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Ce petit livre regroupe différents textes préparés par l’historien Carl A. Brasseaux pour des conférences sur la Louisiane francophone prononcées entre 1999 et 2001 à McNeese State University et Louisiana State University. Brasseaux figure parmi les quelques spécialistes de la Louisiane francophone aux États-Unis, lui qui a publié une trentaine d’ouvrages sur le sujet. Son principal objectif avec cette monographie est de fournir une vue d’ensemble de la diversité culturelle des francophones de la Louisiane dans l’histoire — sur son territoire actuel essentiellement, reléguant au second plan la Haute-Louisiane de l’époque coloniale (Le Pays des Illinois notamment). En dépit d’une augmentation du nombre d’études sur le sujet au cours des trois dernières décennies, il semble qu’aucun effort de synthèse n’ait été tenté à ce jour, mais aussi qu’une image homogène de la présence francophone en Louisiane persiste. En effet, au fil de sa carrière et encore tout récemment, Carl A. Brasseaux notait une méconnaissance profonde des diverses cultures francophones de la Louisiane. Devons-nous parler de Cajuns, d’Acadiens (Cadiens) ou de Créoles lorsqu’il est question de la présence francophone en Louisiane ? Qui sont les Houmas ? Et comment ces groupes ont-ils évolué, de l’époque coloniale à aujourd’hui ?
Dans le premier chapitre, l’auteur dresse un portrait des différentes vagues migratoires francophones vers la Louisiane depuis la fin du xviie siècle. Ainsi, la plupart des quelques centaines de francophones présents en Louisiane avant 1750 — des soldats essentiellement — étaient originaires de France. Or, au cours des décennies subséquentes, cette population francophone s’est diversifiée avec l’arrivée d’Acadiens, dans le contexte du Grand Dérangement. Par ailleurs, la Révolution française (1789-1799) et la Révolution haïtienne (1791-1803) ont également eu pour conséquence l’immigration de quelques milliers de Français et de Créoles (blancs et noirs) en Louisiane. En d’autres mots, dès la fin du xviiie siècle, l’on pouvait discerner en Louisiane la présence de groupes francophones distincts et souhaitant conserver leur spécificité. Enfin, l’immigration de Français se poursuivit jusqu’à l’aube de l’éclatement de la guerre de Sécession (1861-1865), après quoi le phénomène devint plus marginal.
Dans les chapitres 2 et 3, Brasseaux se penche plus en détail sur l’histoire des Acadiens et des Créoles en Louisiane. Pour les Acadiens nouvellement installés en Louisiane, la prédominance d’un système économique basé en grande partie sur l’esclavage constituait une réalité inhabituelle qui allait rapidement modifier leurs structures sociales : « Economic stratification had existed in vieille Acadie, but wealth had not automatically endowed its owner with social position. In Louisiana’s emerging slave society, however, accumulation of wealth, and particularly ownership of human chattel, automatically gave one social status. » (p. 67) Profitant désormais de ce système économique, la plupart des Acadiens de Louisiane ont embrassé la cause sécessionniste lors du déclenchement de la guerre civile et nombreux furent les jeunes hommes issus de ce groupe à s’enrôler dans l’armée sudiste. Après cet événement tragique, il devint plus commun d’utiliser le terme « Cajuns » en référence aux Acadiens, terme dénigreur qui conserva sa connotation péjorative jusqu’aux années 1950. De leur côté, les Créoles — les Français et leurs esclaves provenant d’Haïti, anciennement Saint-Domingue — qui se sont installés en Louisiane demeurèrent à l’écart des Acadiens durant la majeure partie du xixe siècle. Pour des raisons nébuleuses, les Créoles blancs ont rapidement adopté une attitude hautaine envers les autres groupes francophones de la Louisiane, particulièrement les Acadiens. Progressivement toutefois, à compter du tournant du xxe siècle, les Créoles se sont rapprochés des Cajuns pour des fins de survie culturelle. Il n’empêche que tout au long des décennies précédentes, des rivalités ont existé entre les deux groupes, débouchant parfois sur des événements violents. Malgré le fait que les Créoles n’aient pas vécu le même dépaysement que leurs homologues acadiens lors de leur arrivée en Louisiane, il semble qu’ils n’aient pas développé un système esclavagiste mieux organisé et plus rentable pour autant, demeurant de petits planteurs. Brasseaux explique cette situation par le fait que la plupart des Créoles n’ont pas su réinvestir adéquatement dans leurs plantations les profits que celles-ci généraient.
Enfin, dans le chapitre 4, l’auteur se concentre sur un groupe francophone de la Louisiane qui demeure largement méconnu, les Houmas. Ce peuple autochtone a tissé des liens avec les Français de la région pour la première fois au tournant du xviiie siècle. Dès lors, ils reçurent la visite de missionnaires jésuites. Dans un contexte d’alliance avec les Français, voire de dépendance à l’égard de ceux-ci, les Houmas en vinrent à adopter la foi catholique et la langue française. Entre 1830 et 1860, nombreuses furent les femmes houmas à trouver un conjoint chez les Cajuns, accentuant davantage l’utilisation du français (« français cajun ») au sein de leurs collectivités. Encore aujourd’hui, le français cajun est la langue de communication de la majorité des Houmas. Et de par leur localisation géographique quelque peu isolée, les Houmas sont peut-être en meilleure position que leurs homologues francophones de la Louisiane pour préserver leur langue française.
Le point fort de ce livre est qu’il apporte un réel éclairage sur l’aspect multiculturel du fait français en Louisiane dans l’histoire. L’objectif de l’auteur — synthétiser la diversité francophone en Louisiane — est donc largement atteint et, mieux encore, cela en une centaine de pages seulement. Le lecteur trouvera également pratique et utile la répartition de la bibliographie en thèmes précis (Louisiane francophone, Acadiens/Cajuns, Créoles, architecture, français parlé en Louisiane, etc.), facilitant l’approfondissement des connaissances sur des sujets plus spécifiques. Il est toutefois dommage de ne pas retrouver de suggestions de lecture sur les Houmas dans cette bibliographie de même que des cartes géographiques accompagnant le texte pour permettre au lecteur de mieux situer les différents regroupements francophones en Louisiane, notamment en Acadiana (Sud-Ouest). Néanmoins, French, Cajun, Creole, Houma constitue peut-être l’ouvrage idéal pour initier des étudiants de premier cycle en histoire à la présence francophone en Louisiane.