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C’est dans l’ancien vélodrome construit pour les Jeux olympiques de 1976 à Montréal que le Biodôme de Montréal ouvre ses portes le 19 juin 1992. Sa mission : « favoriser l’éveil d’une conscience environnementale planétaire » (Landry 1992). Depuis bientôt 30 ans, le Biodôme est un lieu populaire de patrimonialisation de l’environnement et de rapprochement entre l’humain et la nature. Une des cinq institutions du complexe muséal Espace pour la vie de la Ville de Montréal, le Biodôme propose comme action sociale de conscientiser les Montréalaises et Montréalais aux enjeux environnementaux, puisque la nature fait partie d’un patrimoine commun, est accessible à toutes et tous et requiert protection, étude et sauvegarde (Crenn 2003). Afin de partager son message au plus grand nombre, l’institution a développé plusieurs stratégies telles que des expositions, des activités éducatives, une salle de découvertes, des animations offertes par des éducateurs scientifiques, etc. Ces différents moyens de médiation sont les vecteurs par lesquels le Biodôme interprète et transmet son vaste contenu scientifique, créant du sens pour le visiteur (Gob et Drouguet 2014).

Les importantes (et nécessaires) rénovations effectuées entre 2018 et 2020 relèvent d’une volonté allant bien au-delà du remodelage cosmétique. En entretien avec le quotidien montréalais Le Devoir, le directeur d’Espace pour la vie de l’époque, Charles-Mathieu Brunelle, souligne que le projet « n’est pas une transformation de façade. C’est une migration dans notre façon d’aborder nous-mêmes notre relation avec la nature » (Shields 2020). Cette « migration », ce mouvement essentiel et incontournable, modifie complètement l’expérience du visiteur : celle-ci devient plus immersive qu’auparavant. Plongé au coeur des écosystèmes, sans panneaux d’identification de la flore et de la faune, le visiteur n’a plus qu’à se laisser bercer par la beauté et l’harmonie des scènes naturelles recréées. C’est dans le cadre de cette immersion « organique » que les outils de médiation ont été actualisés, en fonction des objectifs de la migration. Une application mobile gratuite remplace les panneaux, permettant d’accéder à une multitude d’informations sur les espèces animales et végétales et sur les écosystèmes – en plus d’offrir des fonctionnalités pratiques et amusantes, comme la géolocalisation, les jeux-questionnaires et la réalité augmentée. Un nouveau guide d’identification papier tout en couleur (payant celui-là, acquis au coût de 2 $) présente, quant à lui, une version épurée de l’application mobile, exposant des photos des espèces animales et végétales, leurs noms français, anglais et latin, ainsi que leur statut de conservation. Pour terminer, les éducateurs spécialisés, répartis dans tout l’espace, sont chargés de plusieurs responsabilités, dont celle d’offrir des animations et de répondre aux questions générales et scientifiques du public déambulant dans les écosystèmes.

Figure 1

Photo : Mélanie Dusseault / Espace pour la vie

Photo : Mélanie Dusseault / Espace pour la vie

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Le texte écrit reste essentiel dans l’exposition, puisqu’il sert de support informatif et offre une signification explicite du sujet présenté (Gob et Drouguet 2014) – et ce, même si la lecture demande un effort supplémentaire de la part du visiteur (Forest et Sgard 2008). L’information transmise doit être modulée et rendue accessible à travers différents niveaux de lecture et en fonction d’une hiérarchisation de l’information (Gob et Drouguet 2014). L’application mobile et le guide d’identification papier répondent à ces exigences, et ce, depuis longtemps (Andreacola 2014). Grâce au numérique, l’application contient une somme considérable d’informations, ce qui toutefois demande une plus grande concentration et un engagement soutenu du visiteur envers cet outil (Guillemette 2015). L’application est organisée en fiches classées par écosystème et par espèce, entre autres, ce qui permet aux visiteurs de consulter les informations qui les captivent et de passer rapidement sur celles qui génèrent moins d’intérêt, personnalisant l’expérience comme aucun autre outil n’est en mesure de le faire (Ben Nasr, Hallem et Lagier 2017 ; Jarrier, Bourgeon-Renault et Bertrand Belvaux 2019). Le guide papier offre un tout autre niveau de lecture, puisqu’il n’illustre qu’une image de l’espèce et son nom. Il convient particulièrement bien aux enfants, les invitant à observer attentivement et à questionner les spécimens de l’exposition (Van Dorpe et Scamps 2008). L’éducateur spécialisé, quant à lui, s’adapte en direct au niveau de compréhension du visiteur et permet de bâtir un pont entre les objets et le public (Paquin et Lemay-Perreault 2016). Dans une étude similaire effectuée au Château de Clervaux, au Luxembourg, où les panneaux d’interprétation avaient été éliminés à la faveur d’une tablette numérique et d’une visite guidée, on a constaté une variabilité des expériences en fonction des dispositifs utilisés et du rapport aux oeuvres photographiques exposées, au temps, à l’espace, au corps (du visiteur), à l’affectif, au cognitif et à la dimension sociale. La conclusion n’en fut pas une définitive portant sur le pour et le contre des outils de médiation utilisés ; elle donna plutôt l’occasion d’une réflexion sur l’expérience personnelle des visiteurs : « La médiation n’est pas neutre : elle réécrit complètement l’exposition et la qualité de l’expérience vécue » (Vilatte et Schall 2020 : 151). La visite d’un musée est éphémère; par ailleurs, pour en déduire des retombées concluantes à partir de variables immuables, l’expérience de visite « se construit de façon unique, chaque fois qu’une personne entre dans un musée » (Falk 2012 : 8). Il est certes possible d’en dégager des tendances générales, et c’est ce que nous avons tenté de faire en lien avec l’expérience vécue au Biodôme – en sachant très bien que ce type d’analyse reste la plupart du temps sans réponse (Deshayes et Le Marec 2014).

Figure 2

Photo : Mathieu Rivard / Espace pour la vie

Photo : Mathieu Rivard / Espace pour la vie

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En examinant ces trois types d’outils en action dans les écosystèmes du Biodôme, outils que l’on pourrait qualifier de « médiations instrumentées », pour reprendre l’expression de Virginie Blondeau, Muriel Meyer-Chemenska et Daniel Schmitt (2020), nous avons souhaité extraire des données permettant de mieux comprendre le comportement des visiteurs face à ceux-ci, car à l’instar des auteurs de l’article susmentionné, nous nous sommes davantage intéressés à « l’effet du dispositif sur les visiteurs dans l’espace du musée » qu’à « sa fonction de médiation ». En nous positionnant de surcroît dans le rôle de « chercheurs à l’écoute » pour analyser l’expérience de visite de centaines de personnes, expérience qui « s’inscrit dans une démarche culturelle légitime » (Poli 2020 : 34), nous avons cumulé des témoignages et des observations porteurs de connaissances. Les analyses statistiques ainsi produites permettent de dresser un portrait fort intéressant des tendances qui se dégagent entre les univers numérique (application), papier (guide d’identification) et social (éducateurs), lorsque simultanément introduits dans un espace immersif conçu pour maximiser l’expérience naturelle et limiter les interférences externes.

