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L’ouvrage de Lina M. Svedin se situe dans le champ de la sociologie des organisations. Il propose une étude formalisée des conditions dans lesquelles les organisations coopèrent ou non en situation de crise. Sur le plan méthodologique, l’auteure s’inscrit dans le courant néorationaliste et quantitativiste en plein essor ces dernières années, en particulier dans les universités anglo-saxonnes et scandinaves.

Svedin situe sa démarche à la confluence de trois approches. La première est d’ordre rationaliste et considère la coopération comme un mode particulier d’optimisation du comportement. La seconde approche relève de l’étude des organisations – structures, procédures, configuration – et s’intéresse donc moins au pourquoi qu’au comment de la coopération interorganisationnelle. Enfin, Svedin complète son dispositif en y intégrant la dimension psychologique que revêt la coopération. Il s’agit ici de prendre en compte la variable individuelle, très importante en raison du stress induit par les situations de crise.

La discussion conceptuelle qui ouvre l’ouvrage présente un intérêt indubitable. Elle s’interroge sur la formation de la notion de coopération au sein des différentes disciplines concernées : Relations internationales, administration publique et psychologie sociale. Au terme de cette revue, Svedin retient une acception extensive du terme « coopération », qu’elle voit comme une notion générique recouvrant une large palette de comportements organisationnels allant de la coopération à la compétition et au conflit.

L’étude de Svedin vise à répondre à trois questions distinctes : 1) Comment les organisations interagissent-elles en situation de crise en matière de stratégies et de comportements coopératifs et compétitifs ? 2) Comment les comportements coopératifs et conflictuels sur le plan individuel sont-ils liés aux stratégies globales qui se déploient à travers une crise donnée ? 3) Comment les stratégies et les comportements sont-ils corrélés aux caractéristiques des crises telles que la menace, l’urgence et l’incertitude ? L’auteure tente de répondre à ces questions en trois étapes. La première utilise une méthode d’analyse factorielle dénommée « analyse des composantes principales qualitatives ». Cette analyse fournit une représentation de la coopération entre organisations à deux niveaux : les situations de décision à l’intérieur d’une crise, d’une part, et la crise considérée dans son ensemble, d’autre part. Svedin peut de la sorte mettre en évidence des groupes de variables qui représentent des types de coopération en situation de crise et mesurer la contribution des variables individuelles au sein de ces groupes. La seconde partie de l’ouvrage applique une analyse de corrélation à la variable « coopération » aux deux niveaux mentionnés plus tôt. Ce faisant, l’auteure développe la base nécessaire à la formulation d’hypothèses à propos des relations existant entre le comportement coopératif sur le plan micro-décisionnel et la coopération en tant que stratégie globale de gestion de crise. S’appuyant elle aussi sur l’analyse de corrélation, la troisième et dernière partie de l’étude cherche à établir des liens entre, d’une part, les comportements et les stratégies coopératives et, d’autre part, les caractéristiques qui définissent la configuration d’une crise particulière.

Le livre vaut surtout pour ses parties introductive et conclusive. Le corps de l’ouvrage est en effet en majeure partie constitué de tableaux statistiques de peu d’intérêt pour le lecteur non spécialisé. Ce constat nous amène à formuler une appréciation nuancée de l’ouvrage qui, de notre point de vue, se trouve pénalisé par quelques faiblesses au premier rang desquelles figure le caractère inapproprié de son titre. Celui-ci est beaucoup trop général au regard du contenu qui s’adresse à un public très spécialisé, ce qui ouvre la porte à des méprises. Il ne serait pas étonnant qu’à cause de son seul titre ce livre soit commandé par de nombreux étudiants ou chercheurs – notamment en Relations internationales – qui connaîtront une grande désillusion lors de sa réception. Au minimum, un sous-titre s’imposait qui circonscrive la portée de la démarche et surtout annonce que la recherche s’appuie sur une méthode quantitative très formalisée ce qui, ipso facto, en réduit l’audience potentielle. Tout le monde ne manipule pas avec aisance les tests de Taylor et autres analyses matricielles par rotation…

Dès lors, au-delà de l’imprécision de son titre, l’ouvrage nous semble présenter un déficit didactique qui, une fois encore, en limite son lectorat potentiel à la seule communauté des chercheurs en sociologie des organisations familiarisés avec l’analyse factorielle et les études de corrélations. Or, les questions posées par Lina M. Svedin présentent un intérêt évident pour tous ceux qui s’intéressent à la coopération entre organisations en situation de crise. Un effort didactique dans l’exposé des conclusions et dans la présentation des études de cas aurait sans doute donné à cet ouvrage de tout autres perspectives de diffusion.