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La participation du Canada à l’intervention militaire contre le groupe armé État islamique illustre la netteté du choix qui s’offre aux Canadiens en matière de politique étrangère (pe). D’un côté, l’internationalisme[1] libéral, qui domine la culture stratégique canadienne depuis la Seconde Guerre mondiale, est porté par Thomas Mulcair et Justin Trudeau. En face d’eux, Stephen Harper se fait le héraut d’une nouvelle conception du Canada et de son rôle dans le monde : le néoconservatisme. Or, les termes de ce choix ne sont pas également connus : si l’internationalisme fait l’objet d’analyses systématiques depuis longtemps, le néoconservatisme demeure mal compris du fait de sa nouveauté relative. Certes, depuis quelques années, des analystes de politique étrangère canadienne (pec) cherchent à expliquer les discours et les actions de Stephen Harper par l’étude de son idéologie néoconservatrice (Boerger 2007 ; Boily 2007, 2009 ; Massie et Roussel 2013 ; Dorion-Soulié et Roussel 2014 ; Lagassé, Massie et Roussel 2014). Ces travaux prennent tous comme point de départ le constat d’une rupture (Morin et Roussel 2014) : depuis l’arrivée de Harper au pouvoir, on assiste à l’émergence d’une nouvelle culture stratégique issue d’une idéologie néoconservatrice. Mais, jusqu’à présent, le terme lui-même (« l’étiquette » néoconservatrice) n’a pas été conceptualisé de manière satisfaisante, et trop peu de travaux ont cherché à vérifier l’hypothèse de la rupture néoconservatrice. Ce numéro spécial propose de remédier à ces deux insuffisances de la littérature.
L’étude de cette rupture supposée implique une série de prémisses. D’abord, que le premier ministre possède le pouvoir de modifier les grandes orientations de la politique étrangère canadienne. Selon Morin et Roussel, « le premier ministre ayant un rôle prépondérant en politique étrangère, ses préférences sont susceptibles de peser lourd dans les orientations du gouvernement » (2014 : 5). Ensuite, que l’idéologie du premier ministre constitue la source de son comportement en politique étrangère. À cet égard, les analystes de pec ont tout intérêt à s’allier aux spécialistes de théorie politique qui placent l’étude de l’idéologie au coeur de leur mission :
Si une des tâches principales de la politique, notamment dans le domaine des politiques publiques, est de concevoir des stratégies ou des tactiques en vue de parvenir à des fins qui relèvent de l’intérêt public de la communauté, l’apport de la théorie politique – en tant que champ de réflexion sur les fins, les principes, les valeurs et les objectifs qui doivent orienter nos institutions politiques, nos lois et nos politiques – à cette activité paraît indéniable.
Saurette, Gunster et Trevenen 2009 : 13
Si, en général, l’étude de l’idéologie permet d’atteindre une meilleure compréhension de la réalité politique, cela est d’autant plus vrai dans le cas du mouvement conservateur canadien, qui est ouvertement et explicitement idéologique, voire « idéaliste », dans son projet politique (Saurette, Gunster et Trevenen 2009 : 27-32). Les travaux sur la « rupture néoconservatrice » en pec semblent répondre à cet appel. Massie et Roussel, par exemple, traitent l’idéologie néoconservatrice comme l’un des éléments constitutifs d’une culture stratégique en émergence, le « néocontinentalisme », la culture stratégique étant conçue comme « un système d’idées et de pratiques distinctives, dominantes et persistantes quant à la sécurité internationale (au sens large) entretenues par une communauté socio-politique » (2013 : 38). Ce faisant, ils suivent aussi un enseignement trop souvent oublié de Raymond Aron : « La tâche de l’étude empirique des relations internationales consiste précisément à déterminer la perception historique qui commande les conduites des acteurs collectifs, les décisions des chefs de ces acteurs » (Aron 1967 : 847). À titre d’exemple, Aron mentionne le marxisme-léninisme de l’urss et « l’obsession de l’espace » du Japon impérial et de l’Allemagne nazie. Ces « perceptions historiques », pour ne pas dire ces idéologies, ne déterminent pas les décisions quotidiennes en politique étrangère, mais elles structurent « la pensée et la vision du monde » des décideurs (Aron 1967 : 848). Cette tâche, loin d’être anodine, consiste à accoler des étiquettes aux grandes orientations de pe d’un État donné et à les définir. Comme le souligne Steven Hurst, la définition associée à une étiquette est primordiale pour la compréhension de la réalité politique.
[Les étiquettes] façonnent notre compréhension de ce qu’elles décrivent. Elles sont des raccourcis par lesquels nous identifions le contenu de l’objet auquel elles s’appliquent en nous renvoyant non pas au contenu réel de l’objet, mais à un ensemble de présupposés/significations qui nous sont déjà familiers. L’utilité d’une étiquette, en somme, est qu’elle rend inutile l’examen du contenu. Si la mauvaise étiquette est accolée, donc, les risques que nous ne comprenions pas ce à quoi nous avons affaire sont très élevés.
Hurst 2005 : 76
Le premier objectif de ce numéro spécial est de répondre à cet impératif conceptuel : si l’on veut parler de rupture en politique étrangère canadienne, il faut savoir ce qu’on entend par « néoconservatisme ». Le terme a d’abord été utilisé pour décrire un courant de pensée américain né dans les années 1960 et souvent considéré comme responsable de l’invasion de l’Irak en 2003. Il est depuis peu repris dans la littérature sur la pec. Notre introduction commencera donc par un tour d’horizon des définitions qui en ont été données à ce jour. La plus grande partie de cette revue de littérature sera réservée au néoconservatisme américain, car c’est à partir des études qui lui sont consacrées que s’est développée la réflexion sur le néoconservatisme canadien, qui fait l’objet de la seconde partie de l’introduction. Les définitions « canoniques » du néoconservatisme américain conditionnent les réflexes des analystes canadiens quand vient le temps de définir cette étiquette, et les sources employées par les analystes de pec et par les analystes de politique étrangère américaine (pea) sont souvent les mêmes. Plus encore, certains auteurs (voir Dorion-Soulié et Sanschagrin dans ce numéro) ont tenté de définir le néoconservatisme canadien comme un produit importé des États-Unis. Pour toutes ces raisons, ce numéro spécial doit commencer par une étude substantielle du néoconservatisme américain. Au terme de cette revue de littérature, il sera possible de proposer une « définition de travail » du néoconservatisme canadien qui servira de base conceptuelle pour des études de cas. Cela impliquera une prise de position par rapport à la littérature existante ainsi qu’une synthèse des contributions « conceptuelles » à ce numéro d’Études internationales.
Le second objectif de ce numéro spécial est de vérifier l’hypothèse d’une « rupture néoconservatrice », c’est-à-dire de la « fin de l’internationalisme » ou, à tout le moins, de « l’émergence d’une nouvelle idée dominante » en pec. En ce sens, ce numéro s’inscrit dans une continuité analytique avec celui de Canadian Foreign Policy Journal / La politique étrangère canadienne dirigé par David Morin et Stéphane Roussel (2014), intitulé « Un monde finit, un autre commence ? La politique étrangère de Stephen Harper (2006-2013) ». Le travail conceptuel qui découle du premier objectif, et dont cette introduction se veut un élément, sera ainsi mis à l’épreuve des faits.
I – Le néoconservatisme américain
À la suite des interventions américaines en Afghanistan et en Irak, nombre d’analystes ont expliqué les décisions de l’administration Bush par l’influence d’une « perception historique » néoconservatrice qui structurerait la vision du monde des décideurs américains. Or, un contentieux persiste sur la définition de cette étiquette.
