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Cela fait quinze ans déjà que la revue Etudes Inuit Studies a publié son dernier numéro entièrement consacré à la région de Tchoukotka et à ses habitants[1]. Si l’on peut voir la Tchoukotka en partie comme une « région marginale du monde inuit[2] », comme le disait Yvon Csonka, rédacteur invité de ce précédent numéro, on ne peut cependant pas nier la nécessité de saisir les dynamiques qui s’y produisent pour une meilleure compréhension du monde eskaléoute mais aussi plus largement de l’Arctique, autochtone ou non. Depuis le dernier numéro thématique consacré à la Tchoukotka, de nombreuses études anthropologiques, historiques, archéologiques et linguistiques ont été publiées sur la région. La Tchoukotka n’a cessé de changer, tout comme la vie quotidienne de la population autochtone.
Marquée par une densité démographique faible (moins de 50 000 habitants[3] pour un territoire d’environ 720 000 km2 – une superficie équivalant à environ une fois et demie l’Etat du Yukon), la Tchoukotka regroupe une grande diversité de population. Les Autochtones y sont minoritaires (ils représentent aujourd’hui environ 25 à 30 % de la population totale), mais leur proportion a augmenté par rapport à la fin de la période soviétique. En effet, au cours des années 1990, une grande partie des Allochtones a quitté la région[4] ne trouvant plus les privilèges salariaux accordés à ceux vivant dans le nord (en russe, severnye nadbavki[5]) suffisamment intéressants face aux difficultés économiques de la période post-soviétique, aux conséquences particulièrement prégnantes dans la région. D’autres mobilités ont été induites par la fermeture de certaines agglomérations considérées non rentables comme Iul’tin en 1995 (district d’Iul’tin), Ureliki en 2000 (district de Providenia) ou encore Šahtërskij en 2008 (district d’Anadyr). Ce mouvement général de la période post-soviétique a conduit une partie des autochtones à quitter les villages pour les centres urbains où s’était libérés des logements à la suite du départ de certains allochtones et où la « qualité de vie » semblait meilleure, présentant un bassin de l’emploi plus vaste, de meilleurs salaires, des produits de meilleure qualité, des meilleures écoles et un meilleur accès aux activités culturelles pour les enfants, etc. Dans les années 2000, de nouveaux habitants sont venus de Russie centrale (appelée localement « le continent », materik), en particulier des Républiques de la Volga (Kalmoukie et République des Maris). Ils occupent des postes de gardes-frontières, médecins, enseignants et directeurs d’école. Leur venue a permis de stabiliser la situation démographique de la région sans pour autant entrainer une croissance véritable de la population. Si les villages sont en général à majorité autochtone, ils témoignent également d’une grande diversité. La définition des assignations identitaires peut être sujette à débat, mais quelques données chiffrées, aussi imprécises soient-elles, offrent un aperçu des différentes communautés qui se dessinent : du côté des autochtones, d’après le recensement de 2010[6], les Tchouktches[7], qui ont donné leur nom à la région, sont environ 12 800, les Yupik[8] environ 1500, les Evènes 1400 et les Tchouvantses 900. Selon la même source, les populations dites Allochtones sont à majorité des Russes (près de 25 000) ; on y rencontre aussi des Ukrainiens (près de 2900), mais aussi des représentants d’autres nationalités, moins nombreux tels que des Tatars (451), des Azerbaïdjanais (107), des Arméniens (105), des Ouzbeks (79) et des Kazakhs (70). L’attention de ce numéro est portée surtout aux Autochtones, à la fois du fait des intérêts de la revue, mais aussi parce qu’ils sont davantage au coeur des recherches existantes.
Les Autochtones de Tchoukotka, à un « carrefour de continents[9] »
Située à l’extrême nord-est de la Russie, la Tchoukotka établit un pont entre l’Asie et l’Amérique : si elle fait géographiquement partie de l’espace asiatique, elle partage de nombreuses caractéristiques avec l’Arctique américain. Les deux stratégies de subsistance emblématiques des activités des Autochtones du monde circumpolaire – chasse aux mammifères marins et élevage de rennes[10] – coexistent en Tchoukotka. La chasse aux mammifères marins est plus représentative de l’Amérique arctique et du Groenland, tandis que l’élevage de rennes prédomine en Eurasie. Alors que l’élevage de rennes est une activité centrale dans toute la Sibérie, chez les peuples autochtones du nord-américain, les tentatives d’introduction de l’élevage de rennes se sont soldées, pour la plupart, par des échecs (Laugrand 2021). L’élevage de rennes concerne essentiellement la population tchouktche de la toundra, et la chasse en mer, les Tchouktches et les Yupik de la côte. Ces deux principaux types d’exploitation des ressources naturelles sont encore très présents ; ils créent des contextes dans lesquels les langues autochtones, les pratiques rituelles et diverses formes de relations sociales sont préservées. C’est un des aspects de cette région qui a contribué à attirer l’attention des chercheurs.
