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Le présent ouvrage est le fruit des actes du colloque international organisé sous l’égide de l’Association des anciens étudiants de la Faculté de droit de l’Université de Neuchâtel. La thématique principale est centrée sur le devenir du droit international et sur sa faculté d’endiguer les grands dangers qui menacent l’humanité. Les principales composantes du livre sont le rapport introductif, les actes mêmes du colloque et deux annexes.
Après le rappel des enjeux et défis planétaires, le rapporteur dresse le constat selon lequel l’ordre juridique international reste fondé sur le strict respect des souverainetés nationales et que le droit international devrait évoluer pour s’adapter aux exigences actuelles. S’appuyant sur ce constat, le rapport introductif met en scène les deux axes du colloque. Le premier est relatif à l’élaboration des normes internationales. Le processus en la matière présente plusieurs lacunes (lenteur, inefficacité, etc.). Le deuxième axe concerne le respect des normes internationales. Celui-ci ne peut être envisagé qu’à la condition de l’existence en amont de gouvernements démocratiques respectueux des droits de l’homme et d’une justice internationale qui joue son rôle de « dire le droit » et de renforcer l’application des normes universelles impératives. C’est sur la base de ces deux problématiques que les orateurs se sont succédé pour débattre sur les adaptations et les réformes du droit international.
En ce qui concerne les modes d’élaboration des règles internationales, ceux-ci ne peuvent s’avérer sinon efficaces du moins adaptés au contexte actuel que s’ils combinent le droit impératif issu du mécanisme classique avec le droit mou émanant de l’autorégulation. Le rôle du Conseil de sécurité de l’onu en la matière est au coeur du débat. Depuis la fin de la guerre froide, le Conseil s’arroge, de plus en plus et à travers le « mode résolutoire », la fonction législative au sein du système des Nations Unies. Cette fonction transparaît de manière nette dans les domaines de la lutte contre le terrorisme et ses modes de financement. De surcroît, le Conseil de sécurité s’érige en force quasi judiciaire. Le débat sur la question a fait ressortir des points de vue divergents. Certains orateurs voient dans ces nouvelles fonctions une avancée du droit international, surtout quand l’urgence sécuritaire est de taille, alors que pour d’autres cette nouvelle tendance du Conseil de sécurité est un exercice inquiétant, d’autant plus qu’il s’agit d’un organe restreint qui prend des résolutions concernant tous les États sans que ces derniers puissent participer au processus décisionnel. Bref, à l’urgence défendue par les uns, d’autres opposent la légitimité comme le maître mot pour l’efficacité des mesures prises. C’est en ce sens que le débat a également porté sur la place que devraient occuper les acteurs non étatiques, ong, stn, etc., dans le processus d’élaboration des normes internationales (participation des acteurs privés, expertise, etc.). S’il est vrai que dans le domaine des échanges internationaux le droit de l’omc et son règlement des différends ont atteint un certain degré d’efficacité, cela n’implique nullement qu’il faille configurer le système juridique international à l’image de l’omc. L’inconvénient majeur de ce système est que, lorsqu’un État n’obtempère pas en invoquant son incapacité de changer la législation incriminée, il peut offrir à la partie adverse, en compensation, d’autres concessions commerciales. Il peut donc acheter l’illégalité. Ce qui n’est pas une bonne solution, car, si elle satisfait l’autre partie, c’est aux dépens de la légalité.
La deuxième partie du colloque porte sur l’imposition des normes avec ses deux volets, les conditions-cadres nécessaires au respect du droit et le rôle de la justice internationale. Les interventions et les débats montrent qu’en dépit de l’association des acteurs non étatiques à l’application des normes du droit international, l’État, sujet principal dudit droit, continue de jouer le rôle central sur la scène internationale, car il représente mieux le bien commun que n’importe quel autre acteur. La souveraineté étatique renferme en elle-même une responsabilité de protéger la population. Il va sans dire que la question qui se pose est celle de savoir s’il existe des possibilités d’intervention pour éviter une catastrophe humanitaire dans les cas où l’État n’assume pas sa responsabilité de protéger les personnes vivant à l’intérieur de ses frontières ou, encore, lorsque le Conseil de sécurité se trouve paralysé par un veto ou un autre obstacle. En l’espèce, les États peuvent-ils recourir à la force de manière unilatérale pour mettre un terme à des catastrophes humanitaires ? Les rapports des Nations Unies les plus récents sur la thématique de la « responsabilité de protéger » font pencher la balance contre l’interdiction de l’utilisation de la force d’une manière unilatérale par les États à des fins humanitaires. Le débat et les avis sont partagés : certains orateurs avancent l’idée selon laquelle le Conseil de sécurité doit assumer pleinement sa responsabilité en commençant par s’imposer une limitation de l’usage du droit de veto, ou encore une fixation des critères objectifs qui le conduirait à intervenir automatiquement. D’autres voient dans les carences éventuelles du Conseil de sécurité une possibilité ou une opportunité pour revitaliser et revaloriser le rôle de l’Assemblée générale ou celui des organisations régionales.
