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Mise en contexte et introduction

Le présent travail s’inscrit dans le projet de recherche interdisciplinaire et multisectorielle en réadaptation, appelé le Laboratoire vivant de réadaptation[1], qui a été mené par les chercheurs et collaborateurs du Centre de recherche interdisciplinaire en réadaptation du Montréal métropolitain (CRIR) ainsi que leurs partenaires. La mission du CRIR est

d’optimiser la capacité et la performance fonctionnelles, la participation et l’inclusion sociale des personnes ayant une déficience physique par la recherche dans les domaines biomédical et psychosocial de la réadaptation

CRIR, n.d.

Le laboratoire vivant de réadaptation repose sur la méthodologie des laboratoires vivants, décrite brièvement par Kehayia et ses collaborateurs (2014). Ces laboratoires sont une approche de recherche ouverte, effectuée dans une communauté réelle, un écosystème comportant un ou des milieux de vie et diverses parties prenantes, dont les usagers. Cette approche facilite la recherche de solutions innovantes et concertées entre des parties prenantes[2]. Celles-ci incluent les personnes qui utilisent les milieux de vie, ici les personnes qui vivent avec des incapacités, des cliniciens en réadaptation qui leur offrent des services pour regagner une participation optimale, des chercheurs du CRIR dans tous les domaines de réadaptation et dans d’autres domaines connexes ainsi que les partenaires de l’entreprise privée, dont les propriétaires du centre commercial, les propriétaires et les employés des commerces et services du centre commercial partenaire.

Le projet de Laboratoire vivant de réadaptation, une première en réadaptation, a eu parmi divers buts celui d’explorer les principaux obstacles d’ordre physique ou psychosocial à la participation sociale et à l’inclusion des personnes vivant avec une déficience physique, dans l’environnement d’un centre commercial[3]. Il a également eu comme visée de développer et d’évaluer des interventions et des technologies pour optimiser le fonctionnement, la participation et l’inclusion sociale de personnes vivant avec une incapacité dans un environnement réel, hors des murs de la réadaptation habituelle (voir par exemple Alary Gauvreau, Kairy, Mazer, Guindon, & Le Dorze, 2018; Labbé et al., 2018). Il s’est alors agi de rendre le centre commercial partenaire plus accessible aux personnes ayant une incapacité en y effectuant des rénovations fondées sur les faits qui ont émergé des travaux de Poldma et ses collaborateurs (rapportées dans Poldma, Labbé, Kehayia, Swaine, & Herbane, 2018). Ainsi, il est possible de dire, en simplifiant, que les commentaires des personnes ayant des incapacités ont servi à formuler des propositions de nouveaux aménagements, dont certains ont effectivement été réalisés grâce au soutien des chercheurs et des résultats de recherche (Kehayia et al., 2014; Poldma et al., 2018).

La présente étude se rapporte au travail qui a suivi la fin du projet de recherche du laboratoire vivant ayant évalué le processus et les impacts de l’ensemble de la démarche (Ahmed et al., 2017; Kehayia et al., 2014). Les rénovations ayant été faites, le but de l’étude présentée ici est de s’attarder à l’expérience vécue par des personnes ayant des incapacités lors d’explorations du centre commercial afin d’identifier les facteurs de l’environnement qui l’influencent.

Faire des courses est une activité qui fait partie de la vie. Les personnes vivant avec des incapacités font face à plusieurs défis quotidiennement, dont fréquenter des commerces et des centres commerciaux pour effectuer les achats nécessaires à leur vie courante (Eskyté, 2019). Selon l’Enquête sur la participation et les limitations d’activités de 2001 et 2006, le taux d’incapacité au Québec était de 10,4 % (Camirand et al., 2010). Les limitations dans les activités donnant lieu à des restrictions de participation ou à des situations de handicap sont le résultat des interactions entre les caractéristiques physiques, mentales et fonctionnelles propres à un individu et les caractéristiques de l’environnement dans lequel il vit et s’engage (Organisation mondiale de la santé [OMS], 2001; Réseau international sur le Processus de production du handicap [RIPPH], 2019). Ainsi, l’environnement physique et social d’un centre commercial influence l’expérience vécue dans celui-ci (Eskyté, 2019).

Bascha (2018) a exploré l’accessibilité de l’environnement des bâtiments publics puis Bonham (2017) s’est intéressé à l’accessibilité à des habitations pour personnes à faibles revenus et ayant des incapacités. D’autres études se sont spécifiquement intéressées aux différents types d’expériences vécues dans les lieux commerciaux (Gilboa & Vilnai-Yavetz, 2013). Au sein du Laboratoire vivant en réadaptation, les perceptions des facilitateurs et des barrières en ce qui a trait à la fréquentation des centres commerciaux par les personnes ayant des incapacités ont été documentées (Poldma et al., 2014; Swaine et al., 2014), tout comme la participation, l’inclusion et les besoins des personnes ayant une incapacité physique en centre commercial (Kehayia et al., 2014). Goodrich et Ramsey (2012) ont pour leur part étudié l’expérience vécue des personnes ayant une incapacité en lien avec le service reçu dans un lieu commercial. En général, l’ensemble de ces études démontrent que l’inaccessibilité aux édifices constitue le problème principal auquel font face les personnes ayant une incapacité, entraînant des limitations importantes dans leurs activités et diverses autres conséquences négatives. L’idée erronée que l’incapacité est propre à l’individu et qu’elle n’appartient pas à la société n’incite pas cette dernière à apporter des changements dans le but d’améliorer l’accessibilité. En effet, ce sont des facteurs environnementaux, déterminés par la société, qui influencent l’utilisation d’un lieu et modulent l’expérience d’exclusion ou d’inclusion sociale (Eskyté, 2019). Ainsi, un centre commercial rénové s’avère un terrain particulièrement à propos pour étudier les expériences de participation, d’inclusion ou d’exclusion des personnes vivant avec des incapacités.

