Abstracts
Résumé
L’article traite de l’internationalisation de l’enseignement supérieur dans un contexte de mondialisation, concernant la France en particulier. Les différentes étapes ayant conduit à ce que certains qualifient de « commodification » de l’enseignement supérieur sont discutées en lien avec la question de l’expansion de l’anglais dans les universités. L’évidence de l’anglais participe et renforce son statut hégémonique. Son imposition de facto dans l’enseignement supérieur influence différents aspects de la vie universitaire « internationalisée » sans prise en charge explicite la plupart du temps sauf à de rares exceptions dont nous fournirons quelques exemples. Ce texte plaide en faveur de la mise en place de politiques linguistiques d’universités explicites prenant en charge les réalités plurilingues de nos sociétés mondialisées.
Mots-clés :
- anglicisation,
- internationalisation,
- universités,
- politique linguistique,
- sociolinguistique
Article body
Introduction
Le 12 octobre 2021, à l’Élysée, dans le cadre du grand plan d’investissement d’avenir « France 2030 », le président de la République Emmanuel Macron a déclaré à propos de l’enseignement supérieur : « Le classement de Shanghai […] montre qu’on est quand même en train de revenir complètement dans la bataille » (Macron, 2021, p. 4). Pourquoi le président a-t-il fait référence au classement de Shanghai alors que son propos portait sur les universités et la compétitivité de la France ? De quelle bataille le président de la République parlait-il ?
Pour mieux comprendre, rappelons tout d’abord que les établissements d’enseignement supérieur, désormais mis en concurrence pour attirer les meilleurs étudiants et les plus grands chercheurs, cherchent à se hisser dans les premières places des classements internationaux, en particulier celui de Shanghai. Les classements internationaux impulsent cette concurrence au profit essentiellement des universités nord-américaines qui occupent une position dominante. La complexité actuelle réside donc dans le fait que l’enseignement supérieur en Europe est tiraillé entre, d’une part, les restes d’une tradition étatique et humaniste, voire chrétienne, qui fait confiance à la puissance publique et à la philanthropie, et d’autre part, les lois du marché. Depuis lors, nous assistons, dans un contexte de mondialisation, à ce que certains qualifient de « marchandisation » ou encore de « commodification » du domaine de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ainsi, en 2000, dans la lignée du programme Erasmus, le Conseil européen de Lisbonne s’était fixé comme objectif de créer un espace commun pour l’enseignement supérieur en Europe afin de faire de l’Union européenne l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde. On parle alors d’internationalisation, définie comme un « “processus qui, grâce à la mobilité internationale des étudiants et des enseignants, conduit à l’intégration des dimensions internationales et interculturelles dans les fonctions éducatives des institutions d’enseignement supérieur ainsi que dans leur gouvernance” » (De Ketele & Hugonnier, cités dans Pourcelot, 2021, paragr. 2). Comme le montrent les propos du président de la République, dans cette compétition mondiale, la France se démène pour rester dans la course de la compétition académique et l’insistance est portée sur son modèle d’éducation d’excellence, sa politique de visas et son offre de cursus en anglais, considérée, selon une rhétorique rarement démentie, comme la langue de l’internationalisation.
Dans cette contribution, nous convoquerons des travaux de recherche scientifique, des articles journalistiques, des discours et des déclarations politiques, de même que la référence à nos propres travaux. Nous nous attacherons, dans un premier temps, à traiter de la construction de l’économie de la connaissance en lien avec l’internationalisation de l’enseignement supérieur, concernant l’Europe et la France principalement. Cette internationalisation est le plus souvent envisagée dans une perspective monolingue, ce que nous décrivons dans un deuxième temps en traitant de la mise en place de cursus en anglais rendus possibles à la suite de la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche de 2013, dite « loi Fioraso » (pour un aperçu de cette loi, voir Vie publique, 2013). L’anglicisation des cursus soulève bien des questions quant à la vie académique, dont des questions didactiques quant à la transmission et à la réception des connaissances, tant pour les enseignants que pour les étudiants. Nous évoquerons à grands traits, dans un troisième et dernier temps, certains dispositifs de pédagogie universitaire en faveur de l’anglais de même que certaines politiques linguistiques ouvertes au plurilinguisme, comme celle mise en place depuis 2012 à l’Université de Genève, pour montrer que la différenciation plurilingue tant souhaitée par les instances européennes ne pourra se faire sans une réflexion sur la question linguistique biplurilingue à l’université, sa prise en charge en lien avec la question de l’anglais, ses statuts et ses fonctions.
1. Économie de la connaissance et internationalisation
Le rapprochement des postionnements théoriques des organisations internationales du champ de l’économie de la connaissance créé de nouveaux modèles éducatifs.
1.1 Émergence d’un espace universitaire européen internationalisé
Depuis les années 2000, le modèle traditionnel de l’université publique basé sur la liberté académique est contesté par de nouveaux modes de gestion guidés par la logique de marché. On parle alors d’internationalisation de l’enseignement supérieur au sens que lui donne Jane Knight, soit « “le processus d’intégration d’une dimension internationale, interculturelle et mondiale dans l’objectif, les fonctions (enseignement, recherche, service) et la prestation de l’enseignement supérieur” ; un processus différent de la mondialisation[1] » [traduction libre] (Knight, 2006, p. 18).
En France, comme dans toute l’Europe, l’internationalisation de l’enseignement du supérieur s’est mise en place progressivement à partir des années 1990. Le moment fondateur semble être la conférence de Jomtien en Thaïlande en 1990 en faveur de l’éducation pour tous (voir Humanium, s. d.). Les organismes internationaux se sont très vite ralliés à cette doctrine : l’un des objectifs premiers sera de lancer le projet d’harmonisation du système européen de l’enseignement supérieur sur le modèle de la tradition anglo-saxonne, considérée comme un modèle à imiter. Il est traditionnellement admis que c’est en Sorbonne, en 1998, à l’occasion du 800e anniversaire de l’Université de Paris, que les ministres en charge de l’enseignement supérieur Jürgen Rüttgers, Luigi Berlinguer et Tessa Blackstone, respectivement les ministres allemand, italien et britannique, répondent à l’invitation de Claude Allègre, alors ministre de l’Éducation en France (voir Gilbert, 2014). Les ministres se réunissent dans un esprit commun qui peut se résumer avec les lignes suivantes : « […] l’Europe que nous construisons n’est pas seulement celle de l’euro, des banques et de l’économie ; elle doit aussi devenir une Europe de la connaissance […] » (Déclaration de la Sorbonne, 1998). Ce processus est alors officiellement lancé à Bologne en 1999 avec 29 pays signataires[1] qui s’entendent à construire une architecture commune des diplômes universitaires (licence, master et doctorat) et à mettre en place un système commun d’organisation sur la base d’un système européen d’acquisition (ECTS).