Méthodologie

Pour la collecte des données, l’échantillonnage sélectionné est de type probabiliste, stratifié et non proportionnel. Chaque strate est triée de façon aléatoire simple. Cela signifie que des sous-groupes ont été identifiés dans la population (les visiteurs du Biodôme), et que les individus de chaque groupe ont été sélectionnés de façon aléatoire (Grenon, Viau et Dutil 2012). De plus, il y a un nombre identique de représentants dans chacun des groupes. Au cours de l’été 2021, en tenant compte de l’évolution naturelle de l’étude, une modification à la sélection des visiteurs échantillonnés a dû être effectuée afin d’obtenir des groupes aux nombres égaux. Au début du projet, qui s’est déroulé entre mai et août, quatre groupes distincts avaient été identifiés. Or, étant donné le manque de visiteurs pouvant entrer dans le groupe F6+ prévu (symbole qui désigne les familles accompagnées d’enfants de 6 ans et plus), celui-ci a été fusionné au groupe famille F tout court. Les groupes d’individus échantillonnés pour cette étude, au nombre de trois, sont répartis de la manière suivante :

  • Famille accompagnée d’enfants de 5 ans et moins (F5-)

    Famille accompagnée d’enfants multiâgés (exemple : famille de 3 enfants de 4 ans, 7 ans et 10 ans…) (F)

    Adultes seuls ou accompagnés d’autres adultes (16 ans et plus) (A)

Les deux premiers groupes composés de famille seraient classés selon Falk (2012) dans la catégorie des « facilitateurs », tandis que le dernier groupe composé principalement d’adultes rejoindrait plutôt la catégorie des « curieux d’expérience » ou des « explorateurs ». Que notre regard se soit porté sur des groupes « famille » est légitime, voire attendu, dans une telle institution, car ils représentent de loin la clientèle principale du Biodôme – contrairement à d’autres types d’institutions muséales, par exemple les musées d’art (Joly 2015). Les enquêtes muséales portant sur les familles ont proliféré au cours des vingt dernières années. Pour Jonchery (2008 : 9), la pratique familiale de visite est marquée « par des phénomènes de ruptures, liés notamment à la naissance des enfants, elle évolue en fonction du cycle de développement de la famille. La pratique revêt aussi une dimension cyclique, suivant des temps sociaux comme celui des vacances scolaires, ou suivant des fréquences plus régulières, mensuelles par exemple ». Dans un musée de science comme le Biodôme, on y perçoit une moins grande « fatigue muséale », l’immersion « organique » à travers les parcours des divers écosystèmes permettant des temps d’arrêt et de contemplation. Le « pouvoir de rétention » est aussi plus important pour les mêmes raisons, offrant du coup un temps d’apprentissage plus long pour les enfants, qu’ils soient guidés par leurs parents ou que la visite soit effectuée de manière autonome ; le musée est alors perçu comme un lieu de connaissance et d’éveil. L’« horizon d’attente » des familles diffère de surcroît de celui des visiteurs solitaires, car elles cherchent en priorité un moment commun de partage, de détente et de découverte (Jonchery 2014). La production d’outils et de dispositifs de médiation appropriés, ce que Daniel Jacobi (2014) désigne comme une « médiation proactive », favorise la visite du lieu et vient soutenir l’émerveillement par l’entremise de connaissances, de jeux et de splendeurs naturelles et/ou artificielles.

Une question s’est posée assez tôt dans le projet en lien avec l’application mobile et les visiteurs qui l’utilisaient, à savoir : un visiteur connaissant déjà l’application mobile, c’est-à-dire avant son arrivée au Biodôme, l’utilisera-t-il davantage pendant la visite qu’un autre visiteur qui ne la connaissait pas du tout ? Afin de répondre à cette question, deux sous-groupes supplémentaires ont été constitués parmi les visiteurs échantillonnés :

  • – Visiteurs qui connaissaient l’application mobile avant leur arrivée au Biodôme (a+).

    – Visiteurs qui ne connaissaient pas l’application mobile avant leur arrivée au Biodôme (a-).

Des hypothèses simples et spécifiques à propos de chacun des groupes et des outils de médiation avaient été établies en amont de cette étude. Or, avec un peu de recul, ces hypothèses (trop) spécifiques ont été réduites à leur plus simple valeur.

Hypothèses :

  • – H0 : L’utilisation des outils de médiation est identique, peu importe le profil du groupe de visiteurs.

    – H1 : L’utilisation des outils de médiation varie selon le profil du groupe de visiteurs.

Hypothèses pour les sous-groupes supplémentaires :

  • – H0 : L’utilisation de l’application mobile est toujours la même, peu importe que le visiteur connaisse ou non l’application avant sa visite au Biodôme.

    – H1 : Le fait de connaître ou non l’application avant sa visite au Biodôme influence son utilisation par les visiteurs.

Trois types de méthodes ont été retenues pour la collecte de données in situ : questionnaires, observations et entretiens post-visite. Il n’y a essentiellement aucun recoupement des individus au sein des trois types de cueillette, c’est-à-dire que les questionnaires n’ont pas été remplis par des personnes observées et/ou interviewées. Les questionnaires remplis par les visiteurs ont été élaborés à partir des ouvrages de Lucie Daignault, L’évaluation muséale : savoirs et savoir-faire (2011), et de David Wilkinson et Peter Birmingham, Using Research Instruments : A Guide for Researchers (2003). Au nombre de 150 (50 par groupes), les questionnaires ont été distribués en format papier et autoadministrés (bien que la coautrice de l’article ait été sur place tout au long de l’enquête afin de répondre aux questions des visiteurs). Ils étaient remis à la fin de la visite, à un kiosque installé près de la Bio-Machine, sur la mezzanine, à la sortie de la forêt tropicale humide. Le questionnaire aborde plusieurs thématiques, en plus du profil du visiteur. Certaines questions portent spécifiquement sur les outils d’interprétation : les sources d’information, leur taux d’utilisation, les fonctions utilisées et leur utilité, de même que la satisfaction générale pour ces outils. Une boîte de commentaires (facultative) conclut le questionnaire. Il est important de mentionner qu’une question de base, qui normalement permet de cerner le profil du visiteur, ne figure pas dans le questionnaire : celle concernant le lieu de domicile du visiteur. Étant donné les restrictions importantes causées par la pandémie de COVID-19 sur le tourisme international, nous avons présumé que la très vaste majorité des visiteurs à l’été 2021 était d’origine québécoise, de la grande région de Montréal ou non. En effet, cette conjecture prenait tout son sens au vu des données recueillies durant la saison estivale de 2020 (Daignault 2020 : 11), première année de pandémie, qui démontrent que seulement 8 % des visiteurs de musées au Québec provenaient de l’extérieur de la province. Au moment de rédiger cet article, les chiffres pour l’été 2021 ont été compilés et viennent corroborer notre présupposition, puisque nous découvrons que la tendance s’est maintenue : seulement 11 % des visiteurs provenaient de l’extérieur de la province (10 % pour le Canada et 1 % pour les États-Unis) (Daignault 2021 : 8).

