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Introduction

En raison de la complexité de la réalité scolaire québécoise et des nombreuses responsabilités du personnel enseignant, la compétence éthique doit faire l’objet d’un développement lors de la formation initiale et continue à l’enseignement (Gouvernement du Québec, 2020). Dans tous les programmes de baccalauréat en enseignement au Québec, on doit mettre en oeuvre une formation à cet égard, qu’il s’agisse d’un cours spécifique et/ou d’une formation transversale. Au terme de leur formation initiale à l’enseignement, un niveau de maîtrise de la compétence éthique est attendu chez les finissantes et finissants, c’est-à-dire des personnes en dernière session de leur programme d’étude (Usito, 2024). La recherche présentée vise à mettre en relief les apprentissages qui permettent de développer l’éthique professionnelle de finissantes et finissants ayant reçu une formation éthique de manière transversale au cours de leur formation initiale à l’éducation préscolaire et enseignement primaire au Québec. Après avoir posé le problème de la formation initiale à l’éthique professionnelle, nous énonçons la question et les deux objectifs de recherche. Puis, nous clarifions le cadre conceptuel et la méthode de collecte et d’analyse des données qualitatives. Enfin, les résultats sont présentés et discutés.

1. Problématique, question et objectifs de recherche

Plusieurs recherches montrent que peu d’apprentissages significatifs en éthique professionnelle sont réalisés en formation initiale à l’enseignement. Au moyen d’une enquête par questionnaire auprès de 86 étudiantes et étudiants inscrits à un cours de dernière année au baccalauréat en enseignement à l’Université James Cook en Australie, Boon (2011) relève que 55,8 % considèrent que leur préparation est insuffisante pour affronter des dilemmes éthiques en contexte professionnel. Dans des recherches qualitatives, Belzile (2016), Cloutier et St-Vincent (2017), Davies et Heyward (2019), Lindqvist et al. (2021), St-Vincent (2011), Ulvik et al. (2017) et Vraim (2019) ont aussi dégagé le manque de formation et le sentiment d’impuissance de stagiaires et de novices en enseignement devant des situations professionnelles délicates sur le plan éthique, notamment avec les élèves et les collègues. Belzile (2008, 2016) relève qu’ils manquent de connaissances pratiques et que la notion d’éthique reste, pour les stagiaires, ambiguë et floue. Cloutier et St-Vincent (2017) précisent que la signification des composantes institutionnelles de l’éthique professionnelle, comme les divers règlements, normes et lois qui encadrent la profession enseignante au Québec, leur échappe et devrait être clarifiée. Elles considèrent également que le cadre professionnel et la réflexion sur soi comme professionnel sont insuffisamment traités en formation initiale.

Dans un chapitre de livre sur la formation à l’éthique professionnelle, St-Vincent (2023) rapporte son expérience d’enseignement du cours obligatoire donné dans tous les programmes de baccalauréat en enseignement à l’Université du Québec à Trois-Rivières, Éthique et déontologie en éducation. Elle décrit des activités pédagogiques actives et un modèle de résolution de problèmes éthiques en équipe qu’elle a mis en oeuvre auprès d’une dizaine de groupes en quatre ans. L’analyse des commentaires recueillis à la fin des cours révèle que les personnes étudiantes « se sentent plus confiantes et ouvertes à entendre le point de vue de l’autre ; s’avancent avec un peu plus d’aisance dans des espaces de négociation ; s’appliquent à bien justifier leur posture lorsqu’il y a des situations complexes » (St-Vincent, 2023, p. 103). Plusieurs ont indiqué cependant qu’un seul cours pour développer leur compétence éthique est insuffisant.

Dans une étude empirique auprès de personnes qui se destinent à l’enseignement secondaire, Sautelet (2018) a montré également qu’une formation cognitivo-développementale qui repose sur des démarches de délibération en petits groupes pour résoudre des problèmes éthiques soutient le raisonnement éthique et la capacité à prendre des décisions. Johnson et al. (2017) ont développé et validé, dans le cadre d’un cours à distance en formation continue donné au personnel enseignant du primaire et en adaptation scolaire, un modèle d’analyse et de prise de décision éthique pour des cas d’évaluation. Comme celle de St-Vincent (2023), la démarche de délibération comprend plusieurs étapes : identification de l’incident critique, recherche des éléments en conflit, décision, justification de la décision, examen des conséquences possibles de la mise en oeuvre de la décision, autres suggestions à envisager.

Les résultats de l’étude de Maxwell et al. (2020) pour adapter et valider un test de mesure de la sensibilité éthique des membres du personnel enseignant en exercice montrent les limites de leurs connaissances et de leur compétence éthique. Les chercheurs font deux recommandations pour la formation éthique : enrichir la formation initiale en éthique et mettre en évidence les meilleures stratégies pédagogiques pour la faire. Boon et Maxwell (2016) ont par ailleurs interrogé, au moyen d’un questionnaire en ligne, 17 responsables de programmes universitaires et neuf formatrices et formateurs en éthique professionnelle dans 24 universités d’Australie pour identifier des objectifs de formation éthique. Les objectifs dégagés sont d’aider les étudiantes et étudiants à développer leur propre philosophie de l’éducation ; de les aider à clarifier leurs valeurs ; de les sensibiliser aux exigences du professionnalisme en enseignement ; et de développer leur sensibilité aux questions éthiques en contexte.