Toutes ces discussions ne pouvaient que révéler le malaise dans lequel se trouve le droit international au regard des nouveaux défis planétaires. Ce malaise se trouve ancré, notamment, dans la problématique de ce que l’auteur de la communication appelle l’« incohérence normative ». Celle-ci résulte des dissonances entre le principe de l’effectivité et celui de la légitimité démocratique, autrement dit une tension entre deux exigences : la première est le maintien de la stabilité des rapports internationaux, tandis que la deuxième concerne la démocratisation de la société interétatique. D’autres tensions qui jettent le discrédit sur le droit international émanent également de la contradiction entre immunités de juridiction et droits de la personne. Mais l’incohérence la plus frappante, selon l’auteur, est celle qui réside dans le décalage entre la reconnaissance de la catégorie de normes et la non-acceptation d’en tirer les conséquences. Le jus cogens est dans un état semi-comateux. Le droit international n’est pas prêt à absorber une catégorie de normes qui a pour trait distinctif l’indérogeabilité. Dans ce contexte, la justice internationale ne peut jouer un rôle crucial que si les États acceptent de renforcer les pouvoirs de la Cour internationale de justice et de réformer ses procédures de fonctionnement. Il est évident que les États ne sont pas enclins à accepter la transformation de l’instance judiciaire existante en une cour constitutionnelle mondiale. Cette voie alternative n’est concevable que dans la perspective de l’existence d’un État mondial, ce que ne souhaite personne. Néanmoins, ce qui reste du domaine du possible, c’est de permettre à cette institution de remplir sa mission de « dire le droit », de faciliter les conditions matérielles de sa saisine par les pays pauvres et d’activer plus fréquemment la fonction consultative de l’institution. Cela n’est possible que par un « dépoussiérage » du règlement interne de la Cour.
Pour ce qui est de la justice pénale, depuis la création des tribunaux pénaux internationaux et de la Cour pénale internationale (cpi), un problème lancinant est celui de la précision de l’interaction entre le droit pénal international et le droit pénal interne des États. Cette interaction repose sur le principe de la complémentarité qui, selon l’auteur, ne doit pas être interprété comme privilégiant la compétence nationale aux dépens de la compétence de la cpi. Au contraire, le principe de la complémentarité doit être conçu comme un mécanisme de régulation de l’interaction entre les deux ordres et ne préserve la compétence nationale que lorsque l’État est capable d’agir et a la volonté de juger le crime. Par ailleurs, la décision d’enquête et de poursuite dans l’intérêt de la justice est de plus en plus encadrée. Le statut de la cpi énonce que le procureur n’ouvre une enquête que s’il y a une « base raisonnable » pour poursuivre notamment au regard de la gravité du crime, des intérêts des victimes et des intérêts de la justice. Après enquête, il n’engage les poursuites que s’il existe des « motifs suffisants ».
Le règlement pacifique des différends, intimement lié à la solution des litiges internationaux, est abordé dans une optique prospective dans la mesure où il faudrait s’attendre, à l’avenir, à une intervention grandissante des individus dans les processus de règlement.
En somme, cet ouvrage constitue une réflexion sur la capacité du droit international à s’adapter aux multiples problèmes qui menacent notre société internationale pendant le siècle en cours. Dans cet ouvrage, les contributions des juristes internationalistes à la clarification des problématiques liées à la confection de la norme et à son imposition sont considérables. Elles enrichissent au plus haut niveau le débat, selon la formule consacrée, sur la « force du droit ou le droit de la force ». Le livre est d’une grande qualité de réflexion et de prospection qui donne une valeur ajoutée non négligeable sur les questions centrales du droit international. On revisite, selon des grilles d’analyse différentes, des notions fondamentales du droit international telles que la souveraineté instaurée depuis le traité de Westphalie, la justice internationale, l’intervention humanitaire, la légalité, la légitimité des décisions prises par les principaux acteurs de la vie internationale. Bref, un ouvrage qui situe le débat sur le devenir des règles internationales au regard des menaces qui pèsent sur la planète et l’humanité.