Comme le souligne Pauline Ravinet (2009), en France la réflexion avait été initiée par Claude Allègre qui, dès 1997 souhaitait développer le rapprochement de l’enseignement supérieur et de la recherche dans le même temps qu’il s’inquiétait du « manque d’ouverture internationale et [de] la perte d’attractivité de la France (Ravinet, 2009, p. 31). L’une des premières réalisations du ministre fut la création de l’agence Edufrance, destinée à faire la promotion de l’offre de formations et des établissements d’enseignement supérieur français à l’étranger (p. 31-32). En mars 2000, les chefs d’État et de gouvernement des pays membres de l’Union européenne (UE) ont élaboré la stratégie de Lisbonne dont l’objectif était de faire de l’UE « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d’ici à 2010 » (Parlement européen, 2000). Le Processus de Ljubljana, lancé en 2008, aura ensuite pour objectif de mettre en place un espace européen de la recherche (EER), dont les dimensions et la productivité sont comparables à celles de l’espace nord-américain, dans le but de contribuer à accroître la compétitivité de l’économie des pays qui adhèrent à ce système.
L’internationalisation est depuis lors pleinement intégrée dans la stratégie globale nationale française en matière d’enseignement supérieur ; elle est présentée comme un moyen de construire l’avenir, comme le renseigne la lecture du grand plan d’investissement « France 2030 » (Gouvernement de la République française, 2022), publié sous le gouvernement du Premier ministre Jean Castex. Les universités sont désormais envisagées comme des organisations stratégiques pour les États-nations et tous les systèmes de l’enseignement supérieur des pays d’Europe sont soumis aux mêmes injonctions de mesure de performances normatives. En 2022, Jean-François Cervel, directeur adjoint du cabinet de la ministre déléguée à la recherche, Claudie Haigneré, a ainsi déclaré : « De la même manière qu’on pouvait classer les entreprises [il est devenu normal de] classer les universités en concurrence entre elles pour attirer les meilleurs étudiants, les meilleurs enseignants et chercheurs, les meilleurs partenaires économiques et financiers » (Cervel, 2022).
Rivaliser avec les grandes universités mondiales est devenu l’un des enjeux et très rapidement la nécessité de classer les universités et de les mettre en compétition s’est fait jour. Cela a conduit à des biais d’adaptation de la part des acteurs gouvernementaux au nombre desquels la nécessité de restructurer le paysage universitaire.
1.2 La restructuration du paysage universitaire européen
En janvier 2008, le Rapport de la Commission pour la libération de la croissance française : 300 décisions pour changer la France, ou rapport Attali (Attali, 2008), portant sur la croissance économique et la compétitivité française, en particulier dans le domaine de l’éducation, était remis à Nicolas Sarkozy, alors président de la République. Il y est proposé de constituer dix grands pôles d’enseignement supérieur et de recherche de taille mondiale autour de dix campus fixant les conditions d’excellence de l’ensemble du système de formation supérieure et de recherche (Attali, 2008). Dix-sept projets sont déposés en janvier 2011 et, de ceux-là, trois obtiennent leurs financements, dont celui de la nouvelle Université de Strasbourg qui, depuis le 1er janvier 2009, est la première structurée autour d’un établissement scientifique prestigieux. C’est par la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, que les communautés d’universités et d’établissements vont ensuite être créées afin de restructurer l’enseignement supérieur et la recherche française. On remarquera aussi que les régions deviennent des interlocutrices privilégiées de l’État sur l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation. On parle alors d’internationalisation au niveau métropolitain.
Malgré tous ces changements, on constate que ce sont majoritairement les établissements parisiens qui tirent leur épingle du jeu dans la quête de l’international. En effet, selon le classement de Shanghai (www.shanghairanking.com), en 2023, Paris-Saclay occupe la 15 e place, l’Université Paris Sciences et Lettres (PSL) est classée 41e, Sorbonne Université prend la 46e place et l’Université Partis Cité vient au 69e rang. En 2012, la première université « en région », Aix-Marseille, était classée à la 101e place, à égalité avec les universités de Grenoble Alpes et de Strasbourg, alors qu’en 2023 Aix-Marseille et Strasbourg ont reculé au 151e rang, l’Université de Grenoble Alpes ayant conservé son rang.
La restructuration des systèmes de l’enseignement supérieur a entraîné un glissement de la mission des universités, ce qui tendrait à illustrer ce que nous qualifions précédemment de « commodification » de l’enseignement supérieur. Ainsi, la conception traditionnelle qui assignait à l’université la mission d’offrir un enseignement propre à former le jugement critique ainsi qu’à éduquer à la culture est aujourd’hui supplantée par la nécessité de former des individus « insérables professionnellement » dans la société. On remarque à la suite de Christine Musselin (2008) que la traduction sur le terrain peut connaître différentes réalisations. Il n’en demeure pas moins que l’on peut repérer au niveau international des « scripts », qualifiés de « prescriptions normatives » qui selon Musselin « circulent dans l’environnement institutionnel des universités et énoncent les propositions légitimes, les normes, les standards que les établissements et les gouvernements doivent adopter s’ils veulent paraître rationnels et efficaces » (2008, p. 15).