On peut distinguer deux grands types de définitions du terme « néoconservateur », que nous nommerons « canoniques » et « culturelles ». Les définitions canoniques sont ainsi nommées car elles sont les plus largement acceptées. Elles placent une conception agressive de l’usage de la puissance militaire américaine au coeur du néoconservatisme, ajoutant chacune à sa manière que les néoconservateurs sont aussi des moralistes. Dans cette acception, le néoconservatisme est, du moins depuis les années 1990, exclusivement préoccupé de politique étrangère. Les ouvrages de Halper et Clarke (2004), Dorrien (2004), Mann (2004) et Reus-Smit (2004) documentent cette définition, que Frachon et Vernet (2004) ont popularisée en français[2]. Les définitions culturelles, sans nier qu’agressivité et moralisme caractérisent le projet néoconservateur, dépassent ces explications en montrant que le néoconservatisme se distingue des autres écoles de pensée en pea par le lien que ses tenants établissent entre le comportement extérieur des États-Unis et la santé morale de la société américaine. Autrement dit, le néoconservatisme est défini comme un impérialisme dont l’objectif serait de remédier à la « décadence » de la société américaine. Les principaux travaux qui défendent ce point de vue sont ceux de Norton (2004), Williams (2005), Fukuyama (2006), Vaïsse (2008) et Drolet (2011).
A — Les définitions « canoniques » du néoconservatisme
Dans Rise of the Vulcans, Mann définit les « Vulcains » comme des proches de George W. Bush qui croient que les États-Unis doivent « augmenter leur puissance militaire, regagner le soutien de la population pour les forces armées et promouvoir les idéaux démocratiques pour confronter et, lorsque c’est possible, écraser leurs adversaires » (Mann 2004 : xiii). Le seul Vulcain que Mann désigne comme un néoconservateur est Paul Wolfowitz, qu’il décrit comme « émergeant du mouvement néoconservateur » (Mann 2004 : 234). « Élève » d’Allan Bloom, puis de Leo Strauss, Wolfowitz en aurait tiré une opposition au relativisme philosophique et un anticommunisme sans réserve (Mann 2004 : 22-27). Devenu plus tard l’élève d’Albert Wohlstetter, Wolfowitz se tourne vers les questions de stratégie nucléaire, intérêt qui le mènera à travailler pour le sénateur Henry « Scoop » Jackson (avec Richard Perle), contre la politique étrangère « amorale » d’Henry Kissinger (Mann 2004 : 31-36). Au militarisme des Vulcains Wolfowitz ajoute donc une dose de moralisme : c’est ce qui ferait de lui un néoconservateur. Selon Mann, la doctrine Bush est une synthèse des principes « réalistes » et « néoconservateurs », ces derniers représentant une forme d’idéalisme démocratique (Mann 2004 : 329, 352). Mann marque donc une distinction entre les Vulcains et leur aile néoconservatrice, celle-ci plaçant la promotion de la démocratie au coeur de la pea. Mais il conclut son analyse par ce constat : « Les motifs sous-jacents [de Wolfowitz] demeurent une énigme. […] Wolfowitz soutenait-il la puissance militaire américaine en tant qu’outil servant l’objectif plus large de promouvoir les idéaux américains ? Ou était-ce le contraire ? » En dernière analyse, Mann écrit que les considérations morales-démocratiques sont venues tardivement chez Wolfowitz, bien après des considérations stratégiques-pragmatiques (Mann 2004 : 368).
Frachon et Vernet, qui citent Mann, insistent davantage sur l’idéalisme néoconservateur :
Ils ont confiance dans « l’exceptionnalisme américain » ; tous pensent que l’Amérique a une mission à accomplir, qu’elle est porteuse de valeurs universelles adaptées aux aspirations et aux besoins des peuples ; tous sont convaincus que la promotion de la démocratie, fût-ce à la pointe des baïonnettes, est dans l’intérêt des États-Unis et de leur sécurité.
2004 : 9
Irving et William Kristol, Robert Kagan, Paul Wolfowitz et Richard Perle sont les principaux néoconservateurs cités. On retrouve encore l’influence de Strauss et Wohlstetter (Frachon et Vernet 2004 : 9), bien que Frachon et Vernet nuancent le caractère straussien des néoconservateurs et affirment que Strauss aurait été radicalement opposé à « l’optimisme teinté de messianisme qu’ils se proposent de déployer pour apporter au monde la démocratie et les droits de l’homme » (Ibid. : 77). Mais Strauss demeure à tout le moins une référence qui permet de souligner que c’est en opposition au relativisme et à l’égalitarisme extrême de la New Left qu’est né le néoconservatisme (Ibid. : 49, 55-57). De Wolhstetter, Wolfowitz et Perle retiendront « la méfiance envers la détente Est-Ouest, le contrôle des armements et les institutions internationales », de même qu’un profond anticommunisme[3] (Ibid. : 101-102) et « la confiance dans les armes intelligentes permettant d’affirmer la suprématie militaire des États-Unis » (Ibid. : 9).
Pour leur part, Halper et Clarke décrivent le néoconservatisme comme pessimiste quant à la nature humaine et à la possibilité de la paix entre les nations. Le monde des néoconservateurs serait ainsi un état de nature hobbesien où la compétition militaire perpétuelle pour la suprématie est la norme. Leur idéalisme démocratique serait donc plus rhétorique que sincère (2004 : 12). Ce pessimisme s’exprime aussi dans leur vision de la société américaine. Selon Halper et Clarke (2004 : 65 et 178), le constat de décadence qui fonde le mouvement néoconservateur (leur opposition à « l’assaut de Woodstock » et au « multiculturalisme laxiste ») est une autre forme du pessimisme qui leur a été inculqué par Strauss[4]. Contrairement à la génération d’Irving Kristol, les néoconservateurs contemporains sont avant tout préoccupés par la politique étrangère. Ils se distinguent par leur « croyance, dérivée d’une conviction religieuse, que la condition humaine se définit par un choix entre le bien et le mal » et la croyance que le bien doit combattre le mal ; par l’affirmation que « le déterminant fondamental des relations entre États repose sur la puissance militaire et la volonté de l’utiliser » ; enfin, par une préoccupation pour le Moyen-Orient et « l’Islam global », « théâtre principal de l’intérêt international américain » (Ibid. : 11). Cette deuxième génération de néoconservateurs aurait émergé des débats de pe au cours des années 1990 pour s’incarner dans l’énoncé des principes fondateurs du Project for a New American Century (pnac) (Ibid. : 99).
Le néoconservatisme contemporain serait dénué de réflexion métaphysique et se réduirait à quatre positions doctrinaires : « Il faut soutenir les alliés démocratiques et défier les scélérats qui remettent en cause les valeurs américaines ; les États-Unis sont entièrement responsables de l’ordre global ; il faut promouvoir la liberté économique et politique partout ; il faut augmenter le budget de la défense » (Halper et Clarke 2004 : 101).
Selon Gary Dorrien (2004), le néoconservatisme serait plutôt né, dans les années 1960, en réaction à l’abandon, par les libéraux du « centre vital »[5] comme Reinhold Niebuhr, d’une posture anticommuniste interventionniste.
De nombreux « guerriers froids » de la vieille école furent choqués par cet abandon libéral de la lutte anticommuniste et par la montée d’une jeunesse contre-culturelle ; ils ont finalement accepté de s’appeler les néoconservateurs.