Dans un projet de recherche effectué antérieurement, l’équipe de Poldma avait accompagné des personnes volontaires ayant différents types d’incapacités dans le centre commercial avant que des rénovations n’y soient effectuées (Poldma et al., 2014; Poldma et al., 2018). Pendant cette visite, les chercheurs avaient recueilli les commentaires des participants et documenté des éléments visuels des lieux, dont certains aspects étaient considérés comme problématiques. Ces informations ont été essentielles pour les discussions qui ont suivi avec les parties prenantes, dont le promoteur du centre commercial, en vue de proposer des changements à apporter à l’environnement pour améliorer, voire transformer l’expérience vécue et la rendre plus positive (Poldma et al., 2018). Comme les rénovations ont tenu compte de plusieurs des expériences vécues des personnes ayant une incapacité, il a semblé nécessaire d’explorer les liens entre l’expérience vécue et l’environnement du centre commercial désormais rénové.

À cette fin, une nouvelle collecte de données a été faite pour saisir en temps réel l’expérience vécue de six participants ayant des incapacités en faisant des parcours commentés avec eux. Les commentaires et les réactions des participants dans le centre commercial ont été notés et de multiples photographies du lieu ont été prises. Ces deux types de données, textuelles et visuelles, ont été analysées avec une approche inductive, de manière à étudier l’expérience vécue des participants. Puis, les facteurs environnementaux répertoriés par la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF) ont servi à documenter certains des aspects saillants de l’expérience des participants.

L’objectif principal de cette étude interdisciplinaire était donc de décrire l’expérience vécue des personnes ayant des incapacités dans un centre commercial rénové à l’aide des facteurs de l’environnement de la CIF, utilisée dans les milieux de réadaptation. Cette classification a peu servi dans le domaine du design même si elle se rapporte à des facteurs environnementaux.

1. La Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF)

La CIF propose un langage uniforme pour décrire et coder des informations relatives à la santé d’un individu, en tenant compte de deux composantes de base en lien avec la santé, soit les fonctions organiques et les structures anatomiques de l’organisme, d’une part, et les activités et la participation, d’autre part (OMS, 2001). Ainsi, il est possible de décrire le fonctionnement humain et les restrictions qu’une personne peut connaître en raison de son état de santé grâce à des nomenclatures de facteurs reflétant les domaines que sont les fonctions organiques, les structures anatomiques, les domaines de la vie en termes de tâches quotidiennes (par exemple, communication, mobilité, vie communautaire, sociale et civique), les facteurs personnels (dont le mode de vie, l’éducation, le mode d’adaptation) et les facteurs environnementaux (OMS, 2001). Pour cette étude, contrairement aux études généralement réalisées auprès de personnes vivant avec des incapacités qui portent sur les caractéristiques des individus et leurs déficiences, nous avons analysé de manière explicite le rôle des facteurs environnementaux dans l’expérience vécue. La démarche de regard sur l’environnement et son rôle s’écarte des regards habituels en réadaptation, focalisés sur les individus. Pour ce faire, les catégories de facteurs proposées par la CIF ont été employées comme outil d’analyse. Les définitions des catégories de facteurs de l’environnement figurent plus loin dans le texte (au Tableau 1 de la section des résultats).

2. Méthodologie

L’approche méthodologique qualitative utilisée comprend une démarche participative de collecte de données et une analyse de type phénoménologique (Abma et al., 2019; Price, 1999). La recherche qualitative se fonde sur une description et une analyse détaillée afin d’obtenir une compréhension d’une situation ou d’un phénomène (Merriam, 1998). L’approche inductive convient pour « […] une description riche et détaillée des événements tels qu’ils ont été vécus et perçus par les personnes impliquées dans la situation » (Chevrier, 2003, p. 74).

Les participants, la collecte des données ainsi que les méthodes d’analyse sont présentés dans les sections suivantes.

2.1 Participants

Parmi les six participants (quatre femmes et deux hommes), qui ont entre 18 et 65 ans, deux ont une incapacité reliée à la vision et quatre ont une incapacité motrice à des degrés différents. Ils ont tous signé un formulaire de consentement qui expliquait la nature de leur participation. Le projet de recherche du laboratoire et les formulaires de consentement ont été approuvés par un comité d’éthique de la recherche.