En France, par exemple, on assiste à la remise en question de l’« utilité » de certaines disciplines. Comme il a été rappelé en 2016 lors de la table ronde[2] intitulée Quel avenir pour les Humanités ? Le cas de la France (Bessis-Favard et al., 2008), dès juin 2006 l’hebdomadaire L’Express s’intéressait à la question et l’article de Saubaber et Vidalie, « Universités, insérer d’abord ? », parut à un moment où le recteur Hetzel remettait au Premier ministre Dominique de Villepin le rapport De l’université à l’emploi : rapport final de la Commission du débat national Université-Emploi (Hetzel, 2006). Les causes invoquées quant à la question de l’utilité des humanités étaient alors exprimées de la façon suivante :
On a tourné le dos à l’ambition qui caractérisait le grand héritage des humanités, l’ambition des belles lettres au XVIIIe siècle, quand on englobait sous ce vocable aussi bien les articles techniques de l’encyclopédie, les écrits politiques de Voltaire ou de Rousseau que l’écriture de fiction. On a renoncé également à une autre ambition intellectuelle, celle des années soixante-dix, en passant un peu vite par pertes et profits la dynamique de pensée liée au structuralisme, qui portait un projet fédérateur et intellectuellement ambitieux pour les lettres et les sciences sociales
Bessis-Favard et al., 2008, p. 75
Un autre exemple provient du Danemark où la Faculté des humanités de l’Université de Copenhague a élaboré un plan qui vise à réduire le nombre de places d’étudiants dans certains programmes d’études). Un lien est clairement évoqué entre le taux d’employabilité des étudiants en sortie d’études et les études suivies. Un article de presse de 2021 avance que « […] les domaines académiques des sciences humaines ont en moyenne le taux de chômage le plus élevé parmi les diplômés[2] » [traduction libre] (Myklebust, 2021). La faculté des sciences humaines de l’Université de Copenhague va ainsi procéder à une réduction annuelle de 24 % de nouveaux étudiants (Myklebust, 2021). Des mesures sont aussi prises dans la « régulation » des Masters et des licences puisque, comme le renseigne un article de 2023, « dix pour cent des programmes d’études de master seront raccourcis et le nombre d’étudiants admis au baccalauréat devra être réduit de huit pour cent[3] » [traduction libre] (Gaihede, 2023). Le gouvernement de coalition danois espère que les réformes vont notamment amener plus de gens à se diriger vers des formations les préparant à l’obtention de professions dans les domaines de la santé (puériculture, soins infirmiers, travail social) (Gaihede, 2023).
Ainsi, la conception traditionnelle qui assignait à l’université la mission d’offrir un enseignement propre à former le jugement critique ainsi qu’à éduquer à la culture est aujourd’hui supplantée par la nécessité de former des individus « insérables professionnellement » dans la société. On remarque à la suite de Christine Musselin (2008) que la traduction sur le terrain peut connaître différentes réalisations. Il n’en demeure pas moins que l’on peut repérer au niveau international des « scripts », qualifiés de « prescriptions normatives » qui selon Musselin « circulent dans l’environnement institutionnel des universités et énoncent les propositions légitimes, les normes, les standards que les établissements et les gouvernements doivent adopter s’ils veulent paraître rationnels et efficaces » (2008, p. 15).
1.3 Comparer les universités
Comment permettre une comparaison méthodologiquement solide entre les universités européennes ? Mesurer la qualité d’une université et ses activités de recherche n’est pas facile et l’Union européenne n’a pu fournir rapidement des indicateurs fiables et partagés. Ce vide a été progressivement rempli par des indicateurs et des classements (rankings) provenant d’autres pays, notamment de Chine et des États-Unis. Comme précédemment évoqué, le classement le plus convoqué est celui de Shanghai[3], créé en 2003 à l’Université Jiao Tong de Shanghai. Si, à son origine, son projet était de mesurer l’écart entre les universités chinoises et américaines, le classement de Shanghai est aujourd’hui devenu une référence internationale incontournable (ce classement est effectué sur la base du nombre de publications, de citations et de prix Nobel ou de médailles Field).
Le QS World University Rankings[4] constitue un autre classement mondial des universités et celui-ci confirme, sans surprise, la prédominance des universités américaines et anglaises : en 2023, les dix premières places du classement sont tenues par des universités des États-Unis et d’Angleterre ; le MIT remporte la première place tandis que les universités de Cambridge et d’Oxford arrivent en deuxième et troisième place respectivement. En 2024, Emmanuel Macron peut encore se désoler du classement français puisque, à l’instar du plus récent classement de Shanghai, seulement quatre établissements français sont classés dans le Top 100 du QS World University Rankings. La première université française est l’Université PSL, au 24e rang ; l’Institut polytechnique de Paris s’insère à la 38e place, suivie de Sorbonne Université et de l’Université Paris-Saclay (59e et 71e rangs respectivement). La première université de région est Grenoble Alpes à la 294e place, suivie de Montpellier à la 382e place et d’Aix-Marseille à la 387e place.
2. Les cursus internationalisés
Comme nous l’avons vu, l’internationalisation est devenue une priorité des établissements d’enseignement supérieur, ce qui pose des questions de politique linguistique et de didactique des langues.