Dorrien 2004 : 22
Les néoconservateurs sont d’abord les promoteurs de la « Grandeur des États-Unis » (Dorrien 2004 : 3), de leur « leadership mondial » (Ibid. : 32). L’opposition néoconservatrice à l’interventionnisme de Bill Clinton permet d’élaborer cette définition. En effet, il ne s’agit pas uniquement d’intervenir militairement de par le monde pour prendre la posture du « leader » mondial :
L’Amérique avait besoin d’un leader fort, qui se respecte et qui vaincrait les menaces à la sécurité américaine, sans s’excuser de promouvoir les intérêts américains, et proclamerait que ce qui est bon pour l’Amérique est bon pour le monde. Les néocons voulaient un président qui croyait que l’intérêt personnel patriotique était la meilleure raison de combattre et que les États-Unis avaient des intérêts vitaux partout dans le monde.
Ibid. : 71
Le néoconservatisme tel que le définit Dorrien est ainsi tout entier tourné vers l’extérieur et préoccupé presque exclusivement par la puissance militaire.
Enfin, Reus-Smit « se concentre sur les idées néoconservatrices quant à la puissance et à l’hégémonie américaine qui fondent la politique étrangère et de défense de l’administration du président George W. Bush. Selon ces idées, la prépondérance matérielle et les valeurs universelles des États-Unis donnent à Washington les moyens et le droit de refaçonner le monde » (Reus-Smit 2004 : 3). Reus-Smit ajoute que le néoconservatisme est en fait un « idéalisme de la prépondérance » (13), caractérisé par « une croyance quasi religieuse en l’universalité des valeurs et priorités américaines » (14). Il affirme que le discours néoconservateur ayant mené à la doctrine Bush serait né dans les années 1990, formant un « curieux amalgame idéologique » avec les idées de « l’unipolarité, de la théorie de la paix démocratique, de la fin de l’Histoire et du choc des civilisations, entre autres » (14). Cette nouvelle idéologie de la puissance aurait trouvé sa première expression dans l’énoncé de principes du pnac, qui appelait à augmenter la puissance militaire, promouvoir les principes américains de par le monde et accepter les responsabilités globales américaines (30).
En somme, les définitions canoniques font du néoconservatisme une obsession de la puissance doublée d’un moralisme, instrumental pour certains auteurs, sincère selon d’autres.
B – Les définitions « culturelles » du néoconservatisme
Dans la plupart des cas, les définitions canoniques établissent un lien (éminemment discutable[6]) entre Leo Strauss et l’invasion de l’Irak de 2003, par l’entremise de Paul Wolfowitz. L’influence de Strauss sur le néoconservatisme est souvent tenue pour acquise dans ces définitions, mais elle demeure sous-examinée : Halper et Clarke parlent ainsi d’une influence « impalpable mais omniprésente » (2004 : 50). À cet égard, les définitions canoniques du néoconservatisme souffrent d’une lecture plus qu’approximative de Strauss. Certaines définitions culturelles présentent des tentatives de remédier à cette carence.
Anne Norton offre un exemple saisissant de la confusion qui règne sur le lien entre Strauss et le néoconservatisme. Son ouvrage, parfois cité comme prouvant que Strauss est responsable de la guerre d’Irak (George 2005), vise en fait à séparer Strauss des « straussiens » (rapprochant ces derniers des néoconservateurs), qui seraient en quelque sorte de mauvais disciples (Norton 2004 : 6-7 ; Zuckert et Zuckert 2006 : 22-23). Norton établit un lien entre l’impérialisme néoconservateur et son projet culturel intérieur. Outre la promotion d’un capitalisme d’État que Norton cherche à rapprocher implicitement du fascisme, le projet néoconservateur est caractérisé comme suit :
Les néoconservateurs rejettent la vulgarité de la culture de masse. Ils déplorent la décadence des artistes et des intellectuels. Bien qu’ils ne soient pas eux-mêmes religieux, ils s’allient à la religion et aux croisades religieuses. Ils encouragent les valeurs familiales et exaltent les formes plus anciennes de la famille, alors que les femmes s’occupaient des enfants, de la cuisine et de l’église, tandis que les hommes prenaient en charge les tâches viriles. Ils voient dans la guerre et la préparation pour la guerre la restauration des vertus privées et de l’esprit public. […] Plus que tout, écrit Irving Kristol, le néoconservatisme est un appel au patriotisme, à la puissance militaire et à une politique étrangère expansive.
Norton 2004 : 178-179[7]
Norton cherche à comprendre le mouvement en revenant aux écrits d’Irving Kristol ; c’est là un trait commun des définitions culturelles. Pour la même raison, les définitions culturelles voient plus facilement un lien intellectuel fort entre Irving Kristol et son fils William. Pour William Kristol (et Robert Kagan), écrit Norton (2004 : 189), la vertu de la guerre ne réside pas dans le fait qu’elle assure une plus grande sécurité nationale, mais dans le fait qu’elle crée des citoyens plus robustes et vertueux.
En s’appuyant sur une lecture exhaustive des textes des néoconservateurs de la première génération et de la période contemporaine ainsi que sur des références étoffées à l’oeuvre de Strauss, Drolet en vient à parler du néoconservatisme comme d’un constat de « crise culturelle » : « Ils avancent que la montée de la contre-culture a émasculé les qualités de leaders des élites, engendré le nihilisme et subverti l’unité de la volonté générale » (Drolet 2011 : 10). C’est pour répondre à cette crise qu’ils s’appuieraient sur une « critique de la civilisation moderne » (kulturkritik) élaborée par Carl Schmitt, présenté ici comme le « mentor » de Strauss. C’est donc à travers l’influence de Strauss que les néoconservateurs, des années 1960 à nos jours, auraient développé un projet politique que Drolet résume à trois dimensions : capitalisme (opposition au keynésianisme et au « libéralisme intégré »), nationalisme (promotion d’une identité nationale homogène) et impérialisme (consolidation de la suprématie globale américaine à tous les niveaux) (Ibid. : 16). Pour Drolet, le néoconservatisme cherche à établir l’unité du « peuple » et des élites politiques afin d’empêcher les questions « d’exclusion socioéconomique et de pluralité des intérêts » d’affaiblir l’État (Ibid. : 204). Le néoconservatisme aurait besoin d’un certain niveau de conflit international, car le « micromilitarisme théâtral[8] » est l’outil essentiel de cette unité entre peuple et élites, d’où l’impérialisme exacerbé que l’on associe à la doctrine Bush (Ibid. : 204-205). Ainsi, le sens de la relation entre puissance et moralisme, établie par les définitions matérielles, est révélé par cette définition culturelle comme découlant du projet intérieur du néoconservatisme.
Comme le montre l’ouvrage de Drolet, les approches critiques fournissent un très bon point de départ pour comprendre le néoconservatisme. Par une approche féministe et postcolonialiste, Emma Villard, par exemple, explique que la politique étrangère néoconservatrice des années 2000 peut être conçue comme une tentative de « re-viriliser » les États-Unis après la « crise de la masculinité » de l’ère Clinton. L’empire est ainsi « l’affirmation d’un ego viril » et il participe d’un discours de pe qui vise d’abord des objectifs intérieurs : « Les néoconservateurs sont avant tout les artisans d’un discours sur eux-mêmes, sur les États-Unis » (Villard 2012 : 27).