2.2 Collecte des données

Des visites d’exploration du centre commercial par des membres du Laboratoire vivant et des participants ayant des incapacités ont eu lieu avant et après les rénovations (en 2012 et en 2015), en utilisant une même approche de parcours commentés (Poldma et al., 2014; Poldma et al., 2018). Quatre des participants étaient les mêmes en 2012 et en 2015. L’objectif de l’exploration en 2012 était principalement d’identifier les enjeux concernant l’accès physique et social de différents emplacements et éléments du centre commercial (voir Poldma et al., 2014; Poldma et al., 2018). En 2015, le but était de savoir si l’expérience vécue lors de l’exploration du centre commercial était différente par rapport à celle de 2012 à la suite des changements et rénovations effectués depuis.

Lors des parcours commentés, les participants offraient leurs impressions en temps réel et des chercheurs étaient présents pour les accompagner, prendre des notes, des photographies et pour poser des questions ouvertes; ils ont ainsi écouté, documenté et transcrit les commentaires des participants, de même qu’échangé spontanément avec eux. Les chercheurs visaient à se mettre en harmonie avec les commentaires et réactions des participants. Ils étaient attentifs à ce que vivaient les participants, et tentaient de garder l’esprit ouvert tout en gardant leur sensibilité de personnes qui côtoient souvent, par ailleurs, des personnes qui vivent avec des incapacités. Ainsi ils voulaient pouvoir décrire l’expérience qu’ils avaient partagée avec les participants, en ayant vu les réactions, ressenti avec eux certaines émotions, imaginé et compris ce qu’ils vivaient.

Les trajets étaient décidés sur place; les participants guidaient la visite et les chercheurs s’assuraient qu’elle comporte une visite aux comptoirs de service, aux salles des toilettes et aux espaces de repos. Des parcours ont été faits en petits groupes et d’autres avec un participant seul, comme ces personnes n’étaient pas disponibles pour rejoindre les groupes. Lors des parcours, les personnes se déplaçaient en dyades ou en sous-groupes fluides qui se joignaient à d’autres spontanément sans contrainte ni directive, chacun s’attardant à ce qui l’intéressait et s’exprimant librement quant à ses impressions, ses questionnements, ses découvertes ou encore ses inquiétudes, ses constats, ses jugements, etc. À la fin des visites, des discussions plus générales et spontanées se poursuivaient avec les personnes présentes, chercheurs et participants, autour d’une table, où les chercheurs continuaient de noter un maximum d’éléments. Enfin, après les visites et les discussions, les chercheurs révisaient et complétaient leurs notes. Celles-ci et les photographies des chercheurs ont par la suite été colligées et consignées dans un document de travail afin d’être analysées.

2.3 Analyse des données

Une analyse descriptive phénoménologique a été effectuée à trois niveaux. Cette analyse « vis[ait] à comprendre, en tout ou en partie, le phénomène » (Chevrier, 2003, p. 74). Les étapes décrites plus bas servent à expliquer le processus d’analyse général. Toutefois, celles-ci sont perméables et de nombreux va-et-vient ont eu lieu entre le matériel textuel et photographique, et tous les éléments de l’analyse, dont les facteurs de l’environnement de la CIF. En effet le matériel a été lu et relu à de nombreuses reprises pour vérifier la compréhension et l’interprétation, tout comme pour explorer d’autres interprétations possibles.

À la première étape, le document de travail des notes colligées (qui sont les données textuelles) a été soumis à une lecture herméneutique pour en saisir le contenu et cibler les éléments saillants émergents. Ceux-ci concernent les interactions avec et dans l’environnement et les perceptions de l’accès physique et social lors de l’exploration du centre commercial. Ils ont permis de faire une première description initiale des expériences vécues des participants.

À l’étape suivante, les données textuelles et les données visuelles – les photographies – ont été croisées lorsque possible. Une variation de la procédure d’analyse de contenu visuel de Gillian Rose (« Visual Content Analysis ») a servi pour appuyer les propos des participants et ainsi valider la description initiale des expériences vécues et caractériser les aspects physiques de l’environnement intérieur (Merleau-Ponty, 1945/1958; Rose, 2001). L’analyse visuelle a servi pour examiner les photos et faire ressortir le contenu. Par exemple, une photo d’une personne utilisant la rampe montre que celle-ci est maintenant placée à la sortie du métro et permet d’accéder au centre commercial. Une autre photo montre qu’il n’y a de la place que pour une personne qui monte ou descend. Une personne voulant faire le trajet inverse ne pourrait pas le faire, étant donné la largeur de cette rampe. Par ailleurs, pour documenter ce qui a été effectivement rénové dans l’environnement, les photos de 2012 et les propos des participants de cette époque ont servi à valider précisément les changements physiques et, s’il y a lieu, les changements correspondants dans l’expérience.

Une autre dimension de l’analyse a examiné les caractéristiques du lieu nommées par les participants à la lumière des facteurs environnementaux de la CIF. En considérant lesquels sont des facilitateurs et lesquels sont des obstacles, il a été possible de formuler des thèmes représentatifs de l’expérience.

Enfin, une synthèse a présenté les thèmes qui rendent compte de l’expérience vécue dans un centre commercial, auxquels ont été associés les facteurs de l’environnement. Pour ce faire, l’analyse a été interprétative, étant basée sur la sensibilité des chercheurs qui ont recueilli les données en 2012 (TP) et qui ont visité et analysé le centre commercial à d’autres occasions, autant à titre de chercheurs que de clients. De plus, les chercheurs ont utilisé leur sensibilité à l’égard des personnes ayant des incapacités, ce qui a aussi contribué à leur compréhension élargie et globale de l’expérience vécue dans le centre commercial rénové.

