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Cet ouvrage concrétise dix ans de recherche auprès de professeurs des écoles en formation. L’objectif de la recherche réalisée en 2007 était de comprendre comment les futurs enseignants appréhendaient leur métier et percevaient les compétences associées au métier de professeur des écoles. Puis, la réforme de 2010 dite de « mastérisation » ayant modifié structurellement la formation, les chercheurs décident de réitérer l’enquête. Enfin, la réforme de 2013 vient apporter un nouveau cadrage à la formation qui réintègre alors l’année de stage; les chercheurs continuent l’enquête et analysent finalement le métier projeté des enseignants en formation au regard des modifications institutionnelles successives de la formation initiale des professeurs des écoles.

L’ouvrage est divisé en cinq parties. La première partie présente le cadre de la recherche en deux chapitres. Le premier chapitre articule de manière originale les enjeux de l’apprentissage du métier de professeur des écoles en formation initiale et les débats autour de la notion de profession en expliquant placer la notion de développement professionnel au coeur de cette recherche. Le deuxième chapitre précise la méthodologie utilisée. Les étudiants étaient invités à remplir un questionnaire et à s’exprimer sur l’importance, la pertinence et leur degré d’acquisition de chaque compétence en précisant grâce à qui ou à quoi ils les développent.

La deuxième partie de l’ouvrage présente l’analyse globale des résultats. Les chercheurs expliquent qu’en 2007, la grande majorité des futurs enseignants en formation initiale adhère aux compétences professionnelles qui prescrivent leur travail, mais qu’ils ont cependant peu l’impression de les maîtriser dans la pratique. En 2012, les futurs enseignants ont une vision déconstruite du métier dans le sens où même s’ils adhèrent aux compétences une par une, l’analyse statistique implicative montre qu’il n’est pas possible de dégager un modèle de professionnalité structuré. Enfin, en 2015, les futurs enseignants ont toujours une vision éclatée du métier projeté, mais celle-ci diffère en fonction du statut des futurs enseignants (notamment, s’ils sont étudiants ou professeurs-stagiaires). L’ensemble des résultats fait ressortir l’importance de la durée du stage dans la construction de la professionnalité enseignante.

La troisième partie de l’ouvrage revient sur trois dimensions des compétences professionnelles à approfondir d’après la première analyse des résultats. Le premier chapitre traite de la dimension didactique qui, selon les chercheurs, ne structure plus la représentation du métier projetée après 2007. Les futurs enseignants semblent soumis à des prescriptions qui modifient leur rapport à cette dimension. Le deuxième chapitre de cette partie traite de la dimension collective du travail enseignant. Les chercheurs remarquent qu’en 2012 et en 2015, l’adhésion des étudiants à cette dimension a diminué par rapport à 2007. Enfin, le dernier chapitre traite de la dimension recherche qui, d’après l’enquête, n’est pas au coeur des représentations chez les futurs enseignants. Les chercheurs proposent une réflexion sur l’organisation de l’offre de professionnalisation en formation et la professionnalité prescrite pour discuter ce résultat.

La quatrième partie de l’ouvrage est consacrée à l’analyse des compétences qui confrontent, selon les hypothèses des chercheurs, les futurs enseignants à des enjeux de positionnement professionnel. La première, « assumer une fonction d’autorité auprès des élèves », est perçue comme une nécessité pragmatique pour les étudiants qui comptent davantage sur d’autres ressorts pour établir une bonne relation avec les élèves. La deuxième, « avoir un regard critique sur les supports d’enseignement utilisés pour la classe », est associée à des enjeux d’apprentissage en 2007 et en 2012, ce qui n’est plus le cas en 2015. Cela amène les chercheurs à s’interroger sur l’évolution d’ensemble de la dimension didactique qui connaîtrait de fortes recompositions. La troisième, « prendre en compte, dans les situations d’enseignement, les élèves à besoins éducatifs particuliers », est jugée comme très importante par les futurs enseignants entre 2007 et 2015. Cependant, les étudiants issus des différentes réformes n’appréhendent pas de la même manière la question des élèves à besoins éducatifs particuliers.

Enfin, la dernière partie de l’ouvrage propose des réflexions et des pistes d’action vis-à-vis des résultats obtenus. Dans un premier chapitre, les chercheurs expliquent que les résultats peuvent servir de base pour mettre en place un « observatoire de la formation initiale des enseignants ». Dans le deuxième chapitre, ils analysent le processus de didactisation qu’ils ont utilisé pour partager aux directions d’IUFM puis d’ESPE et aux formateurs les résultats de leur recherche et discutent de leur double posture de chercheur-formateur ainsi que de la formation des formateurs.

Grâce à une présentation des résultats extrêmement claire, partant d’une analyse globale pour arriver à une analyse en profondeur des données, cet ouvrage amène des pistes de réflexion précieuses aussi bien pour les décideurs politiques que pour les formateurs. Dans un contexte de réforme de la formation comme c’est encore le cas aujourd’hui en France, les résultats de cette enquête peuvent aider les décideurs à comprendre comment les étudiants construisent leurs représentations du métier d’enseignant, grâce à quelle structure de formation et à quelles articulations des modules de formation. En parallèle, et comme le soulignent les chercheurs, ces résultats sont importants pour les formateurs eux-mêmes, car ils peuvent leur permettre de réfléchir à leurs pratiques afin de préparer au mieux les enseignants. Néanmoins, la formation des enseignants est, depuis la création des IUFM, pensée comme un continuum, le développement des compétences professionnelles chez les futurs enseignants n’est pas simplement de la responsabilité de la formation initiale. En intégrant la perception du degré d’acquisition de chaque compétence par les enquêtés, les chercheurs ont donc dû faire face à une limite importante : comment mesurer le degré d’acquisition et à quel degré d’acquisition les futurs enseignants doivent-ils être à la fin de leur formation initiale? Finalement, cet ouvrage apporte un nouvel éclairage à cet objet d’étude grâce à une enquête prenant en compte plusieurs réformes de la formation et sûrement, aussi, grâce au double statut de formateurs-chercheurs des auteurs.