Dans son ouvrage phare, Justin Vaïsse (2008 : 281) minimise l’influence de Strauss sur le néoconservatisme et souligne l’influence d’Albert Wohlstetter. Cependant, il rejoint Drolet quant à l’unité forte entre les différents « âges » du mouvement néoconservateur : du constat de décadence d’Irving Kristol au cours du premier âge, on aboutit à l’impérialisme militariste de son fils William dans le troisième âge. Selon Vaïsse, cela se fait au nom de la défense du libéralisme américain.
Le néoconservatisme est, à sa racine, l’expression d’un patriotisme, voire d’un nationalisme. Le néoconservatisme du premier âge est, dans son essence même, une réaction contre la perception d’un déraillement du libéralisme et de toute l’expérience américaine au cours des années 1960, contre la remise en cause d’une société et d’un système par ses enfants, contre le dénigrement systématique de l’Amérique qui accompagne la contestation de la Nouvelle Gauche.
288
Le deuxième âge du néoconservatisme est celui de l’opposition à la Détente et de la défense des droits de l’homme et de la liberté dans la politique étrangère ; il fait place au troisième âge, au sortir de la guerre froide, qui
étend la défense de la démocratie à l’américaine jusqu’à sa promotion volontariste, et si besoin par les armes, dans un contexte international plus malléable, où l’Amérique domine comme jamais. Il exalte la grandeur nationale et fait du « pouvoir transformateur de la liberté » (George W. Bush) le principe d’action des États-Unis dans le monde – et attend des croisades à l’étranger le renforcement, à l’intérieur, des vertus citoyennes.
Vaïsse 2008 : 288 (italiques ajoutés)
Vaïsse en vient donc à une définition très semblable à celle de Drolet, bien qu’il place moins l’accent sur le capitalisme et davantage sur le nationalisme et l’impérialisme comme remèdes à la décadence.
Soucieuse de comprendre les « motifs » du néoconservatisme contemporain, Homolar-Riechmann souligne elle aussi la continuité du mouvement néoconservateur : « Il existe un lien clair qui unit la préoccupation pour la politique intérieure des premières expressions du néoconservatisme à l’orientation internationaliste libérale de ses expressions contemporaines : un désir de promouvoir des politiques d’État fermement basées dans la conception néoconservatrice originelle de la moralité » (2009 : 181), qui exalte les vertus du « sacrifice de soi patriotique, de la charité, du courage, de la modération et de la frugalité », vertus décrites par les premiers néoconservateurs comme « républicaines, bourgeoises ou civiques » (Ibid. : 182). Les néoconservateurs militeront donc pour une pe « morale » en partie pour faire reconnaître aux Américains que leur pays a des « fondements suprêmement moraux » (184). Le militarisme néoconservateur est ici conçu comme servant à « envoyer des signaux », non seulement vers l’extérieur (dans le but d’assurer la stabilité du système international), mais aussi vers l’intérieur, avec pour objectif de « renforcer la confiance en soi du peuple américain et ainsi contribuer à l’unité et à la stabilité de l’ordre social » (187).
Michael Williams, lui, explique que la politique étrangère des néoconservateurs est fonction de leur désir de « re-moraliser » la population américaine, jugée décadente depuis les assauts de la contre-culture dans les années 1960 : il s’agirait de promouvoir les principes américains dans le monde pour les faire revivre chez les Américains (Williams 2005 : 308). Pour combattre la décadence, Irving Kristol voulait proposer à la population une « idéologie », entendue comme un projet « mélioriste », c’est-à-dire orienté vers l’avenir, optimiste. De là découle le nationalisme néoconservateur :
Une affection patriotique pour la communauté ne suffirait pas. Il faudrait un engagement envers des idéaux, envers la signification de la nation dans son sens héroïque, capable de mener les individus à des actions vertueuses […]. Pour citer Irving Kristol une fois de plus – « Le néoconservatisme n’est pas simplement patriotique – cela va sans dire – mais aussi nationaliste. Le patriotisme découle d’un amour pour le passé de la nation, le nationalisme découle d’un espoir dans la grandeur future et distinctive de la nation ».
Williams 2005 : 317
Théoricien des relations internationales, Williams ajoute un autre élément à la définition culturelle du néoconservatisme :
Pour le néoconservatisme, l’intérêt national n’est pas qu’un concept analytique, pas plus qu’il ne peut être réduit à un impératif stratégique matériel. Il s’agit plutôt d’un symbole et d’un baromètre de la santé d’un ordre politique ; et en particulier un signe de la décadence ou de la vitalité et de la vertu d’une société. À cet égard, l’incapacité de formuler une vision convaincante de l’intérêt national est un signe de dégénérescence.
310
Bref, une politique étrangère néoconservatrice sera déterminée en grande partie par un projet politique intérieur de revitalisation morale-culturelle.
Cette définition du néoconservatisme est par ailleurs défendue par un ancien néoconservateur devenu critique de ses anciens camarades, Francis Fukuyama. Selon Fukuyama, la pe élaborée dans les années 1990 par les néoconservateurs comme David Brooks, Robert Kagan et William Kristol reflétait avant tout un projet de restauration de la « grandeur nationale » pour remédier à l’atomisation (c’est-à-dire le fait que les Américains se détournent de la vie publique au profit de leurs activités privées) de la société américaine.
La grandeur nationale se manifeste inévitablement dans la politique étrangère, car celle-ci est toujours une affaire publique et elle implique des questions de vie ou de mort. […] Ils ont donc élaboré une politique étrangère à partir d’une vision très abstraite de la politique intérieure – selon laquelle l’Amérique avait besoin d’un projet national pour détourner son attention de sujets comme le boom boursier et Monica Lewinsky – plutôt que de faire dériver la politique étrangère de la nature du monde extérieur.
Fukuyama 2006 : 42-43
Les définitions culturelles fournissent donc un degré de compréhension supérieur aux définitions canoniques sans tenter de les supplanter. Elles acceptent de définir le néoconservatisme comme une obsession de la puissance, mais elles montrent que cette obsession a un sens : elle a pour objectif l’accomplissement d’un projet de politique intérieure né d’un constat de décadence culturelle.
II — Le néoconservatisme dans la littérature sur la politique étrangère canadienne
Plusieurs auteurs traitent de la politique étrangère canadienne sous Stephen Harper en l’abordant comme une expression du néoconservatisme américain, et la majorité de leurs travaux adoptent une définition « canonique ». Dès 2004, la journaliste Marci McDonald utilise le terme pour décrire la pensée des membres de « l’école de Calgary », décrits comme les « cerveaux derrière Harper ». Selon McDonald, le néoconservatisme canadien serait un mélange de libertarianisme (qu’elle associe à la politique fiscale de Ronald Reagan) et de philosophie straussienne, qu’elle réduit au noble mensonge et à la tyrannie des philosophes en s’appuyant sur les travaux de Shadia Drury (McDonald 2004). Cette définition, qui se fonde avant tout sur des ouï-dire et des anecdotes biographiques, sera reprise par Lawrence Martin dans Harperland (Martin 2010 : 123-124). Chez McDonald et Martin, il s’agit en grande partie de montrer que le néoconservatisme de Harper est « étranger » au Canada. Cette définition est proposée par Leuprecht (2003 : 409-410) : le néoconservatisme canadien serait une copie du néoconservatisme américain, lui-même une « version diluée du libéralisme classique saupoudrée de moralisme ». S’il trouve pied dans l’Ouest canadien, c’est en raison des vagues d’immigrants de l’Ouest américain qui ont peuplé cette région.