Par ailleurs, à travers les analyses, les chercheurs ont discuté entre eux à toutes les étapes et à plusieurs reprises des résultats émergents. Des comptes rendus des discussions et un journal de bord ont servi pour tenir compte de l’évolution des questionnements et des réflexions et pour pouvoir conserver les traces de l’analyse.

3. Résultats

Après les rénovations, les participants ont été plus précis dans leurs observations et commentaires, ce qui peut s’expliquer par la plus grande accessibilité du centre commercial en 2015, évidente dès l’entrée pour se rendre au point de rendez-vous. Les participants ont été énergiques et ont discuté avec les chercheurs. Ils repéraient plusieurs changements ayant des effets non seulement sur la facilité de l’accès physique, mais aussi sur les comportements et les attitudes des autres personnes.

Les thèmes émergents de cette expérience sont présentés dans cette section et incluent : 1) Avant une visite, se préparer aux caractéristiques du lieu; 2) Entrer aisément dans le centre commercial; 3) Accéder facilement aux emplacements intérieurs du centre commercial; 4) S’y orienter, mais potentiellement avec difficulté; 5) Ressentir un confort ambiant; 6) Ressentir des attitudes d’ouverture et d’intérêt ou d’impatience et d’ignorance; 7) Vouloir davantage de services; 8) Se sentir soutenu; 9) Se sentir à même de participer socialement. Ils sont associés aux facteurs environnementaux de la CIF et considérés comme des facilitateurs ou des obstacles (voir le Tableau 1). Il faut noter que les codes entre parenthèses qui apparaissent dans le texte font référence à la nomenclature de la CIF, retrouvée dans le Tableau 1 (p. ex. : e1500). Les autres thèmes saillants de l’expérience non pris en compte par la CIF sont aussi présentés.

3.1 Avant une visite, se préparer aux caractéristiques du lieu

Le premier thème reflète ce que les participants ont l’habitude de faire lorsqu’ils vont visiter un nouvel environnement. Ils se préparent en s’informant, par Internet surtout, des caractéristiques du lieu, car plusieurs facteurs de l’environnement physique ont une influence majeure sur les décisions prises même avant de se rendre au centre commercial. Par exemple, l’accès de l’extérieur pour y entrer, par les rampes, par les portes, doit être envisagé avant de s’y rendre. À l’intérieur du centre commercial, l’accessibilité aux toilettes, aux fontaines d’eau et à l’ascenseur peut aussi déterminer, à l’avance, le parcours d’une personne, qui connaît préalablement la disposition du centre commercial et les éléments qui le rendent ou non accessible physiquement. Les facteurs pris en compte par les participants apparaissent au chapitre 1 de la CIF. Dans le cas précis du centre commercial rénové et visité, les participants se sont plaints que le site web ne procurait aucune information quant à l’accessibilité au lieu.

3.2 Entrer aisément dans le centre commercial

Les débarcadères, les rampes, les accès de plain-pied, les portes et les poignées qui permettent d’entrer dans le centre commercial ont fait l’objet de discussions. Ils sont identifiés dans la CIF comme des produits et systèmes techniques fabriqués d’utilité publique pour entrer et sortir des bâtiments (e1500) (voir le Tableau 1). Bien que toutes les entrées soient conformes aux règlements du code national, trois entrées sont considérées comme facilement accessibles et les autres le sont moins. Il y a un débarcadère (e1508) à une entrée du centre commercial, ce qui facilite l’accessibilité aux personnes ayant une incapacité. Aussi, deux rampes (e1500) sont installées à des endroits autrefois peu accessibles : une est présente près de l’accès à la station de métro, facile d’usage, sécuritaire et accessible, mais pas tout à fait visible à cause de l’absence de signalisation en arrivant de la station de métro; une autre rampe se trouve près de la porte d’entrée qui se situe à proximité d’un arrêt d’autobus. Elle est donc relativement bien située et plus large, donc plus facile à utiliser.

Le fait que toutes les entrées sont devenues accessibles (e1500) est certes un bénéfice pour les personnes se promenant en fauteuil roulant ou avec une marchette ou une canne, car il y a une alternative aux marches. Toutefois, parce que les portes sont munies d’une poignée qu’il faut tirer pour entrer dans le bâtiment ou pousser pour en sortir, l’accès demeure impossible pour les personnes seules qui utilisent un fauteuil roulant et difficile pour celles qui ont une canne ou une marchette. L’absence de portes automatiques nuit ainsi à la facilité d’entrée au centre commercial. L’une des participantes a d’ailleurs affirmé qu’elle doit attendre ou demander de l’aide pour ouvrir les portes, même après les rénovations et qu’elle se sent comme un « petit chien » qui a besoin d’attendre quelqu’un pour avoir cette aide.

3.3 Accéder facilement aux emplacements intérieurs du centre commercial

Lors des rénovations, les toilettes ont été relocalisées et rénovées (e1501). La toilette, située au sous-sol, est considérée comme accessible et est relativement bien indiquée. Un évier ainsi qu’un séchoir à mains sont aussi accessibles pour les utilisateurs de fauteuil roulant ou électrique. Par contre, le cubicule de la toilette pour ces personnes n’est pas adapté parce qu’il est trop petit; une personne a noté qu’elle rentre mais qu’elle ne peut pas fermer la porte, car il n’y a pas assez d’espace. En effet, cette difficulté enlève toute intimité à l’utilisation des toilettes du centre commercial.