Les observations, effectuées à l’insu du visiteur, permettent de relever son profil, le type d’outil(s) qu’il utilise et la fréquence d’utilisation. Un total de 402 observations ont ainsi été effectuées au cours du projet, c’est-à-dire 134 cellules de visite par groupe cible. Une grille spécialement développée à cet effet permet le classement des visiteurs selon leur groupe cible, réservant des espaces pour la recension des outils de médiation utilisés, la fréquence d’utilisation, l’heure, la durée de l’observation et la présence ou non d’un éducateur dans l’écosystème. Les observations ont été réalisées en début de visite, au haut de l’escalier situé dans la forêt tropicale humide, et en milieu de visite, sur la passerelle du golfe du Saint-Laurent. Des jumelles furent parfois utiles afin de distinguer clairement les faits et gestes des visiteurs. Les conditions sanitaires encore en vigueur offraient un avantage habituellement inenvisageable : un cheminement balisé, non aléatoire, de la visite, qui a permis de distinguer les visiteurs en début ou en milieu de visite. Des restrictions en termes d’organisation, de temps et d’espace n’ont pas permis de conduire des observations en fin de visite.

L’entretien post-visite semi-dirigé est l’outil essentiel pour l’obtention de données qualitatives. L’interviewé y joue un rôle d’acteur, de participant, voire d’expert en la matière. C’est lui qui construit le discours, qui nous dirige (Meunier, Luckerhoff et Guillemette 2020). Un total de 40 entretiens d’une durée d’environ dix minutes ont été menés, portant sur l’expérience de visite. Les personnes interviewées (avec leur groupe de visite) étaient différentes de celles observées ou ayant rempli le questionnaire papier. Les questions abordaient entre autres l’efficacité des divers outils de médiation, le rôle de l’accueil et de la présentation des mêmes outils avant le début de leur visite et leur interaction avec les animateurs spécialisés dans les écosystèmes. L’ouvrage de Daignault (2011), de même que le chapitre « Qualitative Interviews » du livre The SAGE Handbook of Qualitative Data Collection, par Kathryn Roulston et Myungweon Choi (2018), ont servi à l’élaboration du schéma d’entretien. Les réponses des visiteurs ont été recueillies de façon manuscrite. Les entretiens post-visite étaient effectués au même endroit que la distribution des questionnaires, c’est-à-dire en fin de visite, à un kiosque situé sur la mezzanine.

Résultats et analyse

Cette section révèle les résultats des questionnaires et des observations en plus d’en faire ressortir les grandes tendances. La question principale, à savoir si le profil du groupe cible influence l’utilisation des outils de médiation, sera analysée statistiquement à l’aide d’un test du khi carré. Une discussion sur les propos des visiteurs recueillis lors des entretiens, et les commentaires laissés dans les questionnaires autoadministrés, conclura la section.

Figure 3

Utilisation des outils d’interprétation selon le profil du groupe

Utilisation des outils d’interprétation selon le profil du groupe

Ces résultats présentent une utilisation non exclusive, c’est-à-dire qu’un visiteur peut avoir utilisé plus d’un outil, donc le pourcentage pour chaque groupe peut dépasser 100 %.

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Les premiers résultats (Fig. 3) démontrent clairement que l’outil d’interprétation le plus utilisé des trois groupes cibles demeure l’éducateur spécialisé. L’application mobile arrive bonne deuxième, et le guide papier se place plutôt loin derrière. Les éducateurs sont davantage sollicités par les familles F, avec un taux de 86 %. L’application mobile est un peu plus populaire chez les adultes A, avec un taux de 60 % (il serait possible de la coter sur une échelle de convivialité, ce qui permettrait d’évaluer d’une autre façon le niveau de satisfaction des usagers, voir Othman, Petrie et Power 2013). Le guide d’identification est consulté principalement par les familles F, avec un taux de 44 %. En revanche, les familles avec des enfants de 5 ans et moins (F5-) sont celles qui utilisent le moins les éducateurs et l’application mobile, avec des taux respectifs de 62 % et 50 %. L’application mobile est moins populaire chez les familles F puisque seulement 50 % d’entre elles l’utilisent, tandis que le groupe utilisant le moins le guide sont les adultes A, avec un taux de 24 %. Le groupe qui utilise le moins les outils de médiation en général est celui des adultes A, comme l’atteste le chiffre de 12 %. Seulement 6 % des F5- et 2 % des familles F n’utilisent aucun outil d’interprétation durant la visite. Dans l’ensemble, les trois types de médiation sont sollicités de la part des visiteurs du Biodôme. Le guide papier, à la vue de ces premiers résultats, est le moins populaire des modes de communication et d’apprentissage. Le déboursé de 2 $ pour se le procurer n’explique probablement pas, comme nous le verrons plus tard, ces résultats.

Figure 4

Utilisation d’un seul outil par les différents groupes cibles (50 par groupe)

Utilisation d’un seul outil par les différents groupes cibles (50 par groupe)

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Lorsqu’utilisé seul (Fig. 4), le mode de médiation le plus populaire est l’éducateur, suivi de l’application mobile et ensuite du guide, se retrouvant de nouveau en dernière place. 54 % des membres du groupe cible F5- n’utilisent qu’un seul mode de médiation, tous outils confondus, faisant de ce groupe celui qui limite le plus la multiplication des modes de médiation lors d’une visite. Les familles F et les adultes A démontrent un comportement similaire entre eux, mais assez différent des F5-, puisque 34 % des familles et 32 % des adultes n’utilisent qu’un seul outil de médiation lors de leur visite.

Figure 5

Utilisation d’une combinaison d’outils par les différents groupes cibles (50 par groupe)

Utilisation d’une combinaison d’outils par les différents groupes cibles (50 par groupe)

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Il est pertinent de présenter les combinaisons d’outils dans leur ensemble (Fig. 5). On se rend compte que la combinaison la plus populaire parmi nos trois groupes cibles est celle de l’éducateur accompagné de l’application mobile. En revanche, si la combinaison éducateur et guide est surtout prisée par les familles F, avec 20 %, on constate, peut-être sans surprise étant donné la similarité d’informations scientifiques fournies, que la combinaison la moins fréquente chez les mêmes familles F est celle de l’application mobile et du guide. Les trois outils de médiation combinés sont surtout adoptés par les familles F. Les résultats semblent démontrer que l’éducateur spécialisé se positionne au centre de l’intérêt des utilisateurs.