2.1 L’évidence de l’anglais
Dans la plupart des cas, en Europe, le traitement linguistique de l’internationalisation est réduit, de façon le plus souvent implicite, au choix prioritaire et unique de l’anglais comme langue véhiculaire des filières ou des formations internationalisées. L’enseignement en anglais apparaît comme un critère de modernité et d’efficacité, paré de vertus universelles (Le Lièvre & Forlot, 2014, p. 163). Pourtant, comme le souligne Ragnhild Ljosland (2005), la déclaration de Bologne ne précise aucune orientation en matière linguistique, que ce soit en faveur de l’anglais ou de toute autre langue :
Nulle part dans la déclaration de Bologne, ni dans les communiqués qui ont suivi, il n’est dit que pour atteindre l’objectif d’une libre circulation des étudiants et des enseignants au sein de l’Espace européen de l’éducation, nous devons tous offrir un enseignement supérieur en anglais[4] [traduction libre]
Ljosland, 2005, p. 4
Ajoutons que, depuis la fin de la guerre, le Conseil de l’Europe a pour mission « de promouvoir la démocratie, de protéger les droits de l’homme et l’État de droit en Europe » (Le Lièvre & Forlot, 2014, p. 161), et de parvenir à bâtir une Europe des langues
[…] convaincu que l’éducation à la diversité linguistique et culturelle favoriserait la stabilité démocratique et permettrait de sortir des nationalismes étroits. Le Conseil de l’Europe mène ses activités de promotion du plurilinguisme, de la diversité linguistique et de l’apprentissage des langues dans le domaine de l’éducation dans le cadre de la Convention culturelle européenne (1954) ratifiée par 49 États
p. 161
Pourtant, c’est l’anglais qui est majoritairement convoqué. Dans un entretien de Trond Giske, réalisé par Ljosland le 17 juin 2005, interrogé sur le lien entre l’internationalisation et l’anglicisation, l’ancien ministre de l’Éducation, de la Recherche et des Affaires religieuses du Danemark a déclaré : « Mais l’internationalisation est un objectif du processus de Bologne. Et l’anglais… Je ne pense pas que vous puissiez nier que l’anglais a gagné la bataille pour devenir la langue mondiale et communautaire[5] » [traduction libre] (Ljosland, 2005 p. 5).
Quelques années plus tard, en France, le Rapport de Le Déaut intitulé Refonder l’université. Dynamiser la recherche. Mieux coopérer pour réussir, publié au début de l’année 2013, ne dira pas autre chose. En effet, l’une des propositions faites en vue de renforcer la politique d’attractivité des universités est qu’il faut « autoriser l’offre de formation en anglais en direction des étudiants étrangers, incluant des cours obligatoires de français langue étrangère pris en compte pour l’attribution du diplôme » (Le Déaut, 2013, p. 143). Toutefois, cela était en théorie impossible du fait des dispositions législatives[5], jusqu’à ce que la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche adoptée quelques mois après la parution du rapport autorise les enseignements en langue étrangère « lorsqu’ils sont dispensés dans le cadre d’un accord avec une institution étrangère ou internationale » (Vie publique, 2013). Nous notons que « langue étrangère » est ici compris comme étant l’anglais. À propos de ce choix de l’anglais, la saillie la plus célèbre de la ministre Fioraso restera celle à propos de Proust : « […] si nous n’autorisons pas les cours en anglais, nous n’attirerons pas les étudiants de pays émergents comme la Corée du Sud et l’Inde. Nous nous retrouverons à cinq à discuter de Proust autour d’une table, même si j’aime Proust… » (Soulé, 2013). Même argumentaire pour les rapporteurs d’une mission d’information sur l’application de la loi Fioraso, les députés Sandrine Doucet (PS, Gironde) et Benoist Apparu (LR, Marne). Les députés réitèrent la nécessité de dispenser des enseignements non francophones (il faut comprendre ici « en anglais ») et assurent que lors de leur enquête toutes les personnes rencontrées
[…] ont exprimé la conviction que les enseignements non francophones sont un moyen au service de l’internationalisation nécessaire de l’enseignement supérieur français, le renforcement de la stature internationale des universités et des écoles requérant une attractivité plus grande reposant sur la qualité des enseignements dispensés et des recherches menées mais également sur un usage plus large de langues étrangères
Doucet & Apparu, 2016, p. 13
En France, la nécessité de l’anglicisation est souvent corroborée à la perte de diffusion du français au plan international, selon une vision alarmiste qui associe déliquescence de la langue à son recul au plan international (Le Lièvre, 2017). Ainsi, Benoît Tock, vice-président formation de l’Université de Strasbourg (UNISTRA) usait du même argumentaire en mai 2017 :
Il ne faut pas se voiler la face : le français est en perte de vitesse sur le plan international. Si nous voulons attirer des étudiants de pays dynamiques, ou développer des partenariats avec des universités anglo-saxonnes, c’est plutôt par des enseignements en langue anglaise que nous y parviendrons. La loi Fioraso nous y autorise dès lors que nous agissons dans le cadre de l’accord avec une université étrangère ou d’un programme européen
cité dans Miscault, 2017
2.2 De quelques effets de l’imposition de l’anglais dans les cursus
Notons tout d’abord qu’en 2018, Campus France – qui fait suite à EduFrance créée en 1998 – lançait « Bienvenue en France » pour contrer le « décrochage » de la France en matière d’internationalisation. Le programme est qualifié de « stratégie d’attractivité » (Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche [MESR], 2019) et vise l’accueil de 500 000 étudiants étrangers à l’horizon 2027 grâce, en particulier, à une politique de visas simplifiée[6]. Comme le déclarait le Premier ministre Édouard Philippe à l’époque :
Malgré ses nombreux atouts (établissements prestigieux, qualité de la formation, excellence scientifique, rayonnement culturel, histoire prestigieuse, qualité de vie…), le nombre d’étudiants en mobilité y progresse beaucoup moins vite que dans certains pays qui développent des stratégies d’attractivité offensives pour attirer davantage d’étudiants (Allemagne, Russie, Chine, Canada…)
MESR, 2019
Pour la France, les arguments en faveur de l’anglais sont les suivants : étudier en anglais en France permet de bénéficier de l’excellence de l’enseignement dispensé par les établissements français, de la qualité des diplômes français, reconnue à l’international, et de profiter de l’art de vivre à la française. Enfin, selon l’agence Campus France, dont le slogan en 2024 est “Skills & Friends’ for life !” - après avoir été « Rendez-vous en France pour étudier en anglais » en 2023 - il existe actuellement plus de 1 600 formations dispensées en anglais ou partiellement en anglais recensées dans le catalogue des programmes Taught in English (Campus France, s. d.). Fruit d’une politique d’anglicisation suiviste, très souvent justifiée par le vocable de « pragmatique »[7], le choix du monolinguisme anglophone est imposé sans que ne soient réfléchies les différentes conséquences d’un tel choix, ni le fait que les langues jouent un rôle primordial dans la construction des savoirs, ce qui pour François Grin (2018) débouche sur « des situations pédagogiques absurdes[6] » [traduction libre] (p. 10), ce dont nous allons traiter dans les lignes qui suivent.