Tableau 1

Facteurs environnementaux de la CIF selon le chapitre et le code, et facilitateurs et obstacles dans le centre commercial y correspondant

Facteurs environnementaux de la CIF selon le chapitre et le code, et facilitateurs et obstacles dans le centre commercial y correspondant

Tableau 1 (continuation)

Facteurs environnementaux de la CIF selon le chapitre et le code, et facilitateurs et obstacles dans le centre commercial y correspondant

Tableau 1 (continuation)

Facteurs environnementaux de la CIF selon le chapitre et le code, et facilitateurs et obstacles dans le centre commercial y correspondant

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Un deuxième et nouvel ascenseur (e1501) a également été installé au centre du bâtiment. Il s’agit d’une amélioration majeure puisqu’il est très visible, donc facile à repérer, ce qui n’était pas le cas du premier ascenseur, qui existe toujours, mais un peu plus loin, hors des lieux principaux de passage. Les dimensions de l’ascenseur sont adéquates – permettant à un grand nombre d’usagers de s’en servir à la fois, dont des familles avec enfants et poussettes, des personnes âgées et des femmes enceintes – ont remarqué les participants avec satisfaction.

À la suite des rénovations, les conditions de circulation intérieure sont meilleures en général, surtout en raison des allées plus larges (e1508) et du fait qu’il est possible de voir l’ensemble du centre commercial.

Un participant trouve qu’au deuxième étage, une zone wi-fi meublée de tables et de chaises (e1501) est très bien située et est plus confortable pour s’asseoir que celle au niveau du sous-sol. Les chaises (e1501) à ce dernier endroit sont jugées trop hautes, inconfortables et apportent moins de stabilité pour les personnes ayant des problèmes de mobilité. De plus, les tables sont trop hautes et ne permettent pas à tous de les utiliser.

Enfin, selon un participant, certaines des fontaines d’eau (e1508) du centre commercial ne sont pas accessibles pour les personnes en fauteuil électrique. Elles ont été positionnées soit trop haut, soit trop bas.

Les rénovations ont donc augmenté l’accessibilité aux emplacements du centre commercial sans toutefois avoir éliminé tous les obstacles, dont certains demeurent des irritants (voir les obstacles énumérés concernant les facteurs du chapitre 1 dans le Tableau 1).

3.4 S’y orienter, mais potentiellement avec difficulté

Pour pouvoir trouver certains commerces ou services à l’intérieur du centre commercial, la signalisation s’avère le moyen de base pour s’orienter. Les gens qui ne le connaissent pas circulent et s’orientent avec les panneaux de signalisation (e1502) et le plan du centre commercial (e1508). Même si la situation d’exploration du lieu que nous avons faite avec les participants ne requérait pas de recherche d’un commerce précis et que les déplacements se faisaient en groupe ou en dyade, les uns s’appuyant sur les autres pour s’orienter, les participants ont tout de même évoqué quelques raisons qui font qu’il est toujours difficile de s’orienter. Par exemple, il a été remarqué qu’il n’y avait pas de signalisation en arrivant du métro au sous-sol pour indiquer l’emplacement de la rampe d’accès.

En outre, il a été souligné que les panneaux de signalisation sont, dans l’ensemble du centre commercial, positionnés trop haut, surtout pour les personnes qui se déplacent en fauteuil roulant ou électrique, ce qui empêche de bien les voir et ce qui nuit à l’accessibilité à des informations essentielles pour l’orientation.

Enfin, le plan du centre commercial s’avère d’une utilité limitée puisque la taille de l’écriture est très petite et que les symboles d’accessibilité aux services ne sont pas indiqués. Un participant a aussi noté que le braille (e1502) est peu utilisé dans le centre commercial, à l’exception de l’ascenseur qui indique les différents étages.

En ce qui concerne la circulation, il reste des endroits, comme les allées maintenant très larges, où les contrastes dans le plancher ne sont pas des repères perceptibles pour certaines personnes (e1502). Par contre, il est possible de pallier à de telles difficultés de circulation en utilisant une canne.

Les trois thèmes abordés précédemment (sections 3.2, 3.3 et 3.4) relèvent tous du chapitre 1 des facteurs environnementaux de la CIF intitulé Produits et systèmes techniques (voir le Tableau 1). Les thèmes suivants relèvent pour leur part d’autres chapitres et font référence à d’autres aspects de l’expérience dont le confort et l’environnement social.

3.5 Ressentir un confort ambiant

Ce thème repose sur des caractéristiques plus diffuses d’un lieu, comme l’éclairage, le niveau de bruit et la foule, traitées dans le chapitre 2 de la CIF (voir le Tableau 1). Ces éléments sont moins saillants, mais tout aussi importants pour le sentiment de confort ressenti. En effet, si pour certains des problèmes de luminosité, de bruit ou de foule peuvent nuire à leur expérience, mais ne les empêchent pas de fréquenter un lieu, d’autres peuvent considérer que ces éléments nuisent suffisamment à leur expérience pour délaisser un lieu et en choisir un autre.