Par ailleurs, historiquement, les Autochtones de Tchoukotka ont été en contact à la fois avec les Russes et les Américains et ont reçu des influences venant des deux côtés. Ils ont pu, à loisir, commercer avec les uns et les autres ; au XIXe siècle, certains Autochtones connaissaient, semble-t-il, mieux l’anglais que le russe et il reste encore aujourd’hui des traces de l’emprunt de mots anglais dans le lexique tchouktche et yupik. Cette grande proximité avec l’Amérique du Nord a profondément et souvent dramatiquement marqué l’histoire de la région et de ses habitants au XXe siècle, en particulier pendant la guerre froide, entraînant notamment des déplacements de population et la fermeture de certains villages (Chichlo 1981 ; Krupnik et Chlenov 2007), du fait de leur proximité avec la côte américaine. Cette situation du terrain invite à l’étude comparative des Yupik vivant des deux côtés du Détroit de Béring qui ont de tous temps été en contact mais ont été séparés pendant plusieurs décennies pour des raisons politiques et historiques. L’histoire des interactions entre les Yupik de l’île de Saint-Laurent (Alaska) et les Yupik de la côte de Tchoukotka est sans équivalent dans le monde. Certains auteurs de ce volume nous en donnent un aperçu (Krupnik, Morgounova-Schwalbe, Yamin-Pasternak et Pasternak).
Du point de vue économique et politique, dans le contexte post-soviétique, la Tchoukotka s’est trouvée dans deux situations extrêmes et opposées : après avoir été dans les années 1990 une région parmi les plus sinistrées de Russie, elle est devenue un modèle de redressement dans les années 2000-2010, après l’élection au poste de gouverneur de l’oligarque Roman Abramovitch en 2000 (poste qu’il a quitté en 2008, devenant ensuite président de la Douma de Tchoukotka jusqu’en 2013). Durant cette période, la notoriété de son gouverneur a permis à la Tchoukotka de bénéficier d’une visibilité nouvelle, bien que tout de même relative. Depuis 2008, avec à sa tête Roman Kopin, la Tchoukotka connaît une certaine stabilité, continuant cependant de souffrir des difficultés intrinsèques à la région, notamment concernant les transports et l’approvisionnement. La Tchoukotka demeure l’une des régions les plus chères, les plus difficiles d’accès et les moins peuplées du nord de la Russie. Le terrible décennie 1990 y est encore très présente dans les mémoires.
Du fait de sa proximité avec les États-Unis, la Tchoukotka a toujours eu une position spécifique en Russie : même après la fin de l’Union Soviétique, la région a conservé son statut officiel de « zone frontalière » (pograničnaja zona, en russe), rendant l’accès au terrain compliqué pour les chercheurs non-russes et nécessitant même pour les Russes l’obtention d’un propusk, une autorisation d’entrée sur le territoire[11]. Ainsi, faisant les frais de cette situation arbitraire et complexe, et sans doute aussi du fait de son intérêt pour le politique dans ses recherches, l’anthropologue Patty Gray a subi une interdiction d’entrée dans la région pendant cinq ans (voir Gray, sous presse).
Une région qui a joué un rôle central pour l’anthropologie arctique
La Tchoukotka, ou plus largement le nord-est de la Sibérie, occupe une place importante dans l’histoire du domaine des études sibériennes et arctiques. Sans pouvoir dresser ici un état des lieux exhaustif de l’ensemble des auteurs ayant travaillé en Tchoukotka, ni de l’ensemble des thématiques abordées, nous allons tenter d’évoquer quelques-unes des lignes fortes des recherches effectuées dans la région.
Vladimir Bogoraz (qui a publié en anglais sous le nom de Waldemar Bogoras), un des « pères fondateurs des études sibériennes » (Vakhtin 2006, 51), a joué un rôle déterminant dans l’émergence d’une ethnographie russe présoviétique. Il a effectué des recherches dans le nord-est sibérien et publié des études concernant les Tchouktches, les Koriaks, les Itelmènes, les Évènes et les Yupik. Vladimir Bogoraz a, par ailleurs, contribué à l’émergence d’un « moment transnational » (Schweitzer 2001) en participant à la Jesup North Pacific Expedition (1897-1902), financée par le banquier américain Morris K. Jesup, et dirigée par l’ethnologue américain Franz Boas. Les résultats de ces recherches ont donné lieu à la publication d’études qui demeurent des références incontournables jusqu’à aujourd’hui (par exemple, Bogoras 1904-1909, 1910, voir aussi Krupnik et Fitzhugh 2001).
La Tchoukotka est demeurée au coeur des intérêts de l’ethnographie soviétique. Élève de Bogoraz, Innokentij Stepanovič Vdovin a été instituteur itinérant en Tchoukotka de 1932 à 1934, période pendant laquelle il a pu apprendre le tchouktche. Si ses études reflètent les contraintes idéologiques de la recherche imposées par le pouvoir soviétique, elles n’en constituent pas moins des analyses importantes mêlant perspectives historique et ethnographique autour de diverses thématiques, incluant les pratiques religieuses (chamanisme mais aussi relation au christianisme, Vdovin 1979, 1981) et la relation à la nature (Vdovin 1976). Il a également publié une monographie sur les Tchouktches (Vdovin 1965). Une autre figure importante est l’ethnologue russe Varvara Kuznecova qui a séjourné dans la toundra d’Amgouèma (Amguèma) de 1948 à 1951. Si elle n’a publié qu’un seul article, celui-ci constitue une référence absolue concernant les rituels des éleveurs de rennes (Kuznecova 1957, à son sujet voir aussi Mihajlova 2015). À la fin des années 1920 et au début des années 1930, l’ethnographe et linguiste Aleksandr Forštejn s’est rendu en Tchoukotka. En 1937, il est arrêté et passe dix années au GOULAG. Il est surtout connu comme l’auteur de photographies uniques des villages yupik (Krupnik et Mihajlova 2006 ; Krupnik et Mikhailova 2006, Krupnik, ce volume) ; la plupart de ses travaux de recherche ne sont pas parvenus jusqu’à nous.