La première tentative de définition rigoureuse du néoconservatisme en politique étrangère canadienne date de 2007[9], dans des textes de Frédéric Boily et d’Anne Boerger. Boily avance que, s’il existe bel et bien une « école » de Calgary au sens où ses membres partagent une conception de l’histoire canadienne et un projet politique communs (Boily 2007 : 34), l’influence de cette école sur Stephen Harper doit être nuancée (Ibid. : 39). Boily définit le néoconservatisme comme une synthèse du néolibéralisme de Hayek et du conservatisme moral de Burke (44). En politique étrangère, « le néoconservatisme est actif, en guerre contre les forces du Mal menaçant la Civilisation, et ce, peu importe où elles se situent sur le globe » (45-46). L’école de Calgary, par le moralisme qu’elle affiche dans son discours sur le terrorisme (47), présente un visage néoconservateur. Il importe cependant de nuancer cette conclusion : « L’école de Calgary constitue elle aussi une sorte de synthèse, laquelle combine conservatisme réactionnaire et conservatisme néolibéral, que l’on peut appeler néoconservatrice si l’on veut, mais à la condition toutefois de ne pas perdre de vue qu’il ne s’agit pas d’une pure incarnation du néoconservatisme américain en terre canadienne » (49). À propos des positions de pe de Barry Cooper et David Bercuson, Boerger écrit qu’elles sont assez proches de celles des « néoconservateurs de la Maison-Blanche », c’est-à-dire d’une politique de changement de régime, de promotion de la démocratie et de confiance en la puissance américaine (Boerger 2007 : 140-142). Bercuson et Cooper sont aussi décrits comme adoptant la conception moraliste des néoconservateurs qui conçoivent le terrorisme comme un « mal absolu et radical » (Ibid. : 142).
Massie et Roussel identifient eux aussi le courant néoconservateur canadien à l’école de Calgary, définissant la politique étrangère de Stephen Harper comme « néocontinentaliste », c’est-à-dire comme l’expression, en pe, de l’idéologie néoconservatrice adoptée par les conservateurs canadiens. Suivant Boily, ils décrivent le néoconservatisme canadien comme une synthèse de néolibéralisme économique et de moralisme (Massie et Roussel 2013 : 40). En pe, cela se traduit par une méfiance à l’égard des organisations internationales, un « fanatisme moral » à la défense des démocraties libérales occidentales et des valeurs chrétiennes, une foi absolue en la bienveillance de l’hégémonie américaine, une volonté marquée de faire usage de la puissance sur la scène internationale et le désir du Canada d’être le meilleur allié possible des États-Unis (Ibid. : 41).
Toutes ces définitions tombent dans la catégorie canonique, car elles n’établissent pas de lien entre la politique étrangère et le projet intérieur des néoconservateurs ou, autrement dit, entre puissance, moralisme et culture. Shadia Drury, comme Martin, McDonald et Leuprecht (elle est citée par les deux premiers), fait de Stephen Harper un straussien, et donc l’importateur d’une idéologie un-Canadian : militarisme, promotion du règne d’une élite philosophique, tendance au secret et recours au « noble mensonge », faisant ici référence à sa rhétorique religieuse (Drury 2011). Le texte de Drury présente les mêmes problèmes que la plupart des travaux liant Strauss aux néoconservateurs, problèmes relatifs à la qualité de sa compréhension de Strauss qui sont abordés par Zuckert et Zuckert (2006 : 16-20). Cependant, la perspective critique adoptée par Drury, comme chez les analystes du néoconservatisme américain, ouvre la voie à une compréhension culturelle du néoconservatisme :
les néoconservateurs, même s’ils n’ont pas été directement influencés par Strauss, partagent sa foi dans l’importance de la religion, du nationalisme et de la guerre pour la santé et le bien-être d’une société politique. Prétendument, une nation chérie par Dieu – une nation dont les intérêts sont identiques à la vérité et la justice – lie la société en un tout unifié, procure un élixir magique qui fond la pluralité des intérêts conflictuels en une soupe primale et fournit le remède à tous les maux des sociétés libérales.
Drury 2011; italiques ajoutés
Sans faire appel à une approche critique, Massie (2014), analysant les relations sécuritaires et militaires avec les États-Unis, conclut que la stratégie d’alignement direct sur Washington, qui distingue la pec sous le gouvernement Harper, est fonction de son idéologie néoconservatrice et de son approche néocontinentaliste. Massie et Brizic (2014), examinant l’intervention militaire canadienne en Libye (2011), concluent également à « l’émergence d’une contre-culture stratégique néoconservatrice », mais la situent sur le plan de la rhétorique plutôt que sur celui de la substance des politiques de sécurité adoptées (Massie et Brizic 2014 : 20). Le néoconservatisme canadien est présenté ici comme une synthèse du « Blue Toryism », de l’école de Calgary et de la conscience politique de l’Ouest, et « il traduit un nationalisme moderne qui contraste avec l’identité post-moderne mise de l’avant par les internationalistes » (Ibid. : 21). De cette synthèse et de ce nouveau nationalisme découlent les six piliers de la politique étrangère néoconservatrice canadienne : « volontarisme » sur la scène internationale, « croyance dans la supériorité morale de l’Occident », réinvestissement massif dans les forces armées canadiennes, alignement diplomatique sur les États-Unis et méfiance à l’égard du multilatéralisme, vision du Canada comme « nation guerrière » et « préférence pour le recours offensif à la force militaire » (Ibid.). Le rapprochement que font Massie et Brizic entre le nouveau nationalisme promu par Stephen Harper et sa politique étrangère range leur définition dans la catégorie culturelle.
Enfin, certains auteurs tentent d’énoncer une définition explicitement culturelle du néoconservatisme canadien. Revenant sur le concept de néocontinentalisme, Dorion-Soulié et Roussel (fortement inspirés par les travaux de Vaïsse et de Williams) soulignent que Stephen Harper, dans son « discours de Civitas », « liait explicitement la santé morale d’une société à la moralité de sa politique étrangère » (2014 : 10). Le néocontinentalisme, conçu comme l’expression du néoconservatisme en pe, serait ainsi caractérisé par « la nécessité d’exercer la clarté morale », c’est-à-dire de « distinguer amis et ennemis (l’une des attitudes du néoconservatisme tel qu’il est articulé par Irving Kristol) ainsi que Bien et Mal, et de prendre les moyens d’agir contre les seconds » (Ibid. : 11). De ce fondement découleraient une série de « principes opératoires ». Une politique étrangère de clarté morale identifie les intérêts aux principes : il faudra donc promouvoir la démocratie dans le monde. Le renforcement de la puissance militaire est capital, car la puissance permet la lucidité requise pour identifier les menaces (le « Mal ») et agir contre elles. L’hégémonie américaine est bénigne et les institutions internationales qui tentent de la limiter sont objet de méfiance. À cet effet, le Canada doit être prêt à faire usage de la puissance afin de « défendre l’ordre hégémonique américain » (12). De toutes ces manières, le projet néocontinentaliste en pe est lié au projet néoconservateur intérieur :
Sur la base de ces éléments, le néocontinentalisme propose une transformation radicale de l’identité internationale du Canada. Loin de l’image du gardien de la paix et de l’arbitre impartial, le Canada des néocontinentalistes est fier de son passé guerrier, il exalte les vertus martiales et il est désireux de reprendre sa place au sommet de la hiérarchie internationale.