Concernant la formation des enseignants, le passage d’un cours en langue maternelle à une langue seconde demande des adaptations pédagogiques et la plupart des enseignants n’y sont pas préparés. Ainsi, un enseignant néerlandais de sociologie, Jaap Dronkers, a déclaré dans un article du Monde diplomatique : « Mon anglais n’est pas mauvais, mais quand j’encadrais des chercheurs, je n’avais pas la subtilité linguistique nécessaire pour arriver à des compromis » (Doumayrou, 2014). Le fait d’enseigner en anglais a une charge cognitive non négligeable tant pour les enseignants que pour les étudiants. L’aisance de l’enseignant peut se trouver réduite et cela peut peser sur l’interaction en classe, sur la dynamique du groupe. Ainsi peut-on lire dans le même article que
[l]es concepts néerlandophones sont souvent reconstruits en anglais à l’aide d’éléments imprécis au lieu de termes corrects et spécifiques. Ce genre d’imprécision est très répandu et conduit à un fondamental manque de clarté. La communication devient également moins spontanée
Doumayrou, 2014
Ou comme le résume François Grin en 2013 dans le journal Le Temps :
[…] cela nous conduit à ces séminaires ubuesques où un prof à l’anglais pauvre et hésitant (parfois carrément pénible en raison d’un accent italien, français ou néerlandais à couper au couteau), parle devant des étudiants dont pas un seul n’est anglophone, et dont beaucoup rédigeront des travaux dans un anglais stéréotypé voire, pour certains, quasi inintelligible
Grin, 2013
Du côté des étudiants étrangers, il est illusoire de considérer qu’ils sont à égalité de compétence linguistique en anglais. Et si la France reste avec l’Allemagne l’un des tout premiers pays non anglophones d’accueil des étudiants étrangers, ce sont souvent ceux dont le niveau en anglais ne leur a pas permis de se diriger vers des pays anglophones, ce qui en termes de compétence linguistique peut poser problème. Ainsi, à l’université en France, près d’un étudiant en mobilité internationale sur six est originaire de l’Union européenne (14,3 %), plus d’un sur deux est africain (56,5 %) et un sur cinq est asiatique (18,5 %). N’oublions pas les étudiants locaux, majoritaires dans les formations anglicisées : la langue nationale est celle qu’ils connaissent le mieux puisqu’ils ont été socialisés, scolarisés et éduqués dans cette langue et pourtant ils se retrouvent à devoir artificiellement mettre leur langue à distance.
On lira aussi avec intérêt l’article d’Ana Mauranen dans lequel elle rappelle les craintes souvent exprimées quant à la perte de transmission des connaissances lors de cours dispensés en anglais (Mauranen, 2015, p. 32). Elle livre quelques-uns des résultats issus du corpus oral ELFA (English as a Lingua Franca in Academic Settings), projet portant sur les interactions orales en ELF (English as a Lingua Franca) collectées dans certains cours de l’Université d’Helsinki. Mauranen montre certaines des caractéristiques de l’anglais oral telles qu’elles apparaissent dans son corpus (emphase, insistance à coopérer, explicitation, métadiscours, reformulations) qui toutes contribuent à être le mieux compris possible. Il y est également question des caractéristiques lexicales et grammaticales visant à l’économie de la langue sans que cela entrave la compréhension (Mauranen, 2015, p. 34). Ce travail est un modèle du genre qui vient nous rappeler que malheureusement trop peu de travaux sur des corpus écrits ou oraux ont été conduits dans les classes au plus près des interactions pendant les enseignements anglicisés.
Un autre élément à mentionner concerne les traditions académiques anglophone et francophone qui diffèrent, ce qui soulève de nombreuses questions : comment traiter dans une université française en anglais des singularités académiques du pays d’accueil ? En France, par exemple, attend-on des étudiants étrangers « enseignés » en anglais de rédiger des dissertations ? Quelles normes rédactionnelles sont proposées ? Quel format pour la prise de parole des enseignants ? Quelle prise de notes ? Dans quelle(s) langue(s) ? Quel oral pour les étudiants ? Quant au personnel administratif, est-il attendu qu’il maîtrise l’anglais ?
Comme nous avons tenté de le montrer dans les lignes qui précèdent, les universités prennent des décisions qui ont un impact important sur les langues, sur la transmission et la réception des connaissances sans que ne soit, la plupart du temps, développée de réflexion linguistique ou didactique à propos de l’anglais, langue d’enseignement, mais aussi à propos d’autres langues, victimes collatérales de l’anglicisation forcée des cursus.
2.3 Hétérogénéité des statuts, des fonctions et des dénominations de l’anglais
Nous avons pu traiter plus avant des convictions selon lesquelles l’anglais – puisque c’est le vocable retenu et majoritairement employé – serait la langue la plus adaptée à l’internationalisation de l’enseignement supérieur et à la transmission des disciplines non linguistiques. Pourtant, il existe d’autres termes, par exemple lingua franca. Utilisé à propos de l’anglais dans l’internationalisation, le terme a alors le sens de « langue véhiculaire » et l’accent est mis sur les fonctions de la langue ; celle-ci est dépourvue de son statut de langue étrangère et le vocable réfère au fait qu’elle est utilisée essentiellement à des fins de communication[8]. Il est aussi possible de rencontrer le vocable EMI ou English as a medium of instruction, défini comme « les recours à la langue anglaise pour enseigner des matières académiques (autres que l'anglais lui-même) dans des pays ou des juridictions où la langue maternelle de la majorité de la population n'est pas l'anglais[7] » [traduction libre] (Macaro et al., 2018, p. 37).