Dans les années 1970-90, l’anthropologue Igor Krupnik, l’anthropologue et linguiste Mikhail Chlenov (Mihail Členov), le sociolinguiste Nikolai Vakhtin (Nikolaj Vahtin) et la biologiste Ljudmila Bogoslovskaja ont effectué des recherches de terrain auprès des Yupik asiatiques. Ils se sont tout d’abord intéressés aux systèmes de parenté (Členov 1980), au folklore (Členov 1981), aux pratiques rituelles dans une perspective historique (Krupnik 1979 ; Krupnik 1980), à l’ethnoécologie (Členov 1988 ; Krupnik 1989), ou encore à l’histoire des ethnies (Krupnik et Členov 1979). Leurs études ont porté, entre autres, sur l’héritage culturel des Yupik et des Tchouktches de la côte et sur la préservation de la mémoire. Sans leurs publications, sans les entretiens qu’ils ont réalisés avec des personnes nées au début du XXe siècle, de nombreuses facettes de la culture yupik seraient aujourd’hui inconnues. La publication des souvenirs des Yupik des villages de Novoe Tchaplino (Novoe Čaplino) et Sireniki, enregistrés par Igor Krupnik dans les années 1970 et 1980, a été d’une grande importance pour la compréhension du monde yupik de la Tchoukotka (Krupnik 2000b, voir aussi Krupnik ce volume). Publiée bien après la période soviétique mais s’appuyant sur les données recueillies pendant la période soviétique, l’étude la plus complète révélant la dynamique historique de la société yupik dans la première moitié du XXe siècle est la monographie Yupik Transitions : Change and Survival at Bering Strait, 1900-1960 rédigée par Igor Krupnik et (Michael) Mikhail Chlenov (2013). De son côté, Nikolai Vakhtin a publié une étude fine de la langue de Sireniki (Vahtin 2000) et divers travaux d’importance concernant la sociolinguistique des peuples autochtones du Nord (Vahtin 1992, 2001, 2004). En 2019, il a aussi compilé et analysé des textes inédits en langue yupik recueillis par la linguiste Ekaterina Rubcova, ayant travaillé en Tchoukotka dans les années 1930 et 1940 (Rubcova et Vahtin 2019, voir aussi Vakhtin ce volume), soulignant là aussi l’apport des ethnographes soviétiques à notre connaissance de la région. Cependant, autant les populations de la côte ont été au coeur de nombreuses études, autant les Tchouktches, en particulier résidant à l’intérieur des terres, ont rencontré moins d’intérêt de la part des chercheurs durant cette période. Beaucoup d’aspect de leur histoire et de leurs pratiques sont ainsi restés non documentés. Trop souvent, Bogoraz est resté l’ultime référence sans que soient observés les changements en cours depuis les dernières publications de l’auteur ou même les éventuelles contradictions de l’oeuvre du grand ethnographe (Vaté et Eidson 2021). Il a fallu attendre le début des années 1990 pour que de nouvelles données ethnographiques sur les Tchouktches soient produites.
Se rendre en Tchoukotka pendant la période soviétique était réservé aux citoyens de l’URSS, pour qui il s’agissait également d’une « ethnographie en ‘zone interdite’ » (Chichlo 2008). Avec l’ouverture des frontières dans le contexte post-soviétique, la Tchoukotka est redevenue l’objet d’une attention « transnationale ». Les années 1990 ont constitué un moment d’effervescence. Bien que compliqué, faire un long terrain en Tchoukotka redevenait possible et des chercheurs de toutes disciplines se sont engagés dans cette nouvelle exploration. L’anthropologue américaine Anna Kerttula a été l’une des premières à venir en Tchoukotka. À cette époque, elle a effectué des recherches de terrain à Sireniki (un village côtier du district de Providenia) à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Dans sa monographie intitulée Antler on the Sea. The Yup’ik and Chukchi of the Russian Far East, publiée en 2000, Kertulla aborde le village tchouktche et yupik dans son intégralité socioculturelle : elle a travaillé avec de nombreux interlocuteurs, aussi bien des Russes non originaires de la région que des autochtones (Kertulla 2000). Ce fut la première expérience d’une approche territoriale de la recherche ethnologique en Tchoukotka. Chercheur au CNRS, en France, Boris Chichlo a organisé deux expéditions internationales en 1991 et en 1993[12], permettant l’apport d’informations nouvelles dans différents domaines et encourageant des chercheurs à s’intéresser à cette région (Chichlo 1993). Kazunobu Ikeya, chercheur au Musée National d’ethnologie d’Osaka, s’est aussi rendu en Tchoukotka, développant des comparaisons avec son précédent terrain africain (Ikeya et Fratkin 2005). C’est à Anadyr, capitale de Tchoukotka que Virginie Vaté, co-éditrice de ce volume, et Patty Gray, se sont rencontrées pour la première fois en 1996 ; Gray réalisait alors son terrain de thèse ; Vaté allait entamer le sien après avoir travaillé pour l’ONG Médecins du Monde en 1993-1994, recueillant des données pour son mémoire de maîtrise. Les années 1990 et 2000 ont, en effet, vu un grand nombre de thèses soutenues dans le domaine des études sibériennes, dont une partie non négligeable sur la Tchoukotka (Gray et al. 2003 : 29-31).