Des recommandations d’orientations pédagogiques pour la formation initiale ont été faites lors de la discussion des résultats de certaines études : soutenir l’acquisition d’un langage éthique commun partagé (Belzile, 2016; Cloutier et St-Vincent, 2017 ; Maxwell et Schwimmer, 2016 ; St-Vincent, 2023) ; viser le développement de connaissances, de compétences et de dispositions nécessaires pour prendre des décisions éthiquement responsables dans l’exercice professionnel (Maxwell et Schwimmer, 2016) ; aborder certains contenus : principes éthiques fondamentaux de la profession (Maxwell et Schwimmer, 2016 ; Jeffrey, 2023), normes professionnelles (Boon, 2011), stratégies et points de repère pour résoudre des dilemmes éthiques (Desautels et al., 2009).

Plusieurs considèrent que la formation à l’éthique professionnelle devrait être donnée dans un cours spécifique (Boon, 2011; Cloutier et St-Vincent, 2017 ; Maxwell et Schwimmer, 2016 ; Sahan, 2018 ; St-Vincent, 2023 ; Ulvik et al., 2017). Cela permettrait d’éviter que les notions relatives à l’éthique professionnelle soient enseignées « inégalement à travers une formation transversale » (Maxwell et Schwimmer, 2016, p. 365). Ils considèrent aussi que certains de ces éléments de formation pourraient se retrouver dans d’autres cours : Fondements de l’éducation, Sociologie de l’éducation et Éducation multiculturelle.

Bien que quelques études aient en partie porté sur la formation initiale à l’éthique professionnelle, les apprentissages réalisés et les situations pédagogiques favorables au développement éthique lors de la formation initiale à l’éducation préscolaire et enseignement primaire n’ont pas été beaucoup traités. Dans la recherche présentée, nous ciblons les acquis en éthique professionnelle de finissantes et finissants d’un programme de baccalauréat en éducation préscolaire et enseignement primaire (BEPEP) dans une université en région au Québec où la formation éthique a été réalisée de manière transversale. La question de recherche suivante est formulée : quels acquis permettent d’assumer l’éthique professionnelle au terme d’un baccalauréat en enseignement au Québec lorsque la formation éthique est faite de façon transversale ? Pour y répondre, nous nous fixons deux objectifs spécifiques : décrire les apprentissages en éthique professionnelle des finissantes et finissants d’un programme de BEPEP ; et décrire les situations pédagogiques favorables au développement de l’éthique professionnelle des finissantes et finissants d’un programme de BEPEP.

2. Cadre conceptuel

Une éthique professionnelle spécifique au personnel enseignant existe et doit être développée et respectée. Sa formation éthique devrait favoriser l’intégration de « savoirs », de « savoir-faire », de « savoir-être » et de « savoir-devenir » (Jutras, 2019, p. 85). Cela suppose de soutenir non seulement le développement de l’empathie et de la sensibilité éthique pour l’exercice professionnel au quotidien, mais aussi la capacité d’analyser et de rechercher des solutions adéquates à des situations qui posent problème et de justifier les actions posées. Maxwell et Schwimmer (2016) et Prairat (2023) considèrent que la formation en éthique devrait ainsi se retrouver au coeur de toute formation à l’enseignement en raison de sa visée de développement de connaissances et compétences nécessaires pour penser et justifier les actions et choix professionnels.

2.1. La compétence éthique : une compétence professionnelle

Dans les deux référentiels de formation à l’enseignement au Québec (Gouvernement du Québec, 2001, 2020), la maîtrise de la compétence éthique est présentée comme un vecteur du développement professionnel continu. On considère que les compétences professionnelles se développent tout au long de la formation et au cours de la pratique professionnelle. Maintenant nommée compétence 13 dans le référentiel actualisé des compétences professionnelles en enseignement (Gouvernement du Québec, 2020), la compétence éthique est l’une des deux compétences transversales qui constituent « la base de la relation de confiance que le personnel enseignant doit établir et maintenir avec la société » (Gouvernement du Québec, 2020, p. 80). Énoncée plus précisément en tant qu’« agir en accord avec les principes éthiques de la profession », cette compétence renvoie au professionnalisme, au jugement en conformité avec le cadre réglementaire de la profession et de l’école, à la connaissance et à l’acquittement de ses responsabilités professionnelles ainsi qu’à l’attitude empreinte de respect, d’inclusion et d’ouverture vis-à-vis des élèves et des membres de la communauté éducative (Gouvernement du Québec, 2020).