Certains universitaires sont formés à l’EMI quand, pour des raisons d’internationalisation, ils se doivent de dispenser leurs cours en anglais et que cette question est prise en charge par leur université. Des formations sont offertes en présentiel dans le monde entier ou en ligne par des experts du centre Oxford EMI (https://oxfordemi.co.uk), dirigé par Mme Julie Dearden. Le groupe de recherche EMI (www.emi.network), distinct du centre de formation, est aussi hébergé à l’Université d’Oxford, au sein du Département de l’éducation, et se consacre à l’étude des implications éducatives et linguistiques de la diffusion de l’anglais comme moyen d’enseignement dans les communautés où l’anglais n’est pas la principale langue de communication. Différentes publications scientifiques sont faites à propos de l’implantation de l’EMI dans les universités mondialisées et des recherches sur l’EMI ont été menées.
Comme nous le verrons dans les lignes suivantes le terme Lingua academica est aussi utilisé, les termes Academic lingua franca, Academic English ou même English as a lingua franca in academic settings sont aussi d’usage. Nous retiendrons une définition simple « la lingua franca incontestée des échanges scientifiques[8] » [traduction libre] (Benett, 2013, p. 172)
Parallèlement, si l’on en croit un article du Monde publié en 2022, l’enseignement de la langue anglaise serait « sacrifié » dans les universités (Nunès, 2022). Ainsi peut-on lire sous la plume d’Éric Nunès : « Confrontées à un manque d’enseignants ou de salles disponibles, certaines universités n’arrivent même pas à proposer de cours à leurs étudiants dans cette langue » (Nunès, 2022).
3. De quelques dispositifs à l’université
Sur le terrain, on observe quelques réalisations ayant pour objectif de prendre en charge institutionnellement et didactiquement l’anglais des cursus anglicisés, mais aussi les autres langues, ce que nous allons exposer à travers différents exemples.
3.1 Une prise en charge explicite de l’anglais : l’exemple de Bordeaux
Le programme Défi international de l’Université de Bordeaux est articulé autour d’une réflexion qui vise à travailler l’impact pédagogique de l’enseignement en anglais, lingua academica, dans la lignée des recommandations des projets européens menés sur les formations internationales à l’université, par exemple les projets LANQUA (www.lanqua.eu) ou INTLUNI (https://intluni.eu).
L’internationalisation est un enjeu majeur pour les universités françaises mais il entraîne des mutations profondes, et parfois difficiles à affronter sans soutien. Le programme Défi International […] par l’accompagnement qu’il offre aux enseignants, joue un rôle fondamental dans le développement de formations internationales de qualité mais aussi plus largement, dans la transformation pédagogique au sein de l’université de Bordeaux
Pagèze, 2017
Le projet est clair quant à ses objectifs : « Pour les enseignants, il est moins question d’avoir un anglais parfait que d’avoir une bonne capacité à communiquer et une prononciation/intonation efficace [en gras dans le texte] » (Pagèze, 2017). Un programme en huit volets est proposé, composé comme suit :
-
Stage intensif de 3 jours (Teaching Academic Content through English) ;
-
Coaching individualisé pour des enseignants et aide à la préparation du cours ;
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Aide à l’élaboration pour les équipes universitaires ;
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Ateliers de conversation sur plusieurs sites du campus pour soutenir la pratique de l’interaction en anglais ;
-
Projets de shadowing (un enseignant d’anglais co-enseigne avec un enseignant disciplinaire) ;
-
Aide à la transformation des supports de cours (relecture et traduction) ;
-
Ressource Moodle (formation à distance) ;
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Évaluation et suivi des formations internationales, des enseignants et des étudiants (Pagèze, 2017).
L’objectif est de mettre les participants en situation d’immersion en anglais, de les amener à prendre le rôle de l’étudiant mais aussi de l’enseignant dans un contexte anglophone, afin d’explorer l’impact de la langue sur la situation d’apprentissage, de confronter leur expérience aux spécificités de leur discipline et de leur enseignement, et de les amener à réfléchir à leur pratique d’enseignant afin de l’adapter (Pagèze, 2017).
On remarque par contre que le programme ne propose pas de prise en charge de la question du français, dont il semble surprenant de ne pas reconnaître sa présence.
3.2 Le projet « Parallel languages »
En France, les promoteurs de l’anglicisation à tous crins déclarent très souvent qu’un apprentissage minimum du français suffira aux étudiants étrangers allophones. En effet, il n’est pas attendu des étudiants étrangers d’apprendre la langue du pays pour réussir leurs études en France et obtenir leur diplôme. La rhétorique à destination des étudiants varie peu :
L’anglais sera effectivement votre principale langue de travail. Sachez tout de même qu’il est fortement conseillé d’avoir quelques bases en langue française afin de mieux communiquer avec votre entourage. Vous serez ainsi mieux intégré(e) et pourrez profiter pleinement de votre séjour en France!
Université Paris-Saclay, s. d.
La maîtrise et la connaissance du français sont ainsi réduites à une portion congrue, envisagée comme un simple outil de communication. Néanmoins, que certaines universités ont mis en place des aides à la formation en français pour leurs étudiants internationaux. À l’Université Paris-Saclay, par exemple, le Dispositif en langues pour un travail en autonomie (DELTA) propose entre autres des fiches rédigées par les enseignants en français langue d’enseignement à partir des difficultés, questions et besoins de leurs élèves (Delta, s. d.).
Au Danemark, la question a été prise en charge différemment. Le fait que les étudiants formés au Danemark ne soient pas fidèles à leur lieu de formation et qu’à l’issue de leurs études ils quittent le pays qui les a formés a amené les politiciens à remettre en question la pertinence et la valeur de l’éducation internationale pour les contribuables danois. Dès 2006, un débat sur la place et les rôles des langues à l’Université de Copenhague a eu lieu, ce qui conduit à une déclaration politique qui promouvait l’idée de « langues parallèles » partant du concept que
[l]e danois continue de jouer un rôle important dans le paysage général de l’enseignement supérieur. Les programmes internationaux sont généralement proposés en même temps qu’un certain nombre de programmes en langue danoise et sont situés dans un environnement où la majorité des étudiants, des enseignants et des administrateurs parlent danois. Cela signifie que les étudiants qui ne parlent pas danois peuvent avoir un accès limité à certaines activités dans le cadre de leur éducation, y compris les comités et divers événements informels qui fournissent souvent le « ciment » de la vie sociale dans la plupart des établissements d’enseignement[9] [traduction libre]
Mortensen & Lønsmann, 2021, p. 2
L’idée sous-tendue est « qu’aucune langue ne devrait “empiéter” sur les autres[10] » [traduction libre] (Hulgren, 2016, p. 158), en l’occurrence et dans le cas qui nous intéresse ici, l’anglais sur le danois[9]. Le Centre for Internationalisation and Parallel Language Use (CIP) présente le concept de « parallel language » de la façon suivante :
L’utilisation parallèle des langues est un concept souvent utilisé à propos de la situation linguistique dans les universités internationales nordiques, mais il peut également inclure l’équilibre entre les langues locales et l’utilisation de l’anglais dans les universités du monde entier[11] [traduction libre]
CIP, s. d.a
Le CIP, qui a vu le jour en 2008, a pour tâche de soutenir la stratégie linguistique parallèle de l’université.