Des articles et des monographies sont parus, avec un rythme accéléré, traitant de sujets nouveaux, jusqu’alors inexplorés ou leur donnant une nouvelle ampleur. Il est devenu possible d’étudier et parler des conséquences de la politique coloniale du pouvoir soviétique envers la population autochtone et notamment la succession de déplacements forcés des Yupik de Tchoukotka dans les années 1930-50 (Krupnik et Chlenov 2007 ; Holzlehner 2011). Les terrains réalisés dans le contexte des années 1990 montrent également la limite de l’autonomie que le pouvoir en place a permis aux Autochtones de Tchoukotka. C’est ce que montrent, entre autres, les travaux de Debra Schindler (1992, 1997), d’Yvon Csonka (1998), de Krupnik et Vakhtin (2002), de Galina Diatchkova (2005) et la monographie de Patty Gray The Predicament of Chukotka’s Indigenous Movement : Post-Soviet Activism in the Russian Far North (Gray 2005).
Les études sur les rituels et le religieux se renouvèlent et montrent que certaines des pratiques évoquées au passé dans les études soviétiques, par obligation idéologique, sont encore présentes (Golbtseva 2008, 2017 ; Vaté 2007, 2013 ; Vatè 2021). Ces recherches ne se limitent pas à un état des lieux des continuités mais abordent les nouvelles formes, les résistances et les interactions passées et présentes (Klokov 2018, 2021 ; Oparin 2012, 2020, à paraître ; Schweitzer et Golovko 2007 ; Vaté 2005a, 2005b), par exemple, la relation au christianisme qui s’est développée au cours des années 1990 du fait de l’arrivée de missionnaires protestants relevant de diverses dénominations (Vakhtin 2005, Vaté 2009) ou du marquage croissant du territoire par l’orthodoxie (Vaté 2019). Les pratiques funéraires connaissent également une attention importante (Nuvano 2006 ; Oparin 2012 ; Panáková 2014).
Plusieurs linguistes sont venus en Tchoukotka étudier la langue tchouktche (Dunn 1999 ; Weinstein 2010, 2018, et ce volumea traduction du texte d’Omruvie dans le In Memoriam ; Zhukova et Kurebito 2004). L’étude de la langue s’est progressivement élargie aux questions sociolinguistiques (Leonova 2020 ; Pupynina 2013 ; Schwalbe 2015, 2017).
La situation de l’élevage de rennes est une thématique qui a rencontré un intérêt fort d’une manière générale dans l’anthropologie sibérienne des années 1990-2000 ; la terrible chute du cheptel qu’a connue la Tchoukotka n’a pas manqué d’interroger les chercheurs, notamment sur les questions de propriété (Gray 2000, 2012 ; Ikeya 2003 ; Krupnik 2000a).
Plus largement, la question des savoirs autochtones a occupé une place centrale dans les recherches sur la Tchoukotka : savoirs environnementaux (Bogoslovskaja et Krupnik 2013 ; Krupnik et Vakhtin 1997) mais aussi savoirs de chasse (Bogoslovskaja 2003, Bogoslovskaja et al. 2007 ; Jašenko 2016 ; Mymrin 2016). Des études se sont penchées sur les conséquences du réchauffement climatique et l’utilisation traditionnelle des ressources naturelles (Bogoslovskaja et Krupnik 2013). La question des savoirs environnementaux est une thématique qui a particulièrement favorisé la collaboration avec des chercheurs autochtones.
Depuis l’effondrement de l’Union soviétique, plusieurs études participatives ont été créées en collaboration avec des spécialistes autochtones (voir notamment Zdor ce volume). Les voix des populations autochtones – des scientifiques, des chasseurs, des aînés – sont de plus en plus souvent entendues (Bogoslovskaja et Krupnik 2013 ; Bogoslovskaja et al. 2007 ; Bogoslovskaja et al. 2008 ; Leonova 2014). On notera, en particulier, une récente monographie collective sur l’héritage et l’histoire de la Tchoukotka, où les chercheurs locaux sont largement représentés (Kolomiec et Krupnik 2020).
L’anthropologie de l’alimentation a également connu un essor important. En particulier sous l’impulsion des recherches de Sveta Yamin Pasternak mais pas seulement, de nombreuses pistes novatrices sont explorées régulièrement (Ajnana et al. 2007 ; Davydova 2019 ; Dudarev et al. 2019a, 2019b, 2019c, 2019d ; Golbceva 2017 ; Grej 2021 ; Kozlov 2007 ; Kozlov et al. 2007 ; Yamin-Pasternak 2007, Yamin-Pasternak et al. 2014). Cette thématique demeure très présente dans ce volume, témoignant de son dynamisme.
La culture et la situation sociale des allochtones [priezžie] ont rarement fait l’objet de recherches soviétiques. L’un des ouvrages clés sur ce sujet est la monographie du chercheur canadien Niobe Thompson, Settlers on the Edge. Identity and Modernization on Russia’s Arctic Frontier, qui s’intéresse à la population non autochtone de Tchoukotka apparue dans l’extrême nord-est dans les années 1930-80. Cette étude donne également certains éléments pour comprendre la politique du gouverneur Nazarov dans les années 1990 qui a mené à la banqueroute de la région (Thompson 2008). Nikolai Vakhtin, Peter Schweitzer et Evgenij Golovko ont publié une monographie sur les populations issues des anciens peuplements russes (starožily) du nord-est sibérien (Vahtin, Golovko et Švajcer 2004).