Avant les rénovations, la luminosité était pauvre (e240), avec des zones d’ombre et, surtout, plusieurs zones inégales en qualité de lumière, ce qui nuisait à la bonne visibilité. Les multiples contrastes et le manque de clarté rendaient l’environnement difficile à déchiffrer pour les personnes ayant des incapacités visuelles. Les rénovations ont beaucoup changé cet aspect, mais cela n’a pas été relevé par les participants, peut-être parce que l’éclairage est maintenant adéquat et que cette caractéristique passe inaperçue. En effet, l’analyse de photos (voir des exemples aux Figures 1 et 2) a permis de constater qu’après les rénovations, il y a davantage de clarté et de lumière et moins d’ombre – les corridors sont mieux éclairés –, ce qui augmente le confort et permet, par exemple, à une personne de prendre plus aisément des décisions quant à ses déplacements. Des éblouissements majeurs ont été atténués puis des contrastes visuels ont été insérés dans les planchers afin d’agir comme des repères et de fournir des informations sur le monde environnant, par exemple la présence d’un escalier ou d’une porte (e2401).

Figure 1

L’intérieur avant les rénovations.

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Figure 2

L’intérieur après les rénovations

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Ce changement en lien avec l’éclairage et les contrastes est une amélioration positive et sans doute un facilitateur à l’expérience dans le lieu.

L’achalandage varie selon le moment de la journée. Pendant certaines périodes, la foule en mouvement est importante (e2151), et des personnes ayant une incapacité préfèrent rester à l’écart du centre commercial puisqu’il leur est alors inconfortable de circuler et qu’elles se sentent coincées. Lors des visites cependant, la plupart des participants ont trouvé que le centre commercial n’était pas trop occupé, en général, comparativement à d’autres lieux où ils vont parfois.

Pour terminer, le niveau du bruit (e2500) semble réduit dans l’ensemble des espaces depuis les rénovations. Il serait moins incommodant au deuxième étage, ce qui rendrait les conversations aux tables plus agréables. Cette caractéristique facilite les interactions avec d’autres personnes, ce dont il sera question dans les sections suivantes.

3.6 Ressentir des attitudes d’ouverture et d’intérêt ou d’impatience et d’ignorance

Les participants ont évoqué des attitudes des personnes du centre commercial, employés ou clients, qui ont eu un impact sur leur expérience. Le chapitre 4 de la CIF aborde les attitudes (voir le Tableau 1).

Les attitudes des personnes, autres que celles ayant une incapacité, sont des manifestations observables qui peuvent être positives ou négatives, voire discriminatoires. Lors des parcours, un élément contextuel clé est que les participants forment un groupe ou une dyade avec les chercheurs et se déplacent solidairement et communiquent les uns avec les autres. Ainsi, le fait de participer à cette recherche a placé les participants dans une sorte de « bulle sociale protectrice » qui n’existe pas lorsqu’ils vont dans un centre commercial seuls. Néanmoins, ceux-ci ont remarqué que certains clients (e445) sont impatients quand le fauteuil roulant d’une personne prend beaucoup de place dans les toilettes; de forts soupirs sont perçus. D’autres individus démontrent plus de patience et d’acceptation lorsqu’ils aident les gens à mobilité réduite à entrer dans l’ascenseur ou lorsqu’ils se déplacent à la foire alimentaire pour s’assurer qu’il y a de la place pour eux. Un participant a raconté que : « Certaines personnes sont aidantes, d’autres pas. Certaines personnes sont curieuses et vont vous regarder et vous poser des questions, d’autres personnes, vous savez, elles vont vous laisser faire ce que vous voulez ».

De plus, certains employés (e498) ne semblent pas savoir comment se comporter avec des personnes ayant une incapacité ou semblent inconfortables. Un participant en fauteuil roulant dit que certaines personnes ne semblent pas l’apercevoir ni considérer sa présence, peut-être parce qu’il n’est pas à la même hauteur que celles-ci.

En général, les expériences des participants indiquent un spectre varié d’attitudes envers eux. Les employés qui sont censés leur venir en aide dans le centre commercial ou dans les commerces ne sont pas toujours en mesure d’offrir un service de qualité s’ils ignorent comment communiquer avec une personne vivant avec une incapacité, alors qu’il s’agit d’une attente de base. Les interactions avec d’autres clients sont potentiellement agréables si l’interlocuteur est ouvert et capable d’engager une interaction sans inconfort. De telles expériences positives peuvent faire une différence et soutenir les personnes vivant avec une incapacité dans leur participation sociale. L’inverse toutefois pourrait mener à un évitement du lieu, si la perception est que les gens qui le fréquentent sont peu avenants.

3.7 Vouloir davantage de services

Afin de pouvoir être eux-mêmes à l’aise dans leurs interactions avec les employés et les autres clients – de même que pour être rassurés sur l’accessibilité d’un lieu (voir la section 3.1 ci-dessus) –, les participants ont exprimé le désir d’obtenir des services qui pourraient les aider. Ils aimeraient avoir plus de services de l’extérieur et être accompagnés pour leurs visites de centres commerciaux ou d’autres lieux de la communauté. Ce thème est associé aux services, abordés au chapitre 5 de la CIF (voir le Tableau 1).