Sa mission est de contribuer à l’optimisation des compétences linguistiques à l’Université de Copenhague et de permettre à l’université de fonctionner sans heurts dans un monde linguistiquement diversifié, internationalisé et globalisé. Cela ne peut être réalisé qu’en adoptant le point de vue du personnel et des étudiants et en élaborant des activités qui les aident à s’y retrouver dans les choix linguistiques, à acquérir la terminologie appropriée et à s’améliorer[12] [traduction libre]
CIP, s. d.b
3.3 De quelques politiques linguistiques universitaires en faveur du plurilinguisme
D’une part, l’anglicisation des systèmes universitaires en Europe se traduit très souvent par la mise à distance de la langue nationale, des deuxièmes grandes langues apprises traditionnellement ou même de la langue anglaise, langue académique comme nous l’avons rapidement évoqué. D’autre part, et comme le montrait le témoignage de l’enseignant néerlandais cité plus haut, beaucoup de « bricolages linguistiques » ont lieu dans les classes sans que cela soit pris en charge institutionnellement puisque peu d’échanges ont lieu quant à la méthodologie de transmission des savoirs et aux pratiques plurilingues en classe. Pourtant, l’anglais, lingua franca à l’université, est toujours immergé dans des environnements caractérisés par la présence de locuteurs plurilingues. Dans les universités internationalisées, ceux-ci possèdent invariablement d’autres ressources linguistiques que l’anglais, et ces ressources sont totalement sous-estimées ou ignorées. En outre, la langue nationale joue un rôle essentiel. Pour la plupart des locuteurs, la première langue est autre que l’anglais, et ils ont généralement une certaine connaissance d’une troisième, quatrième ou cinquième langue, puisque nous considérons que les pratiques linguistiques ne concernent pas seulement les langues parlées, mais aussi les langues comprises, lues, présentes dans les bibliographies langagières de chacun. Pouvoir les exploiter de différentes manières semble plus intéressant que de proposer un « faible » dénominateur commun.
C’est ainsi que, convaincue que le plurilinguisme, sous ses différentes modalités, constitue un objet de questionnement important non seulement pour la dynamique de la science, mais aussi pour la gouvernance d’une université tournée vers la modernité, l’Université de Genève a souhaité se donner les moyens de mettre en place une politique linguistique explicite (Rectorat de l’Université de Genève, 2012). S’intéresser aux pratiques linguistiques telles qu’elles se produisent dans les classes permet d’interroger plus fondamentalement le fonctionnement d’une institution, sa manière d’envisager l’enseignement et la recherche, ses relations internationales, les relations entre les étudiants et leurs enseignants, et entre les étudiants eux-mêmes, étudiants locaux et étudiants étrangers. Une telle politique linguistique d’université, encore peu présente dans les établissements universitaires, requiert trois éléments importants : un discours sur les langues, une stratégie et, bien entendu, des actions et des projets. Laurent Gajo, très impliqué dans le projet de l’Université de Genève, insiste sur la nécessité de s’appuyer sur des leviers institutionnels, parmi lesquels un comité de pilotage en lien avec les structures de la gouvernance, de façon que des textes, des mesures et des objectifs soient produits. Le document de 2012 intitulé 18 mesures pour une politique des langues à l’Université de Genève précise que les mesures prises par l’université visent toutes à « tenir compte des dimensions linguistiques dans la stratégie de positionnement de l’université, et notamment pour le développement d’un profil qui la démarque d’autres institutions [en gras dans le texte] » (Rectorat de l’Université de Genève, 2012, p. 1). La Commission de la politique des langues s’exprime quant à elle dans les termes suivants :
Les langues jouent un rôle important dans le développement de la science et le fonctionnement de l’université. En tant qu’université francophone ouverte sur le plurilinguisme, cette réalité a amené l’Université de Genève (UNIGE) à expliciter sa politique linguistique avec l’adoption de 18 mesures pour une politique des langues
Rectorat de l’Université de Genève, s. d.
Les mesures sont articulées autour de six axes principaux, soit les conditions linguistiques d’admission aux formations, l’enseignement de langues, les langues d’enseignement, les langues des activités de recherche, les langues de fonctionnement administratif et les langues de communication externe. La Maison des Langues de l’université est le centre de réflexion sur les pratiques universitaires comme l’est le Centre des langues à l’Université de Lausanne qui a su prendre en charge institutionnellement la question des langues sur son campus en créant la Commission de politique linguistique. Comme le souligne Brigitte Forster Vosicki,
[f]ace aux nouveaux défis émerge le besoin d’un traitement explicite de la question du plurilinguisme en tant que condition indispensable à la qualité de la formation, de la recherche et de la communication scientifique et institutionnelle
2015, p. 283
Conclusion
Nous avons tenté de montrer ici qu’il existe des tendances contradictoires entre la valeur ajoutée attendue du plurilinguisme, soutenue par les résultats de recherches récentes liées aux objectifs de la politique éducative européenne, notamment ceux de Bologne, et que des processus de décision implicites jouent en faveur de l’anglicisation des universités engagées dans un processus d’internationalisation. Les recours massifs à l’anglais se font, la plupart du temps, sans qu’une politique linguistique explicite ait été réfléchie et mise en place par les instances universitaires. Aujourd’hui encore, en 2024, à l’heure où dans les classements internationaux la France est encore dépassée par des pays anglophones, par l’Allemagne et la Russie, alors que la question de l’anglicisation engage de nombreux domaines, l’imposition de l’anglais dans l’enseignement supérieur n’a fait l’objet d’aucune évaluation qualitative et/ou quantitative officielle ni même de travaux de recherche sur le terrain. Les exemples des universités de Genève et de Lausanne montrent la prise en charge de la question linguistique en articulant la question de la centralité de l’anglais avec celle des langues nationales de même qu’avec celles des étudiants en mobilité, véritable facteur de différenciation entre des universités mises en concurrence. L’internationalisation des études en anglais qui était proposée comme la solution à bien des problèmes (retard de certains pays, problèmes financiers des pays développés pour financer leurs universités, échanges intellectuels renforcés et productifs d’applications économiques fructueuses) n’est aujourd’hui plus aussi unanimement louée et certains pays commencent à réfléchir à d’autres formes d’adaptation à l’internationalisation de l’enseignement supérieur.