Lorsqu’on examine la formation à la compétence éthique, deux grandes orientations ressortent dans les recherches consultées : la formation du jugement professionnel et l’affinement de la sensibilité éthique. La formation éthique des enseignantes et enseignants ne peut se limiter à l’apprentissage de « savoirs » et de « savoir-faire », mais doit également intégrer le développement de l’empathie, du « savoir-être » et du « savoir-devenir » (Jutras, 2019, p. 85). Non seulement une sensibilité aux personnes et aux situations particulières doit être développée, mais aussi la capacité à mobiliser plusieurs connaissances à mettre en oeuvre dans la pratique professionnelle (Jutras, 2013). Pour analyser et trouver des solutions à des situations qui posent problème, une enseignante ou un enseignant doit pouvoir nommer ce qui ne fonctionne pas et être en mesure de décider « à quoi se référer et surtout pourquoi y avoir recours » (Jutras, 2019, p. 87). Idéalement, la formation éthique devrait, selon Prairat (2022), permettre de « nouer un ensemble d’activités particulières à un mode spécifique de travail » (p. 104).

2.2. Le développement de la compétence professionnelle par l’apprentissage professionnel

Dans le référentiel de formation à l’enseignement de 2020, la définition du concept de compétence professionnelle de 2001 a été conservée :

Une compétence se déploie en contexte professionnel réel, se situe sur un continuum qui va du simple au complexe, se fonde sur un ensemble de ressources, s’inscrit dans l’ordre du savoir-mobiliser en contexte d’action professionnelle, se manifeste par un savoir-agir réussi, efficace, efficient et récurrent, est liée à une pratique intentionnelle et constitue un projet, une finalité sans fin.

Gouvernement du Québec, 2001, p. 45 ; Gouvernement du Québec, 2020, p. 38

La définition de la compétence professionnelle du Ministère va au-delà de celle plus générale de Tardif (2006, cité dans Tardif, 2017), selon lequel une compétence est un « savoir-agir complexe reposant sur la mobilisation et la combinaison efficaces d’une variété de ressources internes et externes à l’intérieur d’une famille de situations » (p. 20). Dans le référentiel actualisé, le développement des compétences professionnelles repose sur l’apprentissage professionnel, ce qui constitue un processus graduel qui exige du temps, un développement continu, même un autodéveloppement grâce aux ressources internes et externes mobilisées en formation initiale et en cours de carrière. La visée ultime de la formation est d’agir de manière compétente, ce qui « suppose la capacité d’apprendre de sa propre activité afin de pouvoir résoudre, progressivement et de façon récurrente, des tâches plus complexes, nouvelles ou inattendues » (Gouvernement du Québec, 2020, p. 39).

Plusieurs précisions permettent de clarifier le concept d’apprentissage professionnel et la vision du développement de la compétence professionnelle. Reboul (2010) explique qu’il existe différents niveaux d’acquisition de savoirs, dont celui de l’acquisition de savoir-faire spécifique ou spécialisé, « c’est-à-dire d’une conduite utile au sujet ou d’autres que lui, et qu’il [le sujet] peut reproduire à volonté si la situation s’y prête » (p. 41). Pour l’auteur, le savoir-faire bien intégré ne réside pas seulement dans « la reproduction de conduites acquises, mais [dans] l’aptitude à les adapter à des cas nouveaux » (Reboul, 2010, p. 42). Reboul pose ainsi que la compétence s’acquiert et se développe grâce à divers apprentissages et à un rapport créateur au savoir. Pour lui, il s’agit d’un processus ouvert, jamais terminé ou complété une fois pour toutes.

Vienneau (2017) décrit l’apprentissage comme le processus par lequel l’apprenant construit ses savoirs (savoirs ; savoir-faire ; savoir-être ; savoir-devenir ; savoir-vivre-ensemble ; savoir-agir) à l’aide de connaissances acquises par l’étude, l’observation ou l’expérience. Ce processus donne lieu à des acquisitions en situation qui peuvent se produire de diverses manières selon une progression (Legendre, 2005). L’encadrement peut être formel, non formel ou informel et avoir lieu ou non dans le cadre d’un programme, mais toujours dans un environnement donné. On comprend que le cadre formel de l’école n’est pas l’unique endroit où on apprend : « les diverses expériences tirées de [la] vie personnelle ou [du] milieu de travail sont souvent une source importante d’apprentissage » (Gouvernement du Québec, 2001, p. 7). Le Ministère les appelle des acquis expérientiels ou extrascolaires.

Par ailleurs, dans plusieurs discussions de résultats de recherches portant sur la formation à l’éthique professionnelle, certains dispositifs pédagogiques formels sont proposés : études de cas, périodes d’échange, démarches délibératives et processus de résolution de problèmes (Boon, 2011 ; Cloutier et St-Vincent, 2017 ; Vraim, 2019). Johnson et al. (2017) suggèrent également de mettre à profit des processus informels et non formels comme des activités extrascolaires et des relations interpersonnelles comme leviers de formation pour le développement éthique.

Vu la visée de connaître les acquis permettant d’assumer leur éthique professionnelle lors de la formation initiale à l’enseignement et d’avoir accès à ce que les finissantes et finissants retiennent de leur formation transversale à l’éthique professionnelle dans un programme de BEPEP, une approche qualitative de collecte de données a été mise en oeuvre pour recueillir leurs témoignages.