12
Proches de la thèse de Dorion-Soulié et Roussel, Lagassé, Massie et Roussel définissent le néoconservatisme canadien comme découlant de la pensée de « l’école de Calgary ». Cette « conception de la place et du rôle du Canada dans le monde » se caractérise par le désir de hausser les budgets militaires afin de rendre au Canada sa crédibilité internationale ; par le désir de renforcer la relation avec les États-Unis, tant sur le plan sécuritaire que sur le plan économique ; par l’importance accordée à la clarté morale dans les décisions de pec ; par le souhait que le Canada se défasse « de l’appui pour ainsi dire inconditionnel que l’internationalisme accordait aux institutions multilatérales » (Lagassé et al. 2014 : 63-66).
Les définitions du néoconservatisme (ou néocontinentalisme) canadien sont pour la plupart tributaires des définitions canoniques du néoconservatisme américain, mais quelques auteurs ont ouvert la voie à une définition culturelle, voie dans laquelle ce numéro spécial s’engage.
III – Présentation du numéro
A — Définition de travail : les concepts constitutifs du néoconservatisme
Les auteurs qui ont contribué à ce numéro ont été amenés à réfléchir à la politique étrangère canadienne sous Stephen Harper en se fondant sur une définition culturelle originale du néoconservatisme qui s’appuie sur la littérature existante, dont les travaux de Williams et de Vaïsse. Les contributions de Dorion-Soulié et Sanschagrin ainsi que de Staring représentent une base conceptuelle solide pour l’étude de l’idéologie néoconservatrice et de ses impacts potentiels sur la politique étrangère canadienne sous Stephen Harper. Abordant la pec sous l’angle de la théorie politique, ces auteurs fournissent une définition du néoconservatisme sous la forme d’une série de concepts qui s’articulent les uns aux autres en un ensemble cohérent.
Dorion-Soulié et Sanschagrin montrent que le néoconservatisme canadien n’est pas une simple « exportation américaine », mais plutôt une idéologie indépendante constituée des mêmes grands éléments : traditionalisme, libéralisme, nationalisme, impérialisme et militarisme. S’inspirant des définitions culturelles du néoconservatisme, les auteurs analysent exhaustivement des écrits de deux des figures les plus importantes de l’histoire du néoconservatisme américain : Irving et William Kristol. Ils montrent ensuite que les concepts qui animent le projet intellectuel des Kristol sont les mêmes que ceux qui caractérisent « l’école de Calgary » et Stephen Harper, bien que ces concepts prennent une « couleur locale » canadienne. Dorion-Soulié et Sanschagrin décrivent ainsi le néoconservatisme comme un nationalisme impérialiste au service d’un traditionalisme dont l’objectif est de remédier à une crise culturelle, en grande partie par l’entremise d’un militarisme symbolique. Cette définition substantielle des néoconservatismes canadien et américain permet de constater les similitudes mais aussi les spécificités des deux variantes. Le néoconservatisme canadien se distingue ainsi de la variante américaine par un populisme qui s’intègre à son traditionalisme-libéralisme.
Staring contribue à définir l’étiquette néoconservatrice en y ajoutant une réflexion sur l’opposition de Stephen Harper à l’onu, que l’on pourrait résumer par le concept d’anticosmopolitisme. Il jette en effet un éclairage sur l’opposition des conservateurs aux organisations internationales en le rapprochant de l’anticosmopolitisme de l’un des pères spirituels supposés du néoconservatisme américain, Leo Strauss. Rejetant les thèses faciles sur la « paternité » straussienne de la pec sous Harper, Staring souligne la proximité entre Harper et Strauss face à l’onu pour interroger les fondements de cette posture, beaucoup plus explicites chez le philosophe. Il développe ainsi une explication originale de l’hostilité de Harper envers l’onu, qui serait fonction de sa croyance en la décadence du libéralisme contemporain et en la nécessité d’un ennemi pour qu’une société puisse préserver sa santé morale. Avec Staring, on peut concevoir que cette double croyance est aussi la source du nationalisme et du militarisme des néoconservateurs. La décadence du libéralisme canadien consisterait en l’incapacité de se sacrifier pour la nation, que le libéralisme ne concevrait plus comme « l’incarnation des objectifs moraux du peuple », mais comme « un ordre administratif moralement neutre ». Revaloriser le nationalisme passera en partie par la démonstration de la capacité à défendre une posture morale sur la scène internationale par l’action militaire. Mais l’existence de « l’ennemi nécessaire » peut aussi être soulignée, à moindre coût, par une politique de sécurité qui se concentre sur l’ennemi « intérieur ». Staring conclut ainsi qu’une réorientation vers l’intérieur de la stratégie antiterroriste aux dépens du budget des forces armées canadiennes ne signifie pas nécessairement l’abandon du projet néoconservateur.
Le cadre conceptuel du néoconservatisme canadien est donc constitué par l’articulation de ces sept concepts : traditionalisme, libéralisme, nationalisme, impérialisme, militarisme, populisme et anticosmopolitisme. Cette typologie ne cherche en aucun cas à se substituer aux définitions qui ont été élaborées à ce jour par les analystes de politique étrangère canadienne, que ce soit sous le nom de néoconservatisme ou de néocontinentalisme. Ces définitions sont parfaitement cohérentes avec celle qui est développée ici, laquelle vise en fait à montrer les racines intellectuelles de ce que les chercheurs ont nommé à ce jour néoconservatisme ou néocontinentalisme dans le cadre de l’étude de la pec. On pourrait ainsi concevoir la relation entre néoconservatisme et néocontinentalisme comme le pendant de la relation entre libéralisme et internationalisme : l’un est une idéologie au sens large, l’autre est une « culture stratégique » ou une « idée dominante » en politique étrangère. En ce sens, une analyse qui montrerait, par exemple, que Stephen Harper adopte un comportement néoconservateur au sens de Lagassé et al. (2014) (augmentation du budget militaire visant à rehausser la crédibilité du Canada dans le monde, rapprochement avec les États-Unis, clarté morale et désir de se libérer des « dictats » de l’onu) est parfaitement cohérente avec la définition défendue en ces pages. Il en va de même pour la définition du néocontinentalisme de Massie et Roussel. Les propositions conceptuelles qui forment le socle de ce numéro spécial représentent simplement un pas de plus vers une pleine compréhension des motifs profonds qui sous-tendent une politique étrangère néoconservatrice.
B — Études de cas : Israël, le Guatemala et l’Iran
Après avoir (re)défini le néoconservatisme canadien, ce numéro spécial propose trois textes dans lesquels sont explorées différentes manières d’étudier la politique étrangère du Canada sous l’angle de l’idéologie néoconservatrice. Les auteurs proposent des études de cas dans le but de découvrir si l’on peut bel et bien parler d’un « tournant » néoconservateur de la pec sous Stephen Harper, et dans quelle mesure. En plus de leurs contributions empiriques, ces auteurs, chacun à leur manière, contribuent aussi à étoffer le cadre conceptuel élaboré dans les premiers textes.
Frédéric Boily ajoute un « -isme » à la définition du néoconservatisme : l’antitotalitarisme. Il propose une analyse de la politique pro-israélienne du gouvernement Harper comme étant fonction d’une idéologie antitotalitaire inspirée à la fois par une lecture de l’histoire du 20e siècle (montrant la nécessité de combattre l’antisémitisme) et par le nouvel éthos sécuritaire né des attentats du 11 septembre 2001. Adoptant une approche historique, Boily propose une analyse des postures des différents gouvernements conservateurs à l’égard d’Israël depuis le bref passage au pouvoir de Joe Clark et durant l’ère Mulroney. En plaçant l’accent sur l’étude des chefs conservateurs, Boily montre à la fois les évolutions et la continuité qui marquent leur politique étrangère face à l’État hébreu. Il conclut qu’il existe une rupture néoconservatrice dans la politique israélienne du Canada, mais que celle-ci se situe d’abord sur le plan du discours et qu’elle vise avant tout à redéfinir l’identité du Parti conservateur du Canada en accord avec une idéologie néoconservatrice. Il serait fort intéressant d’étendre l’explication antitotalitaire de Boily à l’ensemble de la pec au Moyen-Orient. En 2002-2003, la rhétorique de Stephen Harper, alors favorable à l’invasion américaine de l’Irak, était émaillée de références à la Seconde Guerre mondiale et de comparaisons entre Saddam Hussein et Hitler. La mission de combat du Canada contre le groupe armé État islamique en Irak pourrait certainement être mieux comprise à la lumière de cette contribution.