Appendices
Notes
-
[1]
Traduit de l’anglais : « Typically, “the process of integrating an international, intercultural, and global dimension into the purpose, functions (teaching, research, service) and delivery of higher education”; a different process than globalization » (Knight, 2006, p. 18).
-
[1]
L’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la Bulgarie, le Danemark, l’Estonie, l’Espagne, la Finlande, la France, la Grèce, la Hongrie, l’Irlande, l’Islande, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, la Norvège, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, le Royaume-Uni, la République tchèque, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie, la Suède et la Suisse.
-
[2]
Cette table ronde était animée par Michel Lussault, professeur de géographie à l’École normale supérieure lettres et sciences humaines, ancien président de l’Université de Tours et vice-président de la Conférence des présidents d’université.
-
[2]
Traduit de l’anglais : « […] the academic fields in the humanities having on average the highest degree of unemployment among the graduate » (Myklebust, 2021).
-
[3]
Traduit de l’anglais : « Ten per cent of master’s study programmes will be shortened. The number of admitted bachelor students is to be cut by eight per cent » (Gaihede, 2023).
-
[3]
Pour une approche critique de ce classement, voir l’article de Billaut et al. (2010).
- [4]
-
[4]
Traduit de l’anglais : « So, to get back to the Bologna Declaration: Nowhere in the Bologna Declaration, nor in its succeeding communiqués, does it say that in order to achieve the goal of a free flow of students and lecturers within the European Education Area we must all offer higher education in English [en italique dans le texte] » (Ljosland, 2005 p. 4).
-
[5]
Traduit de l’anglais : « But internationalisation is a goal of the Bologna Process. And English… I don’t think you can deny that English has won the battle to become the global, communal language (Personal interview 17. June 2005) » (Ljosland, 2005, p. 5).
-
[5]
« Alors que tous nos partenaires européens ont adopté une approche pragmatique permettant la mise en place de cursus en anglais, les établissements français se heurtent à des dispositions législatives qui leur interdisent en principe cette option » (Le Déaut, 2013, p. 67).
-
[6]
Le rapport d’évaluation de l’Université Claude Bernard Lyon 1 (Bittoun & Coulhon, 2022) - une université de près de 50 000 étudiants - montre clairement qu’un lien direct est établi entre le faible nombre d’étudiants étrangers - (520) en 2017 et 2018 - et le nombre de cours relativement faible (42) proposés en anglais » (p. 36) . Geneviève Fioraso, ministre française de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ne déclarait-elle pas le 10 avril 2013 « “Nous sommes ridicules”, nos universités ne proposent “pas assez de cours en anglais” » (Doumayrou, 2014).
-
[7]
C’est ce que soutient Fioraso à propos de sa réforme : « Mon projet de loi n’est ni jacobin ni girondin. Il est pragmatique » (Soulé, 2013).
-
[6]
Traduit de l’anglais : « This creates pedagogically absurd situations » (Grin, 2018, p. 10).
-
[8]
Comme le rappelle Claude Truchot (2005), le terme lingua franca « désigne la langue utilisée pour les échanges dans le bassin méditerranéen de l’époque médiévale jusqu’au XIXe siècle environ » (paragr. 1).
-
[7]
Traduit de l’anglais : « The use of the English language to teach academic subjects (other than English itself) in countries or jurisdictions where the first language of the majority of the population is not English » (Macaro et al., 2018, p. 37).
-
[8]
Traduit de l’anglais : « The undisputed lingua franca of scholarly exchange » (Benett, 2013, p. 172)
-
[9]
Traduit de l’anglais : « Danish continues to play an important role in the general landscape of tertiary education. International programmes are typically offered alongside a number of Danish-language programmes and are situated in an environment with a majority of Danish-speaking students, teachers and administrators. This means that students who do not speak Danish may have limited access to certain activities as part of their education, including committees and various informal events that often provide the ‘glue’ for social life at most educational institutions » (Mortensen & Lønsmann, 2021, p. 2).
-
[10]
Traduit de l’anglais : « […] no language should encroach upon another » (Hulgren, 2016, p. 158).
-
[9]
En 2018, un rapport intitulé More parallel, please! (Gregersen & Östman, 2018) est paru dans lequel 11 recommandations concernant les meilleures pratiques pour l’utilisation des langues locales et internationales au niveau universitaire sont présentées.
-
[11]
Traduit de l’anglais ´« Parallel Language Use is a concept often used about the language situation at Nordic international Universities but it can also include the balance between local languages and the use of English at universities across the world » (CIP, s. d.a).
-
[12]
Traduit de l’anglais ´« Today, CIP’s mission is to contribute to optimizing language skills at UCPH and to enable the university to operate smoothly in a linguistically diverse, internationalised and globalised world. This can only be achieved by CIP taking the perspective of the staff and students and developing activities that help them navigate language choices, acquire appropriate terminology and improve their overall language proficiency » (CIP, s.d.b).
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