3. Méthodologie

Pour dégager les acquis en éthique professionnelle, les apprentissages et les situations pédagogiques favorables à ce développement, nous avons recruté les volontaires qui ont répondu à notre demande de participation par courriel. Des entrevues individuelles semi-dirigées ont alors été menées au moyen d’un guide élaboré en fonction du problème posé et de l’état des connaissances. Pour faciliter les échanges en contexte de pandémie et faire la retranscription complète, les entrevues ont été enregistrées à l’aide du support audio du logiciel Teams. Le guide d’entrevue a été construit selon les étapes établies par Paillé (1991).

La collecte des données a été effectuée aux mois d’avril et de mai 2022 auprès de finissantes et finissants d’un programme de BEPEP d’une université en région au Québec. Les personnes participantes proviennent de la cohorte 2018-2022 et leur quatrième et dernier stage avait eu lieu à l’automne 2021. Elles ont officiellement terminé leur BEPEP en avril 2022. Le tableau 1 rapporte les caractéristiques des trois finissantes et cinq finissants volontaires, soit leur pseudonyme genré, ainsi que leurs études et expériences professionnelles, lesquelles se sont avérées importantes dans leur développement éthique.

Tableau 1

Caractéristiques des participantes et participants

Caractéristiques des participantes et participants

Tableau 1 (continuation)

Caractéristiques des participantes et participants

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Nous n’avons pas cherché un nombre précis de participantes et participants, mais plutôt l’atteinte de la saturation des données, « c’est-à-dire que les nouvelles données issues d’entrevues additionnelles [n’ajoutent] plus à la compréhension [du] phénomène » (Savoie-Zajc, 2021, p. 286). À la suite des lectures préliminaires du verbatim, nous n’avons observé aucune nouvelle information après la sixième entrevue. Il n’a pas été nécessaire de continuer la recherche d’autres volontaires, les huit ont été suffisants pour les fins de la recherche.

L’analyse qualitative des données a été conduite selon les étapes explicitées par Fortin et Gagnon (2022) et rapportées au tableau 2.

Tableau 2

Analyse qualitative effectuée selon les étapes de Fortin et Gagnon (2022)

Analyse qualitative effectuée selon les étapes de Fortin et Gagnon (2022)

Tableau 2 (continuation)

Analyse qualitative effectuée selon les étapes de Fortin et Gagnon (2022)

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4. Résultats

4.1. Apprentissages en éthique professionnelle

Les finissantes et finissants interviewés reconnaissent que leur formation initiale les a généralement bien préparés à agir avec professionnalisme, mais que leurs connaissances et leurs compétences pour assumer leur éthique professionnelle comportent des limites.

4.1.1. Agir avec professionnalisme

Les finissantes et finissants se considèrent d’abord et avant tout comme étant bien préparés à assumer leurs responsabilités professionnelles comme titulaires de classe au préscolaire et au primaire, soit ce qu’attestent leur diplôme et leur brevet d’enseignement. La formation initiale en enseignement leur a permis de développer la capacité à préparer des cours, à faire apprendre, à encadrer l’apprentissage et à évaluer. Toutes et tous reconnaissent que l’exercice de la profession enseignante implique aussi d’agir avec professionnalisme dans la relation avec les élèves, les collègues, les parents et la société. Comme d’autres, Jérémie déclare que l’éthique est « au coeur de toute la démarche enseignante », d’où l’importance d’être en mesure de justifier ses actions.

L’ensemble des finissantes et finissants considèrent que leur éthique professionnelle se manifeste dans les interventions quotidiennes pour répondre aux besoins de chaque élève. Comme professionnels de l’enseignement, ils disent placer des valeurs et des visées au coeur de leur pratique : inclusion, égalité, équité et différenciation. Marilou, par exemple, déclare que le travail enseignant vient avec « un devoir éthique » : s’assurer de la qualité de l’enseignement et des explications données aux élèves. Édouard, Camilla et Marilou relèvent que les évaluations peuvent donner lieu à des questionnements éthiques et portent attention pour éviter d’éventuels biais. Laurie explicite l’importance de mobiliser son jugement professionnel plutôt que personnel lors de l’évaluation, soit de recourir à l’objectivité plutôt qu’à la subjectivité.

Par ailleurs, le port d’habits professionnels sert à illustrer leur capacité d’assumer le travail de titulaires de classe, car cela projette l’image du professionnalisme et du rôle de modèle. Pour Olivier, « le rôle de l’enseignant, ce n’est pas un chandail que tu enlèves la fin de semaine. Tu le gardes toujours ». Toutefois, en dehors des murs de l’école, ce rôle est plus difficile à délimiter : « On dirait qu’à l’école, tu le sais qu’il faut que tu t’habilles d’une certaine façon. Mais de savoir où se situe la limite à l’extérieur des murs de l’école, c’est plus compliqué » (Marilou).

