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Cet ouvrage a été écrit afin de combler un vide dans la littérature stratégique actuelle. Il cherche ainsi à atteindre l’exhaustivité, sans imposer d’avis et – par là-même – souhaite exposer une importante diversité de points de vues. L’approche rendue facile de certains aspects parfois délicats qui dominent le débat actuel sur la sécurité est une excellente idée, permettant de proposer un large éventail de propos et de références.
L’auteur débute les douze leçons de ce livre par un constat simple : un nouveau millénaire est né depuis la fin de la guerre froide. Ce système s’oppose au système westphalien de la sécurité, né de 1648 et établissant l’État comme maître de la stratégie. L’ancien millénaire de la sécurité militaire s’est donc effacé et avec lui la période européenne des relations internationales au profit d’une approche plus souple de la sécurité, désormais non militaire et non étatique.
Le propos de l’auteur s’attarde ensuite sur la nécessaire reconceptualisation de la sécurité, obligation née de la modification tant du champ d’étude que des connaissances indispensables à la compréhension des défis modernes. Il est ainsi devenu impératif de repenser les outils, en réévaluant leur pertinence et leur utilité, tout autant que d’étudier les continuités et discontinuités de la pensée stratégique.
De cette situation naissent un certain nombre de problématiques, très variées, rendant difficile l’exhaustivité. Le problème principal réside ainsi dans la recherche d’une grille de lecture permettant l’analyse de la situation actuelle : pour comprendre les enjeux de la sécurité aujourd’hui, peut-on renvoyer à un ensemble de critères traditionnels ou faut-il se résoudre à établir un nouvel ensemble de référents ? Sommes-nous confrontés à un nouvel ordre/désordre mondial nécessitant une refondation profonde de la réflexion stratégique ?
Pour l’auteur, l’état d’insécurité est permanent, même s’il peut parfois s’effacer, comme durant les années 1990. Depuis le 11 septembre 2001, les événements ont mis en évidence la modification des rapports internationaux ainsi que les évolutions de la notion d’insécurité sous l’effet de nouvelles menaces et de transformations de l’exercice de la puissance. Il convient ainsi désormais de ne plus minimiser les liens qui existent entre terrorisme et guerre préventive. Face à la nécessité de repenser le terrorisme, l’auteur se pose le même type de questions : sommes-nous confrontés à un nouveau modèle ou victimes de notre mauvaise appréhension du sujet ? D’autre part, Charles-Philippe David donne plusieurs pistes pour comprendre la permanence de l’état d’insécurité, les caractéristiques du réflexe sécuritaire, l’importance de la peur dans la détermination du climat international et le renforcement du rôle de l’État.
S’interrogeant sur la place des États-Unis dans le monde, l’auteur rappelle que – malgré le nombre de théories sur le sujet – seule la mise en perspective de la politique étrangère américaine peut permettre d’en saisir les variations. La situation des États faillis est également évoquée dès l’introduction, tout comme la marginalisation du droit international. L’auteur a choisi de développer cet ouvrage en quatre séquences intitulées : l’ordre sécuritaire, l’ordre militaire, la stratégie de sujétion et la stratégie de paix. Ainsi, en douze chapitres, ce livre aborde des sujets comme le nucléaire, le maintien de la paix ou la gouvernance globale. Il s’attarde sur le modèle westphalien et propose un regard intéressant sur les stratégies coercitives, dont l’intérêt est croissant dans le monde moderne. Il propose une mise en perspective de ces techniques dans un temps post 11 septembre : nécessairement associées, mais également dépendantes, de la force militaire des États, elles peuvent – si elles sont utilisées dans des conditions strictes et face à un adversaire susceptible de s’y soumettre – permettre l’obtention de résultats auxquels la force seule ne parviendrait pas. L’auteur nous met en garde face à l’effet contre-productif de la stratégie coercitive : elle provoquerait en fait une tendance contraire et imprévue qui renverserait les calculs stratégiques lui étant normalement associés. Ce n’est pas l’État visé qui craindrait dans ce cas les conséquences de la coercition, mais bel et bien l’État brandissant la menace. Or, les auteurs réalistes de cette stratégie n’ont pas imaginé la situation où elle contraindrait davantage l’État fort que l’État faible.
D’une lecture agréable tant dans le contenu que dans la forme, cet ouvrage se vit comme une exception de la littérature post 11 septembre. En produisant un effort bibliographique important et en mettant à notre disposition une somme de références contemporaines, l’auteur cherche à produire un croisement de sources, nous permettant d’émettre un regard critique et complet sur l’état de la situation internationale.
Ses douze leçons apportent un bon aperçu des problématiques de sécurité contemporaines. Elles contribuent, conformément à la volonté de l’auteur, à une introduction au champ d’études stratégiques. Il faut reconnaître que les spécialistes regretteront un traitement un peu rapide de certaines questions mais, faut-il le rappeler, ceci n’était pas l’objet de l’ouvrage.