Du point de vue de la théorie des Relations internationales, Marc-André Anzueto entame une réflexion sur l’instrumentalisation des droits humains en politique étrangère canadienne, qui caractériserait le néoconservatisme mais aussi l’internationalisme, et sur le rôle de cette instrumentalisation dans l’entreprise de (re)définition identitaire implicite dans toute pe. En ce sens, il ajoute une couche de profondeur à l’hypothèse de la rupture néoconservatrice en la vérifiant dans le cas de la politique guatémaltèque du Canada. En exposant la tension entre droits humains et intérêts nationaux et en montrant comment une politique étrangère néoconservatrice tend à instrumentaliser les droits humains, Anzueto fournit un modèle d’analyse qui pourrait très bien s’appliquer à l’explication de l’évolution de la relation entre le Canada et la Chine. Cette relation, rappelons-le, a dans un premier temps été caractérisée par un froid diplomatique produit par le moralisme des droits humains de Harper, avant de se réchauffer considérablement pour des motifs relatifs aux intérêts énergétiques et commerciaux canadiens.
Philippe Dumas, pour sa part, étudie la politique iranienne des conservateurs en soulignant en quoi elle se rapproche de la culture stratégique « néocontinentaliste », conçue comme découlant de l’idéologie néoconservatrice. Dumas confirme ainsi la cohérence de la définition du néoconservatisme proposée dans ce numéro avec la définition du néocontinentalisme déjà présente dans la littérature sur la politique étrangère canadienne. À travers l’étude minutieuse du discours et des actions des conservateurs dans trois cas précis d’interaction avec l’Iran, Dumas vérifie quels éléments du néocontinentalisme sont effectivement observables et à quel moment. Il conclut que les différents aspects de la politique iranienne du Canada à l’étude ont été, d’une manière ou d’une autre, « reformulés » et justifiés dans le sens de « l’idée dominante » néocontinentaliste. Bien qu’à certains égards il note une continuité dans les relations canado-iraniennes entre libéraux et conservateurs, Dumas fait état d’une rupture dans la rhétorique canadienne, illustrée par le nouveau style diplomatique adopté (surtout à partir du troisième mandat des conservateurs, leur premier majoritaire), rupture qu’il identifie aux principes néocontinentalistes. Dumas évalue le poids causal de « l’idée dominante néocontinentaliste » sur la politique iranienne du Canada en le comparant à des explications concurrentes, notamment l’explication de l’influence des alliés et celle de l’électoralisme. Ce faisant, il fournit un bon modèle pour l’analyse, par exemple, de la pec dans la crise actuelle entre l’Ukraine et la Russie. L’hypothèse de la rupture néoconservatrice pourrait ainsi être mesurée, dans le cas ukrainien, en la comparant à l’explication électoraliste (le Canada agirait en Ukraine pour gagner les faveurs des Canadiens de descendance ukrainienne) ou l’explication du « suivisme » (le Canada agirait pour être un bon allié dans l’otan).
Anzueto, Boily et Dumas, en vérifiant l’hypothèse de la rupture néoconservatrice, en viennent à des conclusions nuancées. Chacun tend à souligner certains éléments du néoconservatisme plus que d’autres. Ces auteurs révèlent aussi une action internationale qui est peut-être moins proprement néoconservatrice, où la rupture avec l’internationalisme est moins nette que dans le discours de Stephen Harper. En ce sens, il semble justifié de conclure, à la manière de Massie et Brizic (2014), que le poids explicatif de l’idéologie néoconservatrice pour le comportement du gouvernement Harper en politique étrangère est nuancé par diverses contraintes, mais que son poids explicatif est profond et marqué en ce qui a trait au discours, et donc à la représentation de l’identité canadienne par les conservateurs. Cette conclusion est tout à fait en accord avec une définition culturelle du néoconservatisme : suivant Homolar Reichmann, rappelons-le, une pe néoconservatrice vise à « envoyer des signaux » vers l’intérieur, dans le but de « renforcer la confiance en soi du peuple américain et ainsi contribuer à l’unité et à la stabilité de l’ordre social » (voir Homolar-Riechmann) ; ou encore, suivant Villard, pour qui « les néoconservateurs sont avant tout les artisans d’un discours sur eux-mêmes » (Villard 2012 : 27). Autrement dit, c’est sur l’aspect « théâtral » du « micro-militarisme théâtral » de la définition du néoconservatisme de Drolet qu’il faudra insister : une pec néoconservatrice est en grande partie une « représentation », une mise en scène de l’identité nationale canadienne telle que souhaite la définir le gouvernement Harper, avec la société canadienne comme public cible. Comme le soulignent les auteurs des contributions conceptuelles de ce numéro, la « théâtralité » ne passe pas uniquement par l’augmentation du budget de la défense ou des interventions militaires. Dans le cas de Stephen Harper, elle passe en grande partie par une redéfinition de l’histoire canadienne. En ce sens, une rupture rhétorique avec l’internationalisme des gouvernements précédents n’est pas une « fausse » rupture. C’est une rupture quant au sens qui est donné à la nation par ses dirigeants. Comme le disent Morin et Roussel :
Les fissures observées dans la politique étrangère durant les « années Harper » ne sont pas synonymes de rupture consommée. Il n’en reste pas moins que les coups portés par le gouvernement conservateur, sur le fond comme sur la forme, ont érodé la conception jusque-là dominante de l’identité nationale et internationale du Canada.
Morin et Roussel 2014 : 8
C — Systématiser l’usage du néoconservatisme en analyse de la politique étrangère canadienne
À ce jour, de nombreux auteurs ont proposé des études de cas confirmant l’hypothèse d’une « rupture » dans la politique étrangère canadienne depuis l’arrivée de Stephen Harper, mais peu d’entre eux ont explicitement mobilisé les concepts du néoconservatisme ou du néocontinentalisme. Ceux qui l’ont fait (Massie 2014; Massie et Brizic 2014), nous l’avons vu précédemment, ont apporté un soutien empirique à la thèse d’une rupture créée en grande partie par l’idéologie néoconservatrice du gouvernement Harper. Parmi les textes qui affirment la thèse de la rupture sans traiter de néoconservatisme, on trouve une grande variété de thèmes. Les relations sino-canadiennes (Arès 2014 ; Nossal et Sarson 2014), l’aide au développement (Audet et Navarro-Flores 2014), la politique des droits humains (Binette et De Courval 2014), l’environnement (Chaloux 2014) et la relation avec la France (Cornut 2014) ne sont que certains des thèmes abordés. D’autres encore enfoncent le clou de la rupture en proposant des analyses qui tiennent compte à la fois de la politique de défense, de la politique commerciale et de la politique d’aide au développement (Ibbitson 2014). Dans tous ces cas, des facteurs d’ordre idéologique sont considérés, explicitement ou implicitement, pour expliquer le comportement du gouvernement Harper. Une analyse qui prendrait pour point de départ la conceptualisation du néoconservatisme proposée dans ce numéro permettrait de révéler le sens de la rupture observée, les motifs fondamentaux des décideurs qui mettent en place des politiques de rupture.