Toutes et tous considèrent que leur rôle de modèle doit être respecté en tout temps, comme l’énonce Camilla : « Les enseignants sont considérés comme des modèles 24 heures sur 24, sept jours sur sept, peu importe ce qu’on fait. Donc, je pense (…) qu’on est des modèles et qu’on prépare les citoyens en devenir ». Par exemple, les réseaux sociaux leur apparaissent comme un endroit où servir de modèles puisqu’ils représentent l’équivalent d’un lieu public auquel les élèves peuvent avoir accès facilement. Ils relèvent l’importance d’y publier de façon responsable et surtout au minimum, question d’éthique professionnelle.

4.1.2. Connaissances et compétence en éthique professionnelle

Les finissantes et finissants interrogés éprouvent un peu de difficulté à parler d’éthique professionnelle par rapport à leur propre pratique, mais il leur est arrivé d’observer des manques d’éthique chez d’autres pendant leurs stages en milieu scolaire. Cela a pu les interpeller sur ce qu’est le professionnalisme ou susciter un inconfort par rapport à des conduites jugées irrespectueuses.

Les finissantes et finissants reconnaissent avoir réalisé certains apprentissages qui leur permettent d’assumer leur éthique professionnelle au terme de leur formation initiale. Les balises qui encadrent leur pratique professionnelle et avec lesquelles elles et ils ont majoritairement travaillé au cours de leur formation initiale sont nommées spontanément : le Programme de formation de l’école québécoise (Gouvernement du Québec, 2006), la Progression des apprentissages au primaire (Gouvernement du Québec, 2009) et le Référentiel des compétences professionnelles (Gouvernement du Québec, 2001 ; 2020). En plus de ces documents ministériels, les codes de vie des écoles sont identifiés, mais pas d’autres balises. Par exemple, toutes et tous se considèrent comme étant en mesure de relever des comportements discutables de collègues en matière de confidentialité des renseignements nominatifs dans leur milieu de travail, comme de révéler trop de renseignements sur des élèves dans les corridors et le salon du personnel. Mais personne ne fait référence à la confidentialité de certains documents, ce qui est pourtant régi par une loi (Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (RLRQ, c. A-2.1). Ils disent également avoir « feuilleté » d’autres documents importants comme la Loi sur l’instruction publique (RLRQ, I-13.3), mais ne pas consulter ce genre de documents en situation de pratique. En cas de problème ou lors d’un questionnement professionnel ou éthique, ils demanderaient de l’aide à une ou un collègue de confiance.

Toutes les personnes interrogées considèrent que les valeurs jouent un rôle majeur dans l’orientation de leur pratique professionnelle. La valeur de respect ressort particulièrement dans les données recueillies comme balise pour l’éthique professionnelle. Il leur semble aussi que, dans le milieu de l’enseignement, il existe des valeurs communes et des valeurs distinctes, plus personnelles. Ils pressentent qu’un dilemme éthique renvoie généralement à un conflit de valeurs en raison de valeurs divergentes, ce qui leur cause de l’appréhension.

Même si elles et ils se réfèrent à certaines notions pour décrire leur sens de la responsabilité professionnelle, l’idée d’assumer leur éthique professionnelle en enseignement leur semble se rapporter à des situations délicates ou des zones grises et demeurer quelque chose de « flou et abstrait » (Camilla, Édouard et Jérémie). Pierre note qu’il « manque d’éthique claire » et Marilou fait part de ses craintes :

J’ai l’impression de savoir agir, savoir être, savoir comment avoir une éthique professionnelle, mais il reste que c’est complexe et qu’on l’a vu en surface. Je me demande à quel point je maîtrise cela, puis à quel point je pourrais éviter de me retrouver dans des situations gênantes ou qui pourraient être compliquées.

4.2. Situations pédagogiques favorables au développement de l’éthique professionnelle

Selon les finissantes et finissants, les situations pédagogiques favorables à leur développement de l’éthique professionnelle se sont déroulées dans deux contextes : en formation initiale à l’enseignement et à l’extérieur de cette formation.

4.2.1. Situations favorables en contexte de cours et de stages en formation initiale à l’enseignement

Toutes les personnes interviewées rapportent que leur développement éthique a surtout été possible grâce à leur expérience sur le terrain, c’est-à-dire lors de la formation pratique par les stages. Observer et échanger avec des personnes de confiance, que ce soit une ou un collègue de travail, une ou un enseignant associé, une ou un superviseur de stage ayant de bonnes pratiques éthiques, c’est ce qui a été marquant pour l’ensemble. Pour sa part, Pierre considère que, s’il s’est senti à l’aise de discuter d’éthique professionnelle, ce n’est pas seulement grâce à une personne significative : l’accueil et l’ouverture de toute l’équipe-école y sont pour beaucoup.

Du côté de leur formation en classes universitaires, les finissantes et finissants font référence à des dimensions éthiques abordées dans certains cours obligatoires, dans quelques cours optionnels et dans une conférence marquante. Quatre cours obligatoires de leur formation initiale ont été relevés comme étant significatifs pour le développement de leur éthique professionnelle : Intégration à la profession enseignante ; Fondements de l’éducation et système scolaire ; Caractéristiques des élèves à risque ; Interventions auprès des élèves à risque. Deux de ces cours sont offerts dès la première année.