Si les recherches en Tchoukotka ont connu un ralentissement durant la décennie 2010, après le boom des années 1990 et 2000, de nouvelles orientations se dessinent cependant et une nouvelle génération de chercheurs s’est engagée dans l’étude de la région ces dix dernières années. Anastasia Yarzoutkina (Jarzutkina) se penche depuis plusieurs années sur le thème de l’addiction à l’alcool en Tchoukotka et celui de la vie sociale de l’alcool dans le quotidien des villages autochtones de la région (Jarzutkina 2017 ; Yarzoutkina et Koulik, dans ce numéro). Elle a aussi publié récemment un article analysant comment les éleveurs de rennes du village de Vaegui (Vaegi) deviennent des horticulteurs et étudiant l’hybridation de ces pratiques économiques diamétralement différentes (Jarzutkina 2021).
En 2019, Jaroslava Panáková a publié « Something like Happiness : Home Photography in the Inquiry of Lifestyles » se concentrant sur la visualité en Tchoukotka, les pratiques photographiques de la population locale et le concept de bonheur tel qu’il est exprimé par des images visuelles (Panáková 2019, voir aussi Istomin, Panáková, Heady 2014).
Faisant écho au projet ERC dirigé par Peter Schweitzer (« INFRANORTH – Building Arctic Futures : Transport Infrastructures and Sustainable Northern Communities »), la question des infrastructures devient une thématique qui mobilise les chercheurs, sujet véritablement crucial en Tchoukotka, comme tous les chercheurs de terrain ont pu l’expérimenter. En 2021, la revue Ètnografija a publié un article d’Elena et Vladimir Davydov portant sur les pénuries dans les villages de la toundra et les diverses pratiques d’« utilisation secondaire des ressources disponibles, dans le cadre desquelles s’opère une transformation créative des objets matériels[13] » (Davydov et Davydova 2021, 25). Dans ce numéro, nous publions un article de Tobias Holzlehner sur la manière dont les populations autochtones de la côte réutilisent, à des fins de construction, de vieux objets mis au rebut.
Les études sur la Tchoukotka ont également donné lieu à la production d’anthropologie visuelle (Jääskeläinen 2012 ; Panáková 2005, 2015 ; Vahrušev 2011), de réalisations de documentaires (Jääskeläinen 2019 ; Puja 2014) et aussi de films de fictions (sur ces films et d’autres, voir Damiens, ce volume).
Recherche en Tchoukotka : un nouvel état de l’art
Dans ce numéro, nous avons tenté de montrer la vivacité et la diversité des études sur cette région. Nous avons rassemblé ici 19 contributions relevant notamment de l’anthropologie, l’histoire, la sociolinguistique, l’histoire de l’art, l’ethnobotanique, etc. rédigés par des chercheurs originaires d’une grande variété de pays et appartenant à des institutions du monde entier. Pourtant, ce numéro double n’épuise pas entièrement le paysage académique contemporain des études sur la Tchoukotka – certains chercheurs n’y sont pas représentés, faute de temps ou de moyens de leur part ou de la nôtre. Nous espérons cependant que ces études reflètent de façon pertinente l’état de la recherche en sciences humaines des dix à quinze dernières années sur la Tchoukotka et invitent à engager de nouvelles pistes pour l’avenir.
Nous avons découpé le numéro par thématiques. Nous ouvrons ce recueil avec une étude visuelle historique et anthropologique d’Igor Krupnik sur la profondeur de la mémoire historique en Tchoukotka et sur l’île Saint-Laurent (Alaska). L’article de Caroline Damiens traite également du monde visuel et propose une rétrospective de la représentation cinématographique de la Tchoukotka au cours du XXe siècle. Puis, en deuxième partie, les articles de Tobias Holzlehner et de Sofia Gavrilova abordent de manières différentes la question des déplacements forcés de populations autochtones qui ont eu lieu dans les années 1930-50. La question de la langue fait l’objet de la troisième partie. L’article sociolinguistique de Daria Morgunova-Schwalbe se concentre sur le côté émotionnel de l’usage et de la transmission de la langue yupik. Mikhail Chlenov étudie les origines d’une variante de la langue aléoute parlée à Medny (« île du cuivre ») dans les îles du Commandeur ; s’il s’agit d’une incursion hors de la Tchoukotka, la recherche concerne bien le monde eskaléoute et la partie asiatique de la Mer de Béring. La quatrième partie offre des nouvelles perspectives sur les questions de l’alimentation et de la consommation. Elena et Vladimir Davydov analysent le lien existant entre les perceptions du goût de la viande de rennes et les différentes pratiques d’abattage de l’animal dans la toundra et le village d’Amgouèma. Sveta Yamin-Pasternak et Igor Pasternak, qui s’intéressent de longue date aux traditions alimentaires des Autochtones des deux côtés du détroit de Béring, consacrent leur article à l’esthétique expressive de la cuisine traditionnelle en Tchoukotka et en Alaska. Anastasia Yarzoutkina et Nikolaï Koulik abordent un sujet délicat en proposant une anthropologie croisée des relations à l’argent et à l’alcool dans les villages autochtones. Olga Belichenko, Valeria Kolosova, Kevin Jernigan et Maria Pupynina présentent une étude minutieuse des usages ethnobotaniques, une thématique bien plus étudiée dans le monde Inuit que dans cette partie de l’Arctique. En cinquième partie, Eduard Zdor et Oksana Kolomiets s’intéressent à un sujet peu abordé : les relations des Autochtones avec divers acteurs non autochtones. Eduard Zdor étudie différentes expériences de coopération entre experts autochtones et scientifiques en Tchoukotka. De son côté, Oksana Kolomiets se concentre sur les interactions complexes entre les représentants des peuples autochtones et les sociétés industrielles opérant dans la région. La sixième partie réunit diverses contributions qui parlent des modes de représentations. Nikolai Vakhtin offre une analyse des perspectives locales du domestique au travers de l’étude de deux textes du folklore yupik enregistrés par la linguiste Ekaterina Rubcova au début des années 1940. L’article de Dmitriy Oparin porte sur la vie sociale des incantations yupik et de la langue yupik en général dans le contexte religieux contemporain. Virginie Vaté revient sur la thématique des plantes et leurs usages chez les éleveurs de rennes de la toundra d’Amgouèma, insistant sur la relation que les végétaux tissent entre les humains et les rennes. Le numéro se termine par quatre notes de recherche dans une partie que nous avons intitulée « perspectives ». Igor Pasternak combine les approches d’un artiste et d’un anthropologue dans son étude de l’art de la sculpture sur ivoire des Tchouktches et des Yupik. Vladislav Nuvano, dans une démarche autobiographique que nous avons sollicitée, retrace son parcours et sa perspective de chercheur autochtone. Zoia Weinstein-Tagrina, culturologue et artiste, nous offre une étude de chants et incantations tchouktches. Enfin, dans la dernière note de recherche, Dmitriy Oparin présente son récent projet multimédia « The Memory of a Settlement », consacré à la généalogie, à l’histoire orale et aux archives photographiques des familles yupik du village de Novoe Tchaplino (région de Providenia).