Analyse du khi carré sur l’utilisation des outils d’interprétation

Afin de contrôler statistiquement les écarts d’utilisation des outils de médiation entre les groupes cibles, un test du khi carré a été effectué sur les données présentées ci-dessus. Ce test permet de déterminer s’il existe un lien statistique, c’est-à-dire une dépendance, entre deux variables (Grenon et Viau, 2012). Dans notre cas, ces deux variables sont le profil du groupe et les outils utilisés, tels que présentés dans les figures 3-4-5. Afin de répondre aux conditions d’application du test, les comportements les moins fréquents (utilisation d’aucun outil ou une utilisation combinée de l’application et du guide) ont été rassemblés dans la catégorie « Autre ». L’hypothèse nulle H0 suggère que l’utilisation des outils ne diffère pas selon le profil du groupe, alors que l’hypothèse alternative H1 propose qu’il y ait une différence d’utilisation des outils selon le profil du groupe. Le tableau 1 présente les résultats du questionnaire alors que le tableau 2 présente des données théoriques extrapolées, sous la prémisse que chaque groupe possède un comportement identique, permettant de comparer la situation réelle à celle théorique, où le comportement des groupes serait identique (consulter l’annexe 1 pour une brève description du fonctionnement du test du khi carré).

Tableau 1

Résultats selon les réponses du questionnaire

Résultats selon les réponses du questionnaire

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Tableau 2

Résultats théoriques en répartition égale selon le nombre de répondants

Résultats théoriques en répartition égale selon le nombre de répondants

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Lorsque les groupes sont comparés 2 à 2, on découvre une différence significative entre les adultes A et les familles F (valeur de p = 0,048) et entre les familles F et les F5- (valeur de p = 0,017). Pour le test entre les adultes A et les F5-, la valeur de p est de 0,078. Cela signifie que les adultes A utilisent les outils de façon significativement différente des familles F (hypothèse H1 confirmée) et que les familles F utilisent de même les outils de façon significativement différente des F5- (hypothèse H1 confirmée). Toutefois, il est impossible de tirer une telle conclusion lors de la comparaison entre les adultes A et les F5- (hypothèse H0 confirmée).

Figure 6

Outils connus par le visiteur avant son arrivé au Biodôme par les différents groupes cibles (50 par groupe)

Outils connus par le visiteur avant son arrivé au Biodôme par les différents groupes cibles (50 par groupe)

Comme le visiteur peut connaître plus qu’un outil avant sa visite, le pourcentage total peut dépasser 100 %.

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La figure 6 révèle que presque la moitié des visiteurs ne connaissaient aucun outil proposé par le Biodôme avant leur arrivée. En revanche, l’outil le plus connu des adultes A et des familles F est l’éducateur, avec un taux respectif de 48 % et 46 %. Les F5- étaient plus au courant de la nouvelle application mobile que des autres outils, avec 34 %. Le guide papier était surtout connu des adultes A (24 %).

Figure 7

Utilisation de l’application mobile selon la connaissance que le visiteur en avait ou non

Utilisation de l’application mobile selon la connaissance que le visiteur en avait ou non

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En croisant les données (Fig. 7) concernant la connaissance de l’application mobile par les visiteurs avant leur visite et l’utilisation de celle-ci, il est intéressant de constater que 65,71 % des visiteurs qui connaissaient déjà l’application l’ont utilisée, contre seulement 51,30 % dans le cas inverse. Comme précédemment, les résultats du questionnaire (Tableau 3) sont comparés aux valeurs théoriques (Tableau 4) dans le cadre d’un test du khi carré. Le résultat du test donne une valeur de p égale à 0,35, ne permettant pas d’affirmer que le fait de connaître l’existence de l’application avant la visite influence son utilisation par le visiteur. Cette donnée est intéressante, car l’application mobile est la grande nouveauté de la nouvelle offre médiatique du Biodôme, celle qui doit prioritairement remplacer la signalétique conventionnelle. C’est aussi celle qui est la plus critiquée.

Tableau 3

Résultats observés selon les résultats des questionnaires

Résultats observés selon les résultats des questionnaires

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Tableau 4

Résultats théoriques en répartition égale

Résultats théoriques en répartition égale

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Figure 8

Sources d’information concernant les différents outils d’interprétation par les différents groupes cibles (50 par groupe)

Sources d’information concernant les différents outils d’interprétation par les différents groupes cibles (50 par groupe)

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La très grande majorité des visiteurs (Fig. 8) ont été informés des outils d’interprétation au moment de leur accueil au Biodôme. La deuxième plus grande source d’information pour les visiteurs provient des éducateurs. On observe que les autres moyens de communication (réseaux sociaux, site web et médias traditionnels) demeurent une source d’information marginale. Moins de 10 % de chacun des groupes cibles n’ont reçu aucune information au sujet des divers moyens de médiation – un nombre quand même non négligeable de personnes.

Figure 9

Fonctions premières de l’éducateur, en pourcentage du nombre de membres de chaque groupe qui l’a utilisé

Fonctions premières de l’éducateur, en pourcentage du nombre de membres de chaque groupe qui l’a utilisé

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Les fonctions les plus importantes des éducateurs localisés dans les différents écosystèmes (Fig. 9) sont de fournir de l’information aux visiteurs au sujet des espèces et des écosystèmes. Ensuite, et ce pour les trois groupes, les éducateurs sont questionnés principalement sur les directions à prendre pour se balader à travers les écosystèmes.

Figure 10

Les rubriques utilisées dans l’application mobile, en pourcentage du nombre de membres de chaque groupe qui l’a utilisée

Les rubriques utilisées dans l’application mobile, en pourcentage du nombre de membres de chaque groupe qui l’a utilisée

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Les rubriques les plus utilisées de l’application mobile (Fig. 10) varient d’un groupe cible à l’autre. Les deux plus populaires sont sans conteste les fiches sur les écosystèmes et les fiches sur les espèces (surtout par les adultes A). On remarque, à l’instar de l’éducateur sur place, que la géolocalisation est très utilisée (surtout par les familles F et les F5-) et que la réalité augmentée l’est davantage chez les adultes A. Très peu de visiteurs cherche à tester leur connaissance avec le jeu-questionnaire (les familles F y ont surtout recours, les enfants étant dans une tranche d’âge propice à ce type d’activité) ou à connaître le contenu des activités de la journée par l’application mobile, préférant les autres modes de communications sur place.

Figure 11

Fonctions premières du guide papier, en pourcentage du nombre de membres de chaque groupe qui l’a utilisé

Fonctions premières du guide papier, en pourcentage du nombre de membres de chaque groupe qui l’a utilisé

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De nouveau sans surprise (Fig. 11), l’identification des espèces est la section du guide papier la plus consultée, et ce, pour tous les groupes. Le plan du site est en général plus utilisé que les informations fournies sur les écosystèmes. Il est étonnant de constater que le statut de conservation des différentes espèces retient peu d’attention : on cherche à connaître le nom et l’habitat de ce que l’on voit devant nous, sans se soucier de savoir si cette espèce et/ou l’habitat qu’elle occupe sont en danger ou non de disparaître (généralement par l’action humaine).