Les associations et les services d’entraide (e5550) ont été mentionnés par un participant, qui fait partie d’une organisation à but non lucratif, promouvant l’autonomie, l’indépendance et l’inclusion. Dans le centre commercial en question, il n’y a pas de place prévue pour de telles associations, alors que les participants croient qu’il serait souhaitable pour eux d’être accompagnés par des personnes issues de ces associations pour y faciliter leur expérience de magasinage. Par ailleurs, un participant ayant récemment reçu son congé des services de réadaptation a déploré le fait qu’il n’a pas effectué des pratiques de sorties ni dans le centre commercial ni dans sa communauté. Il croit que cela aurait pu lui permettre de construire son autonomie, car il constate qu’il dépend de ses proches pour effectuer des courses pour ses besoins quotidiens. Les services de santé (e5800), et plus particulièrement les services de réadaptation, devraient mieux préparer les personnes à fréquenter des lieux de leur communauté. Celles-ci pourraient avoir déjà confiance en leurs capacités de fonctionner dans un environnement connu, et avoir développé un sentiment de sécurité nécessaire à la participation sociale.

Ces observations indiquent que des partenariats entre les services de réadaptation et les entités de la communauté, dont les places commerciales, sont à créer pour y effectuer certaines activités de réadaptation ayant des retombées concrètes pour l’autonomie et la participation des personnes vivant avec des incapacités.

3.8 Se sentir soutenu

En général, les participants peuvent vivre des expériences de participation sociale positives dans le centre commercial rénové, mais pour le moment, ce sont surtout leurs proches qui leur offrent le soutien nécessaire.

La famille, les amis et les animaux accompagnateurs peuvent soutenir les personnes ayant des incapacités lorsqu’elles fréquentent le centre commercial. Un des participants a raconté qu’il vient souvent avec sa soeur (e310), tandis qu’un autre a dit venir avec un ami (e320), surtout depuis les rénovations. Un des participants déplore qu’il n’y ait souvent pas d’employé au kiosque d’information pour les aider. Un autre participant a fait valoir un manque de formation des employés du centre commercial pour les aider. En effet, les participants croient qu’une telle formation pourrait donner lieu à de meilleurs services.

Les chiens entraînés (e350) peuvent aider à la mobilité personnelle. Le centre commercial a accepté sans problème qu’ils soient utilisés lors des parcours. Un participant qui a un chien guide, a rapporté qu’il est plus facile de circuler avec l’animal lorsqu’il y a beaucoup de monde.

Les personnes? Les personnes sont difficiles à contrôler. Alors, c’est mieux avec un chien guide, car il peut voir arriver les personnes. C’est plus facile de circuler dans les foules avec un chien, parce que le chien est plus fort et il avance alors c’est plus facile.

3.9 Se sentir à même de participer socialement

De l’analyse des données, il ressort d’autres éléments reliés plus indirectement aux facteurs de l’environnement de la CIF. Il y a parmi eux des commentaires de satisfaction en lien avec les rénovations effectuées, des observations à propos de la diminution des obstacles, de même que des réactions plus émotives.

En arrivant au centre commercial, tous les participants ont témoigné que c’était plus agréable et que l’ambiance était maintenant conviviale. Ils ont eu plus de facilité à entrer grâce à la rampe à la sortie du métro et les obstacles ont semblé moins importants et moins nombreux. Les visites furent globalement positives et agréables.

La question de la sécurité a été abordée et le nouvel environnement du centre commercial a été perçu comme sécuritaire.

Par ailleurs, les participants ont été ravis de mentionner que depuis que les changements ont été apportés, ils peuvent planifier des rencontres qui sont éventuellement agréables, au-delà des achats et des courses à faire, comme le ferait toute personne.

Des participants étaient aussi très contents de voir que leurs opinions émises en 2012 avaient été prises en compte pour orienter les rénovations. Comme l’a fait remarquer l’un des participants : « En général la société ne demande pas, alors personne ne connaît les besoins des personnes ayant une incapacité. L’information doit être “évidente” pour que les personnes réalisent quelque chose. » Ce commentaire laisse penser que le processus de participation à la recherche et les résultats tangibles qu’ils ont pu constater et vivre ont généré des sentiments d’inclusion chez les participants. Le fait que le centre commercial soit dorénavant accessible a changé la vie des participants dont l’un d’eux qui ne le connaissait même pas car il ne pouvait pas le visiter.

Discussion et conclusion

Les résultats présentés ici ne sont pas surprenants pour quiconque s’intéresse aux questions de l’accessibilité des lieux pour les personnes vivant avec des incapacités. En effet, la non-accessibilité des lieux, que ce soit à l’entrée des bâtiments (Basha, 2018; El Hedhli, Chebat, & Sirgy, 2013), pour s’orienter et utiliser la signalisation et prendre des décisions quant à son trajet dans le lieu (Basha, 2018; Dogu & Erkip, 2000), ou pour utiliser les toilettes ou les ascenseurs (Basha, 2018; McClain, 2000), crée des obstacles à la participation. Comme des efforts ont été consentis lors des rénovations pour éliminer les obstacles liés à l’accessibilité physique, les changements sont véritablement perceptibles et réduisent la taille et la quantité des obstacles, résultat qui n’a pas été documenté auparavant à notre connaissance à propos d’une démarche de rénovation. En plus de l’accessibilité physique, le confort ambiant du lieu commercial a pu influencer l’expérience vécue (Afacan, 2012; Gilboa & Vilnai-Yavetz, 2013).

