Article body

L’avancée rapide des technologies numériques transforme peu à peu l’ensemble de la société, y compris le milieu éducatif. Les nouvelles technologies présentées aux écoles, aux personnes enseignantes et aux parents changent rapidement, alors même que leur adoption est susceptible de modifier la façon dont l’apprentissage se produit dans les salles de classe (Dubé et Wen, 2022). L’acquisition du matériel technologique et des outils numériques n’est donc qu’une toute première étape vers l’utilisation du numérique à des fins pédagogiques.

Mobiliser le numérique en classe, oui, mais à condition que son usage offre une valeur ajoutée pour l’enseignement et l’apprentissage, notamment pour favoriser l’engagement des élèves (Beaudoin et al., 2022). Pour engager et répondre aux besoins diversifiés de tous les élèves, il importe aussi que le milieu éducatif promeuve des pratiques qui mettent l’accent sur l’inclusion et l’accessibilité dans les usages du numérique, entre autres pour réduire les inégalités numériques entre les élèves. Cette chronique souhaite contribuer à cette réflexion en clarifiant d’abord le potentiel du numérique pour une pédagogie inclusive, puis en examinant quelques barrières à l’inclusivité de ses usages.

Le potentiel du numérique pour une pédagogie inclusive

La création d’environnements numériques d’apprentissage inclusifs qui valorisent la diversité et qui répondent aux besoins de tous les élèves passe par le développement des compétences numériques de ces derniers. Selon Rodrigo Moriche et al. (2020), les technologies soutiennent les élèves dans le développement de plusieurs compétences, notamment la créativité et l’innovation, la communication et la collaboration, la recherche et la gestion de l’information, la pensée critique et la citoyenneté numérique. L’apprentissage sur support numérique peut aussi permettre aux élèves de se concentrer sur leurs capacités plutôt que sur leurs limites, ce qui promeut leur participation, leur engagement et leur réussite scolaire (Evmenova, 2020). De plus, un soutien plus personnalisé et plus flexible par le numérique facilite l’acquisition de compétences et de connaissances par tous les élèves, qui bénéficient alors d’opportunités plus équitables de se mettre en valeur (Turgeon et Van Drom, 2019).

Par ailleurs, des usages actifs et collaboratifs du numérique favorisent l’engagement et l’attention des élèves. Les outils de communication ou de collaboration numérique permettent aux jeunes d’accéder à des informations, de partager un travail et de communiquer avec des pairs et personnes enseignantes, même au-delà des frontières géographiques et culturelles. La facilité d’utilisation et la fiabilité des outils numériques sont importantes, mais d’autres fonctionnalités telles que les possibilités de collaboration synchrone, de communication instantanée, de partage d’écran et d’enregistrement soutiennent la création d’expériences d’apprentissage diversifiées, en présence ou à distance (Bowser, 2020). Cumming et Strnadová (2020) ajoutent d’autres bénéfices potentiels de l’usage du numérique dans le milieu éducatif, notamment la réduction de la charge cognitive par une meilleure présentation des concepts ou la flexibilité dans le rythme d’apprentissage. Ainsi, les personnes enseignantes auront avantage à tirer profit des affordances des outils numériques pour mettre en oeuvre des pratiques engageantes et inclusives dans leurs classes.

Quelques barrières qui entravent les usages inclusifs du numérique

Les inégalités entre individus relatives aux technologies, qualifiées de fracture numérique, se déclinent en plusieurs niveaux d’accès, de compétences et de bénéfices des usages (Scheerder et al., 2017). Derrière cette fracture numérique se cachent des déterminants liés principalement aux facteurs sociodémographiques et socioéconomiques tels que le revenu, l’âge, le niveau d’éducation, l’ethnicité et le niveau d’urbanisation (Hidalgo et al., 2020). D’autres facteurs identifiés dans la littérature concernent la motivation, la culture et la personnalité d’un individu (Venkatesh et al., 2014).

D’après Mavrou et Hoogerwerf (2020), les usages du numérique qui visent une éducation inclusive se heurtent à plusieurs barrières, notamment sur les plans social, communautaire et personnel. Bien que les technologies grand public soient de plus en plus conçues pour être accessibles, il existe encore de nombreuses ressources et environnements qui ne répondent pas à un ensemble minimal de critères d’accessibilité. Les problèmes d’utilisabilité sont étroitement liés à l’inaccessibilité, causés par des interfaces complexes qui conduisent à des expériences utilisateur insatisfaisantes. Sur le plan communautaire, le manque d’approches centrées sur l’utilisateur constitue une barrière à l’inclusion numérique. À titre d’exemple, le choix du matériel, la formation sur l’utilisation du numérique et l’accompagnement doivent cibler la pleine implication des usagers. Le manque de travail d’équipe au sein du personnel en éducation peut conduire à des adultes non collaboratifs et moins formés qui pourraient devenir des obstacles dans un milieu éducatif. En ce qui concerne l’aspect personnel, le manque de motivation et un faible sentiment d’auto-efficacité peuvent isoler l’utilisateur davantage, surtout quand les technologies sont inaccessibles ou incompatibles avec ses compétences. Bien que les technologies puissent améliorer l’expérience utilisateur, elles peuvent aussi représenter une source de démotivation pour certains usagers.

Conclusion

Même si de nombreuses études se sont intéressées aux usages du numérique en éducation, peu d’attention a été accordée au caractère équitable ou inclusif de ces usages. Des recherches plus détaillées sont donc nécessaires pour explorer les usages du numérique qui peuvent soutenir l’apprentissage et l’engagement de tous les apprenants, dans une perspective inclusive visant à répondre à leurs besoins et préférences.