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Prestige de la fonction, mondanités, culture du secret, art de la ruse, espionnage… la profession de diplomate n’échappe à guère de fantasmes. Or, le métier s’est adapté à l’évolution du monde et présente de multiples facettes. La figure surannée du diplomate n’a pas disparu, mais s’est estompée. Ainsi, le traité de Versailles (1919) a ouvert la voie à la diplomatie multilatérale et, par voie de conséquence, à un degré de spécialisation et de technicité accru au sein d’une profession exercée bien souvent, jadis, par filiation. Plus récemment, avec l’irruption sur la scène mondiale de nouveaux acteurs (organisations internationales, organisations non gouvernementales, médias, opinions publiques), l’évolution des technologies de l’information et de la communication ou encore la dilution de la distinction entre politique étrangère et politique intérieure, le recours aux diplomates s’avère plus que jamais nécessaire, mais leur rôle exige d’être explicité. En effet, la trame du travail diplomatique s’articule autour de deux valeurs fondamentales : faire prévaloir la justice sur la force et faire respecter la diversité des modèles. Il en résulte que la compréhension de l’autre constitue la quintessence du travail diplomatique.
Objet d’une nouvelle édition, l’ouvrage présente l’originalité d’être écrit avec une plume ayant trempé dans un double encrier : diplomatique et académique, ambassadeur de Belgique et enseignant. Au fil des pages, Delcorde évoque ainsi quelques souvenirs personnels, notamment lorsqu’il mentionne le concours de sa famille pour l’organisation d’une pièce de théâtre ou d’un festival de bandes dessinées. Il n’hésite pas non plus à mettre en perspective les dimensions économiques, culturelles ou environnementales des questions internationales, et à traiter en détail de mondialisation et de diplomatie économique. Il s’attache, surtout, à souligner le caractère protéiforme du métier de diplomate, en particulier l’intérêt pour les relations entre les États et entre les nations, l’attirance pour les autres cultures ou le sens du service de l’État. Il transporte ainsi le lecteur au coeur du travail diplomatique, de la représentation, de la négociation et de la protection des intérêts de son pays à l’étranger.
Véritable introduction au métier de diplomate et tel un dictionnaire, l’ouvrage fait partager la réalité diplomatique en déclinant plus d’une centaine de mots classés par ordre alphabétique. D’« agrément » à « wikileaks », les termes choisis sont l’occasion d’illustrer, grâce à des exemples tirés de la pratique, les grands thèmes des relations internationales. Le propos s’articule autour de trois approches majeures. D’abord, un regard fonctionnel à travers les multiples formes que peut prendre la fonction de diplomate (ambassadeur, attaché militaire, itinérant, porte-parole), ainsi que la mise en avant des impératifs de la mobilité géographique (capitale, épouse, loin, voyager). Vient ensuite le faste de la fonction (inviolabilité, mondanités, plaques diplomatiques, résidence). Enfin, un dernier thème recense les qualités attendues (exploration, langues, négociations, tact) et les difficultés inhérentes au métier (crise, guerre, multilatéralisme, ultimatum). Soulignons qu’aucune femme ne figure parmi les trop rares entrées par noms propres (Kissinger, Marco Polo, Talleyrand, Wallenberg). En revanche, la gent féminine (Borel, Albright, Campana et l’Iranienne Afkhami) et les écrivains (Chateaubriand, Saint-John Perse, Neruda) font l’objet d’une entrée à part entière. L’auteur fait partager une autre source d’admiration en mentionnant ceux qui sauvèrent de nombreux citoyens ou expatriés juifs au cours de la Deuxième Guerre mondiale (deSousa Mendes, Sardari, Nordling) et qui figurent, à juste titre, dans l’entrée « héros ».
Concis, captivant et loin d’être réservé aux seuls aspirants à la carrière diplomatique, l’ouvrage saura séduire un très large public tant le propos est clair et la plume regorge d’humour. Le lecteur est subtilement transporté, au fils des entrées, dans un voyage à travers l’espace (du Quai d’Orsay au Saint-Siège) et le temps (de Marco Polo à wikileaks). Quoique sommaire, la bibliographie n’en est pas moins pertinente. Toutefois, Delcorde n’échappe pas à deux écueils. D’une part, le diplomate n’est plus le personnage symbolique par excellence des relations internationales comme l’avait justement souligné Raymond Aron. À l’instar du soldat qui se révèle inopérant pour répondre à la menace terroriste, aujourd’hui prégnante, l’ambassadeur s’avère peu utile pour négocier avec des nébuleuses transnationales. D’autre part, et au-delà des mots, d’aucuns auraient pu attendre d’un ouvrage écrit dans les coulisses de la sphère diplomatique qu’il lève le voile sur quelques maux de ce haut lieu de pouvoir. Un oeil plus critique aurait permis de ne pas passer sous silence les excès d’une Nomenklatura, les dérives d’un esprit de corps, les documents confidentiels, les bases d’écoutes clandestines et autres secrets inavouables que toute administration s’emploie toujours à taire pour mieux entretenir sa propre gloire.