Les cours optionnels suivants ont aussi été relevés comme étant significatifs : Éducation à la sexualité au préscolaire et au primaire ; Éducation pour un environnement durable ; Philosophie pour enfants. Jérémie est convaincu de la pertinence de ces cours : « Je pense que beaucoup des cours à option que j’ai suivis n’auraient pas dû être [juste] des cours à option, car ils traitaient d’enjeux éthiques ».

Qu’il soit question de cours obligatoires ou optionnels, ce sont les échanges et les discussions en petit ou grand groupe qui les ont marqués. Ces moments d’interaction avec les pairs leur ont permis de « réfléchir » (Laurie), d’apprendre à justifier leurs choix (Camilla), de discuter des valeurs (Olivier) et de se questionner sur des enjeux éthiques (Olivier, Laurie, Jérémie). D’autres situations pédagogiques ont également été relevées comme étant favorables au développement éthique lors de leur formation universitaire : des mises en situation (Simon, Camilla, Olivier, Laurie) ; des journaux réflexifs (Simon, Pierre) ; des discussions en groupe sur des textes en éthique (Laurie). Enfin, la majorité des finissantes et finissants ont fait référence à une conférence sur les encadrements syndicaux du travail enseignant donnée en fin de formation par un représentant du syndicat de l’enseignement de la région. Elles et ils disent s’être alors reconnus comme enseignantes et enseignants prêts à assumer leur rôle professionnel.

4.2.2. Situations favorables en contexte extérieur à la formation initiale

La réflexion sur l’expérience concrète apparaît très propice à la prise de conscience de l’importance de l’autorégulation de la pratique professionnelle. Dès ses premières suppléances, par exemple, Marilou a remarqué avoir commencé à se questionner davantage sur sa pratique et ses interventions que lors de ses stages. Tout d’un coup, elle a pris conscience qu’elle devait agir de manière pleinement responsable envers ses élèves en raison des conséquences des actions posées ou non. Personne d’autre qu’elle-même ne pouvait alors prendre la responsabilité de ses actes.

Pareillement, plusieurs ont fait référence à différentes expériences à l’extérieur du milieu de formation, avant, pendant et après leurs études, où il a été question de professionnalisme. Marilou mentionne, par exemple, avoir développé son éthique professionnelle en travaillant pour la compagnie familiale où son père était patron. Elle devait donner l’exemple aux autres employés du travail bien fait et de l’attitude professionnelle à adopter. Jérémie rapporte avoir beaucoup appris sur l’éthique professionnelle grâce à ses diverses expériences comme auxiliaire de recherche, dont une en lien avec un projet portant spécifiquement sur le sujet. Plusieurs mentionnent avoir eu des discussions intéressantes sur l’éthique dans le cadre de relations interpersonnelles avec des collègues d’études ou des proches. Par exemple, Marilou précise s’être préparée à l’entrevue en discutant de l’éthique professionnelle avec sa soeur et des amis. Pour d’autres, des études antérieures ont fourni un contexte de développement éthique. D’une part, Édouard explique avoir amorcé le développement de son professionnalisme pendant sa formation dans un collège militaire, car il dit avoir pris conscience de l’importance d’un encadrement clair et du respect des règles. Selon lui, cela est d’autant plus important lorsqu’on travaille avec les jeunes, comme en enseignement : « Pis en tant qu’enseignant, je trouve ça encore plus important parce que là tu es avec les jeunes. » D’autre part, Laurie a réalisé, grâce à ses études en arts visuels où elle a développé son jugement et sa capacité d’analyse critique, que le respect des autres était une valeur éthique centrale. Plusieurs rapportent même que leur éthique professionnelle est en lien avec leur propre éducation familiale, soit la façon dont elles et ils ont été élevés et que, de cette manière, leur sens de l’éthique se serait développé dès leur jeune âge. Ils disent ainsi avoir compris que leur valeur de respect envers les autres se serait développée par l’apprentissage du savoir-être dans la famille avec leurs frères et soeurs.

5. Discussion des résultats

5.1. La formation initiale à l’éthique professionnelle, ses possibilités et ses limites

Les résultats obtenus montrent que les finissantes et finissants ont réalisé certains apprentissages qui permettent d’assumer leur éthique professionnelle. Faire preuve d’éthique professionnelle signifie pour eux de se conduire d’une manière professionnelle appropriée, de servir de modèle et d’agir avec professionnalisme en tant que titulaires de classe par rapport aux différentes disciplines à enseigner et aux programmes d’étude à mettre en oeuvre. Leur éthique professionnelle se traduit surtout par la capacité de préparer des activités et des cours adaptés aux diverses caractéristiques des élèves, de faire apprendre, d’encadrer les apprentissages et de les évaluer. Il s’agit là d’une éthique centrée sur l’acte d’enseigner. D’ailleurs, les balises auxquelles ils font référence de façon spontanée y sont reliées. Toutefois, celles qui concernent le fonctionnement de l’école au-delà du code de vie de l’école et les encadrements plus éloignés de l’acte d’enseigner semblent limitées, voire absentes. Citons, à titre d’exemples, le projet éducatif de l’école, la Loi sur l’instruction publique, la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur la protection de la jeunesse.