Ce sont là tous les chemins que nous avons explorés pour ce volume mais il y aurait bien d’autres pistes à ouvrir. Nous pouvons ici en évoquer quelques-unes qui ne sont présentes ni dans ce numéro, ni dans d’autres recherches. Par exemple, la population autochtone de la Tchoukotka n’est souvent représentée dans les études anthropologiques que par les Tchouktches et les Yupik, alors que des Évènes, des Tchouvantses et des Youkaguirs vivent également dans la région.
La question des dynamiques migratoires en Tchoukotka gagnerait également à être étudiée. Ces dynamiques sont diverses et nombreuses. Nous l’avons signalé en début de texte, qui sont les Kalmoukes et les Maris que l’on rencontre si souvent aujourd’hui en Tchoukotka ? Pourquoi des migrants continuent-ils à venir en Tchoukotka ? Et d’où viennent-ils ? Mais les mobilités ne concernent pas seulement les Allochtones. L’isolement, l’éloignement, les difficultés de transport et d’autorisation d’entrée sur le territoire donnent de la Tchoukotka l’impression d’une région statique. Bien au contraire, pourtant, y a lieu un mouvement permanent : entre les villages et les campements d’éleveurs de rennes, vers les capitales de districts et entre les villages, vers Anadyr, la capitale de la Tchoukotka mais aussi à l’extérieur de la Tchoukotka. Si pendant longtemps, aller en Alaska correspondait au voyage à l’étranger le plus courant, du fait des liens historiques et familiaux, aujourd’hui, les destinations peuvent être plus lointaines, comme la Turquie, la Chine ou la Thaïlande. Les raisons de ces mobilités sont multiples : vacances, études, accès aux soins… Même si elles ont gagné en distance, ces mobilités ne sont pas nouvelles : déjà pendant la période soviétique, beaucoup allaient étudier à Magadan ou Saint-Pétersbourg. Et tous ne revenaient pas vivre en Tchoukotka. Comment se passent la vie des étudiants autochtones dans ces grands centres urbains ? Récemment, des travaux ont été publiés sur la mobilité dans l’Arctique russe (par exemple, Vahtin et Dudek 2020), mais la Tchoukotka et ses habitants n’est pas au centre de ces études. C’est donc une problématique à laquelle il faudrait porter plus d’attention.
Un autre type de mobilité et une des caractéristiques particulièrement intéressantes de la Tchoukotka est l’existence de liens internationaux qu’elle entretient avec le monde autochtone du Canada, du Groenland et de l’Alaska, où vivent également des Yupik et des Inuit. L’expérience internationale des Yupik de Russie comme la participation à des conférences du Conseil Inuit Circumpolaire, à des rencontres internationales des peuples de l’Arctique, ou des tournées d’ensembles de danses et chants folkloriques, mériterait une étude en soi. Par ailleurs, la question des liens entre les Yupik de Sibérie et ceux d’Alaska pourrait faire encore l’objet de nouvelles études en particulier sur la période récente, durant laquelle on a pu observer des mariages entre des autochtones des deux côtés du Détroit, la poursuite d’échanges culturels, voire l’émigration de Yupik de Tchoukotka en Alaska.
Nous pensons aussi que les études anthropologiques sur la Tchoukotka manquent parfois de voix autochtones. En Russie, à l’exception des ouvrages publiés par I. Krupnik (2000b) et contrairement au Nord-américain et canadien, par exemple, il existe peu de publications académiques, d’ouvrages de vulgarisation scientifique ou de projets multimédias consacrés aux histoires orales, aux souvenirs des aînés, à l’expertise de la population locale ou à l’auto-présentation des jeunes autochtones. Nous pensons qu’une attention plus grande pourrait être portée à l’histoire orale et aux récits de vie, dans l’esprit du livre Sagiyuk de Nancy Wachovich (2001). Nous espérons que des chercheurs à venir se saisiront de ces suggestions, qui ne sont que des possibilités parmi d’autres.