À propos de l’affaire Nexen, Arès évoque la conception particulière de « la place du Canada dans le monde » de Harper, illustrée par son désir de faire du Canada une « super-puissance énergétique » (2014 : 42). Cette « perception historique » propre à Harper pourrait certainement être éclairée par l’articulation du libéralisme au nationalisme (et à l’impérialisme) du néoconservatisme. Pour expliquer la transformation radicale de la politique chinoise de Harper entre 2006 et 2012, Nossal et Sarson reprennent l’idée du Canada considéré comme une « superpuissance énergétique » (2013 : 147). Mais ils expliquent aussi ce rapprochement par le rejet du multilatéralisme par Harper et son adoption du bilatéralisme, qui « semble correspondre à l’importance qu’il accorde à la force internationale », ainsi que par le rejet de l’image de « puissance moyenne » associée à l’internationalisme, que Harper assimile à une « stratégie de nation faible » (152). Ici encore, ces postures pourraient être mieux comprises par une analyse tenant compte de l’idéologie néoconservatrice de Harper. Audet et Navarro-Flores avancent que la rupture dans la politique d’aide internationale du Canada est en partie due à une « idéologie religieuse » (2014 : 68), qui pourrait être éclairée par la définition du traditionalisme que Dorion-Soulié et Sanschagrin associent au néoconservatisme. Pour leur part, Binette et De Courval (2014 : 75) expliquent « l’isolement » du Canada au Conseil des droits de l’homme par les positions adoptées par le Canada à l’égard du conflit israélo-palestinien (changement qui s’amorce sous Paul Martin, mais qui « s’opérationnalise » et se « systématise » à partir de 2006). L’affirmation du Canada comme « allié indéfectible d’Israël » (Ibid. : 83) trouve une interprétation convaincante à la lumière de la contribution de Boily à la définition du néoconservatisme canadien. Chaloux souligne la rupture dans la politique climatique canadienne occasionnée par l’arrivée des conservateurs au pouvoir. Elle rappelle que Harper a déjà décrit le protocole de Kyoto comme un « complot socialiste » (2014 : 100), et note « un discours idéologique beaucoup plus proche de celui des États-Unis » et une politique d’« obstruction au processus de négociation onusien » (103). Ici, ce que nous avons défini comme l’anticosmopolitisme élaboré par Staring pourrait aider à comprendre cette rupture, vue comme partiellement motivée par l’opposition à l’internationalisme et au multilatéralisme. Cornut affirme que l’étonnante bonne entente entre Ottawa et Paris est en partie le fait de la « diplomatie robuste » préconisée par Harper, dans laquelle la France est devenue un allié de choix (2014 : 93). Autrement dit, la diplomatie de Harper, où « l’outil militaire [n’est] plus conçu comme un ultime recours, mais plutôt comme une nécessité dans un “monde dangereux” » (Ibid. : 90), serait une partie de l’explication du rapprochement France-Canada. Le militarisme caractéristique du néoconservatisme pourrait sans doute éclairer ce comportement. Enfin, Ibbitson définit la politique étrangère de Stephen Harper comme une « grande cassure » par ses cinq grands principes : refléter les valeurs et les intérêts de la coalition conservatrice, qui a donné à Harper un gouvernement majoritaire ; faire des forces armées canadiennes une source de fierté ; faire de la pec un outil de promotion du patriotisme ; ne contribuer aux institutions multilatérales que lorsque cela sert les intérêts canadiens ; et faire du commerce la principale priorité (« job one ») en pec (Ibbitson 2014 : 9-12). Chacun de ces principes deviendrait plus compréhensible à la lumière de la définition du néoconservatisme proposée dans ce numéro spécial.
Dans tous ces cas, les auteurs nuancent le poids explicatif des facteurs idéologiques en tenant compte des facteurs économiques, institutionnels, systémiques ou électoralistes. Leurs explications sont convaincantes, et il ne s’agit pas de les supplanter, mais de montrer qu’à partir d’elles on peut aller plus loin dans la compréhension, et découvrir les « perceptions historiques » qui guident les prises de position attribuées à l’idéologie. L’ambition de ce numéro spécial est de fournir une définition du néoconservatisme qui serait à la hauteur de cette tâche et de montrer comment cette définition peut être utile à l’analyse systématique de cas d’étude en politique étrangère canadienne.
Appendices
Remerciements
Ce numéro a en partie été réalisé grâce au soutien financier du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) octroyé aux professeurs Stéphane Roussel (ENAP), Philippe Lagassé (Université d’Ottawa) et Justin Massie (UQAM) pour un programme de recherche portant sur « Le néoconservatisme en politique étrangère canadienne ».
L’auteur tient à remercier ces trois professeurs, les contributeurs à ce numéro ainsi que l’évaluateur anonyme pour leurs judicieuses suggestions.
Note biographique
Manuel Dorion-Soulié est doctorant en science politique à l’Université du Québec à Montréal. Il se spécialise en relations internationales
Notes
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[1]
Caractérisé par « la gouvernance par le multilatéralisme et les institutions internationales, la promotion de la paix, la justice sociale et des droits humains dans le respect des contextes culturels différents, et la réticence à recourir à la force pour résoudre les conflits » (Lagassé, Massie et Roussel 2014 : 49).
-
[2]
Les travaux de chercheurs québécois consacrés au néoconservatisme confirment le caractère « canonique » de ces ouvrages. Voir Légaré-Tremblay (2007), Gagnon et Mascotto (2010) et Grondin (2005).
-
[3]
Qui serait aussi l’un des enseignements de Strauss (Frachon et Vernet 2004 : 67).
-
[4]
Wohlstetter est ici décrit comme un straussien, en raison d’un lien jamais explicité avec Bloom. Ce serait « la racine la plus importante qui soutient l’arbre néoconservateur », mais les auteurs ne fournissent aucune référence pour soutenir cette affirmation (Halper et Clarke 2004 : 62).
-
[5]
Nom donné aux libéraux anticommunistes formant la base de la posture internationaliste- interventionniste de John F. Kennedy. À ce sujet, voir Schlessinger 1970 [1949].
-
[6]
Certains auteurs nient la responsabilité des néoconservateurs pour la guerre d’Irak (Harvey 2012 ; Hurst 2005).
-
[7]
De façon typique, Norton ne donne pas de référence pour cette citation d’Irving Kristol.
-
[8]
Expression que Drolet emprunte à Emmanuel Todd (2002). Voir aussi Drolet (2010).
-
[9]
Pour des traitements originaux du Reform Party et de l’école de Calgary comme mouvement néoconservateur en politique intérieure, voir Leclerc (2000) et Rovinsky (1998).
Bibliographie
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- Boerger Anne, 2007, « Rendre au Canada sa puissance. La politique étrangère et de défense canadienne vue de l’Ouest », dans F. Boily (dir.), Stephen Harper. De l’école de Calgary au Parti conservateur, Québec, Presses de l’Université Laval : 121-146.
- Boily Frédéric, 2007, « Le néoconservatisme au Canada : faut-il craindre l’école de Calgary ? », dans F. Boily (dir.), Stephen Harper. De l’école de Calgary au Parti conservateur, Québec, Presses de l’Université Laval : 27-54.
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