Leur sens éthique est également rattaché à la tenue vestimentaire et à leur rôle de modèle pour les élèves, mais cela reste encore pour eux difficile à délimiter dans le temps et dans l’espace. C’est un point majeur, car ce rôle de modèle a été confirmé par la Cour suprême du Canada. En effet, suite à des jugements, elle stipule que « la position de confiance et d’influence que détient un enseignant n’est pas fonction du lieu où le comportement se produit, mais bien de son statut particulier vis-à-vis de ses élèves » (Kayal et Rainville, 2018). En aucun cas, les participantes et participants à notre recherche ne font référence à des implications juridiques de leur rôle ou à des décisions des tribunaux. Or, comme le stipule Jeffrey (2023), ces décisions sont prescriptives et constituent « une norme juridique de type jurisprudentielle que les membres de la communauté enseignante doivent connaître » (p. 33). Il est possible qu’un tel sujet n’ait pas été traité ni eu de place dans une formation transversale à l’éthique professionnelle.

Par ailleurs, les résultats montrent que les situations de pédagogie active et d’expérience concrète en milieu authentique de pratique se révèlent les plus favorables au développement éthique. Les résultats montrent aussi que ce développement peut avoir lieu en dehors du cadre formel de la formation initiale à l’enseignement, comme lors de la socialisation familiale, d’études antérieures, d’expériences professionnelles diverses et de discussions avec des personnes significatives. Le référentiel de compétences précise toutefois que « la formation initiale doit permettre aux étudiantes et aux étudiants de s’engager dans un processus de révision critique, de réflexion et de transformation de leurs acquis antérieurs et ainsi de se préparer à assumer leur futur rôle professionnel » (Gouvernement du Québec, 2020, p. 87). En outre, on peut comprendre que le développement de la capacité à assumer son éthique professionnelle repose sur l’activité et l’engagement de la personne et qu’il est favorisé par un contexte d’interaction et de communication avec d’autres. Ainsi, le cadre formel de la formation initiale à l’enseignement n’est pas l’unique contexte où peut avoir lieu le développement éthique des finissantes et finissants, car, comme Vienneau (2017) le relève, l’apprentissage est quelque chose de cumulatif, c’est-à-dire que plus on apprend, plus on continue à apprendre.

Toutefois, bien que les finissantes et finissants interviewés se considèrent en mesure d’assumer leurs responsabilités professionnelles en tant que titulaires de classe, l’éthique professionnelle demeure un peu vague. Les propos de Pierre à l’effet qu’il manque d’éthique claire et partagée dans le milieu de l’enseignement confirment l’intérêt de la proposition d’enseigner et de développer un langage éthique commun lors de la formation initiale (Belzile, 2016 ; Cloutier et St-Vincent, 2017 ; Maxwell et Schwimmer, 2016 ; St-Vincent, 2023).

La formation initiale à l’éthique professionnelle comporte certes des limites et devra être bonifiée, mais on doit convenir quand même qu’il s’agit là d’un grand défi. En effet, la formation initiale s’adresse à des personnes qui se trouvent à une étape du développement professionnel où elles sont plus centrées sur elles-mêmes, peu compatible avec la capacité de vision plus large de la profession (Uwamariya et Mukamurera, 2005). Or, nos résultats révèlent que le véritable visage de la responsabilité professionnelle se manifeste lorsque la personne agit en tant que stagiaire et surtout en tant que suppléante, ce qui montre toute l’importance du développement professionnel continu sur le terrain, en cours de carrière.

5.2. De la formation initiale professionnalisante à l’insertion professionnelle

Au terme de la formation professionnalisante, les compétences reliées à l’acte d’enseigner (Gouvernement du Québec, 2001), ou compétences spécialisées au coeur du travail fait avec et pour les élèves (Gouvernement du Québec, 2020), paraissent plus solides que les autres et les limites de la formation éthique sont perçues par les finissantes et finissants interrogés. S’il est normal que les enseignantes et enseignants en insertion professionnelle aient des compétences professionnelles moins développées que celles de leurs collègues d’expérience (CSE, 2014 ; Mukamurera, 2018), Mukamurera et al. (2020) soulignent l’importance de leur offrir des mesures de soutien adaptées à leurs besoins, comme du mentorat. Les résultats de notre recherche vont en ce sens : les finissantes et finissants sont reconnaissants d’avoir pu bénéficier d’une relation avec une personne significative avec qui échanger sur le plan pédagogique et discuter en toute confiance en cas de situation délicate sur le plan éthique au cours de leurs stages.

