâtit, a priori, sa pratique et avec lesquels il aborde sa formation (initiale ou continue). L’enseignant et chercheur invite notamment son lecteur à rompre avec l’idée souvent véhiculée que la seule « vraie » formation se fait lors des stages – ou une fois en poste. Car, si l’objectif de son ouvrage, tout comme celui des universités, est de fournir aux praticiens les outils « pour enseigner de la façon la mieux adaptée possible en classe » (p. 5), la pratique n’est pas tout. Le didacticien rappelle qu’un enseignement adapté repose sur la capacité de l’enseignant à comprendre et agir en fonction de son contexte précis. Pour l’auteur, cette adaptabilité de l’enseignant ne peut se bâtir que sur les fondements d’un savoir théorique solide (connaissances, habiletés et attitudes) qui lui permet de penser et repenser sa pratique.

Ainsi, dans la première partie de son manuel, l’auteur propose à l’enseignant (futur ou actuel) de prendre du recul par rapport à ses représentations de l’enseignement de l’histoire en se situant dans un continuum : les discours passés et actuels de la recherche en sciences de l’éducation liés aux constats et problématiques de la pratique. C’est riche de ce bagage que le lecteur pourra penser sa pratique en l’envisageant concrètement grâce aux propositions de la seconde partie de l’ouvrage.

L’ensemble de l’ouvrage se propose comme la synthèse des réponses d’un didacticien aux questions que se posent les acteurs de l’enseignement de l’histoire au Québec aujourd’hui. Le style est parfois sans doute un peu trop scientifique pour les plus novices, les enseignants de terrain pourraient souhaiter plus de modèles à appliquer « tels quels » en classe et les didacticiens pourraient trouver son contenu trop succinct, l’auteur effleurant une succession de sujets de recherche sans les approfondir. Mais, pour les formateurs, Robert Martineau offre avec cet ouvrage un outil de référence, unique en son genre dans le contexte québécois actuel. Plus qu’un manuel, Fondements et pratiques de l’enseignement de l’histoire à l’école. Traité de didactique est l’invitation faite aux acteurs de la formation des maîtres à offrir à leur tour un enseignement « adapté » en actualisant leur propre pratique.