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À la suite d’une élection législative marquée par l’arrivée au Parlement finlandais d’une vingtaine de députés du parti populiste Perussuomalaiset, la Finlande se retrouve au printemps 2011 en position de compliquer l’adoption par l’Union européenne (eu) d’un paquet de mesures financières. Au même moment, le Danemark, aussi pour des raisons intérieures, annonce le retour de contrôles limités à ses frontières. Deux « petits » États montrent ainsi leur capacité d’influencer, de façon négative et au coeur d’un système européen semi-institutionnalisé, les relations internationales.
Il existe sur ces questions de petits États une littérature scientifique vivace, principalement anglophone, ancrée dans des études de cas historiques, mais surtout dans un cadre de réflexion sur la nature des relations internationales. Ces petits acteurs ont été étudiés autour de deux interrogations principales : la définition des petits États et les possibilités d’influence dont ils disposent dans le système international.
Ces questions sont abordées par le livre de Steinmetz et Wivel dans un cadre très particulier, dominé par les caractères d’une diplomatie traditionnelle mais comportant des éléments institutionnels forts : sans être une fédération, l’eu est plus qu’une simple organisation internationale.
L’entrée en matière du livre est classique des ouvrages sur ce sujet. Dans sa préface, le Luxembourgeois Mario Hirsch revient d’abord sur les pressions exercées sur le Luxembourg dans le cadre d’une campagne contre les paradis fiscaux. S’ils peuvent agir et défendre leurs intérêts dans le système international, conclut Hirsch, les petits États « n’ont aucune chance d’échapper à une pression internationale coordonnée ». Cette position difficile des petits États entre marge de manoeuvre nationale et pressions du système international ou institutionnel marque toutes les contributions du livre.
L’introduction rédigée par les éditeurs s’emploie d’abord à définir la nature des petits États. Elle rappelle d’abord que définir les « petits » États en termes concrets (population, forces armées, pib, etc.) est utile, mais insuffisant. Ces variables concrètes restent un étalon difficile à manipuler, trop rigide pour être adaptable à des situations changeantes ou à des variations régionales, et prenant insuffisamment en compte les perceptions de la puissance qu’ont les acteurs. Pour Wivel et Steinmetz, les petits États doivent être définis de façon plus souple comme la « partie faible d’une relation asymétrique ». Le petit État est donc un produit de son environnement : « La petitesse est définie par la relation entre un État et son environnement extérieur. » On pourrait ajouter que le petit État se considère lui-même comme petit : ses dirigeants et sa population ont accepté et reconnaissent la stature internationale de leur pays.
Wivel et Steinmetz plaident pour l’étude de petits États selon eux révélateurs de la nature du système international. Ils reviennent sur deux stratégies possibles pour ces petits États à l’intérieur du système européen : s’isoler (hiding) ou intégrer le système pour l’utiliser (binding).
Dans sa contribution, Anders Wivel définit plus avant la nature organisationnelle de l’eu et étudie la façon dont les plus petits États membres ont su utiliser leurs ressources pour manoeuvrer dans les méandres institutionnels de l’Union. Wivel conclut que les petits acteurs de l’Union ont souvent profité d’une institutionnalisation leur permettant d’utiliser un environnement « normé » comme protection. De même, une stratégie classique a été de se présenter en « tiers de confiance » à l’intérieur de l’Union (honest broker). Il s’agit ici pour les petits États d’accepter leur handicap et de travailler à une politique « intelligente » dans le cadre des institutions européennes. On en revient à une image dessinée par Christine Ingebritsen en ce qui concerne les États nordiques : des petits États « entrepreneurs normatifs », soucieux de leur réputation, tiers de confiance, navigateurs habiles du système mais subissant ses soubresauts et sensibles aux crises extérieures (guerre bien sûr, mais aussi crise européenne ou internationale) et intérieures (mouvements brusques de la scène politique intérieure mettant en question les options extérieures du pays).
La robuste partie méthodologique qui occupe les 50 premières pages du livre est probablement l’aspect le plus intéressant du livre. Elle comporte une fascinante étude de David Criekemans et Manuel Duran, qui dressent un parallèle entre la diplomatie des petits États et l’action « extérieure » des régions et autres entités subétatiques en Europe. Les auteurs rappellent eux aussi les caractéristiques de la politique extérieure des petits États : inégalité de ressources, faiblesse dans les relations internationales, dépendance du contexte international, vif intérêt pour des outils de coopération et pour des systèmes organisant les relations internationales, spécialisation dans certains domaines où ils peuvent obtenir un rôle essentiel et attirance pour des outils diplomatiques spécifiques, hétérodoxes, typiques de la « puissance douce » théorisée par Joseph Nye. Criekemans et Duran retrouvent certains de ces aspects dans les relations extérieures de certaines régions autonomes européennes comme la Catalogne ou la Flandre. La conclusion des auteurs, que la frontière entre « paradiplomatie » régionale et diplomatie proprement dite tend à se dissoudre dans le contexte de l’eu, est particulièrement intéressante.
Les contributions s’arrêtent ensuite sur différents thèmes : les petits États européens et la Politique européenne de sécurité et de défense, les questions d’innovation technologique, les capacités d’adaptation des petits États aux changements internationaux… Le livre s’achève sur une série de cas d’école nationaux (Chypre, Islande, Luxembourg, Slovaquie/Tchéquie…). Le cas hollandais, traité par Jan Rood, est particulièrement intéressant : ancienne grande puissance, les Pays-Bas ont lentement accepté leur nouveau statut et se trouvent à présent dans le cas d’une « puissance moyenne », pour reprendre le terme proposé dès 1989 par Jean-Claude Allain.
Extrêmement roboratif, dressant l’état des lieux d’un champ d’étude foisonnant, le livre s’achève sur une conclusion : les petits États, par l’exemple qu’ils donnent d’une politique in-ternationale pacifique par nécessité, peuvent servir de base à la construction d’un ordre international apaisé.
Enfin, on ne peut que regretter après cette lecture le peu d’ouvrages en français existant sur la question des petits États dans les relations internationales.