Nous avons commencé à préparer ce numéro en 2019. Nous le terminons au printemps 2022. Alors que tous nos efforts étaient concentrés sur la finalisation de ce volume, le 24 février 2022, la Russie a commencé une guerre contre l’Ukraine. Cette situation dont l’horreur nous saisit tous n’est pas sans affecter et les habitants de la Tchoukotka et les perspectives de recherche dans cette région. Comme le reste de l’Extrême-Orient septentrional, la Tchoukotka a accueilli de nombreux Ukrainiens depuis les années 1930, et plus particulièrement après les évènements de Tchernobyl, à la fin des années 1980. Des Ukrainiens vivent encore aujourd’hui en Tchoukotka. On ne peut que s’interroger sur leur situation et les conséquences locales de ce conflit sur le déroulement des relations sociales. Cette guerre affectera sans doute le climat social en Tchoukotka, entraînera une réduction, voire un blocage total des relations internationales, y compris avec l’Alaska, une pénurie de médicaments et autres produits importés, et un appauvrissement des pratiques de communication (fermeture de Facebook et Instagram sur le territoire russe). Par ailleurs, nous savons que des soldats originaires de la Tchoukotka, y compris des représentants de la population autochtone, se trouvent dans des zones de combat. Récemment, nous avons appris la mort d’un Tchouktche originaire du village de Vankarem. En tant qu’anthropologues sociaux étudiant une des régions de la Russie, nous ne pouvons pas ignorer cette tragédie[14].
Nous ne pouvons aussi qu’être frappés par l’ironie de la situation : alors que nous finissons un volume qui a réuni des contributions de chercheurs venus de tous horizons, de toutes origines, autour de notre intérêt commun pour cette région du monde et ses habitants, nous comprenons que se trouve anéantie, pour un temps indéfini, la possibilité de poursuivre, ensemble, sur le terrain, ces recherches.
Nous rédigeons cette introduction en avril 2022. Le numéro doit sortir en juin. Nous ne pouvons qu’espérer que la guerre sera terminée d’ici là.
Nous voudrions que ce numéro soit perçu comme un appel à la paix, comme une apologie du « réfléchir ensemble » au-delà des frontières. Ce serait une tragédie qui s’en ajouterait à une autre de perdre l’esprit de collaboration internationale et les amitiés qui se sont construites au cours des 30 dernières années dans le champ des études de la Tchoukotka. Nous espérons ainsi que ce numéro ne sera pas le dernier du genre et que dans quelques années, d’autres que nous ou nous-mêmes pourrons lancer la publication d’un nouveau volume, d’un nouvel état des lieux, réunissant à nouveau une grande diversité de perspectives et de chercheurs s’intéressant aux peuples autochtones de Tchoukotka.
Remerciements
Les auteurs remercient Igor Krupnik et Patty Gray pour la relecture d’une version préliminaire de cette introduction. Toutes les éventuelles erreurs et imprécisions demeurent cependant la responsabilité des auteurs.
Ce numéro a bénéficié du soutien de beaucoup de personnes et d’institutions. Nous tenons à remercier tout d’abord Igor Krupnik de nous avoir suggéré de nous lancer dans cette aventure et pour son soutien indéfectible. Nous remercions les auteurs qui ont bien voulu se plier aux contraintes multiples qu’implique la réalisation d’un tel ouvrage. Nous exprimons également toute notre gratitude aux nombreux évaluateurs (plus d’une trentaine, venant de pays très divers) de ces contributions qui nous ont aidé à améliorer les textes. Au cours de l’élaboration de ce numéro, nous avons eu à travailler avec des textes en russe, en anglais et en français, et de nombreuses traductions, ce qui a représenté à certains égards un défi linguistique. Avec les encouragements de la rédactrice de la revue, nous avons décidé d’ajouter des résumés en russe pour permettre aux habitants de la Tchoukotka d’avoir un accès au moins partiel au contenu des articles. Nous remercions Benjamin McGarr, Fabien Rothey, John Eidson, Patty Gray, Claire Kingston, Elena Lavanant, Marie Velikanov, Léone Grojean et Aurélie Maire pour la traduction, la relecture et l’édition des textes. Toute notre reconnaissance va également à Ingrid Gantner qui nous a offert généreusement cette belle photographie des miniatures gravées sur dents de morse de Valerij Vykvyragtyrgyrgyn. Nous remercions la famille de l’artiste qui a accepté que ces gravures figurent en couverture. Valerij nous a quitté alors que ce volume était en préparation, nous souhaitions ainsi lui rendre hommage, comme nous avons voulu rendre hommage en fin de volume à d’autres amis partis ces trois dernières années : Ljudmila Ajnana, Margarita Beličenko, Ivan Omruv’e.
Nous n’aurions pu faire ce volume sans le soutien de la revue et en particulier sans l’engagement et les conseils d’Aurélie Maire, rédactrice en chef de la revue Études Inuit Studies. Ce numéro a bénéficié du soutien financier de la revue Études Inuit Studies, de l’Ambassade du Canada à Moscou, du Fonds Russe pour la Recherche Scientifique, du laboratoire « Groupe Sociétés Religions Laïcités » (GSRL UMR 8582 CNRS/EPHE PSL), de la Chaire de recherche Sentinelle Nord sur les relations avec les sociétés inuit à l’Université Laval. Qu’ils soient tous remerciés.
Pour leur soutien pendant la réalisation de ce volume qui a occupé beaucoup de nos fins de semaines, nous remercions nos proches et notre famille, et plus particulièrement John et Matthieu Eidson, Philippe et Christine Klein, Elena Kaminskaya, Elena Marasinova et Artëm Zaitsev.
