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Le terme uggianaqtuq est un mot inuktitut originaire de la partie nord de la Terre de Baffin. Cette appellation est utilisée pour indiquer un phénomène peu commun ou inattendu. Pour son travail de recherche, l’auteure base son analyse sur des entretiens effectués auprès d’une vingtaine d’Inuit résidant dans deux régions du Nunavut. La première est s'étend un peu au sud de Baker Lake,. La seconde se situe autour de Clyde River, sur la côte nord-est de la Terre de Baffin. Dans les deux cas, Fox démontre que le terme uggianaqtuq est employé pour représenter les changements environnementaux: «From the perspective of many Inuit hunters and elders in the Arctic, the weather has been uggianaqtuq in recent years»[1].

Les entretiens effectués dans la région de Baker Lake montrent que les changements climatiques sont survenus dès les années 1980 et se seraient progressivement intensifiés depuis. Le printemps arriverait plus tôt et l’été serait plus chaud qu’autrefois. La température a subi une hausse modifiant considérablement divers éléments environnementaux. Bien que l’auteure présente ces éléments isolément les uns des autres, il est facile à travers son analyse de déduire l’impact de la transformation d’un élément sur les autres composantes, comme par exemple: «Changes in winds and storms have changed the way ice forms in the fall and winter, and this contributes to an earlier and quicker breakup in spring, as the ice is not as stable as it was in the past».

Tel est également le cas de la diminution des précipitations qui a un impact direct sur la flore et par enchaînement sur la qualité et le déplacement de la faune: «Caribou are suffering from the poor condition of vegetables due to the lack of rain and this may be why caribou meat is not as good as it used to be». La diminution des pluies est notée par presque tous les participants interviewés dans la région de Baker Lake. Cette diminution serait survenue depuis les années 1990 et a un effet sur les niveaux des lacs et des rivières de la région qui semblent s’être abaissés de manière considérable: «Islands have appeared in lakes and rivers around the community as a result of water levels going down». La baisse des eaux diminue et bloque parfois même l’accès à certains territoires de chasse et de campement utilisés et exploités depuis longtemps: «Matthew Aqigaaq is concerned about no longer being able to reach a summer caribou hunting ground. This area near Pitz Lake is accessible only by boat. Shallow water in the river that leads to the hunting grounds has blocked access to this area». Comme le caribou, les ressources halieutiques telles que la truite demeurent essentielles à l’alimentation des Inuit de Baker Lake. Selon plusieurs d’entre eux, la baisse des eaux influence ces ressources: «Compared to the past, the numbers, health and taste of fish are different. […] Fish are not being caught in the usual fishing places».

Toujours pour la région de Baker Lake, certains Inuit affirment avoir constaté un changement dans la fréquence, l’intensité et la direction des vents: «Many residents note that the change has been from a dominant west wind to a north/northwest wind». Cette réorientation des vents a causé certaines difficultés, notamment quant à la pratique du repérage: «In winter, hunters use ridges formed by dominant wind on the snow surface as a way to know wich direction they are going. Changes in the wind have changed these ridges and made them unreliable for navigation». L’augmentation de l’intensité et de la fréquence des vents a également influencé certaines pratiques telles que la construction d’igloos: «Stronger winds are packing the snow harder, so that people are not able to build igloos which are still used, especially as emergency shelter in winter». La fonte plus rapide de la neige au printemps et la diminution des précipitations entraînent une autre difficulté lors des déplacements: «There is not as much snow, to bury traps with and hummocks show through the snow making travel difficult». En raison de ces transformations, l’environnement devient évidemment instable et difficilement prévisible: «The weather is being juggled (Norman Attungala)».

Les entretiens effectués auprès de la population de Clyde River démontrent sensiblement les mêmes préoccupations. Le temps semble également imprévisible. Selon plusieurs chasseurs rencontrés: «The weather has become more variable in the last five years than it used to be». L’hiver paraît plus court, tandis que le printemps et l’été sont plus longs et plus chauds: «The sun has become very strong in the last few years and some residents in Clyde River are experiencing skin irritations and rashes as a result».

L’augmentation de la température dans cette région exerce également une influence certaine sur l’ensemble des éléments environnementaux. Ainsi assistons-nous à une réduction dans l’épaisseur de la glace et à la fonte de plusieurs glaciers. Les effets sont multiples: «Increased melt from glaciers and the Barnes Ice Cap is causing rivers to run faster resulting in eroded river beds, rock falls, and poor fishing in usually good fishing spots since the fish cannot live in the fast moving water».

La diminution de la glace et l’apparition de fissures inhabituelles dans la glace rendent le transport beaucoup plus ardu et dangereux. D’autre part, la fonte progressive de la neige dite permanente diminue les sources d’eau potable ainsi que les caches à viande, qui constituent des réfrigérateurs naturels pour conserver le gibier chassé.

Tout comme à Baker Lake, l’orientation du vent semble avoir changé, altérant ainsi l’accumulation et la distribution de la neige. Pour certains aînés, «the snow has changed colour, looks dirty». Des aînés notent également la disparition depuis quelques années d’un processus qu’ils nomment qiqsuqqaqtuq. Cette expression renvoie à un phénomène habituel se déroulant normalement au printemps, celui de la fonte de la surface de la neige le jour et son regel pendant la nuit.

Les animaux marins, particulièrement le phoque, occupent une place essentielle dans l’alimentation des résidents de Clyde River. Sans en connaître précisément les causes, plusieurs Inuit de la région remarquent certaines anormalités dans leurs prises: «Some seals have holes in their skin, white pustules on their meat, and skin rashes». Les peaux de phoque et de caribou sont également employées à la fabrication de vêtements. Celles-ci semblent également étranges aux habitants de Clyde River: «The fur comes out too easily and the times seals molt and grow new fur seem to be different».

Pour conclure, le CD-ROM présenté par Shari Fox donne une voix à deux groupes inuit aux prises avec d'importantes transformations écologiques modifiant à différents degrés le climat, la faune, la flore et leurs habitudes de vie. Il ne s'agit pas d'une analyse climatologique des causes et effets dus aux changements climatiques mais plutôt d'un recensement de témoignages sur les réalités quotidiennes, les réadaptations et les craintes vécues par ce peuple du Nord face aux transformations de son environnement. Il vaut donc la peine de consulter les résidents de l’Arctique, ne serait-ce que pour entendre ces voix inquiètes pour l'avenir de notre planète.