Figure 12

Résultats concernant les taux de satisfaction des visiteurs quant à l’accessibilité générale de l’information et des différents outils d’interprétation

Résultats concernant les taux de satisfaction des visiteurs quant à l’accessibilité générale de l’information et des différents outils d’interprétation

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Lorsqu’on demande aux visiteurs d’évaluer leur expérience avec les trois types d’outils d’interprétation, les taux de satisfaction (somme des satisfaits et plutôt satisfaits) les plus élevés reviennent aux éducateurs spécialisés, avec un total de plus de 79 %. On remarque que l’application mobile et le guide papier reçoivent des taux de satisfaction assez similaires (respectivement 44,7 % et 38,7 %) et somme toute plutôt faibles (avec des pourcentages importants pour la catégorie « ne s’applique pas », que le visiteur cochait lorsqu’il n’avait pas utilisé l’outil en question). Il est aussi important de noter que l’accessibilité facile à de l’information (quelle qu’elle soit) est l’élément qui occasionne le plus d’insatisfaction (suivi de près par l’application mobile).

Figure 13

Degré de satisfaction général des outils, tous groupes et variables confondus

Degré de satisfaction général des outils, tous groupes et variables confondus

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Cela dit, de façon générale (Fig. 13), en compilant les réponses de tous les groupes, tous facteurs confondus, la très grande majorité des visiteurs (près de 87 %) se disent satisfaits ou plutôt satisfaits des outils d’interprétation fournis lors de leur visite au Biodôme.

Résultats et analyse des données recueillies lors des 402 observations in situ

Fréquence de l’utilisation des outils

La fréquence d’utilisation des outils de médiation est la somme des occasions où les outils ont été utilisés par chacun des groupes. Alors que certains visiteurs peuvent n’avoir utilisé aucun outil, d’autres peuvent utiliser l’application mobile 1 fois, 2 fois, etc., en plus du guide papier et de l’éducateur, totalisant plusieurs comportements observés chez une seule personne. La fréquence est le total de toutes ces utilisations. Puisque le nombre de comportements observés par groupe diffère, les données ont été converties en pourcentage afin de faciliter la comparaison entre elles (Fig. 14).

Figure 14

Fréquence de l’utilisation des outils, en pourcentage selon la somme des utilisations de chaque groupe (200 pour les adultes, 92 pour les F5- et 172 pour les familles) ; chaque groupe contenait 134 unités (chaque unité étant composée de plusieurs personnes)

Fréquence de l’utilisation des outils, en pourcentage selon la somme des utilisations de chaque groupe (200 pour les adultes, 92 pour les F5- et 172 pour les familles) ; chaque groupe contenait 134 unités (chaque unité étant composée de plusieurs personnes)

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Chez les adultes A, l’acte le plus fréquent est l’utilisation de l’application mobile, représentant 70,5 % des comportements recensés dans ce groupe[1]. Pour les familles F et les F5-, c’est la consultation du guide qui est la plus fréquente, avec 43,93 % pour les familles et 55,43 % pour les F5-. Pour tous les groupes, seulement 15,60 % des comportements observés en moyenne ont consisté en une interaction avec un éducateur. Cet écart important entre le taux d’utilisation des éducateurs lors des observations in situ et celui obtenu par l’entremise des questionnaires est très surprenant. Il suggère que la présence des éducateurs dans les écosystèmes n’est pas continue, que les visiteurs doivent se rabattre sur les autres outils d’interprétation. En effet, sur les 402 observations effectuées in situ, nous n’avons noté la présence d’un éducateur que 84 fois, soit 20,9 % du temps. Lorsque présent dans l’écosystème, l’éducateur a interagi avec les visiteurs 41 fois, soit 48,8 % du temps.

Figure 15

Moyenne de fréquence d’utilisation des outils selon le nombre d’utilisations de chacun des outils

Moyenne de fréquence d’utilisation des outils selon le nombre d’utilisations de chacun des outils

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Dans tous les groupes, l’outil le plus fréquemment utilisé est le guide d’identification, suivi de l’application et de l’éducateur. Par exemple, si un adulte utilise le guide d’identification, il l’utilisera 3,6 fois, alors qu’il utilisera l’application 3,2 fois. Les fréquences d’utilisation sont plus élevées avec l’application et le guide, comme il est possible de les consulter rapidement et ponctuellement. Il est intéressant de noter que si le guide est le moins populaire des outils de médiation (fig. 3), il est celui le plus souvent consulté une fois en main. Les interactions avec les éducateurs, en revanche, pouvaient durer plusieurs minutes, ce qui explique que malgré leur popularité, ces derniers sont moins fréquemment sollicités par un même visiteur.

Utilisation des outils d’interprétation

L’utilisation des outils se distingue de la fréquence parce qu’elle détermine le nombre de visiteurs ayant utilisé l’outil, plutôt que le nombre de fois qu’a été utilisé chaque outil.

Figure 16

Taux d’utilisation des outils selon le groupe

Taux d’utilisation des outils selon le groupe

Ces résultats présentent une utilisation non exclusive, c’est-à-dire qu’un visiteur peut avoir utilisé plus d’un outil, donc le pourcentage pour chaque groupe peut dépasser 100 %.

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Ces résultats démontrent que lors des observations, la très grande majorité des visiteurs n’utilise aucun outil. Les F5- sont ceux qui en font le moins usage (70,15 %), suivis des familles F (65,67 %) et des adultes A (52,99 %). Chez les visiteurs utilisant les outils, l’application mobile, chez les adultes A, est près de trois fois plus populaire que l’éducateur spécialisé. Pour les familles F et les F5-, le guide d’identification papier et l’application mobile sont davantage utilisés que l’éducateur. Cela s’explique par le fait, comme nous l’avons vu plus haut, qu’il n’y a pas toujours d’éducateur dans l’écosystème, réduisant ainsi grandement les contacts avec eux. Des données ajustées en fonction de cette information sont présentées à la figure 20.

Figure 17

Utilisation d’un seul outil par les différents groupes, en pourcentage du nombre d’unités de chaque groupe (134)

Utilisation d’un seul outil par les différents groupes, en pourcentage du nombre d’unités de chaque groupe (134)

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En ce qui concerne l’utilisation d’un seul outil d’interprétation (Fig. 17), on observe chez les adultes A que l’outil le plus utilisé seul est l’application mobile, bien au-delà des autres modes de médiation. Quant aux familles F, elles utilisent de manière égale soit uniquement l’application, soit uniquement le guide d’identification. Les F5-, quant à elles, utilisent surtout le guide lorsqu’elles n’utilisent qu’un outil. Les éducateurs obtiennent les pourcentages les plus faibles, ce qui signifie qu’ils sont plus souvent consultés en complément à un autre outil. De nouveau, cela s’explique peut-être du fait qu’il n’y a pas toujours un éducateur dans l’écosystème ; le visiteur doit pouvoir se tourner vers une autre source d’informations préétablie – qui n’est pas le panneau signalétique conventionnel, éliminé des écosystèmes, comme nous l’avons mentionné, afin d’entretenir l’effet d’immersion « organique ».