Grâce à l’enthousiasme des participants et à leur volonté de partager leurs expériences, il a été possible de cerner leurs attitudes envers les espaces après les rénovations et leurs besoins, et saisir la façon dont les changements apportés au centre commercial ont affecté positivement leur vie. Les participants sont reconnaissants envers les chercheurs qui ont transmis aux parties prenantes leurs avis. En effet, des changements ont été effectués dans l’écoute des besoins des personnes avec des incapacités diverses (Rubin & Rubin 2005). Les forces de l’étude incluent le partage et l’intimité avec les participants développés pendant les parcours et la diversité des types d’incapacités de ceux-ci. Leur présence dans le centre commercial a fait sens, puisqu’ils se sont sentis appartenir à la communauté du centre commercial et à la communauté des chercheurs ayant influencé les décisions de rénovation, toutes des dimensions reconnues comme des bases à la participation et à l’inclusion sociale (Baker, 2006).

L’approche inductive a permis de documenter des vécus et des réactions de personnes vivant avec des incapacités dans le milieu de vie précis qu’est le centre commercial partenaire du Laboratoire vivant de réadaptation. L’expérience des participants s’articulait autour des actions entreprises pour effectuer une visite, de la préparation à l’entrée dans le centre commercial, à l’accès aux emplacements intérieurs. Les participants ont ressenti du confort dans le centre commercial plus lumineux. La levée de certains obstacles a fait une différence dans l’expérience vécue. Cependant, certains obstacles sont demeurés et ont un impact sur la participation sociale. Plus précisément, s’orienter à l’intérieur de l’édifice reste difficile en raison du manque de signalisation ou des panneaux de signalisation positionnés trop haut. Les attitudes des autres clients et des employés du centre sont variées et parfois négatives. Les participants sont soutenus par leurs proches pour leurs courses, mais ils voudraient davantage de services afin d’être plus indépendants dans la visite de lieux de leur communauté.

Cette étude met en lumière que les conditions physiques et sociales sont importantes à considérer lors de toute analyse de l’utilisation et de l’accessibilité d’un lieu de la perspective des usagers ayant des capacités diverses. L’analyse effectuée dans cette étude pourrait servir pour guider d’autres processus de rénovation de lieux peu accessibles en vue de les rendre plus agréables, accueillants et inclusifs. La liste des facteurs environnementaux de la CIF identifiés dans cette étude est facile à comprendre et à employer pour examiner un lieu et décider des changements à apporter.

Il reste par contre du travail à effectuer pour mieux comprendre les dimensions sociales de l’expérience vécue. En effet, l’environnement social, à savoir les interactions, pourrait être étudié plus en profondeur. Par exemple, l’observation de participants à la recherche d’informations sur un produit ou au moment de faire une transaction et des achats serait un moyen d’obtenir de nouvelles données qui pourraient mener à des formations offertes aux employés dans les services susceptibles d’avoir à interagir avec des personnes ayant des incapacités.

Par ailleurs, il serait intéressant de faire d’autres visites du centre commercial avec des participants ayant d’autres types d’incapacités, par exemple un trouble de l’audition ou un trouble de la communication (aphasie ou dysarthrie). Ces informateurs pourraient apporter un regard plus pointu sur des aspects de l’environnement physique dont il n’a pas été question et approfondir des questions de l’environnement social en lien avec l’interaction.

Pour l’avenir, de nouvelles études post-rénovations plus approfondies pourraient aussi aborder des aspects importants à considérer pour saisir le véritable « état des lieux ». Les réalités des personnes dans des milieux post-rénovations sont peu souvent considérées alors qu’elles sont précieuses pour savoir quels aspects des changements ont un impact réel dans la vie des gens, au-delà des caractéristiques plus fonctionnelles. Davantage de données permettraient de créer des lignes directrices dont pourraient s’inspirer les décideurs lors de l’élaboration de politiques concernant l’accessibilité des lieux et édifices et l’inclusion des personnes ayant des incapacités. C’est d’ailleurs dans cette optique que d’autres études ont été réalisées (Ahmed et al., 2017; Poldma, 2020).

Pour ce qui est de la réadaptation, il est important que les personnes fassent des visites de lieux publics et qu’elles identifient les obstacles ou les facilitateurs. Ainsi, la personne et ses thérapeutes peuvent concevoir un plan d’intervention qui préparera la personne à trouver des moyens pour surmonter les obstacles et vivre des expériences de participation sociale.

Soulignons enfin que les personnes ayant des incapacités souhaitent partager leurs expériences vécues, surtout si elles peuvent aider d’autres personnes et contribuer à des processus d’adaptation des lieux. Le contexte de cette recherche a fourni un cadre favorable à l’écoute et à la prise en compte de leurs besoins et a contribué à construire un lieu plus accessible et accueillant. Cette étude devrait être reprise dans d’autres milieux et avec d’autres personnes ayant des incapacités pour encourager et stimuler une démarche semblable dans le but de construire une société plus inclusive.