Selon les deux référentiels de formation à l’enseignement (Gouvernement du Québec, 2001 et 2020), la fin de la formation initiale ouvre sur le développement professionnel continu. Ainsi, dès son insertion professionnelle et tout au long de sa carrière, chaque novice se retrouvera dans des contextes de pratique spécifiques dans lesquels il ou elle pourra continuer son développement. Cela peut prendre diverses formes : d’une part, des situations informelles comme des moments de réflexions personnelles sur la pratique, des discussions de cas et des échanges avec les pairs (Mukamurera et al., 2018 ; Prairat, 2023) et, d’autre part, des situations plus formelles telles que des cours universitaires crédités, des ateliers de formation, des conférences ou séminaires pédagogiques, la participation à des projets de recherche-action ou de recherche collaborative (Mukamurera et al., 2018). Le défi de s’engager dans une démarche de développement professionnel lors de l’insertion professionnelle doit donc être relevé, puisque les grands buts de la formation initiale doivent continuer d’être développés afin de « maîtriser le métier, […] se responsabiliser et […] s’approprier tous les enjeux de la profession pour ainsi agir comme des professionnels compétents » (Uwamariya et Mukamurera, 2005, p. 140).

En fin de compte, que la formation à l’éthique soit transversale ou entièrement dédiée, il s’avère pertinent que le développement de l’éthique professionnelle s’inscrive dans un continuum, et qu’il puisse s’appuyer sur des processus actifs, collaboratifs, délibératifs et des échanges entre pairs, tout en tirant profit des acquis informels et expérientiels. Il en va d’un développement éthique de qualité, car comme le souligne l’Organisation for Economic Co-operation and Development (2017), un « développement professionnel des enseignants est jugé de qualité lorsqu’il prévoit des méthodes d’apprentissage actif, qu’il se déroule sur une longue durée, qu’il fait intervenir un groupe de collègues et qu’il comprend des activités d’apprentissage collectif ou des recherches avec d’autres enseignants » (p. 1).

Conclusion

L’analyse des résultats permet de considérer que les deux objectifs ont été atteints. D’une part, les apprentissages réalisés par les finissantes et finissants interrogés ont été mis en évidence et, d’autre part, les situations de pédagogie active et d’expérience concrète favorables à leur développement éthique ont été décrites. Les résultats obtenus permettent de constater les limites d’un programme où la formation à l’éthique professionnelle a été faite de façon transversale. Il est intéressant de noter que, en concordance avec le référentiel de compétences professionnelles actualisé en 2020, des refontes de tous les programmes de baccalauréat de formation initiale à l’enseignement ont lieu présentement dans les universités québécoises. La tendance est de rehausser véritablement la formation à l’éthique professionnelle, d’en faire un objet de cours spécifiques et de formation transversale explicite, selon un modèle de développement graduel et encadré dans les stages.

Ces modifications aux programmes de formation initiale à l’enseignement vont exactement dans le même sens que les recommandations que nous pourrions faire à la lumière des résultats de notre étude et elles sont en cohérence avec les recommandations d’autres recherches (Boon et Maxwell, 2016 ; Maxwell et al., 2020). Les cours spécifiques dédiés à la compétence éthique, la consolidation de l’approche transversale pour son développement et la valeur qui lui est accordée dans les stages devraient réellement permettre de mieux atteindre les objectifs de la formation à l’éthique professionnelle en enseignement. Il sera important que des situations de pédagogie active et les interactions avec des pairs continuent de se retrouver au coeur de la formation initiale à l’éthique professionnelle puisque leur valeur est bien mise en évidence. Il est également souhaitable que cette formation puisse tirer profit des expériences et acquis antérieurs des étudiantes et des étudiants, afin de développer leur jugement professionnel au regard des enjeux éthiques spécifiques à l’enseignement.

Comme toute recherche, la nôtre comporte certaines limites. D’abord, il est impossible de généraliser les résultats, car notre échantillon de volontaires n’est pas représentatif de la communauté enseignante du préscolaire et du primaire, qui est majoritairement féminine. En effet, plus de finissants qui s’identifient comme des hommes (5/8) ont accepté de participer à notre recherche que de finissantes qui s’identifient comme des femmes (3/8). Le nombre limité de personnes participantes, toutes issues de la même université en région, constitue aussi une limite. De plus, le choix d’un échantillon de volontaires, probablement des personnes intéressées par le sujet, rend impossible la prédiction des profils des personnes participantes et cela peut faire en sorte qu’elles présentent « certaines caractéristiques particulières qui les rendent atypiques de la population cible » (Fortin et Gagnon, 2022, p. 261). En conséquence, bien que les résultats obtenus soient intéressants pour comprendre la situation des personnes interviewées, ils sont peu généralisables et des travaux futurs pourront apporter plus d’éclairage sur le sujet.

D’autres recherches devront donc être entreprises pour comprendre de façon plus profonde et plus large le développement possible de l’éthique professionnelle lors de la formation initiale à l’enseignement. À cet égard, et vu l’importance des apprentissages réalisés en stage par les personnes qui ont participé à notre étude, il serait intéressant de se pencher davantage sur l’expérience de stage pour la formation initiale à l’éthique professionnelle, sur l’expérience du mentorat et sur des opportunités de développement professionnel continu en éthique durant l’insertion professionnelle. Enfin, il serait pertinent de mener des études auprès d’un échantillon plus grand, voire une enquête par questionnaire auprès de finissants d’autres universités ou programmes de formation initiale à l’enseignement.