Figure 18

Utilisation d’une combinaison d’outils, en pourcentage selon le nombre d’unités de chaque groupe (134)

Utilisation d’une combinaison d’outils, en pourcentage selon le nombre d’unités de chaque groupe (134)

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Lors des observations réalisées dans les écosystèmes, il était rare d’apercevoir une combinaison d’utilisation des outils, comme en témoignent les très faibles pourcentages de la figure 18. Toutes les combinaisons, pour chacun des groupes cibles, obtiennent des pourcentages en deçà de 5 %. Sur un total de 402 observations, c’est somme toute surprenant. Cela s’explique probablement par la longueur des parcours observés, d’une durée assez courte. En effet, l’observation effectuée ne portait pas sur l’ensemble du parcours, mais sur une section de celui-ci, ce qui laissait peu de temps au visiteur pour utiliser une combinaison d’outils.

Figure 19

Détail de l’utilisation des outils selon les huit possibilités de combinaison et le profil du groupe. Le pourcentage porte sur les 134 unités de chaque groupe

Détail de l’utilisation des outils selon les huit possibilités de combinaison et le profil du groupe. Le pourcentage porte sur les 134 unités de chaque groupe

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La figure 19 présente de façon globale l’utilisation de toutes les combinaisons d’outils possibles telles qu’observées dans les écosystèmes. On constate dans les faits que les visiteurs utilisent peu les outils de médiation. Étonnamment, ces données ne concordent pas avec celles recensées dans les questionnaires. Alors que ces derniers témoignent de l’expérience complète du visiteur, les observations in situ n’en recensent qu’une partie courte et ciblée. Si les analyses quantitatives diffèrent, il est pertinent de noter en revanche que les observations mettent en relief l’objectif vraisemblablement atteint de l’immersion, à savoir que les visiteurs profitent pleinement des écosystèmes sans se sentir contraints de tout apprendre sur ceux-ci.

Analyse du khi carré sur l’utilisation des outils d’interprétation

Cette analyse suit la même logique que le test du khi carré effectué sur les données d’utilisation des outils recueillies dans les questionnaires. Elle présente le nombre de visiteurs ayant utilisé les différentes combinaisons d’outils possibles, soit aucun outil, un outil seul, ou une combinaison de plusieurs outils. Afin de respecter les conditions d’utilisation du test, toutes les utilisations en combinaison ont été rassemblées dans la catégorie « Combinaison », puisque ces comportements étaient en faible nombre. L’hypothèse nulle H0 suggère que l’utilisation des outils ne diffère pas selon le profil du groupe, alors que l’hypothèse alternative H1 propose plutôt une différence d’utilisation des outils selon le profil du groupe.

Tableau 5

Résultats observés lors des observations

Résultats observés lors des observations

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Tableau 6

Résultats théoriques en répartition égale selon le nombre de visiteurs observés

Résultats théoriques en répartition égale selon le nombre de visiteurs observés

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Lorsque les 3 groupes sont comparés, le test donne une valeur de p égale à 7 x 10-5, avec une valeur de khi carré de 32,69, pour un seuil critique de 15,51. Il est donc possible de rejeter l’hypothèse nulle et d’accepter l’hypothèse alternative H1. Cela signifie que, selon ces données, tous les groupes utilisent les outils de façon significativement différente des autres groupes.

Figure 20

Interactions avec un éducateur selon le profil du groupe et le nombre d’observations durant lesquelles il y avait un éducateur dans l’écosystème, c’est-à-dire 40 pour les adultes, 21 pour les F5- et 23 pour les familles. Au total, lorsqu’un éducateur était présent dans l’écosystème, les visiteurs ont interagi avec lui 48,8 % du temps.

Interactions avec un éducateur selon le profil du groupe et le nombre d’observations durant lesquelles il y avait un éducateur dans l’écosystème, c’est-à-dire 40 pour les adultes, 21 pour les F5- et 23 pour les familles. Au total, lorsqu’un éducateur était présent dans l’écosystème, les visiteurs ont interagi avec lui 48,8 % du temps.

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Les données précédentes présentaient le nombre de visiteurs qui interagissent avec des éducateurs, sans prendre en compte le fait que lors des observations in situ, il n’y avait pas d’éducateur dans l’écosystème la moitié du temps. La figure 20 permet de vérifier le pourcentage des visiteurs de chaque groupe qui s’entretient avec un éducateur selon le nombre d’observations où il y avait au moins un éducateur dans l’écosystème. Les familles F sont celles interagissant le plus avec les éducateurs (60,87 %), suivis des adultes A (45 %) et des F5- (42,86 %).

Figure 21

Utilisation des outils selon le progrès déambulatoire de la visite, tous groupes confondus

Utilisation des outils selon le progrès déambulatoire de la visite, tous groupes confondus

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À l’aide de cette figure, on constate que le nombre d’outils utilisés diminue grandement en milieu de visite par rapport au début de celle-ci. En revanche, en observant attentivement les données, on remarque que cette diminution provient en grande partie de la diminution de l’intérêt pour l’application mobile. En effet, les pourcentages d’utilisation pour le guide d’identification papier et pour l’éducateur diminuent peu comparativement à celui de l’application mobile (-1,08 % pour le guide et -1,78 % pour l’éducateur, comparativement à -26,03 % pour l’application). On remarque un essoufflement de la nouveauté technologique, qui tend au contraire à se stabiliser du côté des outils d’interprétation conventionnels. D’ailleurs, lors des entretiens ou pendant qu’un visiteur remplissait son questionnaire, plusieurs d’entre eux m’ont mentionné avoir utilisé l’application en début de visite, mais avoir discontinué son utilisation, et ce, pour différentes raisons : ils la trouvaient trop complexe, certaines fonctionnalités avaient cessé de fonctionner, cela demandait trop d’attention, ils ne voulaient pas utiliser leur appareil portable, etc. Ces commentaires sont discutés plus en détail à la section suivante.