Nous exprimons enfin toute notre gratitude à nos amis de Tchoukotka et à tous ceux qui nous y ont accueillis toujours avec une hospitalité et une générosité sans limite. Le sentiment de dette est immense. Nous leur déduisons ce volume, humblement.
Кытвалынк’ык’oн! Игамсик’аюкамси!
« Cette publication a été soutenue par l’ambassade du Canada à Moscou. Les auteurs et le personnel de la rédaction sont les seuls responsables de son contenu. »
Appendices
Notes
-
[1]
Volume 31 (1-2), publié en 2007 sous la direction d’Yvon Csonka. En 1981, un premier numéro Vol. 5 (2) accordait une place importante à la Tchoukotka lors d’un volume en deux parties, intitulé à la fois Esquimaux asiatiques / Asiatic Eskimo et Perspectives sur la santé / Perspectives on Health -II. Ce numéro ne contenait que deux articles sur les Yupik de Tchoukotka mais a constitué une première attention particulière portée aux autochtones de cette région.
-
[2]
Csonka 2007, 8. Selon I. Krupnik et M. Chlenov (2013, xxix) « The Russian Yupik […] make up slightly more than 1 per cent of the overall Inuit family ».
- [3]
-
[4]
La population est passée d’environ 169 000 personnes en 1989 à environ 60 000 en 2000 (Kumo et Litvinenko 2019, 110).
-
[5]
Nous utilisons la translittération des slavistes pour les textes en français et celle de la Library of Congress avec quelques simplifications pour les textes en anglais. Ces façons de translittérer sont utilisées avec des adaptations pour le tchouktche et le yupik. Certains auteurs ont préféré avoir recours à des transcriptions phonétiques ; nous avons respecté leurs choix et leur manière de faire. Les noms d’auteur et de lieux sont francisés ou anglicisés ; lorsque le nom de certains auteurs russes est connu sous une graphie particulière, nous l’avons également respectée en utilisant cependant la translittération dans la bibliographie et en la citant entre parenthèse. Cela implique parfois l’utilisation de deux écritures : par exemple, l’ethnographe Vladimir Bogoraz a publié en anglais sous le nom de Waldemar Bogoras. En fonction de la référence mentionnée, nous écrivons son nom soit avec un -s (publications en anglais), soit avec un -z (publications en russe). Cette situation se présente pour plusieurs auteurs.
-
[6]
Voir, https://www.gks.ru/free_doc/new_site/perepis2010/croc/Documents/Vol4/pub-04-25.pdf. Nous faisons référence ici aux chiffres officiels du recensement de 2010 car au moment de la rédaction de cette introduction les résultats du recensement réalisé en 2020-2021 ne sont pas encore accessibles.
-
[7]
Nous utiliserons dans le volume l’appellation française « Tchouktche » et le terme « Chukchi » en anglais, comme il est d’usage, termes dérivant de l’appellation russe (elle-même sans doute inspirée du terme tchouktche čavčyv, qui désigne les éleveurs de rennes). Mais l’auto-désignation utilisée en tchouktche est Lyg’’oravètl’at (plur.).
-
[8]
Nous avons choisi d’utiliser ce terme dans ce volume car il fait relativement consensus parmi les chercheurs. Sur place, et en russe, le terme le plus couramment utilisé est èskimos (Eskimo) qui n’est pas considéré localement comme péjoratif même si, de plus en plus, les personnes investies dans la cause autochtone et l’Inuit Circumpolar Council (ICC) tendent à utiliser le terme « Inuit », qui ne correspond pourtant pas à l’autodésignation (Yupiget) (Krupnik et Chlenov 2013, xxix). Les linguistes distinguent trois langues Yupik : le Yupik central sibérien, le Yupik de Naoukan (Naukanskij) et celui de Sireniki (Sirenikskij). Cette dernière est considérée comme officiellement éteinte depuis 1997 (Krupnik et Chlenov 2013, 47).
-
[9 ]
Voir le volume Crossroads of Continents par Fitzhugh et Crowell (1988).
-
[10]
Ce qu’Igor Krupnik a appelé un « double mode de subsistance » ou « Dual Subsistence Model » (Krupnik 1993, 210) le définissant comme un « continuum de subsistance » (Krupnik 1998, 223). Ces deux activités ne recoupent cependant pas l’ensemble des ressources traditionnelles qui interviennent dans l’alimentation : les Autochtones pêchent en mer et en rivière, chassent dans la toundra, ramassent des oeufs, récoltent des plantes (voir Belichenko et al., Vaté, ce volume), etc.
-
[11]
En théorie, le statut officiel de « zone frontalière » de la Tchoukotka a été abrogé en 2018, à l’exception de trois îles (La Grande Diomède, Wrangel et Herald). Cependant, les gardes-frontières continuent de contrôler les documents des citoyens russes qui ne sont pas résidents en Tchoukotka. Pour les étrangers, l’autorisation spéciale d’entrée sur le territoire (propusk) est toujours nécessaire. Par ailleurs, le contrôle des chasseurs de mammifères marins et des résidents de la zone côtière s’est intensifié.
-
[12]
Cette dernière s’est terminée par un terrible accident d’hélicoptère (Csonka 2007, 13).
-
[13]
Notre traduction.
-
[14]
Ce point de vue n’engage que les auteurs de cette introduction. Les auteurs de ce volume n’ont pas eu connaissance de cette introduction avant sa publication et ne peuvent être tenus responsables de ces propos.
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