Commentaires et entretiens semi-dirigés recueillis en fin de parcours

Du côté de l’analyse qualitative, les commentaires et propos recueillis ajoutent un niveau de clarté aux analyses quantitatives précédentes. D’abord, les visiteurs sont d’emblée contrariés et insatisfaits lorsque l’accueil sur le site est inadéquat, bien que, selon les questionnaires, très peu n’aient reçu aucun accueil (soit à l’entrée du Biodôme, soit à l’atrium). Cela dit, il y a eu tout de même 15 cas où l’accueil fut insuffisant ou inexistant, ayant pour conséquence première que ces personnes n’ont pas été mises au courant des divers outils d’interprétation (rappelons qu’il n’y a plus de panneaux d’information à l’intérieur des écosystèmes ; l’information se trouve désormais sur les 3 types d’outils de médiation). Sans ces outils, les visiteurs ne peuvent pas profiter pleinement de leur expérience de visite – hormis l’immersion « organique » dans les écosystèmes. Plusieurs visiteurs ont partagé leur déception face à ce manque d’information de base. On en conclut qu’un accueil raté peut grandement affecter l’expérience de visite.

Les opinions face à l’application mobile sont très partagées. Lors es entretiens, huit personnes ont mentionné trouver l’application facile à utiliser et très intuitive, comportant des informations pertinentes. En revanche, 22 personnes ont dit avoir trouvé l’application trop difficile à utiliser ; 14 d’entre elles étaient accompagnées d’enfants. Dix autres personnes ont eu des problèmes techniques avec l’application, tels que la réalité augmentée ou la géolocalisation qui ne fonctionnaient pas. Pour terminer, neuf personnes ont dit être déçues d’avoir à utiliser un téléphone cellulaire ou une tablette pour accéder à toute l’information disponible (car le guide papier n’est pas aussi complet que l’application mobile).

Les éducateurs spécialisés sont ceux qui ont reçu le plus de commentaires positifs (58). Les visiteurs les trouvent très amicaux, faciles d’approche et compétents. Ils s’adaptent bien à leur public et savent vulgariser l’information. Le seul commentaire négatif en lien avec les éducateurs est qu’il n’y en a pas assez dans les écosystèmes : huit personnes ont partagé cette opinion. Le guide d’identification papier était lui aussi très apprécié des visiteurs. Neuf personnes ont laissé des commentaires positifs, mentionnant que le guide est facile d’utilisation et que les informations présentées sont suffisantes.

Malgré un taux élevé de satisfaction, selon les résultats obtenus à l’aide des questionnaires, 7 personnes sur 9 ont indiqué avoir trouvé difficile l’accès à l’information sur les espèces et les écosystèmes, de manière générale (ne concernant aucun outil en particulier), alors que deux autres personnes ont témoigné avoir accédé à l’information facilement. Certaines personnes ont mentionné qu’il était difficile d’identifier les espèces, ou qu’elles trouvaient navrant de rencontrer un animal et de ne pas être en mesure de l’identifier adéquatement. Étant donné que cette information est accessible à l’aide des trois types d’outils d’interprétation, il est intéressant de se questionner sur les raisons pour lesquelles ces personnes n’ont pas réussi à obtenir l’information de base. Plusieurs ont mentionné que le manque de panneaux d’interprétation dans les écosystèmes contribue à ce problème. En effet, 23 personnes ont signalé qu’elles auraient préféré consulter des panneaux plutôt que les outils de médiation mis à leur disposition. D’aucuns estiment que cela facilite grandement la visite, étant donné que l’information se trouve directement devant eux, au moment opportun. Quatre personnes ont aussi précisé que cela ne leur convenait pas d’avoir à tenir en main les outils (l’application ou le guide). Cinq personnes ont suggéré d’afficher, au minimum, le nom des espèces, ou encore de mettre à la disposition des codes QR non loin des habitats des animaux, afin d’accéder facilement à l’information, plutôt que d’avoir à chercher dans l’application ou le guide papier.

Retour sur les résultats et recommandations

Les deux hypothèses de travail étaient les suivantes :

  • – H0 : L’utilisation des outils de médiation est identique, peu importe le profil du groupe de visiteurs.

    – H1 : L’utilisation des outils de médiation varie selon le profil du groupe de visiteur.

L’analyse du khi carré sur les données recueillies par l’entremise des questionnaires permet de confirmer l’hypothèse H1 dans deux cas, soit lorsque l’on compare les groupes familles F et les F5- et les adultes A et les familles F. Ce qui peut paraître surprenant et contre-intuitif, on remarque qu’il n’en va pas de même lorsqu’on compare les adultes A et les F5-; dans ce cas-ci, c’est plutôt l’hypothèse H0 qui se voit confirmée. En ce qui concerne l’analyse du khi carré sur les données recueillies lors des observations, elle permet de rejeter l’hypothèse H0 et de considérer l’utilisation des outils différente pour tous les groupes – donc de confirmer l’hypothèse H1. Ces résultats empêchent d’avancer que l’utilisation des outils est différente pour tous les groupes, puisque deux groupes ne sont pas différents l’un de l’autre, selon les données des questionnaires : les adultes A et les F5-. Afin d’accepter universellement l’hypothèse H1, il aurait été nécessaire que chacun des groupes soit différent des autres, selon les deux types de données disponibles.

Il est pertinent de noter, de surcroît, que les résultats obtenus à l’aide des questionnaires et des observations à propos de l’utilisation des outils par chacun des groupes cibles ne concordent pas. En effet, en ce qui concerne les familles F, par exemple, les résultats du questionnaire indiquent que la majorité de ces visiteurs utilise soit la combinaison éducateur/application mobile, ou l’éducateur seul. Or, quand on observe in situ ce même groupe, on découvre que l’utilisation exclusive de l’application mobile, ou encore du guide d’identification papier engendre les comportements les plus significatifs ! Les résultats entre le questionnaire et les observations ne concordent pas, et cela est vrai pour tous les groupes. Le tableau 7 présente les trois comportements les plus recensés chez les groupes, selon la source de données.

Tableau 7

Les trois comportements les plus recensés chez les groupes, selon la source des données

Les trois comportements les plus recensés chez les groupes, selon la source des données

É = Éducateur, A = Application, G = Guide, « - » = utilisation combinée, & signifie 2 comportements exæquo.

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Par ailleurs, grâce aux données des figures 3 et 20, il est possible de conclure que l’outil d’interprétation le plus populaire est l’éducateur. En effet, lorsque le nombre de visiteurs ayant interagi avec un éducateur est mis en relation avec le nombre d’observations où un éducateur se trouve dans les écosystèmes (Fig. 20), les résultats des observations concernant les éducateurs concordent avec ceux des questionnaires. La deuxième et troisième position varient selon le groupe et la méthode d’échantillonnage (voir Fig. 3 et 16). La discordance entre les données des questionnaires et des observations ne permet donc pas d’identifier quel outil, après l’éducateur, est le plus populaire de l’application mobile ou du guide d’interprétation chez les trois groupes cibles. Cependant, les données suggèrent que les interactions avec les éducateurs sont particulièrement populaires chez les familles F, alors que l’application mobile est surtout utilisée par les adultes A. Le guide d’identification papier, lui aussi, est surtout consulté par les familles F.

Figure 22

Photo : Mathieu Rivard / Espace pour la vie

Photo : Mathieu Rivard / Espace pour la vie

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Les commentaires laissés dans les questionnaires et lors des entretiens avec les visiteurs ont révélé une problématique importante, soit celle du manque d’information préalable à propos des outils d’interprétation. Bien qu’une minorité seulement des visiteurs n’ait reçu aucun accueil ou un accueil inadéquat, ce manquement a eu un effet négatif, semble-t-il, sur la visite. De plus, on a rapporté que l’outil le moins bien présenté aux visiteurs était le guide d’identification papier. Quoiqu’il ne soit pas l’outil le plus utilisé, il est très apprécié des visiteurs, un bon nombre d’entre eux ayant mentionné qu’ils l’auraient acheté (au coût de 2 $) s’ils avaient connu son existence. Plusieurs ont soulevé avoir eu de très bonnes interactions avec les éducateurs, mais qu’il y en avait très peu dans les écosystèmes (ce que prouvent nos observations in situ). Finalement, quelques visiteurs ont mentionné avoir trouvé l’application mobile trop difficile d’utilisation, l’ayant abandonné après un bref essai. De façon générale, les informations lacunaires initialement fournies aux visiteurs quant aux outils d’interprétation causent par ricochet un manque d’information sur les espèces et les écosystèmes lors de la visite, occasionnant déception et frustration.

La problématique provient essentiellement d’un manque de communication avec le visiteur. À l’instar d’une exposition, une communication réussie avec le visiteur assure la transmission du message et permet au musée d’accomplir sa mission. Or la communication ne doit pas se limiter qu’aux informations sur les expositions. Les visiteurs ne fréquentent pas les musées pour profiter d’un produit ou d’un service, mais bien pour se prêter à l’expérience prévue pour eux par le musée (Le Marec et Chaumier 2009). Notre analyse montre que les visiteurs qui ont été bien informés sur les diverses options de médiation ont su s’adapter à la nouvelle expérience immersive du Biodôme, et l’ont beaucoup appréciée. L’accueil doit donc nécessairement être un moment clé de l’expérience du visiteur. Afin de faciliter la visite, ce dernier doit recevoir un maximum d’information de façon simple et claire (SMQ 2005). Il faut s’assurer que les employés de l’accueil et de la billetterie, ainsi que les éducateurs situés dans l’atrium, présentent les outils d’interprétation offerts. Bien que cela puisse paraître répétitif, le nouveau hall d’entrée du Biodôme n’assure pas un accueil linéaire de l’entrée principale aux écosystèmes. Il n’est donc pas impossible, comme nous l’avons démontré, que des visiteurs commencent leur visite sans avoir reçu un accueil approprié. Toujours à l’accueil, il serait possible d’ajouter des bannières sur pied indiquant les outils de médiation sous forme de pictogrammes, en plus d’un présentoir mis en évidence pour la vente des guides d’identification papier, ce qui attirerait une fois de plus l’attention du visiteur (Février 1994). Il pourrait être pertinent, de plus, de mentionner les trois outils de médiation dans le courriel que les visiteurs reçoivent lors de l’achat en ligne de leur billet (ce qui semble être le cas depuis la fin de cette étude.) Puisque, comme nous l’avons vu, l’application n’est pas intuitive pour tout le monde, et que la géolocalisation peut être parfois difficile à mettre en route sur son téléphone, une démonstration du fonctionnement pourrait être offerte à l’accueil ou à l’atrium de manière plus systématique pour les visiteurs intéressés. À ce sujet, le courriel contenant les billets électroniques pourrait aussi contenir une courte vidéo présentant l’application et ses fonctions. Afin d’atteindre la mission éducative du Biodôme, il est nécessaire de rejoindre adéquatement le public à l’aide d’outils de communication adaptés à la nouvelle organisation plus immersive de l’institution.

Conclusion

D’après une étude commandée par le Biodôme, seulement 5 % des visiteurs liraient les panneaux d’interprétation, d’où l’idée de les retirer complètement des écosystèmes pour favoriser l’immersion « organique ». Cette initiative s’avère plus ou moins concluante, comme le mentionne une journaliste, plusieurs se disant insatisfaits de devoir télécharger une application numérique ou consulter des éducateurs – pas toujours aisés à localiser lorsque les écosystèmes sont bondés – pour trouver de l’information. Étant au courant de ce mécontentement des visiteurs habitués aux cartels muséographiques, une équipe travaille à l’intégration de panneaux signalétiques qui ne viendront pas « briser le sentiment d’immersion » (Montpetit 2023).

Le cadre de ce projet était d’effectuer une évaluation sommative de l’utilisation des outils d’interprétation mis en place par le Biodôme de Montréal depuis sa réouverture en août 2020, dans un contexte où les panneaux signalétiques étaient vus comme caducs. À cette fin, de nombreuses données ont été récoltées au courant de l’été 2021 grâce à des questionnaires (150), des entretiens post-visite (40) et des observations in situ (402). L’analyse des données permet de confirmer qu’en général les visiteurs utilisent plus spécifiquement les outils, peu importe lequel, dans l’objectif de découvrir de nouvelles choses, d’obtenir de l’information sur les espèces et les écosystèmes. Par ailleurs, l’outil le plus populaire demeure l’éducateur spécialisé (lorsque présent), suivi de l’application mobile et du guide d’identification papier. L’éducateur et le guide d’identification sont surtout utilisés par les familles F, tandis que l’usage de l’application mobile est plus répandu chez les adultes A. L’analyse statistique révèle que les adultes A et les familles F, de même que les familles F et les F5-, témoignent de comportements significativement différents envers l’utilisation des outils de médiation, un constat impossible de confirmer – peut-être de manière surprenante – en comparant les adultes A aux F5-. Ce qu’il faut retenir de cette analyse statistique : il est impossible d’avancer qu’un seul outil d’interprétation convienne mieux à un groupe qu’à un autre, ni que les groupes à l’étude utilisent les outils différemment. Serait-ce le cas des conventionnels panneaux d’interprétation ? Peut-être, s’il faut en croire les démarches entreprises par l’institution pour les réintégrer dans les écosystèmes…

Notre analyse (avec ou sans panneaux à notre avis) suggère que l’utilisation mixte des outils de médiation répondra davantage aux besoins des visiteurs. Cela soutient d’autant plus la suggestion de présenter adéquatement les trois outils aux visiteurs dès leur arrivée, afin qu’ils puissent faire un choix éclairé, qui leur convient le mieux. Car, pour reprendre la terminologie de Jacobi (2014), un flou demeure au sujet des outils d’interprétation, à savoir s’ils doivent être considérés comme « endodiscursifs », c’est-à-dire inséparables de l’expérience immersive dans les écosystèmes, ou plutôt « exodiscursifs », c’est-à-dire facultatifs et mobiles, se retrouvant entre les mains des visiteurs. Cette distinction est importante et, une fois arrêtée, elle permettra une communication exacte et transparente auprès de la clientèle variée (mais surtout familiale) du Biodôme.